Jacques GOMILA (†) et May CLARKSON
“Éléments pour une ethnographie du mariage
et de la reproduction
chez les bedik. (Sénégal Oriental)”. *
- Résumé
- Note linguistique
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- PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES BEDIK ET DE LA RECHERCHE
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- Les Bedik
- Les études antérieures
- But et méthode de la recherche projetée
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- AVANT LE MARIAGE
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- La puberté
- L’excision
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- LE MARIAGE
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- Fiançailles d'enfants et choix du conjoint
- Types de mariage
- Rituel du mariage
- La vie conjugale
- Le divorce
- L’adultère
- Veuvage et lévirat
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- LA PROCRÉATION
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- La conception
- La grossesse
- L’accouchement
- La sortie au vent
- La réincarnation
- Allaitement et sevrage
- Éducation de l’enfant
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- ETHNO-GYNÉCOLOGIE BEDIK
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- Perception des maladies de la femme chez les Bedik
- busyo (ou kalyian)
- bo péde
- Stérilité
- Ménopause
- Quelques données cliniques
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- Conclusion
- Bibliographie
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- Tableau 1. Maladies stérilisantes et abortives qui existent dans les groupes africains peu féconds (par ordre d’importance)
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- Figure 1. Implantation des villages Bedik
- Figure 2. Fiche individuelle pour chaque femme Bedik (mariée, veuve ou divorcée.
- Figure 3. Pour identifier le réincarné, faire syakar à l’aide de cailloux et de trois branchettes de bois coupé
- Figure 4. Pour vérifier si l’enfant est serpent réincarné
RÉSUMÉ
Éléments pour une ethnographie du mariage
et de la reproduction chez les Bedik (Sénégal oriental)
Les auteurs présentent ici un rapport très complet sur le mariage et la naissance d'enfants chez les Bedik. À la frontière de l'anthropologie sociale, de l'anthropologie médicale et de l'anthropologie biologique, l'article présente les contextes pertinents à la compréhension des pratiques bedik en ce domaine. Orienté sur le point de vue et les problèmes des femmes bedik, l'article propose une ethnogynécologie des Bedik.
Elements for an ethnography of marriage and reproduction
among the Bedik (eastern Senegal)
The authors present a very thourough report on marriage and child-birth among the Bedik. Bordering on social, medical and biological anthropology, this article presents contexts pertinent to the understanding of Bedik practices in this field. Orientated towards the viewpoint and problems of Bedik women, this article proposes an ethnogynecology of the Bedik.
NOTE LINGUISTIQUE
La notation des noms vernaculaires utilise les caractères de l'Alphabet Phonétique International (I.P.A.) avec quelques modifications. La prononciation des signes utilisés est la suivante :
- b équivaut au b prononcé avec une occlusion glottale
- d équivaut au d prononcé avec une occlusion glottale
- dy équivaut au son di de « dieu »
- ny correspond à la nasale du français , agneau »
- sy correspond au français ch de « chat »
- ty correspond au français ti de « tiare »
- n correspond à la nasale de l'anglais « to sing »
- x correspond à la fricative sonore du danois « kage »
- x correspond au son précédent nasalisé
- x correspond à la fricative sourde de l'allemand « ich »
- w correspond à l'anglais w et « we »
- w correspond à son précédent nasalisé
- Y correspond à l'anglais « you »
- Y correspond au son précédent nasalisé
- a correspond au son français de la voyelle a de « petit
- v correspond au son français de la diphtongue eu de « peu »
- w correspond au son russe de la voyelle i arrière
- c correspond au son français de la voyelle o de « pot »
- o correspond au son français o de « peau »
Les trois tons existants sont notés pour le ton haut, pour le ton bas, l'absence de signe diacritique indiquant un ton moyen.
PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES BEDIK
ET DE LA RECHERCHE **
Les Bedik
Les Bedik, ou Tendanké, constituent une tribu de quelque 1 500 personnes. Ils vivent sur un territoire d'environ 300 km2, dans le département de Kédougou, au Sénégal oriental, au sud de la Gambie et à l'ouest de l'axe routier Tambacounda-Dédougou, près des frontières des Républiques du Mali (environ 100 km à l'est) et de la Guinée Konakry (environ 30 km au sud) (figure 1). Ils voisinent avec des Peul, des Malinké, des Bassari, des Coniagui et des Diaranké. Autrefois appelés « Bassari du Bademba », ils ont été identifiés en 1961 par le R.P. Paravy, alors missionnaire à Kédougou, comme un groupe autonome qui se distingue des Bassari par l'habillement, le langage, la patrilinéarité et les patronymes (mandingues).
Les Bedik sont des agriculteurs sur brûlis : la culture du mil, de l'arachide, du fonio et du pois de terre constitue la base de leur subsistance. Leur production est rarement suffisante pour remplir la totalité de leurs besoins ; ils ont donc recours à la chasse et à la cueillette pour s'assurer certains aliments d'appoint. L'alimentation des Bedik n'en reste pas moins « essentiellement glucidique, les fractions lipidique et surtout protidique étant très réduites » (Gomila 1971 : 22).
Figure 1. Implantation des villages Bedik
La population bedik se subdivise en deux fractions, Banapas et Biwol, qui se distinguent tant par des nuances linguistiques que par des différences culturelles : répartition des lignages, différences dans l'organisation sociale masculine, les cérémonies et lieux d'initiation, le calendrier des fêtes (Gomila et Ferry 1966). Nous verrons plus loin qu'il y existe également des différences entre Banapas et Biwol dans la cérémonie de « sortie de l'enfant », huit jours après la naissance.
Fait intéressant, il existe aussi chez les Banapas une fête pour les femmes mariées, nya-tyodongal, qui a lieu en janvier tous les quatre ou cinq ans ; les jeunes filles et les femmes divorcées ne participent pas à cette fête. Les femmes qui dansent nya-tyodongal pour la première fois sont appelées bo-tyor ; la fête constitue en quelque sorte pour elles une « initiation sociale » à la vie de femme mariée. Cette fête, sur laquelle nous regrettons de posséder trop peu de données, n'existe pas ou n'existe plus chez les Biwol.
Les études antérieures
Depuis quinze ans, de nombreux chercheurs ont contribué à la connaissance du peuple bedik, tant au niveau de l'organisation sociale (Gomila et Ferry 1966, Gomila 1971) que de l'histoire (Ferry 1967a, Gomila 1971, Ferry 1972), de l'anthropologie physique et médicale (Desmarais 1969, Gomila 1971, Bouloux 1972, Bouloux et al. 1972, Langaney et al. 1972, Illounga 1975), de la linguistique (Ferry 1967b) et de l'ethno-botanique (Ferry et al. 1974). Jacquard, dans deux de ses ouvrages récents (1974a et 1974b), donne des Bedik une synthèse, les prenant comme modèle de ce qu'il appelle une « population archipel ». Cette liste n'est pas exhaustive mais montre déjà toute la richesse de l'information dont nous pouvons disposer ; le lecteur qui voudrait mieux connaître la population bedik pourra se référer à ces diverses publications ainsi qu'à d'autres qu'on trouvera citées dans le texte et en bibliographie. Les Bedik constituent donc une population de l'Afrique de l'ouest pour laquelle nous savons entre autres à peu près tout ce qui touche à l'organisation sociale, politique, économique et culturelle ; ils offrent donc au chercheur un matériel de choix pour entreprendre des recherches quelque peu marginales comme la nôtre, en permettant de placer les observations pertinentes dans la perspective qui doit être celle de l'anthropologie biologique bien comprise : étude de la biologie de l'Homme dans son milieu, dans sa société et sa culture.
But et méthode de la recherche projetée
La plus grande partie des données présentées ici a été recueillie au cours d'un séjour de trois mois chez les Bedik (début mai - fin juillet 1971). Notre but, en partant sur le terrain, était de rassembler un maximum d'information sur le mariage et la fécondité des femmes bedik, tant au point de vue ethnographique qu'au point de vue démographique. Nous publierons ici les données ethnographiques. Les données démographiques paraîtront sous peu dans la revue Population. Nous possédions déjà au départ un certain nombre de données sur la polygamie et la fécondité respective des hommes et des femmes bedik (Gomila 1969). Le même auteur avait également mentionné l'importance attachée par les Bedik à la fécondité, importance qui se traduit entre autres par une différenciation dans le langage entre la femme qui a eu des enfants, pour laquelle on emploie un pluriel de courtoisie, et celle qui n'en a pas eu, à qui l'on s'adresse au singulier ; de la même façon, comme nous avons pu le constater plus tard, mourir sans descendance se dit olxm, et mourir en laissant des enfants, a-tyas.
Nous disposions au moment de partir sur le terrain d'un précieux document, la liste nominative complète, dressée par l'un de nous de la population bedik par carré [1], par lieudit, par village et par fraction, dont on trouvera une page exemplaire en annexe ; sur ses conseils, nous avions également préparé un modèle de fiche individuelle (figure 2) sur laquelle il serait noté, pour chaque femme :
- - Le numéro qu'elle porte dans la liste nominative
- - Le village et le carré où elle vit (ainsi que le lieu-dit, si nécessaire)
- - Son nom
- - Pour une femme Banapas seulement : sa « classe », c'est-à-dire le nombre de fois qu'elle a dansé nya-tyodongal, ce qui nous permettrait de connaître de façon très approximative le nombre d'années de mariage.
Pour chacun des mariages de cette femme, seraient notés ensuite :
- - Le nom du mari (ou des maris successifs)
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- - L'appellation que la femme utilisait à son égard avant le mariage (ce qui nous permet de connaître le degré de parenté classificatoire entre les deux conjoints)
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- - La cause du mariage : une femme peut, par exemple, avoir été héritée
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- - La cause de la fin du mariage : décès du conjoint ou divorce
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- - Le nombre d'enfants qu'elle a eus pendant son mariage avec cet homme (on note également, le cas échéant, les enfants nés avant le premier mariage).
Figure 2. Fiche individuelle pour chaque femme Bedik
(mariée, veuve ou divorcée.
On noterait ensuite pour chacun des enfants nés de cette femme les prénoms usuels autres que le prénom ordinal, le rang de naissance et l'âge au décès s'il y a lieu, ainsi que le nombre et le rang des avortements.
Les Bedik utilisent le prénom ordinal (u- yat), qui « est donné d'office à la naissance et situe dans un ordre chronologique les enfants d'une même femme » (Gomila et Ferry 1966 : 227). Ceci facilitait beaucoup notre travail, puisque les seuls enfants qui ne reçoivent pas ce prénom ordinal sont les enfants morts avant la « dation du nom », c'est-à-dire, avant huit jours ; les mères ne risquaient donc pas d'oublier de mentionner un enfant qui serait mort après la dation du nom, ne fût-ce qu'après un mois d'existence. D'une façon générale, elles se rappelaient également avoir eu un avortement ou un enfant mort-né, par exemple, « entre Syaro et Nyano », c'est-à-dire ici entre le premier enfant (un garçon) et le second (une fille).
Les prénoms ordinaux sont notés sur la fiche individuelle : contrairement à ce que croyaient en 1966 Gomila et Ferry, ces prénoms ne sont pas plus nombreux pour les femmes que pour les hommes. Le septième prénom masculin, Fula, nous a été mentionné à quelques reprises au cours de notre séjour sur le terrain. Il est évident que l'on trouve chez les Bedik un plus grand nombre de Syaro et de Tama (respectivement le premier et le deuxième garçon) que de Fula (le septième), voire de Syaro batela (c'est-à-dire le huitième fils, « Syaro recommencé »). Chez les filles, les Nyano et les Kuma (première et deuxième fille) seront plus nombreuses que les Etyeda (septième) et les Nyano batela (huitième fille).
Outre le prénom ordinal, certains prénoms individuels (úyãràsy), attribués au moment de la dation du nom, peuvent nous apporter de précieuses indications sur la fécondité. Par exemple, lorsqu'une femme a déjà perdu plusieurs enfants en bas âge, on pourra donner à un nouvel enfant le prénom Lafe, « Essayons » : ce qui dans le contexte signifie, « essayons au moins de garder celui-là ».
Notons également que pour une femme, le prénom ordinal sera utilisé avec la marque du pluriel si celle qui le porte est mère de famille : Nyano-ban, Kuma- ban ... (Gomila et Ferry 1966).
Pour remplir ces fiches individuelles, nous avons interviewé au total 448 femmes bedik, ce qui représente à peu de choses près l'effectif complet des femmes mariées, veuves ou divorcées ; en effet, les seules femmes que nous n'avons pu interroger sont celles dont on nous disait qu'elles étaient trop vieilles et ne se souvenaient de rien, et celles - très rares - qui étaient absentes de leur village et que nous ne pouvions rencontrer ni ailleurs, ni lors d'une visite subséquente.
Nous déplorons jusqu'à un certain point le fait de n'avoir pu trouver chez les Bedik de femme parlant suffisamment français pour nous servir d'interprète. Si les femmes ne manifestaient pas à notre avis de gêne particulière à parler devant un interprète masculin de leurs enfants morts ou vivants, il en allait parfois différemment lorsqu'il s'agissait de parler de leurs mariages successifs ; les femmes qui avaient divorcé plus d'une fois, par exemple, semblaient manifester certaines réticences. Nous avons pu à certains moments obtenir des renseignements complémentaires par le biais de celui d'entre nous qui étudiait au même moment le mariage chez les hommes (soit 343 hommes bedik, dont 111 Banapas et 232 Biwol).
Aux données déjà inscrites sur la fiche individuelle, nous avons ajouté le nom des « key » de la femme interviewée, c'est-à-dire le nom des garçons qui ont été initiés l'année où elle-même a été excisée, et avec qui elle a de ce fait une relation particulière à plaisanterie ; l'excision ayant lieu en principe trois ou quatre ans après le début de la puberté, nous pouvons ainsi connaître l'âge approximatif de la femme, car en utilisant la méthode du calendrier historique, on a pu déterminer l'année d'initiation de la plupart des hommes.
