“Évolution de la structure familiale
à l'anse des Lavallée. Notes de recherche”. *

L'étude sur le système de parente des Acadiens de Baie-Française a débuté il y a environ deux ans, alors que nous avions déjà accumule un grand nombre de données ethnographiques sur la société acadienne. [1] À travers ces études, nous avons constaté à plusieurs reprises l'importance de l'isolement culturel et de la famille parmi les facteurs qui ont assuré la survivance du groupe. 

Aujourd'hui, l'isolement culturel est rompu et les Acadiens sont désormais exposés aux idéologies étrangères qui parviennent jusqu'à eux par le truchement des communications de masse. La famille demeure le dernier rempart où les traditions du groupe ont quelque chance d'être sinon préservées intégralement, du moins réinterprétées à la lumière et en fonction d'objectifs nationaux clairement exprimés. Si la famille a autrefois réalisé ce que l'on appelle communément le « miracle de la survivance », c'est qu'elle avait alors une structure liée à un régime de subsistance économique. Elle était, à plusieurs points de vue, une unité qui se suffisait à elle-même, sur le plan économique et sur le plan social. Mais aujourd'hui, à la suite du passage d'une économie de subsistance à un régime de salariat, des transformations se sont produites dans la structure de la famille. C'est cette évolution dans la structure familiale depuis le début du siècle que nous nous proposons d'examiner ici. 

Les principales techniques auxquelles nous avons eu recours pour la cueillette des données sont : l'informateur-clef et l'observation-participante ; les inventaires généalogiques : l'analyse des données recueillies sur pierres tombales ; les registres familiaux et l'entrevue-questionnaire. Notre analyse historique et fonctionnelle de l'évolution de la structure familiale est fondée sur l'étude exhaustive d'un seul village, soit l'Anse des Lavallée [2], dont la population est de 350 habitants. 

De fermé qu'il était, le système de parente de l'Anse est devenu ouvert, en ce sens qu'il existe maintenant une liberté presque totale dans le choix des conjoints ; il est demeure patrilinéaire, puisqu'on continue d'accorder plus d'importance à l'ascendance paternelle qu'a l'ascendance maternelle ; et la « grande famille », finalement, est complètement disparue pour être remplacée par la famille conjugale, exclusivement composée des géniteurs et de leurs enfants. L'analyse des changements s'effectuera selon ces trois axes ; nous pourrons alors nuancer les affirmations que nous venons d'énoncer.