[1]
Marc-Adélard Tremblay (1922 - )
anthropologue, professeur émérite, Université Laval
Les enjeux ethniques
dans un Canada multiculturel :
1867-1987.
Sainte-Foy, Département d'anthropologie, Université Laval, le 31 décembre 1987, 45 pp. Redisposition d'un texte prépare en 1987, 31 p. et 5 pages de bibliographie.
- 1. Problématique
- 2. Le profil des premières idéologies canadiennes.
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- 2.1. Fonder l'identité canadienne sur des principes différents de ceux de nos voisins du Sud.
2.2. Réaliser l'unité dans la diversité
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- 3. Profil démographique et immigration
- 4. Les conditions de l'intégration sociale des immigrants
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- 4.1. Les politiques multiculturelles du Canada
4.2. Le contact des langues
- 4.3. La loi 101: le Québec une exception
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- 5. Les études sur l'ethnicité
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- 5.1. Les champs d'étude
5.2. Attitudes vis-à-vis l'immigration
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- 6. Les principes de l'équité
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- 6.1. Une définition de l'équité
6.2. Les "chances de vie" et le statut égalitaire des immigrants.
- 6.3. Les valeurs canadiennes
- 6.4. La notion de besoin
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- 7. La mise en place de la société juste
- 8. Les enjeux ethniques a la lumière de l'histoire
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- 8.1. Les Peuples autochtones
8.2. Les peuples dits fondateurs
- 8.3. Les vagues d'immigration
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- 9. Conclusion
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- Bibliographie
- Glossaire
1. PROBLÉMATIQUE
C'est un constat indéniable : le Canada est un pays où il existe une variété de traditions ethniques particulières. À ce propos, on peut soulever un certain nombre de questions qui m'apparaissent comme étant fondamentales pour comprendre les rapports qui existent entre les différents groupes ethniques ainsi que leur position dans la structure du pouvoir. Cette réalité d'un pluralisme culturel a fait l'objet d'études avant comme après la parution du Rapport de la Commission d'Enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (LAURENDEAU-DUNTON 1969). La mosaïque multiculturelle canadienne est hiérarchisée dans sa structure et dans son fonctionnement, comme l'a si bien documenté John Porter (1965). Cette verticalité est fondée sur un principe de classement qui situe, dans leurs positions respectives, les groupes ethniques les uns par rapport aux autres et établit entre eux des rapports inégalitaires. Ceux-ci accordent aux uns des privilèges et des avantages qu'ils nient aux autres de telle sorte qu'ils produisent des différences substantielles dans l'accès aux ressources disponibles, dans la qualité de la vie et dans les possibilités d'imaginer comme de réaliser des projets collectifs. Certains groupes ethnoculturels sont dans une position de dominance tandis que d'autres sont placés dans une situation de subordination. Cette position privilégiée des premiers découle soit d'un poids numérique majoritaire, soit d'un statut particulier dans la structure décisionnelle, soit encore de mécanismes de contrôle qui leur confèrent certains pouvoirs. Étant habituellement bien placés pour surveiller leurs intérêts, ces groupes dominants prennent les décisions qui consolident leur emprise sur les situations et qui accroissent leur richesse réelle ou symbolique.