Enfin, sont ajoutés en bas de page quelques remarques portant sur des faits caractéristiques : nombre d'avortements, naissance de jumeaux, infirmités apparentes ou séquelles de maladie chez la femme, fécondité terminée ou non...
Ces données ethno-démographiques ont été recueillies pendant les deux premiers mois de notre séjour en pays bedik ; pendant le troisième mois, nous nous sommes attachés à recueillir le plus grand nombre possible de données ethnographiques sur le mariage et la procréation. Pour ce faire, nous avons travaillé surtout avec nos interprètes, Lampa Beagung et Limbam Batranke, et leurs épouses respectives, Nyano Kadidia Beyar et Pena Mariama Mabangu ; nous avons aussi travaillé à l'occasion avec Yero Bakone et avec Tamana Mabangu, « chef de la coutume » (adem ar usyil) dans le village d'Etywar, qui est également un devin très réputé et ce non seulement chez les Bedik, puisque sa réputation s'étend jusqu'à Dakar. Plusieurs longues conversations nous ont permis de dégager l'essentiel des données rapportées ici, données complétées par des notes de terrain (non publiées) de madame Marie-Paule Ferry, particulièrement en ce qui concerne l'excision. Nous sommes également redevables à madame Ferry de l'orthographe phonétique de la plupart des termes bedik que nous utilisons dans le texte. La notation des termes bedik utilise les caractères de l'alphabet phonétique international, avec quelques modifications énumérées dans la note linguistique, extraite d'Ethno-botanique Tenda (Ferry et al. 1974), qu'on trouvera àla fin de cet article. Ce même ouvrage nous a permis d'identifier les plantes dont nous connaissions déjà, par nos informateurs, le nom vernaculaire.
AVANT LE MARIAGE
La puberté
Bien qu'il n'existe pas chez les femmes Bedik de classe d'âge proprement dite, les différentes étapes de leur maturation physiologique sont bien marquées. D'après P. Smith (1971) « Les fillettes dont les seins commencent à paraître sont appelées, comme la classe des jeunes initiées, les petites » (p. 195), ma-dyabakala.
Chaque année, au moment du rituel d'ifesya, travail collectif dans les champs du chef de village qui a lieu en juillet, au début de la saison des pluies, la classe d'âge masculine des bã-las - terme que Smith traduit par « pressureurs » - choisit parmi les petites celles qui deviendront syungutun, ou « filles de la place ». Celles-ci doivent avoir déjà les seins bien développés. Ce passage à l'état de « fille de la place » sanctionne leur maturité physiologique. Elles auront dorénavant le droit d'avoir des relations sexuelles. Elles peuvent avoir en même temps deux ou trois petits amis qui seront parfois des hommes mariés, mais en aucun cas le fiancé auquel elles sont « promises » et qui paie pour elles le « prix de la fiancée ». Les a-ram de la fille (ses « camarades », ou les filles excisées la même année qu'elle) et les key du garçon (ses compagnons d'initiation) agiront entre eux comme intermédiaires : « Lorsque la fille accepte d'accorder ses faveurs au garçon, elle lui envoie une commission par une de ses a-ram. Le garçon va la retrouver dans sa case. Là elle lui fait manger un plat qu'elle a réservé pour lui, lui roulant elle-même les boulettes de nourriture et les lui donnant à la main. Après cela on cause et puis on va se coucher » (Gomila et Ferry 1966 : 211-212).
Lorsque ces rapports sont notoires, le garçon et la fille ont en public des relations d'évitement ou de « honte » (syafan) du moins jusqu'à ce que la fille invite le garçon à manger avec elle en présence d'autres femmes, ce qui sanctionne publiquement leur mutuelle attirance.
Les premières menstruations ne semblent pas avoir chez les Bedik une grande importance sociale. Les mères ne préviennent pas les filles qu'elles vont être menstruées ; celles-ci l'apprennent en observant leurs aînées, en les écoutant parler entre elles, de telle sorte que lorsque cela leur arrive, elles savent déjà à quoi s'en tenir et comment fabriquer le vêtement spécial qu'elles porteront à ce moment (il s'agit d'un vêtement noir en tissu, comme un slip, épais ; les femmes en ont deux, qu'elles portent et lavent tour à tour). À notre connaissance, il n'existe pas de tampon hygiénique bedik.
On emploie diverses expressions pour désigner les menstruations : fètyem, « la lune » (une femme dira alors : « la lune m'a prise ») ; u-làb, « le lavage » ; cfAter, « être en fleur ,. Une de nos informatrices précise le sens de cette poétique désignation en disant que la femme doit avoir ses règles pour avoir des enfants, comme un arbre porte des fleurs avant d'avoir des fruits.
Une « fille de la place » peut très bien avoir des relations sexuelles avant d'avoir eu ses premières règles. On dira d'une telle fille, quand elle couche et qu'on voit qu'elle ne tombe pas enceinte, qu'elle a « grandi avant ses oeufs ». Niano Kadidia, l'informatrice citée plus haut, nous donne à cet effet l'exemple d'une fille d'Etywar qui faisait l'amour depuis dix ans et qui n'était jamais enceinte : elle vient tout juste d'avoir son premier enfant.
Au moment des menstruations, les relations sexuelles sont interdites (Tana).
Les filles non excisées sont les seules à prendre des précautions anticonceptionnelles. En effet, en toute autre circonstance, les grossesses semblent très bien acceptées. Parmi les 448 femmes mariées que nous avons interrogées, 237 (soit 53%) étaient déjà mères au moment de leur mariage ou se sont mariées enceintes ; l'enfant appartient alors au mari, la paternité sociale prenant le pas sur la paternité biologique.
Pena, une autre de nos informatrices, dit que la syungutun, non excisée qui ne veut pas être enceinte, portera dans ses cheveux un morceau (la pointe) d'une aiguille achetée au marché. Elle ne l'enlèvera qu'au moment où elle décidera de se marier et d'avoir des enfants.
Par ailleurs, et bien que l'homme pratique à l'occasion le coitus interruptus, il n'existe par pour les femmes de médicaments contraceptifs. Ou utilise par contre très souvent les abortifs. La fille enceinte qui veut provoquer un avortement utilise d'abord l'écorce de l'arbre gi-tyeler (Erythrina senegalensis) ; on fait bouillir l'écorce, on en fait une infusion que l'on boit. Si cela ne réussit pas à déclencher les règles ou à provoquer l'avortement, on prépare une infusion avec des racines de gi-kegél (Raphia sudanica, ou palmier-ban) et on boit cette infusion. En dernier ressort, on boira de la poudre à fusil dissoute dans l'eau que les femmes achètent aux Diula (ou colporteurs). D'après notre informatrice Kadidia, cela réussit et ne rend pas la jeune fille malade. Il est évident que cela ne peut pas toujours « réussir » et qu'il arrive qu'une fille non excisée se retrouve enceinte. Chez les Bedik, comme on le verra plus loin, on a prévu et accepté le cas.
L'excision
L'excision consiste chez les Bedik en une ablation des petites lèvres (ba-naf, ce qui signifie aussi « oreilles »). Le clitoris, qu'on désigne entre autres sous les noms de i-txg (« intact à l'excision »), de i-pum et de i-tyiny-at, n'est pas touché. On trouve à cet effet dans Ethno-botanique Tenda (1974) un passage intéressant :
- « Le tronc qu'on laisse dans un champ en débroussant et en coupant les arbres à un mètre du sol a pour nom i-pum. Ce dernier terme désigne aussi le clitoris ou plus exactement « ce qui n'est pas coupé à l'excision » (p. 9).
L'excision, comme la circoncision, porte le nom de m-amàty, à rapprocher de c-Màty, « couper au couteau ».
En principe, l'excision, moment culminant de la vie d'une femme, donne lieu à une fête organisée par les parents. En pratique toutefois les jeunes filles qui craignent la sorcellerie demandent très fréquemment à être excisées en cachette. On considère en effet que les femmes sont au moment de l'excision, comme d'ailleurs au moment de l'accouchement ou après de nombreuses maternités, particulièrement vulnérables aux sorciers.
La relation, toute de respect et d'affection, avec le kào (oncle maternel) revêt une très grande importance au moment de l'excision. Le kào peut accéder au désir de la jeune fille d'être excisée dans l'année, même si le père n'est pas d'accord. Au moment même de l'excision, le kào tient la jeune fille, assise, par derrière. C'est un forgeron qui procède à l'opération, à laquelle assistent seules les femmes déjà excisées. Dans une excision décrite par Marie-Paule Ferry (communication personnelle), le forgeron arrive tôt le matin et se rend à l'endroit de l'opération. Les femmes s'y rendent en file, l'une d'elles, la mère en l'occurrence, portant une calebasse de beurre de karité. La fille est assise, le forgeron également, les femmes se tiennent autour. Il semble que l'opération, faite au couteau, soit assez rapide. La plaie est alors enduite, par la jeune fille elle-même ou par une autre femme, de beurre de karité, ou d'un mélange de savon fabriqué par les femmes et de beurre de karité.
Aussitôt l'opération terminée, les hommes - frères, fiancé, amants - restés à l'écart, tirent des coups de fusil « pour faire plaisir à la fille ». Ceux qui n'ont pas de poudre pour tirer vont lui offrir des cadeaux. Ceux-ci portent le nom de )-YAn, de « donner », alors que les cadeaux de mariage se nomment u-dik, de « payer ».
Sitôt l'opération terminée, le forgeron se lave les mains et lave le couteau avec de l'eau dans laquelle se trouve un bà-syál (médicament).
Pendant huit jours, la jeune excisée ne parlera pas du lever du soleil jusqu'à midi. Elle va danser pendant les trois jours que dure la fête, et porte à ce moment la tenue de fête des filles.
Jusqu'au moment de la fête du mu-dind, ou meresy, en janvier, la jeune excisée porte le nom de bètubè, comme les jeunes circoncis jusqu'au moment de l'initiation. Les bètubè ne doivent pas avoir de relations sexuelles (ce qui pourrait sembler une sage précaution, compte tenu du temps nécessaire à la cicatrisation).
Une fille simple d'esprit, une folle, une infirme ou une épileptique, ne seront pas excisées, et ne pourront donc en principe ni se marier, ni avoir d'enfants.
L'excision que nous avons décrite s'accompagne d'une fête, avec de nombreux cadeaux pour la jeune fille aussi bien que pour le forgeron qui opère, de la bière, des danses... Mais comme nous l'avons mentionné plus haut, l'excision peut aussi se faire en cachette, s'il s'agit d'une fille qui croit avoir des raisons de craindre les sorciers. L'excision d'une jeune fille enceinte se fera également sans ostentation.
Les filles enceintes avant l'excision ont très honte, même devant leurs amies, « parce qu'elles font rire d'elles ». Elles ne parlent à absolument personne de leur grossesse et tentent de se faire avorter. Si elles n'y arrivent pas, au moment où les gens s'aperçoivent que la jeune fille est enceinte, c'est le père de la fille qui va prévenir le forgeron et lui demande d'exciser sa fille. Le plus souvent, le père ne se met même pas en colère : c'est la fille seule qui « a la honte ». Sa mère cherchera à la consoler en lui disant qu'elle n'est pas la première à qui cela arrive, et que de toute façon, c'est une bonne chose d'être enceinte. Les amies de la syungutùn, sont les seules à partager sa honte et ne la regarderont pas au moment de l'excision, même si elles sont présentes.
Cependant, même dans ce cas, le kào est présent à l'excision et soutient la jeune fille par derrière. Si la fille a trop honte devant son kào, celui-ci se fera remplacer par un des sànàô de la fille (cousins croisés utérins avec qui elle a des relations à plaisanterie. Les sànàô classificatoires sont des conjoints potentiels).
Le jour de l'excision, après l'opération, le forgeron interroge la fille pour savoir qui est le père de l'enfant ou plus précisément qui l'a « déboîtée » (dépucelée). Il dit alors du garçon que c'est un bouc (fadang) « qui ne dort pas la nuit ». Le forgeron dit à tout le monde le nom du garçon, et celui-ci a honte à son tour. L'enfant appartiendra à l'époux qui aura payé le prix de la fiancée.
Il arrive dans des cas extrêmes qu'une femme accouche avant d'être excisée. Nous en connaissons au moins un exemple : Pesebi Kante Bandiel, fille de Tambandiang, qui a été excisée une semaine après son accouchement. La sanction dans ce cas n'a pas porté sur la jeune femme, mais sur son père, dont les gens disent simplement : « Tambandiang a trop attendu pour la faire couper, ce n'est pas normal ».
LE MARIAGE
Fiançailles d'enfants et choix du conjoint
Dans certains cas, une fille peut être « promise » dès sa naissance. En effet, si une femme accouche dans un autre carré que le sien ou encore si un homme ou une femme d'une autre famille est de passage dans le carré où elle accouche, on « attachera » (mahàp) l'enfant à la famille de cet homme ou de cette femme, qui dira alors : « Dieu nous a donné » l'enfant. S'il s'agit d'un garçon il sera a-yéndàmxl, l'ami de son fils. S'il s'agit d'une fille, on « l'attache » avec un chiffon blanc, des colliers ou des bagues : elle est promise en mariage - par sa mère, sa grande soeur, sa grand-mère ou son père s'il se trouve là - à un membre de la famille du visiteur.
Un père peut aussi choisir une fiancée pour son fils quand ce
dernier est âgé de quatre ou cinq ans. Il donnera alors à la famille de la fille cinquante francs CFA [2], une calebasse (c-sèf) et deux bandes de coton tissé (tycdé), ce qui constitue à la fois, comme on le verra plus loin, la demande « officielle » en mariage et le début du paiement du « prix de la fiancée ».
Lors de la fête du mu-dind, en janvier, les petites filles et les syungutùn se choisissent un « petit ami » (labar u-rôm) ; pour les plus petites filles, c'est la mère qui choisit. Il y a alors une danse à l'a-ngwôd (aire de travail) du village. Les filles apportent de la bière à leur ami, s'accroupissent devant lui et le font boire. Ils échangent de menus cadeaux. Les syungutùn passent parfois la nuit avec leur petit ami, mais ils peuvent aussi se quitter plus tôt. De façon générale, ces « fiançailles d'enfant » ne semblent pas porter à conséquence.
En définitive, c'est la femme qui décidera du choix de son conjoint : elle peut refuser le mari qu'on lui a choisi, même si ce dernier a payé le « prix de la fiancée ». Par exemple, Kadidia, la femme de Lampa Beagung, devait épouser Karfa Kante Bapen : elle n'a pas voulu, et ses parents ont remboursé le prix de la fiancée sans lui faire de reproche. Niandinch, la soeur de Mada Beagung, a refusé d'aller chez le mari qu'on lui avait choisi. Son frère a fortement insisté et a même voulu l'obliger à ce mariage, qui ne s'est tout de même pas fait.
Types de mariage
Les Bedik distinguent plusieurs types de mariage (e-nyar). Le mariage le plus complet s'appelle e-nyáred ipèr, de nye-per, le sifflet dont la musique accompagnera, dans ce type de mariage, le cortège nuptial. Il est célébré pour les filles dont on a fêté l'excision, qui n'ont pas eu d'enfant et ne sont pas enceintes au moment du mariage. Ce type de mariage est extrêmement rare : en effet, comme on l'a vu plus haut, l'excision se fait fréquemment en cachette et 53% des filles, au moment du mariage, sont déjà mères ou sur le point de l'être.
Un mariage peut être e-nyár-imxgal (de : « prendre dans la main »), lorsqu'un homme prend pour épouse une fille promise à un autre qui a paye pour elle le prix de la fiancée, ou une femme déjà mariée qui divorce pour aller chez lui. C'est une situation courante, car une fille rejette assez fréquemment le mari qu'on lui a choisi pour aller de son propre chef vivre chez un autre. Toutefois, si ce dernier accepte de la prendre pour épouse, il devra payer un « prix de la fiancée » qui sera plus élevé que si la fille lui avait été promise au départ, et la belle-famille peut exiger qu'il paie sans délai le montant total de la dette. La famille de la jeune fille, en effet, doit rembourser le soupirant ou le mari lésé, et se dédommage de ses ennuis aux frais de l'heureux élu.
J. Gomila et M.P. Ferry se sont trompés en 1966 lorsqu'ils ont écrit (p. 241) : « Eu égard aux règles de mariage, qu'ils soient pairs ou impairs, stricts ou classificatoires, tous les degrés de parentés énumérés plus haut interdisent le mariage à l'exception des Sãnãhó, cousins croisés utérins. Cette coutume particulière appelée en bedik bimasy gake « habitude de rendre », visait, selon certaines informations recueillies, à rétablir l'équilibre entre les lignées dans l'échange des femmes.
« La lignée A qui au niveau 1 gagne une femme aux dépens de la lignée B, rendra à celle-ci une femme au niveau 2, afin de rétablir l'équilibre.
« Par extension ce mariage est devenu un mariage préférentiel des Sãnãhó au sens strict et classificatoire ».
Un mariage peut aussi être e-nyar-i-lubal (de u-lc bàl, « prêter quelque chose qui sera rendu tel quel »), lorsqu'un jeune homme demande qu'on lui « prête » la jeune fille avant qu'il ait fini de payer le prix de la fiancée, ou lorsqu'il n'a pas suffisamment de nourriture ou d'argent pour la célébration du véritable mariage. En principe les beaux-parents (a-yara = ce qui est beau) ne font alors que « prêter » leur fille jusqu'au moment où l'on pourra célébrer le mariage, et peuvent la reprendre. En pratique, dans la plupart des cas, le « vrai »mariage - qui supposerait que la fille retourne pendant huit jours dans le carré de ses parents, puis revienne chez son conjoint selon le rituel traditionnel - n'aura jamais lieu. Notons que le mariage i-lubal pourrait être en même temps ipèr.
Il existe chez les Bedik des unions entre parents cIassificatoires (i-bányxr, de bany être frère »). Chez les Biwol, on trouve un type de mariage i-bányxr swmarie (dans la famille paternelle) avec les cousins parallèles que l'on appelle, comme ses propres frères et soeurs, kõtõ lorsqu'ils sont plus âgés que ego, ndõho lorsqu'ils sont plus jeunes. Les Banapas méprisent ce type de mariage et disent que les Biwol « se marient comme les Peul ». Ce type de mariage effectivement emprunté aux Peul est peu fréquent et ne se fait qu'à l'intérieur des lignages qui ont une forte représentation démographique, de sorte que le lien de parenté entre conjoints devient tout à fait symbolique.
On peut également se marier « l-bányxr lwmarie » (dans la famille maternelle). Une femme peut par exemple décider de « rendre » une fille à la famille de son père. Elle donnera sa deuxième fille en mariage au fils d'un de ses frères classificatoires. Ce mariage entre sanaho (cousins croisés utérins) s'appelle bimasy gake, « habitude de rendre », et c'est chez les Bedik un mariage préférentiel (Gomila et Ferry 1966). Il existe une seconde façon d'épouser sa cousine croisée utérine sans pour autant faire un mariage « gake » : c'est de demander à son kào, qui ne peut rien refuser à son neveu kào, de lui donner sa fille comme épouse. On voit donc qu'il y a toute une marge entre le modèle conçu d'un trait culturel tel qu'on l'obtient en interrogeant un informateur privilégié, moyen le plus rapide et le plus confortable pour obtenir une réponse à une question, en faisant de l'« arm-chair anthropology », et la méthode systématique qui consiste à analyser des comportements réels sur un nombre appréciable de personnes. Cela requiert plus de temps et de peine, mais on risque moins de jeter sur le marché scientifique de la littérature une erreur que des générations d'anthropologues se passeront les uns aux autres sous le seul prétexte que c'est vrai puisque cela a été imprimé. Nous avons rarement vu quelqu'un écrire « Je me suis trompé » et celui d'entre nous qui a commis cette erreur il y a plus de 10 ans maintenant est très fier de le faire.
Rituel du mariage
Les préliminaires
Lorsqu'un homme bedik désire épouser une jeune fille, il ne fera lui-même les premières approches que s'il n'a pas le choix ; sinon, il demandera à son père, à son grand frère, à son oncle maternel, voire à son grand-père, de s'en occuper pour lui. On demande au père de la fille si celle-ci est libre : c'est ce qu'on appelle u-nyìn ba-màsy-l, la « demande en bouche ». Si la fille n'est pas déjà promise, le père ne rejettera jamais cette demande en mariage. Il dira toujours : « Moi, je suis d'accord, mais il faut que j'en parle à la fille, à sa mère, à ses frères. On en reparlera plus tard ».
Si la fille est d'accord, on choisira alors un intermédiaire (argangãm-ale, de ga-gnãm, « chemin »). On demande à ce dernier, en définitive, d'avoir les qualités d'un bon avocat : il doit être fiable, honnête, réfléchi, sympathique, avoir de la mémoire et la parole facile, et surtout, il doit agréer aux deux parties... L'argangamale, en effet, est « celui qui fait le chemin » : il servira d'intermédiaire pour toutes les transactions concernant le prix de la fiancée, et servira à l'occasion de modérateur si les exigences du père de la jeune fille sont trop élevées. Le prix de la fiancée est variable : on y trouvera généralement un taureau ou une génisse, une chèvre, un fusil, des pagnes de coton, parfois le coût d'un toit de case, du mil, etc. On y trouve également un montant en francs C.F.A. qui peut atteindre actuellement 10,000 à 15,000 francs et tend à se substituer aux prestations en nature. On ne donne jamais de poule, celle-ci étant considérée comme un animal malpropre, et on ne donne pas de bouc à moins d'avoir déjà donné une chèvre, car le bouc est considéré comme un animal « parcoureur ». Le « prix de la fiancée » est désigné, comme le cheptel, par le terme nãpulú, qui est également synonyme de richesse (Gomila et Ferry 1966).
Après le choix de l'intermédiaire, on fait, par opposition à la demande en bouche, la « vraie » demande en mariage, c-sèfcd i-nyìnè, « la calebasse de la demande ». Ceci consiste en une première prestation d'une calebasse de taille moyenne pour boire la bière (c-sèf), et d'une bande de coton tissé (tycde). Cette demande, comme plus tard la cérémonie du mariage, se fera un jeudi ou un dimanche. Si, huit jours après la demande, la calebasse et la bande de coton sont intacts (si les rats ne les ont pas touchés, etc.), on répondra : « D'accord, c-sèfcd áyãrár » ; cela signifie que la calebasse de la demande est acceptée et devient « la calebasse des beaux-parents ». Il est intéressant de noter qu'après cette demande officielle (et non après la « demande en bouche »), le gendre doit avoir avec sa belle-mère et ses belles-mères classificatoires des relations d'évitement, ou de « honte », comme le disent les Bedik.
Dans le cas du mariage i-bányxr lwmarye, lorsqu'un garçon épouse la fille de son kao, il se produit un renversement d'attitudes assez singulier et très drôle. En effet le neveu kao entretient avec la femme de son oncle kao une relation à plaisanterie et s'adresse à elle en l'appelant « ma femme », « mon épouse » ; advienne le cas où il épouse la fille de cette femme, celle-ci devient d'un coup sa belle-mère, et il est contraint de passer sans transition de la relation à plaisanterie extrême, à la relation d'évitement extrême.
Les membres de la famille de la fille peuvent à ce moment reprocher au futur époux certains manquements à leur égard ; le jeune homme donnera alors de petits cadeaux pour réparer ses torts envers la famille immédiate (le père, la mère, les frères et soeurs de la fille). Pour les autres, il paiera le jour du mariage. Il commencera également alors à payer le « prix de la fiancée ». Toutes ces transactions se font par l'entremise de l'argangamale, qui comptabilise le tout par de petits bâtonnets attachés et posés au-dessus de l'entrée de la case, chaque bâtonnet ayant une valeur de 500 francs C.F.A. Ceci a d'autant plus d'importance que les parents de la fille peuvent à tout moment « gâter », c'est-à-dire rompre leur accord, et qu'il leur faudrait à ce moment rembourser le prix de la fiancée.
Le jour où la jeune fille doit être excisée, ses parents envoient l'argangamale pour prévenir le futur époux, ceci évidemment dans le cas où l'excision ne se fait pas secrètement. Le fiancé va apporter de menus cadeaux à la fille et saluer son excision d'un coup de fusil. Après l'excision, les kaò de la jeune fille prennent celle-ci sur leurs épaules pour la ramener au village. L'argangamale lance alors à la jeune fille une bande de coton (tycde) déroulée. Si la jeune fille désire se marier, elle garde le tyodé ; sinon, elle le jette trois fois. Si elle n'est « pas sûre »d'avoir envie de se marier, elle jettera le tyodé cinq fois, ce qui équivaut en fait à réclamer au fiancé de petits cadeaux supplémentaires... Les filles en général ne sont pas pressées de se marier, puisqu'elles devront alors renoncer à leur liberté sexuelle et à la vie facile dans le carré familial, où elles travaillent quand elles le veulent bien.
Si l'excision se fait en secret l'argangamale préviendra le fiancé quand la jeune fille aura été excisée. La semaine suivante, le fiancé, accompagné de l'argangamale, ira saluer la jeune fille et ses parents. Il apportera des cadeaux - par exemple, cinquante francs, dix kola, un sac de mil - de la nourriture, et un tyodé. Il dira alors : « Je donne le tyodé pour vous prévenir que j'ai besoin de ma femme ». Si les beaux-parents sont d'accord, ils fixeront la date du mariage, un dimanche ou un jeudi. Le plus souvent, c'est à ce moment -immédiatement après l'excision - que le jeune homme cessera de payer le prix de la fiancée. Si, pour une raison ou une autre, les beaux-parents ne veulent pas que le mariage se fasse tout de suite - si par exemple ils trouvent que le prix payé par le fiancé n'est pas encore suffisant - ils diront : « Nous ne sommes pas prêts, nous sommes pauvres, les récoltes n'ont pas été bonnes... La fille n'aura pas suffisamment de calebasses et de canaris, sa mère n'a pas fabriqué assez de savon... » Ces accessoires de cuisine constitueront en effet la dot de la fille, la seule contribution de sa famille à l'établissement du ménage.
La cérémonie
Le matin du jour prévu pour le mariage, le futur époux fait porter chez les beaux-parents par l'argangamale une petite gourde de bière, et leur fait demander si le mariage aura bien lieu dãrc (aujourd'hui). Les beaux-parents confirment : oui, c'est bien dãrc .
Dans le cas d'un mariage ipèr, le soir, vers cinq ou six heures, l'argangamale apportera dans le carré de la future épouse une grande gourde de bière, envoyée par le fiancé « pour consoler les belles-mères ». On n'enverra pas cette « bière de consolation » si le mariage n'est pas ipèr.
La famille du futur époux vient se joindre à ce dernier, dans son carré, pour l'aider dans ses transactions avec l'argangamale. Vers huit heures, le soir, la famille de la fille se regroupe dans son propre carré. Le fiancé leur envoie l'argangamale : « Nous sommes prêts à vous recevoir, y a-t-il quelque chose qui ne va pas de votre côté ? - La famille de la fille fait alors état de ses doléances vis-à-vis du fiancé : « il nous a injuriés, il a oublié de nous saluer... » La belle-mère dira par exemple : « Il a refusé de m'aider, je lui avais demandé d'aller chercher un sac de mil à Bandafassi, il ne l'a pas fait... » On exigera du fiancé, en réparation, des cadeaux variés, mil, tabac, kola, francs C.F.A. L'argangamale « fera le chemin » d'une famille à l'autre jusqu'à ce qu'il puisse revenir chez le fiancé et lui dire que tout est réglé. On lui remettra alors dix ou vingt balles de fusil, ou, àdéfaut, des pierres de latérite, qu'il donnera à l'ar-gáf-ale (dec-gaf, tête) du cortège de la fille. Ce dernier, qui viendra en tête du cortège, déposera une balle ou une pierre au passage de chaque marigot et à chaque croisée de chemins, pour apaiser les génies.