Cette situation de dominance dans laquelle sont placés certains groupes sociaux est l'aboutissement d'un long cheminement historique qu'il nous faut reconstituer pour être en mesure de décoder, et ainsi de mieux lire et interpréter, ce que l'on observe sous nos yeux. Le Canada est un jeune pays dont l'histoire, sur de très vastes espaces, est assez différenciée, particulièrement sous l'angle de la régionalisation de ses patrons culturels. Il s'est peuplé d'Est en Ouest, sous la poussée de vagues migratoires successives, à l'image de nos voisins du Sud, mais selon des principes idéologiques bien différents. Aux États-Unis, les vagues successives d'immigrants, sous le poids «du rouleau compresseur» culturel américain, se sont inspirées d'un moule unique de civilisation pour constituer «un creuset» à l'image des premiers colonisateurs anglo-saxons. Le [2] principe de départ au Canada fut quelque peu différent. On a cherché à susciter l'intégration culturelle des immigrants selon un mode qui leur permettrait de conserver certaines de leurs traditions d'origine en autant que le maintien de ce patrimoine ethnique ne mettait pas en cause l'unité du pays. Tandis que les Américains s'inspiraient d'une politique assimilatrice vis-à-vis leurs immigrants, les Canadiens, pour leur part, face à de nouveaux contingents d'immigrants, visaient plutôt à conserver l'unité politique du pays tout en s'assurant de s'enrichir «culturellement» par les apports respectifs des nouvelles communautés culturelles qui venaient s'établir au Canada. Bien que ces divergences idéologiques aient existées au point de départ entre les deux pays, on peut se demander aujourd'hui si les résultats obtenus sont tellement différents. Toutefois, il nous apparaît que le Canada, par sa conscience du multiculturalisme, entend gérer la diversité culturelle, celle qui s'est maintenue depuis plusieurs décennies comme celle qui découle de situations ethnoculturelles nouvelles, d'une manière différente de la gestion américaine. Tandis que notre pays est mû par l'idéal de «l'unité dans la diversité», là-bas, c'est l'idéal de l'uniformité qui représente la source principale d'inspiration.
Le Canada ne fait pas que reconnaître l'existence du multiculturalisme puisqu'il se questionne sur les moyens concrets à adopter pour créer une situation d'équité pour tous, en tant qu'individus et en tant que groupes d'individus fortement identifiés à une communauté d'appartenance. Cet idéal fut promulgé de façon explicite par le Premier ministre Trudeau au moment de l'adoption de la Loi créant le Ministère du Multiculturalisme (1971) et fut transposé, par après, dans un slogan politique à l'occasion d'une élection générale sous le leit-motiv : « Bâtir la société juste ». Cet objectif si louable risque de devenir une métaphore si on ne réussit pas dans les années à venir à faire respecter les législations qui ont été adoptées récemment (La Charte des droits et des libertés en 1982 et la Loi sur l'équité dans l'emploi en 1984) dans le but de protéger tout spécialement ceux et celles qui sont dans des positions désavantagées, à transposer cet objectif adéquatement dans les pratiques institutionnelles et à le faire intériorise, par les individus de toutes les classes sociales, escomptant qu'il se traduira dans des comportements équitables.
Le Canada, plus que jamais auparavant, est à un tournant historique en ce qui a trait à l'avenir des peuples autochtones, des communautés culturelles anciennes comme récentes et des vagues récentes d'immigrants. Depuis le rapatriement de la constitution canadienne en 1982, il nous semble exister au Canada, peu importe le parti politique au pouvoir, une volonté politique de redresser les torts qui ont été injustement causés à certains groupes. Par contre, et c'est l'hypothèse de travail que j'aimerais énoncer, les [3] structures institutionnelles, de même que ceux qui occupent des postes de pouvoir dans ces structures, apparaissent comme étant, en ce moment, les principales pierres d'achoppement aux tentatives idéologiques de redressement des situations qui ont été préjudiciables aux minorités ethniques dans le passé. Il existe quatre grandes catégories sociales pour représenter les composantes démographiques du Canada : (a) les Anglophones; (b) les Francophones; (c) les Autochtones ; et (d) les Allophones. Les deux premiers groupes ont des droits acquis inaliénables en vertu de leur statut de « peuples fondateurs » et de signataires exclusifs d'une Charte constitutionnelle d'origine qui définit les prérogatives de chacun et les modalités de leur exercice. Les derniers, en revanche, n'ont pas de droits acquis et ont été soumis, pour la reconnaissance de leurs droits, à la bonne volonté de leurs prédécesseurs. Il est indéniable que les Anglophones et les Francophones représentent une force politique concrète tandis que les Autochtones et les Allophones commencent à peine à être sérieusement pris en compte dans l'arène politique. Et pourtant, si on prend en considération le cas des Allophones, on se rend compte qu'au dernier recensement, ils ont surpassé en nombre les Francophones et sont en passe devenir, dans un avenir plus ou moins rapproché (au tournant du siècle peut-être) la majorité. Bien entendu ce constat démographique ne va pas changer du jour au lendemain les rapports de force qui existent entre les Allophones et les deux groupes dominants. Il nous invite, toutefois, à la réflexion et à l'imagination. Il est même à se demander si nous ne devrions pas rédiger un nouveau contrat social entre ces quatre grandes composantes démographiques canadiennes ?