L'argangamale va chercher la jeune épouse et sa famille, et leur dit : « Partons, il fait nuit ».
Le cortège comprendra d'abord un ar-gaf-ale de sexe masculin, suivi des hommes de la famille de la fiancée ; puis une femme ar-gaf-ale, suivie par la fiancée. Celle-ci est accompagnée par une syungutun qui ne la quittera pas pendant huit jours. Derrière la fiancée se trouve la porteuse de calebasses, o-dxbc)r ma-sám, qui transporte la seule prestation de la jeune épouse, ce dont elle a besoin pour faire la cuisine. Les autres femmes de la famille ferment le cortège.
En route, l'argafale décide des endroits - marigots ou croisements de chemins - où il faudra faire l'offrande d'une balle de fusil aux génies. S'il s'agit d'un mariage ipèr, le cortère s'arrêtera en chemin, le plus souvent à l'a-ngwôd (aire de travail) du village. L'argafale ira prévenir le futur époux de l'arrivée imminente du cortège. Le futur enverra alors à la famille de sa fiancée une grosse gourde de bière, qui sera portée par l'argangamale et par un membre de la famille du fiancé. Cette bière s'appelle i-kety ed, de u-hatya, « se rencontrer ». Après s'être désaltérés, les membres du cortège continuent leur route jusqu'au carré du futur époux, et s'arrêtent à l'entrée. On reprend alors les tractations, toujours par l'entremise de l'argangamale. « Nous n'entrons pas, il faut d'abord une balle de fusil ». On la leur donne ; les femmes vont alors se diriger vers la case préparée pour J'épouse, et les hommes, vers la case du mari. L'épouse et la porteuse de calebasses reçoivent une petit cadeau (25 à 50 francs C.F.A.) avant d'entrer dans la case. On donnera 25 ou 50 francs à l'épouse avant qu'elle s'assoie, avant qu'elle mange...
Avant d'entrer dans la case des hommes, le sãnãhó krusy (cousin croisé utérin véritable) reçoit également 50 à 150 francs C.F.A.
Lorsque les parents de l'épouse sont entrés, le mari vient les saluer et peut alors entrer à son tour. Les soeurs du mari vont laver les jambes des parents de la femme et les enduire de beurre de karité pour leur rendre hommage. On apporte, chez les hommes et chez les femmes, le « gâteau » ou bouillie de mil et une gourde de bière. Chez les Banapas, les parents de la femme prennent un peu de gâteau et le jettent par terre d'une chiquenaude (c-hxb) ; ce geste symbolique signifie « nous ne voulons pas manger, nous voulons encore de petits cadeaux »(bc-ndyan). Après quoi l'on mange, puis on converse et on danse jusqu'à l'aube.
Quand le jour pointe, la mariée va filtrer la bière dans l'c-hòd (« maison de la bière »). L'argangamale prend deux gourdes de bière, une pour les hommes, une pour les femmes. Quand tout le monde a bu, on laisse la jeune épouse seule dans sa case, et le chef de carré tue un coq devant sa porte ; la jeune femme doit sortir, puis entrer en passant pardessus le coq. On vérifie alors la couleur des testicules de l'animal. S'ils sont blancs, on augure bien pour le mariage. S'ils sont noirs, le mari ou la femme risquerait d'être malheureux en ménage.
On fait bouillir le coq et on se le partage, avec du fonio ou, à défaut, de la semoule et du riz, ainsi qu'une gourde de bière pour les hommes et une gourde pour les femmes.
Après le repas, les parents de l'épouse disent qu'ils vont partir ; la famille du mari fera encore de petits cadeaux, aux ar-gáf-ale, homme et femme, au kao de la jeune épouse, à la porteuse de calebasses... Puis la famille de l'épouse dit « Au revoir... C'est votre femme ; a-súxàr-ale u-mxdè asyãn-ale, asyn-ale u-mxdè a-súxàr-ale : la femme doit s'occuper de son mari, le mari doit s'occuper de sa femme ». Le mari rentre alors dans sa case : la jeune épouse fait mine de vouloir partir avec sa famille, les soeurs du mari la rattrapent.
La jeune femme va ensuite chercher de l'eau, la fait chauffer et en donne à chaque homme du carré, puis aux vieilles femmes, pour qu'ils puissent se laver. Pendant une semaine, sa seule tâche sera d'aller ainsi chercher l'eau pour la toilette des gens du carré. La syungutun qui l'accompagnait dans le cortège nuptial est toujours à ses côtés et partage sa case durant la nuit ; le mari ne couchera avec sa femme, en effet, que lorsque cette semaine sera écoulée. D'après certains de nos informateurs, le rôle de la syungutun pendant cette semaine serait de veiller à ce que la jeune épouse ne croise pas de perdrix sur sa route ; le cri de la perdrix risquerait de lui tourner la tête, voire de la faire avorter, ou de l'empêcher d'avoir des fils. D'après Lampa Beagung, toutefois, le cri de la perdrix serait nocif plutôt pour le mari, et le rôle de la syungutun serait uniquement d'aider la jeune femme à porter l'eau.
Six jours après le mariage, les autres femmes du carré préparent un repas devant la jeune épouse « pour lui montrer comment faire ». Le lendemain - un dimanche ou un jeudi, comme le jour du mariage - elles l'accompagnent chez ses parents. Elles remettent à ces derniers un petit cadeau, 100 à250 francs ou deux tycdé ; puis la jeune femme prend ce qu'il lui faudra - pois de terre, haricots et gombo - pour préparer, ce soir-là, son premier repas dans le carré de son mari.
La vie conjugale
La femme mariée passe la plus grande partie de son temps dans le carré de son mari. Ses tâches sont multiples : elle doit faire la cuisine, fabriquer la bière et le savon, aller matin et soir chercher de l'eau pour la toilette et la cuisine, filer le coton qui sera ensuite tissé par les hommes, modeler et cuire les poteries, s'occuper de ses enfants...
En plus, bien sûr, « la femme doit s'occuper de son mari », a-súxàr-ale u-mxdè asyãnale : ou encore, selon le sens premier du verbe u-mxdè, la femme doit « retenir » son mari. Notre informatrice Niano Kadidia nous dit qu'il existe des sacrifices et des médicaments pour obtenir ou garder l'amour du mari, surtout lorsque ce dernier est polygame ou simplement « parcoureur ». Kadidia ajoute qu'elle-même ne les connaît pas et ne les a jamais utilisés... mais il est possible que cette allégation, faite en présence de son mari Lampa, soit plutôt « diplomatique ». Le devin Tamana nous dit que les femmes vont lui demander des médicaments pour obtenir l'amour de leur mari. Elles peuvent également, lorsqu'elles couchent avec leur mari, s'enduire tout le corps d'un mélange de fruits de darã-darã (Desmodium gangeticum) et de beurre de karité. Ce mélange est aussi utilisé par les hommes à des fins semblables : « Les Bedik utilisent le mélange des cendres de Desmodium gangeticum et du beurre de karité à des fins amoureuses : l'homme s'en enduit avant d'avoir des rapports sexuels avec la femme qu'il aime » (M.P. Ferry et al. 1974).
Le mari qui désire une nouvelle épouse prévient d'abord sa femme ; sinon, nous dit Niano Kadidia, « celle-ci serait très fâchée ». Lorsque les co-épouses (a-syandàmxl) s'entendent bien, elles se partagent les tâches dans le carré. Tantôt l'une, tantôt l'autre apprêtera les repas ; celle qui n'aura pas à cuisiner ira par contre chercher l'eau nécessaire à la toilette du mari. Le partage des tâches peut parfois même inclure l'éducation des enfants : lorsqu'une mère de nombreux enfants vit dans le même carré qu'une femme stérile, elle « donnera » fréquemment à cette dernière un de ses enfants, après le sevrage. La femme stérile s'occupera de l'enfant, qui se considère alors comme ayant deux mères, la mère adoptive devenant d'ailleurs souvent la plus importante. Ce type d'adoption est courant chez les Bedik où la stérilité est relativement fréquente.
Le divorce
Les relations entre co-épouses ne sont évidemment pas toujours aussi bonnes. À l'occasion, les conflits entre co-épouses, voire la jalousie, peuvent amener une femme à quitter son mari, temporairement ou définitivement. Le divorce stricto sensu - avec remboursement du prix de la fiancée par les parents de la femme - existe chez les Bedik, et il est toujours le fait de l'épouse : un homme ne peut répudier sa femme, bien qu'il puisse, par ses mauvais traitements, l'amener à le quitter.
Il existe, mis à part les conflits entre co-épouses, plusieurs raisons de divorce (ufasyar). Une femme peut menacer son mari de divorcer s'il ne s'occupe pas suffisamment d'elle, s'il ne lui achète pas assez de pagnes et de « boubous », s'il ne couche pas avec elle, s'il lui préfère une autre femme ou s'il « parcourt » trop... Mais elle peut également décider de divorcer parce qu'elle n'aime pas son mari, parce qu'ils ne sont jamais d'accord, ou parce qu'elle aime un autre homme.
La femme qui veut divorcer va rentrer chez ses parents ou se rendre directement chez l'homme qu'elle aimerait épouser. Cette séparation n'est pas toujours définitive. Dans le cas du mariage imxgal, le nouvel époux choisi n'a pas toujours les moyens de rembourser le prix de la fiancée, et d'autre part, la femme est libre de changer d'avis. On verra assez fréquemment une femme quitter son mari au début de la saison des pluies pour se rendre chez un autre homme : pendant l'hivernage, en effet, le mari, pris par ses cultures, n'a pas le temps de pourchasser sa femme, et se dit philosophiquement qu'elle va peut-être lui revenir... ce qui, pour les raisons précitées, se produira parfois à la fin de la saison des pluies.
Pour une femme qui rentre chez ses parents après une querelle avec son mari ou parce que ce dernier la néglige, une réconciliation reste possible, parfois moyennant réparation, comme en témoigne l'histoire suivante, rapportée par Dondo Yero Keita Bakone et retranscrite comme suit :
« Lafké Kamara Behel et sa femme Niano Temandebi Keita Bafundu se bagarraient. Le mari a frappé sa femme de plusieurs coups de bâton, et fait des commentaires injurieux sur la mère de sa femme. Pour empêcher cette dernière d'aller se réfugier chez ses parents, il a ensuite détaché et caché tous ses pagnes : mais sa femme a emprunté un pagne à une amie et elle est allée chez sa mère.
Le lendemain, son mari Lafké a voulu la reprendre. Il a dit à sa belle-mère : « Je me suis bagarré avec ta fille et elle a pris la fuite, c'est pourquoi je viens voir si elle est ici ». Alors sa belle-mère a répondu : < Elle est arrivée en pleurant, et moi je lui ai demandé pourquoi tu pleures. Elle a répondu je me suis bagarrée avec mon mari, il m'a frappée avec un bâton, puis il t'a insultée, ensuite il a détaché tous les pagnes. » Alors la belle-mère demande au mari si c'est vrai. « Oui c'est vrai ». Alors sa belle-mère dit donc « Ma fille ne retourne plus chez toi, parce que moi aussi, je bagarre avec mon mari, mais il n'insulte pas ma mère ni mon père et il n'enlève pas mes pagnes ». Alors Lafké a demandé pardon. Donc sa belle-mère a dit « il faudra pardonner ta femme un mouton ». Et il a payé un bélier à sa femme puis sa femme est rentrée chez son mari ».
Les enfants d'une femme qui décide de divorcer doivent revenir au lignage paternel. Toutefois la femme pourra emmener avec elle son fils s'il n'est pas en âge d'être sevré et ses filles « jusqu'à ce qu'elles soient un peu grandes », c'est-à-dire jusqu'à huit ou neuf ans. Les garçons qui préfèrent rester avec leur mère pourront également le faire jusqu'à l'âge de huit ou neuf ans, après quoi ils retourneront chez leur père.
Le « prix de la fiancée » est remboursé au mari par les parents de la femme ; quand ce remboursement pose des problèmes, on peut avoir recours à un jugement chez le chef de village du mari. Si ce dernier s'estime lésé ou si le remboursement tarde trop, il aura recours à la justice, c'est-à-dire en premier lieu au chef d'arrondissement. Le divorce relève en effet, comme le meurtre, l'adultère et les autres problèmes de droit privé des lignages d'abord, de la justice ensuite, alors que les manquements contre la coutume sont des problèmes de droit public et relèvent de la classe des balas (les « pressureurs ») et des ba-fasyén (les vieillards).
L'adultère
Cet exemple est caractéristique de l'inégalité et de l'andro-centrisme qui prévalent dans une culture qui se veut égalitaire et dans laquelle les hommes ont et exercent le pouvoir bien qu'officieusement les femmes jouent aussi leur rôle et pour beaucoup de choses (enfant, mariage...) ont de fait le dernier mot dans cette société unanimiste.
Beaucoup de conflits, chez les Bedik, se rapportent aux femmes, mais sans nécessairement entraîner un divorce. Par exemple, il est socialement acceptable qu'un homme marié ait des relations sexuelles avec une syungutug ; mais la femme mariée doit fidélité à son mari et l'homme qui fait J'amour avec la femme d'un autre s'expose à des représailles socialement sanctionnées. Un mari peut battre sa femme, s'il la prend en flagrant délit d'adultère ; mais il fera imposer à son complice une amende, par l'intermédiaire des vieillards du village. Le rôle des vieillards est alors de concilier les deux parties, c'est-à-dire d'accorder réparation au mari trompé tout en tempérant ses exigences, comme en témoigne l'histoire suivante, rapportée par Lampa Sadiakho Beagung et retranscrite comme suit : « Histoire de Moussa Kamara Buband, et de Mada (Beagung) avec sa femme ».
« Mada avait fait un travail collectif, et alors le soir, pendant la danse des masques syambumbu, Moussa avait appelé la femme de Mada pour faire l'amour et Mada est parti les retrouver juste au moment qu'ils sont en train de coucher, et alors Mada fait un grand cri pour que tout le monde puisse savoir qu'il a pris un garçon chez sa femme. Et alors le matin il a fait rassembler les vieux pour parler, Mada a fait une amende de 2,000 francs mais les vieux ont demandé pardon à Mada en lui demandant de diminuer. Et Mada aussi a été d'accord sur 1,000 francs et alors Moussa a payé 1,000 francs sur le champ : Voilà l'histoire de Mada et Moussa ».
Madame Marie-Paule Ferry complète ce récit de la façon suivante (communication personnelle) : Moussa Kamara avait couché avec la deuxième femme de Mada Beagung dans le carré des Batranke. Mada a cherché la femme et ne l'a pas vue ; il est allé visiter le carré et l'a trouvée. Il a ouvert la porte, il a entendu parler ; il a refermé et appelé au secours. Après quoi il est entré et a allumé la lampe. Il a dit à Lampa : « Qui est celui-là ? » - « C'est Moussa Kamara » - « Qui est celle-là ? » « Kuma ta femme » - « Qu'est-ce qu'ils sont venus faire ? » - « C'était son amant ancien », « Pourquoi es-tu couché avec ma femme ? » - « C'était mon ancienne maîtresse, c'est Dieu qui a fait comme ça ». Lampa a conduit la femme chez elle, pour empêcher son frère Mada de la frapper. Puis ils ont envoyé Boya Bakone confisquer le fusil de Moussa et l'ont gardé en gage. Au moment où Moussa a payé son amende de mille francs, il a pu récupérer son fusil.
Veuvage et lévirat
Lorsqu'un homme meurt, ses femmes continuent à vivre dans son carré jusqu'au jour de i-labà, « l'héritage », rituel de funérailles qui a lieu environ un an après la mort. Le nom de ce rituel provient de u-labà, se laver, parce que « là où l'on décide qui va hériter, on lave les biens du mort » (M.P. Ferry).
Au moment d'i-labà, les femmes reçoivent, dans leur case, leurs frères et l'argangamale qui a « fait le chemin » pour leur mariage, s'il est toujours vivant, ou sinon, un autre homme qui pourra jouer le rôle d'intermédiaire. Les Bedik pratiquent le lévirat, c'est-à-dire que « la femme est héritée après le décès de son mari par un homme de ses lignées, généralement un frère, stricto sensu ou senso latu » (Gomila 1969 : 9). Au moment de cette transaction, l'argangamale servira encore une fois d'intermédiaire entre le lignage de la femme et celui du mari.
C'est la femme elle-même qui décide si elle va rester dans la famille de son mari, et si oui, par qui elle voudrait être héritée. L'argangamale va voir les frères de la femme. Ceux-ci lui diront par exemple : « Elle accepte de rester, si c'est X qui la reprend » ; ou encore, « elle désire rester avec ses enfants et demande si Y accepterait de s'occuper d'elle ». Il arrive en effet assez souvent qu'une veuve même encore féconde veuille rester avec ses enfants, dans le lignage du mari, mais sans se remarier ; elle se placera alors tout de même sous la protection d'un des frères classificatoires de son mari. L'argangamale portera le message aux membres du lignage du mari.
Il arrive également qu'une femme choisisse de retourner vivre au sein de sa propre famille, ou encore, chez un homme d'un lignage différent, ce dernier cas étant considéré comme un mariage imxgal. Il y aura alors un remboursement du « prix de la fiancée », plus ou moins intégralement selon l'âge de la femme et le nombre d'enfants qu'elle aura donné au lignage du mari.
LA PROCRÉATION
La conception
On croit chez les Bedik que la femme a des « oeufs » (Mw-lil) dans le ventre. Elle ne pourra toutefois avoir des enfants qu'après avoir couché avec un homme : « L'homme est plus “fort” que la femme ».
Les oeufs seraient tous dans le ventre de la femme en même temps. On dit d'une femme qui a gros ventre qu'elle a beaucoup d'oeufs, qu'elle aura beaucoup d'enfants. Le rôle exact des oeufs dans la conception est toutefois difficile à préciser. Ce serait peut-être l'oeuf qui se mêle au sperme (Ma-Tyan, « les hommes ») ou qui devient du sang ; à chaque coït, le mélange augmente - un de nos informateurs compare la femme à un « vase » qui se remplit de semences successives - puis cela finit par faire un enfant. Une femme ne pourrait donc avoir d'enfant si elle couche seulement une fois ou deux avec un homme, puisqu'il faut plusieurs coïts pour permettre la croissance du foetus. Par ailleurs, nous avons voulu savoir ce qui se produira par exemple si une femme enceinte divorce et ne couche pas avec d'autres hommes : ce à quoi on nous a répondu que le foetus allait continuer à grossir tout seul... mais moins vite. Le problème semble moins se poser si le mari meurt pendant sa grossesse, puisqu'en raison de la coutume du lévirat la femme et l'enfant iront à l'héritier.
Le vernix caseosa, cet enduit protecteur qui recouvre l'enfant à la naissance, serait « ce qui reste du sperme de l'homme quand l'enfant est déjà fait ».
La grossesse
La durée de gestation est censée varier selon qu'il s'agit d'un garçon (neuf mois) ou d'une fille (sept mois), « parce que la fabrication d'une fille est plus rapide ». Par contre, il faudra neuf mois pour « fabriquer » des jumeaux de l'un ou l'autre sexe.
Le fait pour une femme enceinte de coucher avec plusieurs hommes - dont les semences sont incompatibles - peut provoquer un avortement spontané, ga-tyadc) mekana. Il n'y a d'après nos informatrices que trois autres causes possibles d'avortement : Kaliyan, maladie qui occasionne des maux de ventre très violents, les sorciers ou les génies.
Les Bedik ne croient pas qu'il peut s'agir d'un avortement « si c'est le sang seulement », si la femme n'éprouve pas de douleur ; pour eux, un avortement est nécessairement douloureux.
D'une façon générale, lorsqu'une femme avorte, on fera un Syakar (divination) pour en connaître la cause. Si l'avortement a été occasionné par un mélange de semences ou comme le dit notre informateur Limban Batranke, par des « sangs » de « couleurs » différentes, on questionne la femme jusqu'à ce qu'elle dise avec qui elle a couché. D'après Tamana, devin bedik très réputé, le Syakar permet de savoir si une femme a couché avec plusieurs hommes même si cette dernière le nie. Lorsque la cause de l'avortement est la maladie Kaliyan (ou busyo), on va soigner la femme avec une infusion de racines de gakarabu (Carissa edulis), de ga-nàty bè-mbé (Cassia sieberiana), de gikemchycr (Hymenocardia acida) et de gi-ndèb (Daniellia Oliveri). On utilise parfois également les racines de ga-ndyabakàtànà (Combretum glutinosum). Ceci devrait normalement entraîner la guérison de la femme.
Un avortement causé par un sorcier appelle un sacrifice pour demander vengeance, mais il arrive que l'on ne s'en préoccupe pas. Notre informatrice Kadidia, dont les deux avortements, d'après le Syakar, avaient été provoqués par une sorcière, n'a pas demandé vengeance, son mari Lampa non plus. Un sorcier peut causer un avortement pour avoir de meilleures récoltes, pour obtenir beaucoup de mil par exemple, ou encore il peut avoir tout simplement « mangé » l'enfant. Dans ce cas également la femme devrait guérir si l'avortement n'a pas « fait sortir tous ses oeufs ». Sinon, si l'avortement l'a vidée de ses oeufs, elle sera stérile : c'est pourquoi on dit que les avortements ne sont pas bons.
L'avortement peut aussi avoir été causé par des génies : on dit chez les Bedik qu'une femme enceinte ne doit pas aller au marigot au coucher du soleil, parce que c'est l'heure où les génies vont prendre de l'eau. Mais si la femme enceinte est passée par un endroit où il y avait de mauvais génies qui l'ont fait avorter, ce sont des « voyants » - ceux qui connaissent les médicaments contre les génies - qui la soigneront.
La femme bedik sait qu'elle est enceinte quand, après deux mois, la « fleur » n'est pas sortie. Parmi les premiers signes apparents de la grossesse on remarque aussi que les mamelons deviennent très noirs, bien avant que le ventre grossisse. Une syungutun non excisée qui est enceinte essaiera de cacher ses seins.
On remarquera également certains troubles sympathiques de la grossesse. Kadidia, enceinte, avait des nausées, des brûlures gastriques et probablement aussi des bouffées de chaleur car elle dit qu'une « femme enceinte a toujours le corps très chaud ». Une femme enceinte peut également avoir le goût de nourritures particulières : le « gâteau » (bouillie de mil) avec une sauce aux feuilles de baobab ou au gumbo, ou de la viande... On essaiera dans la mesure du possible de lui accorder ce qu'elle désire. La viande est parfois difficile à trouver... Si la femme en a très envie et n'en reçoit pas, on dit qu'elle en « avale ses crachats », ou en d'autres termes, qu'elle en salive d'envie.
La femme enceinte cesse de coucher avec son mari dans les derniers mois de la grossesse.
L'accouchement
Au moment de l'accouchement, le mari reste dans le carré (i-yanga) et il attend. Il est le seul homme admis auprès de la femme. Celle-ci ne criera jamais en accouchant même si cela fait très mal. Il n'est pas bon de crier ; il faut cacher aux hommes que l'on accouche. L'accouchement fait en effet partie, comme les menstruations et la grossesse, de l'usyil (mystère) des femmes, des choses dont on ne parle pas devant les hommes.
Toutes les femmes expérimentées du village - et non seulement celles du carré peuvent aider à l'accouchement. Au moment de la rupture de la membrane amniotique, on dit de l'eau qui sort que c'est « l'enfant qui se baigne ». Si la membrane tarde à se rompre, on se garde de la percer : on attend. Lorsque l'accouchement traîne en longueur, on fait un Syakar pour en connaître la cause : on dira généralement que cela est dû à un cdasya (sacrifice), ou à des sorciers. Les femmes qui entourent la parturiente tenteront de provoquer l'accouchement en lui donnant des médicaments, les mêmes que pour Kaliyan. Les hommes ne sont toujours pas admis auprès de la femme.
Accroupie ou agenouillée, la parturiente est soutenue sous les seins par derrière, par une seule femme. Après la naissance, une femme expérimentée noue le cordon avec un chiffon blanc, que l'on conservera plus tard dans le panier ga-nany-an où l'on met les habits des femmes. On peut le confier à un cdasya, pour qu'il protège le bébé. Pendant la grossesse, les intestins de la mère se partageraient en deux : le cordon (etemand) est l'un des intestins, il sert à nourrir l'enfant. On le coupe (à 50 centimètres) avec un couteau : c'est, à notre connaissance, la seule circonstance dans laquelle une femme utilise un couteau pour couper (M.-P. Ferry, communication personnelle).
On secoue alors l'accouchée, doucement, par les épaules pour que le placenta, di-ndidan, sorte. On ne tire jamais sur l'extrémité du cordon. Lorsque les suites de l'accouchement sont sorties, une vieille femme lave l'enfant ; une autre ramasse les suites dans une calebasse. Une fois le nouveau-né lavé, les hommes vont enterrer le placenta et les membranes près de la porte de la case, à gauche s'il s'agit d'une fille, à droite s'il s'agit d'un garçon. On enterre également le cordon ; cependant la partie qui reste attachée à l'ombilic sera conservée après sa chute. Si l'enfant meurt on fera un syakar, puis on apportera le cordon à un sacrifice (cdasya) pour demander vengeance.
Le délivré est considéré comme le double de l'enfant : on l'enterre pour éviter qu'il lui arrive le moindre mal, qui se refléterait sur l'enfant. On creuse à « la profondeur d'une main » pour enterrer les suites, car si l'on creuse trop profondément, la mère mettra plus de temps avant d'avoir un autre enfant. Pour la même raison, on n'enterrera pas un enfant mort-né (gc-tyas-k) ou très jeune à plus de trente centimètres de profondeur. Les enfants, jusqu'à l'âge de cinq ans environ, sont enterrés derrière la case : jamais, comme les suites, à côté de la porte. On entoure les suites de terre humide, puis on les recouvre d'une pierre pour prévenir toute odeur de pourriture.
Pendant ce temps on donne à l'accouchée du piment noir (ma-ngel), du sumbara, de l'oignon, du sel, pilés et cuits à l'eau bouillante. C'est la première nourriture de la femme, pour combattre l'hémorragie. On trouve normal qu'une femme saigne beaucoup le jour même de l'accouchement, mais si l'hémorragie se poursuit dans les jours suivant l'accouchement, on l'attribuera une fois encore à un ) dasya ou aux sorciers. Les Bedik accordent une grande importance à la sorcellerie, à « ceux qui ont mangé la viande de la nuit » ; on trouvera ce thème traité de façon plus complète dans une publication en cours (Gomila 1977b). La femme qui accouche leur est particulièrement vulnérable. Par ailleurs, on croit que les femmes qui sont mortes en couches sont des sorcières qui ont été « tuées » pendant la nuit. Kadidia et Lampa nous citent à cet effet deux histoires. La première est celle d'une femme Malinké qui se transformait en chèvre la nuit et que des chasseurs ont tuée ; elle est morte en couches lorsqu'elle est « revenue » dans son propre corps. L'autre est celle de l'épouse d'un homme bedik, Mussa Keba Behel, qui, sous sa forme de sorcière, suivait les navetanes (travailleurs saisonniers) ; ceux-ci lui ont cassé la jambe, et elle est également morte en couches à son retour.
On trouve également chez les Bedik beaucoup de croyances qui entourent la naissance.
Il peut arriver que l'enfant naisse « coiffé » (May Clarkson-Goulet 1972) ; la tête, et quelquefois les épaules, sont entourées par une partie de la membrane amniotique. Il faut alors souvent la déchirer afin de permettre à J'enfant de respirer.