La loi sur les langues officielles (1971) n'accorde aucune reconnaissance officielle et publique aux langues minoritaires. L'anglais et le français sont les deux langues officielles du pays qui viennent renforcer l'emprise des deux peuples dits fondateurs sur tous les autres. Par contre, on connaît l'importance des patrons linguistiques dans le maintien de l'héritage culturel. Les cadres institutionnels où cette loi s'applique sont les tribunaux, le Parlement et les services fédéraux. Mais de l'application de cette loi dans les cadres institutionnels du Gouvernement fédéral à son application aux cadres sociaux en général, c'est-à-dire, le monde du travail, le système médical, le système scolaire et ainsi du reste, il n'y avait qu'un pas à franchir et il fut franchi. L'utilisation de l'anglais ou du français, selon le cas, est devenu pour les communautés ethnoculturelles un mode public d'expression, un outil d'insertion sociale et d'avancement, soit pour l'acquisition d'un diplôme ou pour l'obtention d'un poste sur le marché du travail.
La loi sur les langues officielles et celle sur le multiculturalisme gomment une face de la réalité sociale et surtout sont préjudiciables aux Allophones. Ce qu'on leur a donné d'une main, on leur retire de l'autre. L'idéal de «l'unité dans la diversité», que [4] j'examinerai en détail plus loin, n'a pas encore été concrétisé dans la mesure où il existe une flagrante contradiction entre les deux lois.
On sait que le gouvernement central et les gouvernements provinciaux exercent une fonction centrale dans la répartition de leurs richesses, par leurs mécanismes administratifs et par leurs modes de contrôle. Dans un État pluriculturel comme le nôtre surgit une question qui se rapporte au nouveau contrat social auquel j'ai référé plus tôt. Comment l'État central va-t-il réconcilier d'une part, le maintien des patrimoines culturels respectifs des communautés ethniques qui le composent, dont les expressions sont régionales, et d'autre part, la nécessité d'instaurer et de conserver des structures technocratiques centralisées afin d'exercer un meilleur contrôle sur la rationalité des efforts, la productivité des intrants et l'efficience des stratégies? Est-ce que ces contraintes, qui sont diamétralement opposées, peuvent être aménagées pour contribuer à l'idéal de l'unité dans la diversité ? II existe, me semble-t-il, une voie possible de solution qui, cependant, requerrerait la poursuite de trois objectifs intermédiaires : (a) ne plus rechercher à tout prix un consensus sociétal impossible par rapport à l'aménagement existentiel de nos différences lequel devrait produire une unité de pensée et d'action, mais plutôt une participation sociale accrue des minorités ethniques (et autres) dans la définition de compromis acceptables pour tous; (b) fournir à chacune des constituantes de la mosaïque canadienne un accès égal aux richesses du pays et une juste place dans les structures du pouvoir de telle sorte qu'elles puissent surveiller de près leurs intérêts et participer pleinement à la construction du pays ; (c) accroître la sensibilité des chefs de file politique et des leaders économiques et socio-culturels, car ils sont au coeur, d'une manière majoritaire, du processus décisionnel. Ils sont aussi les formulateurs des politiques publiques tout en influençant l'orientation des politiques dans le secteur privé.
Les commentaires qui précèdent mettent en relief l'importance de l'État dans la structuration des rapports entre les groupes: ses législations, ses institutions et ses décisions politiques président à la distribution des richesses et coordonnent les politiques visant à établir la justice sociale. Il existe un autre champ social qui revêt une importance toute spéciale par l'influence qu'il est appelé à exercer sur les mentalités et les acteurs sociaux : c'est celui des communications de masse. On observe, malheureusement, dans ce vaste univers social de nombreuses difficultés dans la communication interculturelle. C'est un champ, ne l'oublions pas, qui, par l'émergence des technologies de pointe, va impersonaliser encore davantage les relations interpersonnelles et va apporter des transformations encore plus spectaculaires que celles que l'on connaît présentement, particulièrement dans les systèmes de pensée, dans [5] les systèmes de valeur et dans les genres de vie. Mettant de côté, pour le moment, l'impact que peuvent avoir les télévisions étrangères sur les Canadiens, je pense aux pressions de l'impérialisme culturel américain sur la génération des 15-30 ans. On peut quand même se demander comment la Société d'État entend gérer cette situation nouvelle pour être à la fois respectueuse des droits linguistiques, culturels et représentationnels (l'image que présente la télévision des minorités ethniques) de ses clientèles sur l'ensemble du territoire ?