Lorsque se produit un tel accouchement, la membrane est déchirée au niveau de la bouche, puis retirée et conservée précieusement. On dit de l'enfant né coiffé que « le dieu lui a donné un chapeau de chef » et la coiffe s'appelle gi-ipuk, c'est-à-dire, chapeau. Cette membrane est conservée intacte, sans qu'on la lave ; on la laisse sécher dans la case et lorsque l'enfant est en mesure de s'asseoir, on la porte chez un cordonnier pour qu'il en fasse une amulette, qu'il la « couse en rond ». L'enfant portera ce précieux médicament (be-syal) toute sa vie, suspendu à son cou par une cordelette.
Si un enfant naît avec le cordon ombilical enroulé autour du cou (circulaire du cordon), on déroule celui-ci pour éviter que l'enfant n'étouffe. On gardera la moitié du cordon pour en faire une amulette, comme pour le gi-ipuk.
Dans ces deux cas, s'il s'agit d'un garçon appartenant au clan des Keita, on dit qu'il deviendra chef : chez les Bedik, en effet, seuls les membres de certains lignages de Keita peuvent prétendre à devenir chefs de village, adem ar i-kum. Ceux qui appartiennent aux autres clans (Kamara, Sadiakho, Samoura, Kanté), ne pouvant accéder à la chefferie, seront favorisés par la fortune, riches, habiles chasseurs et cultivateurs, ayant plusieurs femmes... Dans le cas d'une fille, elle deviendra riche, réussira en mariage et en amour et aura beaucoup d'enfants.
Kali Wali, fils de l'un de nos informateurs, Limban, Keita du lignage Batranke d'Etywar, est né en mai 1971 avec un « chapeau de chefferie ». La famille de Limban ayant compté déjà plusieurs chefs du village d'Etywar, il paraît hors de doute pour tout le monde (surtout pour le père) que Kali Wali deviendra un jour un chef prestigieux, riche et heureux. La coiffe est, chez les Bedik, comme en général dans le folklore de la plupart des sociétés européennes, un signe de chance, de fortune, de brillant avenir.
D'autres signes de la naissance sont plus ou moins néfastes, comme ils semblent l'être généralement en Afrique (Nicole Belmont 1971). Les enfants qui se présentent par le siège ou par les pieds seront des « voyants » qui n'auront rien à craindre des sorciers, mais les vieilles femmes disent que ce type de naissance n'est pas bon pour la mère, qui n'aura pas beaucoup d'enfants.
En ce qui concerne les jumeaux on croit que ceux-ci se battent avant la naissance : le plus fort survit. Dans le cas de jumeaux de sexes différents il arrive que la fille soit plus forte que le garçon. S'ils sont de force égale, les deux survivront.
Il ne se produira rien de particulier si les jumeaux sont de sexes différents et qu'ils survivent tous les deux. S'il s'agit de jumeaux du même sexe, les opinions divergent : Lampa Beagung nous affirme que s'il s'agit de deux garçons, leur père mourra avant qu'ils aient atteint leur maturité ; s'il s'agit de deux filles, leur mère mourra. Mais d'après Limban Batranke, au contraire, deux garçons apporteront la chance à leur père, deux filles apporteront la chance à leur mère... ce qui démontre bien l'ambivalence de ce type de croyances.
Le lendemain de l'accouchement, le mari va chercher des racines de ga-nak (Ficus gnaphalocarpa) ; on en fait une décoction que la mère boira pour avoir beaucoup de lait (le suc du fruit de cette plante est utilisé comme cicatrisant pour l'ombilic du nouveau-né). On ne fait pas boire au bébé le colostrum (kandi), qu'on considère comme du lait amer, « pas propre ». Avant la montée du lait, on lui donne du lait de vache ou du lait de chèvre, ou encore, une autre femme lui donne le sein. Des racines de gi-potar (Calotropis procera), en infusion, accélèrent la montée du lait « propre ».
Lorsque la mère est morte en couches, on donne des racines de ga-nak et de gakaradyády (Smilax Kraussiana, salsepareille indigène) à la femme qui devra allaiter ; les Bedik croient que cela va permettre la montée du lait même chez une femme qui n'est pas déjà nourrice.
On presse sur le dos de l'accouchée des feuilles de ga-ndiabá kàtànà (Combretum glutinosum), pour « faire couler le sang qui serait resté à l'intérieur » et arrêter l'hémorragie. Le lendemain de l'accouchement la femme mange le « gâteau » (bouillie de mil ou de pois de terre) avec des feuilles de baobab. On lui sert également, pour calmer les maux de ventre, de la poule bouillie avec des oignons, des racines de ga-karabu (Carissa edulis) et de ga-nak.
Le mari donne du sel aux femmes qui ont aidé à l'accouchement.
La vieille femme qui a lavé l'enfant à la naissance reviendra tous les jours pendant une semaine le laver, tout simplement parce qu'elle est censée avoir plus d'expérience : sinon, la mère le fera. On lave l'enfant chaque fois qu'il a « fait les ordures », avec du savon et de l'eau, mais on ne lave pas le tissu dans lequel il repose (M.-P. Ferry).
La sortie au vent
La mère ne peut sortir de la case que huit jours après la naissance, « à cause du vent », mais elle se lève avant. Elle sort en même temps que l'enfant, au moment de la dation du nom. Ce rituel s'appelle, c-Iaty syan e-kcty (sortie au vent) ou encore c-laty ar nya-ncsc (sortie de l'enfant).
La sortie au vent diffère chez les Banapas et chez les Biwol. Chez les Banapas, lorsqu'il s'agit d'un garçon, le père et les autres hommes du village assistent au rituel, qui se fait hors du carré. La veille du « baptême », le père a été chercher dans la brousse un nid d'oiseau et des herbes sèches. Le plus vieil homme du village officie ; un autre homme (qui n'est pas le père) tient l'enfant. On apporte du feu. Le vieillard va montrer à J'enfant comment il devra travailler. Il lui montre le nid d'oiseau (pour qu'il sache comment fabriquer une toiture) puis brûle le nid, avec les herbes sèches et des branchettes. Il prend ensuite une petite houe et fait semblant de labourer le soi, pour montrer à l'enfant comment cultiver ; il fait semblant de tirer avec un arc et des flèches miniatures pour lui montrer comment chasser. Puis on passe par trois fois l'enfant, de main en main, au-dessus du feu (la fumée doit chasser les mauvaises maladies et assurer à l'enfant une nombreuse progéniture). Le vieillard prend ensuite dans sa bouche un peu de bière non fermentée (bálángc) et crache dans le feu jusqu'à ce qu'il s'éteigne. Les assistants boivent le reste de la bière, puis on retourne dans le carré, où l'on va raser la tête du bébé, en laissant deux touffes. Les cheveux sont mis dans un canari d'eau ; on les garde (M.-P. Ferry).
Si l'enfant meurt, on pourra apporter ces cheveux, tout comme le cordon ombilical, à un cdasya, pour demander vengeance.
Pour une fille, ce sont les femmes qui font la cérémonie. On fait un petit foyer avec trois pierres, mais pas de feu, contrairement à ce qu'on fait chez les garçons. On pose sur le foyer un canari miniature ; puis les femmes montrent à l'enfant comment elle devra travailler, avec un petit pilon, une petite houe ; on fait aussi le geste de puiser de l'eau. Pendant ce temps, le bébé est dans les bras d'une femme qui n'est en aucun cas la mère. Contrairement à ce qui se passe chez les garçons, la petite fille ne changera pas de mains durant la durée de la cérémonie. Enfin, on fait une libation de bálángc) sur les pierres du foyer puis on boit le reste de la bière. Les femmes enceintes n'en prennent pas : la bière leur est interdite parce que « cela leur brûle le coeur » (M.-P. Ferry). Après quoi on rentre à la maison, et on rase la fille comme on rase le garçon.
Chez les Biwol, on conduit l'enfant, garçon ou fille, avec un coq à un lieu de sacrifice ; on rase partiellement la tête de l'enfant, on tue le coq, le bébé est confié au sacrifice. C'est ce qu'on a fait pour Kuma, la fille de Lampa ; Niano Kadidia qui est Banapas a adopté pour l'occasion la coutume de son mari qui est Biwol.
On procède ensuite à l'imposition du nom proprement dite, qui ne diffère pas chez les Banapas et chez les Biwol. L'homme le plus vieux du carré dit à voix haute le nom (cyãrãsy, « nom individuel ») choisi pour l'enfant, que les autres personnes présentes répètent après lui. Il peut s'agir d'un nom qui rappelle un événement du calendrier bedik ; par exemple, Lityemune, « né pendant la lune de claty ».
Un parent vivant peut lui avoir donné son nom, ou encore, on lui donne le nom d'un ancêtre. Kali Wali, fils de Limban Bantranke, tient son prénom ordinal, Kali, du fait qu'il est le cinquième fils de sa mère ; mais on l'a appelé Wali, du nom du père de Limban.
On donne ensuite à la mère les cadeaux (sel, savon, francs C.F.A., mil) apportés par les assistants, sauf la kola que les hommes se partagent.
La réincarnation
Lorsqu'un nouveau-né pleure beaucoup, on dit que c'est le réincarné en lui qui veut qu'on le reconnaisse. La mère décidera alors de faire venir la soeur du père de l'enfant, sa kctc (soeur aînée) ou sa ndòhc (soeur cadette) « krusy » c'est-à-dire « vraie ». Ce sont normalement les vraies soeurs du père qui posent les questions pour savoir qui s'est réincarné dans l'enfant ; sinon, ce seront les kctc ou les ndòhc classificatoires.
Au moment de la divination, la mère est à l'intérieur de la case avec l'enfant, le père est avec sa soeur à l'extérieur. Celle-ci prend un anneau (i-gurufé) de c-bóyc), une castagnette métallique. On mouille le mur à droite de la porte. On passera d'abord en revue les membres de la famille du mari, dans l'ordre chronologique des décès, en allant des plus anciens aux plus récents. La soeur du mari demande à chacun des parents morts : « Est-ce toi qui es revenu ? » et frappe en même temps le mur avec l'anneau. Si ce dernier colle au mur, c'est qu'on a identifié l'ancêtre réincarné. Sinon on continuera à passer en revue les défunts de la famille du mari, puis ceux de la famille de la femme. Lorsque l'anneau reste collé au mur, on l'y laisse pendant quatre ou cinq jours.
Figure 3. Pour identifier le réincarné, faire syakar à l’aide de cailloux
et de trois branchettes de bois coupé
On procède de la même façon pour connaître l'objet que le réincarné pourrait désirer. S'il veut un fusil, la mère portera en même temps que l'enfant, pendant plusieurs jours, un fusil à l'épaule. S'il veut une chèvre ou une vache, on posera l'enfant sur l'animal pour satisfaire son désir.
On peut également, pour identifier le réincarné, faire syakar à l'aide de cailloux et de trois branchettes de bois coupé. On procède de la façon schématisée à la figure 3.
Du point central, on laisse tomber les trois branchettes. Si elles tombent en direction d'un des cailloux qui représentent des parents défunts, on a trouvé le réincarné ; sinon, on recommence l'expérience avec des noms différents.
L'enfant bedik n'est toutefois pas nécessairement la réincarnation d'un ancêtre. Il peut avoir une « âme neuve », comme c'est le cas pour Lampa Beagung et pour Pena, l'épouse de Limban Batranke. Dans certains cas, comme on le verra un peu plus loin, il peut aussi être la réincarnation d'un animal ou d'un génie.
D'après le devin Tamana, « il y a une réserve d'âmes chez Dieu, c'est de cette réserve que sortent les grands chefs » ; et « un avortement, c'est une âme épuisée » (M.-P. Ferry).
Les parents susceptibles de se réincarner sont ceux dont on sait qu'ils ne sont pas encore réincarnés et dont le tombeau n'est pas complètement effondré. D'après Lampa Beagung, il y a encore des Bedik dans le Mandé ; c'est là où vont les gens dont la tombe s'effondre, qui ne se réincarnent pas. Lorsque le tombeau est « un peu » effondré, l'âme seule (ge-ndyam) est sortie et va donc se réincarner.
Bien que le sexe soit sans importance au moment de la réincarnation, l'homme se réincarnerait dans une femme, et la femme dans un homme, plus souvent que le contraire. On ne peut parler devant l'enfant de celui ou celle qui se réincarne en lui : « il se reconnaît et se fâche ». Si l'enfant naît avec les bras gonflés ou des taches congénitales, on ne doit surtout pas dire : c'est X.... avec le bras coupé, ou lépreux, qui revient. Si personne n'en parle - surtout le père et la mère - les marques disparaîtront toutes seules ; sinon, l'enfant restera marqué. Si un garçon naît avec un prépuce très court (ou absent), on dira que le réincarné refuse d'être circoncis une deuxième fois : l'enfant ne sera pas circoncis.
Certaines personnes garderaient les qualités morales de leur incarnation précédente : par exemple, une femme « parcoureuse », qui aurait eu de nombreux amants, se réincarnerait dans un homme « parcoureur ».
L'enfant pourrait également - bien que ce soit plus rare - être la réincarnation d'un animal que son père aurait tué. On nous a cité le cas d'un homme bedik, Charo Kutine Bangwod, qui serait la réincarnation d'un lion. Dondo, le troisième fils de Pena, épouse de Limban Batranke, serait, d'après un syakar, la réincarnation d'un chimpanzé : petit, il « criait comme un chimpanzé. »
On peut parfois soupçonner un enfant d'abriter l'âme d'un grand serpent ou d'un narandà, un génie tout petit, trapu, àlongs poils, qui égare les chasseurs en brousse. D'après nos informateurs, il s'agirait toujours d'un enfant qui présente des anomalies physiques.
Si un couple fait l'amour dans la brousse, un serpent mythique - que Limban Batranke nous décrit comme étant « long de deux mètres, tout noir, tête ronde, avec des sourcils comme des humains » - passera sur les amants sans qu'ils s'en rendent compte et entrera dans la femme. C'est pourquoi il ne faut jamais faire l'amour en brousse ; une femme enceinte ne doit jamais aller en brousse non plus, parce qu'elle serait « possédée » par des serpents. Cet animal peut aussi s'emparer de l'enfant après sa naissance, si la mère reste seule dans sa case avec l'enfant pendant les huit jours qui suivent l'accouchement.
Pour vérifier si l'enfant est vraiment un serpent réincarné, un petit groupe d'hommes ira dans la brousse avec la mère et l'enfant. La mère retournera chez elle, en laissant l'enfant à une croisée de chemins. Les hommes disposeront de part et d'autre de l'enfant trois oeufs et trois boules de pâte de farine, comme nous l'avons reporté à la figure 4 d'après un dessin fait par Limba Batranke :
Figure 4. Pour vérifier si l’enfant est serpent réincarné
Les hommes se dissimulent alors, avec des fusils, et surveillent l'enfant. Si celui-ci regarde ou prend les oeufs, c'est un serpent, on le tue. S'il prend les boules de farine, on le ramène à sa mère.
Notre informateur Limban nous a fait le récit suivant : « Le grand frère de Wulaba Batranke, Charo, était un serpent. On l'a tué. C'était un bébé pas plus gros que Kali (ce dernier était alors âgé d'un mois et demi). C'était un bébé pas normal : gros yeux, grosse tête, grande bouche ».
Les enfants qui naissent avec les bras, les pieds tordus auraient une âme de génie (naranda). Ces derniers semblent moins maléfiques que les serpents : on dit qu'un génie revient parce qu'il aime la mère, alors qu'un serpent, si on le laisse grandir, tuera sa mère. D'autre part, les enfants-génies, s'ils vivaient, deviendraient très beaux et très forts. Les sorciers n'aiment pas cela et feraient périr ces enfants en général très jeunes.
Mais un génie réincarné peut être bon ou méchant. On fera alors à l'enfant le même test que pour les enfants-serpents. Voici le récit que nous en a fait Limban :
« Kuma, la fille de Mansa et de Tyapemune, la soeur de Lytiemune Bakone, est née avec les bras et les jambes immobiles. On lui a fait le « truc de la brousse ». Elle a pris les boules de farine : on l'a donc laissée vivre, mais c'était quand même un génie. À dix ans environ, elle a pu marcher. Elle est morte un an après, parce que les âmes de génies ne vivent pas longtemps dans le corps, à cause des sorciers. Cette histoire est arrivée il y a environ vingt-cinq ans, j'avais à peu près neuf ans ».
D'après Lampa Beagung, certains enfants garderaient un souvenir de leur vie antérieure : « Tous les enfants ne peuvent pas dire ce qu'ils faisaient, mais il y en a qui entendent parler leur âme, c'est comme ça qu'on sait. Après quand on est homme c'est fini. Ça commence quand on va couper ». (M.-P. Ferry).
Allaitement et sevrage :
L'allaitement dure en principe trois ans, mais en fait plus souvent un an et demi ou deux ans seulement. Une femme qui allaite n'est pas censée avoir de rapport sexuel : cela ferait tourner le lait, affaiblirait l'enfant et le rendrait malade. On doit normalement attendre que l'enfant ait au moins deux ans et qu'il puisse marcher. Mais en fait, les relations sexuelles pendant l'allaitement semblent chose courante, et l'on veille seulement à ce que cela ne se sache pas. Le mari pratique à ce moment le coitus interruptus, pour éviter que les rapports sexuels ne présentent un danger pour l'enfant. D'après Lampa Beagung, « la femme sait pourquoi le mari se retire, mais elle n'en parle pas parce qu'elle a honte ».
Vers un an, l'alimentation de l'enfant devient mixte. On lui donne d'abord, quand il le désire, de la bouillie de farine de mil et d'eau, crue ou cuite. Il aura droit ensuite au « gâteau » de riz, de mil ou de pois de terre qui constitue l'alimentation de base des adultes. Pour lui donner des aliments comme la viande ou les fruits, on attend que l'enfant soit complètement sevré.
D'après Niano Kadidia, pour sevrer l'enfant, on met du piment sur le sein ou encore on colle sur le sein un morceau de coton imbibé de la sève (mwri) d'une grande plante, gandal (Ficus glumosa) : l'enfant a peur et cesse de téter. Pena, une autre informatrice, nous dit que l'on prend plutôt l'écorce rouge de ga-nye (Ficus exasperata), on l'applique sur le sein et on dit à l'enfant que c'est du piment. On n'emploie pas de piment véritable, car cela serait douloureux.
Éducation de l'enfant
À la naissance d'un nouvel enfant, l'aine manifestera assez souvent des sentiments de jalousie. On grondera à ce moment l'enfant plus vieux qui refuse de quitter sa mère, mais si l'enfant est très triste et pleure beaucoup, la mère tentera de le consoler en lui disant qu'elle l'aime beaucoup, qu'il est l'aîné, le plus malin...
Au moment où nous l'avons connue, Pena, l'épouse de Limban Batranke, devait s'occuper davantage de son dernier-né, Kali Wali. Quand l'aîné, Pate, alors âgé de trois ou quatre ans, manifestait son mécontentement, on lui donnait pour le consoler de petits cadeaux, arachides ou bonbons.
L'éducation à la propreté semble se faire progressivement. L'enfant en bas âge fait ses besoins par terre, n'importe où ; la mère nettoie à l'aide d'une vieille calebasse. Lorsque l'enfant est « assez vieux pour comprendre », la mère lui explique sans le gronder qu'il doit aller faire ses besoins derrière la case.
Les petites filles jouent à imiter leur mère. Elles font semblant de faire la cuisine, et portent sur leur dos une poupée de maïs que la mère elle-même attache au début, avant de leur montrer comment on noue le pagne (ga-mbòmban) pour porter un enfant. Vers l'âge de huit ou neuf ans, les filles commencent à s'occuper des travaux ménagers ; la mère leur montre comment procéder, et les aide jusqu'à ce qu'elles deviennent plus habiles.
Les garçons aident aussi la mère, il vont chercher des feuilles pour la sauce, ils apprennent à piler. À l'âge de dix ans environ, ils quittent la case de la mère pour aller vivre avec leur père. Ils continuent toutefois à rendre à leur mère de menus services, à faire des courses ou à aller ramasser du bois pour les feux de la cuisine.
L'éducation sexuelle des enfants se fait très tôt, non de façon systématique, mais par ce qu'ils peuvent voir ou entendre. Les enfants vont parfois s'amuser à des jeux sexuels, derrière les maisons ou en brousse. Si on les prend sur le fait, on les grondera en leur disant que « c'est pour les grands », ou encore, on rit, on les sépare, on les chasse. On sera plus sévère avec un madyapasya (littéralement, « ceux qui sont blancs »... de poussière) qui « joue », avec sa soeur, pour qu'il sache bien que c'est tana (ou tabou, d'un mot Peul qui signifie « mal »). La vie sexuelle est officiellement permise pour les filles lorsqu'elles deviennent syungutun, et pour les garçons après la circoncision.
ETHNO-GYNÉCOLOGIE BEDIK
On ne peut parler de la pathologie d'une population en oubliant la manière dont cette population conçoit la maladie. C'est pourquoi l'épidémiologie a beaucoup à apprendre d'une branche de l'anthropologie qui connaît actuellement un développement intéressant : l'anthropologie médicale. Le livre récent d'Anne Retel-Laurentin (1974) témoigne d'ailleurs de tout l'intérêt de cette nouvelle approche en ce qui concerne l'Afrique.
Nous traiterons ici, plus précisément, d'ethno-gynécologie, c'est-à-dire aussi bien des perceptions qu'ont les Bedik des maladies liées à la femme et à la sexualité que des quelques données cliniques dont nous pouvons disposer dans ce domaine.
Perception des maladies de la femme
chez les Bedik :
Il y aurait beaucoup à dire sur la perception bedik de la maladie, état plus ou moins mystérieux et souvent lié à la croyance à la sorcellerie. Les quelques données que nous avons sont loin d'être exhaustives ; si nous tenons à les présenter ici c'est parce qu'elles complètent ce qui a précédé. Un article séparé sera publié sur les désordres de l'individu, par l'un de nous (J. Gomila 1977, en préparation). Comme nous l'avons déjà mentionné, toutes les fonctions biologiques proprement féminines : menstruation, grossesse, accouchement, semblent entourées d'un certain mystère (usyil) et comportent un certain danger. Nous savons déjà que la femme est particulièrement vulnérable face aux sorciers au moment de l'excision ou de l'accouchement. Les sorciers peuvent également attaquer les seins pendant l'allaitement, causer des abcès aux seins (ma-bar) « pour donner des maladies à l'enfant » par le biais de la mère. On utilise pour soigner ces abcès divers médicaments : on lave les seins avec l'eau où l'on a fait bouillir les feuilles de gi-ndeb (Daniellia Oliveri) ou les branches de ga-mondyé (Strophantus sarmentosus), ou encore, la nourrice boit une infusion d'écorce de ga-nganga (Dyospyros mespiliformis) ou consomme une préparation à base de farine de mil et de gi-nyéte-nyéte (Indigofera leptoclada).
L'aménorrhée, considérée par les femmes bedik comme une grave maladie - « quand une femme ne voit pas les fleurs », c'est-à-dire, lorsqu'elle n'est jamais menstruée - peut être causée par des sorciers. Il en va de même des métrorragies, « quand les fleurs commencent à couler et ne s'arrêtent pas ». Dans ce dernier cas, la femme peut aussi être victime d'un cdasya (sacrifice) particulier que l'on appelle bambadigi. Les Bedik croient en effet qu'il existe des sacrifices, situés ou non dans un endroit fixe, qui peuvent occasionner des maladies particulières parce que l'esprit ou le génie à qui est dédié le sacrifice estime qu'on lui doit quelque chose. C'est par ce même sacrifice qu'il faudra passer, en lui faisant des offrandes, pour guérir la victime ; on portera alors à un devin, Tamana par exemple, un poussin ou un coq rouge (ltyér i-bara) qu'il sacrifiera.
Plusieurs de nos informateurs mentionnent que les hommes ou les femmes qui « parcourent » trop s'exposent à diverses maladies. On cite entre autres la « chaudepisse » (gonorrhée) et deux groupes de symptômes dont nous allons parler de façon plus détaillée, busyo (ou kalyian) et le no-nc, considérés par les Bedik comme des « maladies » identifiables et ayant leurs remèdes propres. Le terme « chaude-pisse » est entré dans le vocabulaire bedik par le biais de l'argot militaire des anciens tirailleurs.
busyo (ou kalyian)
La « maladie » qui porte le nom de busyo pour les Bedik et de kalyian pour les ethnies voisines semble avoir plusieurs causes et regrouper plusieurs symptômes. D'après le docteur Assane Dieye, qui était médecin-chef du Département de Kédougou en 1971, les Bassari et Malinke de la région font soigner, sous le nom de kalyian, diverses affections : maux de ventre, hernie, fibromes et vaginites chez les femmes, hydrocèle ou gangrène des bourses chez les hommes.
D'après le devin Tamana, « la première personne à avoir eu busyo était une femme » qui l'aurait transmise à l'homme, et ainsi de suite. Cette maladie est perçue comme la conséquence d'abus sexuels. Toujours d'après Tamana, si une syungutun, par exemple, commence à avoir des relations sexuelles avant la puberté, c'est-à-dire avant les premières menstruations, le « sang » (le sperme) des hommes « ne peut pas faire d'enfant et devient maladie » : c'est busyo. Si une femme fait l'amour avec plusieurs hommes dans la même journée, les « sangs »différents des hommes vont également causer la maladie. Chez l'homme qui « parcourt » trop, l'impuissance peut aussi être un symptôme de busyo : « On peut dire que c'est busyo qui fait perdre la force de l'homme ».
Limban et Tamana sont d'accord pour dire que cette maladie est plus fréquente chez les Bassari que chez les Bedik ; d'après Limban, toutefois, on voit plus de cas maintenant chez les Bedik que dans sa jeunesse, « parce que les gens parcourent beaucoup plus ». Autrefois, disent nos deux informateurs, un garçon n'avait pas de relations sexuelles avec une femme pendant au moins six ans après la circoncision : Tout cela a bien changé !
Nos informateurs nous disent pour décrire cette maladie que « kaliyan », (ou busyo, puisqu'ils semblent employer indifféremment l'un ou l'autre terme) « ça monte et ça descend », expression imagée qui peut recouvrir une série de symptômes abdominaux : nausée, colique, diarrhée, etc. D'après Tamana, « Il faut soigner quand ça descend », c'est-à-dire probablement au moment de l'apparition de symptômes externes : pertes vaginales, hernie... Pour soigner kaliyan, on fait boire au malade l'eau dans laquelle ont bouilli des racines de ga-nàty be-mbc) (Cassia sieberiana) ou de ga-ngenge (Zizyphus mucronata).
D'après l'un de nous (Gomila 1977, en préparation) la santé physique, pour les Bedik, serait « dépendante d'une part d'une sorte de force vitale positive, le nyama, qui est insufflé avec la vie et d'une contre-force physique négative qui croit avec l'âge et surtout le grand âge, le nonc « Reste à définir ce qu'est le nonc, et en quoi plus précisément il nous concerne ici.