L'ensemble des observations énoncées plus tôt sont à la fois à l'arrière-plan et à l'interface de la question que je veux examiner ici. Voici comment elle peut s'exprimer. En tant que pays constitué d'une mosaïque de cultures différentes, le Canada peut-il mettre en branle, à tous les niveaux d'influence, dans la vie publique comme dans la vie privée, des politiques et des pratiques qui permettraient à toutes les ethnocultures qui le constituent d'être pleinement respectées, de partager les richesses de ce pays et d'évoluer selon des axes définis par elles-mêmes? C'est une question qui déborde largement des relations interculturelles harmonieuses puisqu'elle se rapporte à l'égalité des chances et aux contextes sociopolitiques dans lesquels les minorités ethniques peuvent s'engager dans un processus d'égalitarisation. Cette contextualisation m'apparaît nécessaire pour plusieurs raisons. Une première de ces raisons tient à la géographie et à l'histoire canadiennes. Une seconde se rapporte à notre système politique fédératif. Une troisième raison relève des idéologies qui ont servi d'orientations fondamentales dans l'évolution socioculturelle de notre pays. Une dernière renvoie à une nouvelle mission que nous nous sommes donnée récemment, à savoir, celle d'être une terre d'accueil aux réfugiés politiques (raisons humanitaires). Chacun de ces aspects sera traité au moment où je reconstituerai l'histoire de l'immigration au Canada. Si on se réfère aux idéologies, par exemple, on peut constater que les premières vagues d'immigrants se sont insérées dans un contexte idéologique favorable, l'immigration étant interprétée comme contribuant directement au développement économique et social du pays puisque les immigrants participaient à la construction du chemin de fer transcontinental, à l'exploitation minière et forestière, à l'établissement des instituions scientifiques et culturelles du pays (TREMBLAY 1982) et, même à la vie politique. Quelques décennies plus tard, les immigrants se sont retrouvés dans un contexte idéologique différent suscitant ainsi des réactions différentes à leur venue au Canada.
Depuis les débuts de la Fédération, le contexte politique a changé; il en fut de même des caractéristiques ethniques des immigrants ainsi que des législations qui régissent les rapports entre les groupes ethniques et les rapports entre les habitants de souche ancienne et les nouveaux arrivants. Toutes les lois adoptées par le Parlement canadien [6] touchant l'immigration l'ont été dans un contexte socioculturel bien particulier. Le contexte social d'aujourd'hui est, par exemple, bien différent de celui des premières années. Pour en être convaincu, il suffit de se référer aux revendications territoriales des peuples autochtones ainsi qu'aux compensations financières qu'ils exigent pour réparer les torts historiques qu'ils ont subis en tant que les premiers habitants de ce pays. Ou encore, de songer aux injustices qui ont été causées aux Japonais-canadiens durant la Seconde guerre mondiale lorsqu'on les a déportés, dépossédés de leurs biens, et relocalisés en Alberta. Les Canadiens ont suffisamment évolué dans leur mentalité pour reconnaître que certaines injustices graves ont été causées à des minorités ethniques dans le passé. On ne sait pas encore trop comment les réparer, car tous ne voient pas nécessairement d'un bon oeil que ce soit à l'aide de compensations financières. Que penser de la marginalisation des Métis en Saskatchewan ? Comment faire disparaître le tutelage que nous exerçons sur les Autochtones et les Inuits? Les réponses à ces questions font justement partie du nouveau contrat social que nous devrions concevoir pour accorder à tous les groupes ethniques l'égalité de statut et l'égalité des chances.
2. LE PROFIL DES PREMIÈRES
IDÉOLOGIES CANADIENNES.