Le nonc est perçu comme une émanation néfaste, qui peut être transmise par contagion. Il est particulièrement fort et dangereux dans les cadavres. De ce fait, on ne laissera jamais une personne jeune assister à la toilette d'un mort, car le nonc de celui-ci la rendrait malade ; les préparatifs funéraires sont la tâche des vieillards, chez qui le nonc est déjà suffisamment fort pour minimiser le risque. On considère également comme très dangereux de se pencher sur une tombe, même ancienne, à plus forte raison si celle-ci s'est effondrée. Chez les Bedik, on enterre le mort, enroulé dans une natte, perpendiculairement à la course du soleil : la tête au sud, les pieds au nord et le visage tourné vers l'est s'il s'agit d'un homme, vers l'ouest s'il s'agit d'une femme. Le corps est recouvert de feuillage puis de pierres plates, des éclats de dolérite par exemple, qui forment un toit étanche pour éviter que la terre que l'on remet ensuite dans la tombe ne touche le cadavre. La terre forme sur la tombe fraîche un monticule qui, avec le temps et les pluies, se lassera, se ravinera ; avec l'érosion due aux tornades, on pourra même à la longue voir apparaître les pierres ; c'est à ce moment que les émanations du nonc sont particulièrement dangereuses. Le nonc étant contagieux, l'exposition aux foules présente aussi un certain danger. Enfin, puisque le nonc croît avec l'âge, on doit se protéger des vieillards. On ne touche pas à la tête d'un homme vieux, on ne regarde pas sa tête par derrière, on ne porte pas le chapeau qu'il a porté, car l'homme transmet le non.) par la tête ; la femme transmettant pour sa part le nonc par le sexe, un homme doit éviter autant que possible de coucher avec une femme plus âgée que lui. Bien sûr, nous disent Niano Kadidia et Lampa : « Si un homme hérite de femmes plus vieilles, il peut coucher avec elles de temps en temps. C'est s'il couche souvent que le nonc le rendra malade. » L'homme doit égaiement se méfier des femmes qui « parcourent » trop et s'exposent plus, de ce fait, à la contagion : « La femme qui parcourt beaucoup aura beaucoup de non.), parce qu'elle en recevra beaucoup... par exemple, si elle couche avec des hommes plus vieux ».
Qu'adviendra-t-il alors d'une femme toute jeune, comme Godi Sadiakho Beagung, qui a épousé un homme beaucoup plus vieux qu'elle, Mussa Keba Kamara Behel ? Effectivement, nous disent Kadidia et Lampa, le nonc de Mussa Keba pourrait rendre Godi malade. « Si cela arrive, on lui fera le médicament ».
En quoi consiste exactement cette maladie ? Elle semble identique chez l'homme et chez la femme : le malade est frappé de léthargie, tousse beaucoup, parle dans son sommeil ; il peut également avoir mal aux jambes.
Les médicaments utilisés peuvent être aussi bien préventifs que curatifs. On fait tremper, dans un canari plein d'eau, les feuilles de ga-nganga (Diospyros mespilitormis) ou encore l'écorce de gi-néd (Ostryoderris sthulmanii), de ga-ndyang (Pterocarpus erinaceus) ou de gi-kof (Sterculia setigera) ; on utilisera cette eau comme boisson et pour se laver. Fait intéressant, c'est au pied de l'arbre gi-kof qu'a lieu le « sacrifice annuel pour les femmes où la plus âgée demande l'abondance des biens pour le village » (M.P. Ferry et al. 1974 : 105).
bo - péde
Une autre maladie, bo-péde, serait causée par un oiseau néfaste, l'engoulevent, « celui qui se lève la nuit ». Si un homme tue cet oiseau (féde), marche sur ses oeufs ou le croise sur sa route, féde rendra la femme ou les enfants de cet homme malades ; si c'est une femme qui croise l'oiseau ou écrase ses oeufs, féde s'attaquera à elle-même ou à ses enfants ; il peut occasionner un avortement, entraîner des complications obstétricales, rendre les enfants fous ou malades... D'après Kadidia et Lampa, l'engoulevent seul ne fait pas mal : « Ce sont les sorciers qui se mêlent à féde ». La femme apparaît donc une fois de plus comme vulnérable à la sorcellerie à travers ses aptitudes reproductives ; et dans les villages bedik, on reconnaîtra la case d'une femme qui a perdu beaucoup d'enfants à la présence d'un petit canari percé, ou plusieurs, fichés sur les piquets du toit en guise d'amulette pour conjurer les méfaits de féde.
Stérilité
Une femme peut être stérile (gandomcr) parce que « Dieu n'a pas mis d'oeufs dedans ; elle n'a pas la chance, même si elle couche plusieurs fois avec un homme, elle ne peut pas avoir d'enfants ». On croit également qu'une syungutun qui aurait abusé des abortifs pourrait devenir stérile ; enfin, d'après Pena et Limban, la stérilité serait la sanction des femmes qui auraient cherché à connaître les mystères (usyil) des hommes.
La femme stérile ne sera pas considérée différemment des autres ; tout au plus dira-t-on d'elle que son corps vieillit moins rapidement, parce qu'elle n'a pas eu d'enfants. Comme nous l'avons mentionné plus haut, elle adoptera fréquemment, après sevrage, l'enfant d'une autre femme qui vit dans le même carré qu'elle et s'en occupera en tout point comme une véritable mère.
Ménopause
Une femme sait qu'elle n'aura plus d'enfants quand ses règles cessent : ne doit-elle pas en effet avoir des « fleurs , pour porter fruit ?
D'après Niano Kadidia, au moment de la ménopause - jamais avant, dit-elle - la femme cesse d'avoir des relations sexuelles. Elle pourra même, avec l'assentiment de son mari, quitter ce dernier pour retourner si elle le préfère dans son carré ou son village d'origine.
Peut-être considère-t-on chez les Bedik que la femme, avec la fin de sa vie reproductive, devient moins vulnérable et par conséquent moins dangereuse ; quoi qu'il en soit, les vieilles femmes (mamaré) ont le droit de porter à boire ou à manger aux masques en brousse et ne doivent plus se cacher quand les masques viennent dans le village. Certains vieilles femmes seraient même initiées aux « mystères » des hommes.
Quelques données cliniques
Nous avons vu que les Bedik perçoivent la femme -considérée dans ses aptitudes reproductives - et l'enfant comme des êtres particulièrement menacés. Cette crainte semble partiellement justifiée par le nombre élevé des avortements, morts-nés et morts en bas âge. On trouvera dans le tableau 1 une liste des maladies stérilisantes et abortives qui existent dans les groupes africains peu féconds (Retel-Laurentin 1974). Bien que la plupart de ces maladies s'attaquent aussi bien à l'homme ou à l'enfant qu'à la femme, nous les considérerons ici comme des « maladies gynécologiques », en raison de leurs effets sur la fécondité ou sur la mortalité infantile, perçues par les Bedik comme directement et étroitement liées à la mère.
La gonorrhée
Nous ne possédons pas de données précises sur la gonorrhée chez les Bedik ; nous savons toutefois qu'elle existe et qu'elle est peu ou mal soignée. Dans le cas improbable où un malade irait faire traiter sa « chaude-pisse » au dispensaire de Kédougou, la recontamination serait pratiquement inévitable si les partenaires sexuels n'ont pas été également traités.
La syphilis
On trouve un taux élevé de tréponématoses chez les Bedik (Cicera et al., 1970, Bérardo-Vergez, 1973). Des examens sérologiques ont été effectués sur 797 échantillons de sang prélevés parmi les membres de la population bedik, ce qui représente un peu plus de 50% de la population totale. La fréquence globale des réactions positives a été de 32,6% au test de micro-agglutination et de 22,5% au test d'hémolyse. On ne sait pour l'instant s'il s'agit là de syphilis vénérienne ou de syphilis endémique non vénérienne du genre « béjel » ou pian ; le docteur Dieye aurait cependant constaté des manifestations de la maladie vénérienne chez certains patients de la région.
Le paludisme :
Le paludisme sévit dans la région de Kédougou à l'état holoendémique, c'est-à-dire que « l'indice parasitaire global (nombre de sujets porteurs d'hématozoaires/ nombre de sujets observés) est constamment supérieur à 75% pour le groupe d'âge 0 - 1 an » (Gomila 1971 : 24). L'infestation est due surtout à Plasmodium falciparum et à Plasmodium vivax, le paludisme à falciparum étant à la fois le plus grave (accès pernicieux) et le plus fréquent. Dans un village peul situé près d'Andyel, en plein centre du pays bedik, on a trouvé un indice plasmodique de 100% pour la tranche d'âge 0 - 1 an et de 93% pour celle de treize mois à neuf ans, situation généralisable à la région entière (Gomila 1971). Le paludisme est donc sans doute pour les Bedik un facteur important de mortalité, particulièrement de mortalité infantile ; classiquement on le considère aussi comme jouant un rôle abortif, bien que l'on ne dispose pas encore d'études statistiques visant à démontrer ce fait (Retel-Laurentin 1974).
Tableau 1. Maladies stérilisantes et abortives qui existent
dans les groupes africains peu féconds
(Par ordre d'importance)*
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3. morts-nés et prématurés
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1.
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gonorrhées (blennorragies)
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2.
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3.
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4.
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6.
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7.
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8.
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9.
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10.
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anémies et hypoprotéinémies
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11.
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affections fébriles au début d'une grossesse
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12.
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complications post-obstétricales 1
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13.
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avortements non soignés (volontaires ou involontaires)
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14.
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affections génitales non infectieuses (prématurés)
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15.
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infections génitales d'origine exogène
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1. Suites infectieuses, déchirures du col ou cols déhiscents, déchirures périnéales.
* D'après Anne Retel-Laurentin, 1974 : 73
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Les rickettsioses
Les rickettsioses, maladies transmises par certains parasites (poux et tiques) des animaux, « provoquent des urétrites masculines qui ressemblent aux blennorragies et des infections gynécologiques subaiguës susceptibles de provoquer des avortements ». (AR Laurentin 1974 : 69). Pour la région de Kédougou, sur 173 sujets testés, on trouve 61 réactions positives au test de micro-agglutination, soit 35% de réponses positives à différents types de rickettsies. Le pourcentage des réactions positives pour le village bedik d'Oussounkala est de 29% (13 réactions positives sur 45 sujets examinés) (Gomila 1971).
Les toxoplasmoses
Le taux de l'infestation toxoplasmique est relativement faible chez les Bedik. Sur 403 sujets examinés, 179, soit 44.4%, sont indemnes de toute infestation par Toxoplasma gundii, et 197 individus, soit 48,9%, possèdent une immunité ancienne ; 6,7% seulement ont subi une infestation récente (Bérardo-Vergez 1973).
La bilharziose
D'après Anne Retel-Laurentin (1974), la bilharziose peut devenir stérilisante, en cas d'obstruction des trompes de Fallope par les oeufs du parasite, qui s'y localisent ; elle peut également être abortive, en raison des lésions endocervicales qu'elle entraîne. Dans le Département de Kédougou, la bilharziose vésicale à Schistosoma haematobium a été estimée présente dans 60% des cas (Ilounga 1975) et la forme intestinale à S. mansoni a été trouvée dans 13 cas sur 70 à Kédougou, soit 18,5% (Gomila 1971).
Maladies à virus
Certaines maladies à virus contractées par la mère peuvent affecter le foetus, voire même avoir un effet abortif, particulièrement pendant les premiers mois de la gestation ; d'autres sont une cause importante de mortalité infantile.
D'après Gomila (1971), la variole est la seule des maladies pestilentielles à se manifester de temps à autre. Parmi les autres maladies contagieuses, mentionnons les viroses neurotropes et la polyomyélite.
La rougeole serait un facteur important de mortalité en bas âge, surtout chez les enfants de 1 à 3 ans, et les pneumopathies aiguës, particulièrement graves chez les nourrissons, seraient également une cause importante de mortalité infantile.
Autres maladies
L'un de nous a observé chez les Bedik un certain nombre de cas de goitre ; dans aucun de ces cas il n'aurait constaté de signes de dysfonctionnement thyroidien (hyper ou hypo). Le goitre chez les Bedik ne s'accompagne donc pas de cette « diminution d'activité hormonale susceptible de déclencher des avortements ou une stérilité à partir d'un certain seuil » (Retel-Laurentin 1974 : 71).
La brucellose, courante chez les peuples pasteurs, ne touche probablement pas les Bedik ; par contre, ils sont touchés, comme les autres populations du Département, par une épidémie à peu près annuelle de méningite cérébro-spinale. En ce qui concerne les anémies et hypoprotéinémies, nous ne possédons pas de données nous permettant de juger de leur importance et de leur impact face à la fécondité.
Les affections génitales, vaginites à trichomonas, mycoses ou autres, sont sans doute courantes ; toutefois, là encore, nous ne disposons pas de données plus précises.
En ce qui concerne les avortements, nous savons déjà qu'ils sont assez fréquents et que les Bedik eux-mêmes les considèrent comme une cause possible de stérilité.
CONCLUSION
Nous aimerions citer en conclusion de cet article un passage qui résume bien, à notre avis, le rôle de l'anthropologie médicale :
« L'attention a été attirée depuis longtemps (Haldane 1948) sur le rôle sélectif capital joué par les maladies infectieuses et parasitaires dans l'évolution de l'espèce humaine (...) La mortalité différentielle face aux maladies infectieuses, jouant de façon élective avant l'âge de la reproduction, ne peut être qu'un facteur important de sélection si l'on considère qu'il doit exister dans bien des cas des phénomènes de résistance ou, au contraire, de susceptibilité héréditaire (...) C'est dire la place que devrait occuper l'épidémiologie dans l'étude des populations, principalement en milieu tropical et en présence de groupes médicalement peu assistés (...) Mais pour être utile à l'étude de l'évolution des populations, l'épidémiologie... doit s'insérer pleinement dans l'étude générale des groupes envisagés, en relation étroite avec les sciences sociales, la démographie et la génétique » (Gomila 1971 : 33).
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* Cette recherche a été permise par une subvention du Conseil des Arts du Canada (S 70-1485).
** Cet article a été terminé en 1977 quelque temps avant le décès de notre regretté collègue Jacques Gomila. Nous voulons ici lui rendre un dernier hommage et remercier May Clarkson d'avoir autorisé sa publication.
[1] Le carré, ou concession, en anglais « compound », est l'unité résidentielle familiale, minimale, ou ménage.
[2] 250 francs CFA = 5 F (français) = $ 1.00 (approximativement)
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