- 2.1. Fonder l'identité canadienne sur des principes différents
de ceux de nos voisins du Sud.
Un des objectifs que le Canada s'est fixé, dès les premiers moments de son existence, fut d'être et de demeurer une entité politique autonome, mais aussi une société particulière, distincte de celle de nos voisins du Sud. Cette volonté de construire un pays indépendant, ayant ses propres traditions culturelles, s'est reflétée dans notre structure constitutionnelle, dans nos institutions politiques et économiques, dans nos lois et dans nos moeurs. Le rapatriement de la Constitution, même si le Québec n'est pas encore une des parties prenantes à cet accord, représente un geste décisif en ce sens. La souveraineté canadienne sur les régions arctiques fit l'objet de déclarations politiques, entre autres par le Ministre des Affaires extérieures, au moment où le Polar Sea, un brise-glace américain, s'aventura de son propre chef à travers le passage du Nord-Ouest, sans recevoir au préalable la permission canadienne. Ces déclarations alertèrent l'opinion publique qui fut à l'origine d'expressions d'attitudes convergentes réclamant le maintien à tout prix de la souveraineté canadienne sur ses eaux territoriales du Nord. Une autre expérience récente nous permet de mettre à l'épreuve les cadres de notre indépendance politique et socioculturelle : il s'agit des négociations sur le libre-échange qui ont été entreprises par les États-Unis et le Canada dans le but de libéraliser les échanges commerciaux entre les deux pays. L'objectif principal que le gouvernement [7] canadien s'est donné à l'occasion de ces négociations, c'est d'établir les conditions de la libre circulation des biens entre les deux pays qui n'affaibliraient pas notre indépendance politique, ni n'atténueraient notre identité canadienne tout en accroissant notre force économique. La notion d'identité canadienne est au coeur des débats. Afin de s'assurer que cette dernière ne serait pas diluée, le Premier ministre canadien a déclaré que certaines catégories de biens sont exclues de la négociation actuelle, à savoir : les programmes de sécurité sociale, les industries culturelles et les produits agricoles recevant des subventions fédérales (le blé, par exemple). Le principe libre-échangiste de même que les conditions qui en assureront la réalisation sont l'objet de multiples critiques, dont les principales renvoient à la perte de notre identité culturelle. L'ancien premier ministre Trudeau, par exemple, prétend que si jamais une économie de libreéchange entre le Canada et les Etats-Unis est mise en place, le Canada va sur le champ devenir un autre État américain et va complètement être subjugué par «L'American Way of Life» On le constate par les enjeux en présence -le maintien de l'indépendance politique et de l'autonomie culturelle, comme conditions préalables à la sauvegarde de l'identité culturelle- les négociations entre les deux partenaires commerciaux nord-américains sont lourds de conséquences pour le Canada. Mais alors on est droit de se demander: quels sont justement les principales composantes de cette identité canadienne qui rendent les Canadiens différents des Américains ? Cette question reçoit plusieurs réponses différentes selon qu'on est Anglophone, Francophone ou Allophone. Par contre dans la plupart des écrits sur le sujet un point fait l'unanimité: les Canadiens sont si différents de Américains. Ces différences, dira-t-on, découlent tout autant de notre histoire économique, politique et religieuse particulière qu'elles résultent de la mosaïque ethnique du Canada et des types de relations sociales que ces divers groupes ont établies entre eux pour produire des institutions sociales d'un type particulier. Cette identité canadienne, qui a fait l'objet de nombreux essais chez les écrivains de langue anglaise, n'a pas fait l'objet de contestations jusqu'aux années soixante-dix car elle s'exprimait, comme naturellement, dans toutes les sphères d'activités. Une des composantes de cette identité était le fait que nous sommes des Nord-américains. Les systèmes de pensée et les systèmes de valeur de nos voisins du Sud s'exprimaient à travers des cadres précis qui en limitaient la pénétration au Canada. Mais voilà que depuis quelques années l'envahissement de l'américanisme est beaucoup moins bien contrôlé chez nous notamment au niveau des communications : en empruntant presque toutes les technologies américaines, par exemple, nous acceptons, avec peu de sens critique, en même temps leurs fondements philosophiques. Par voie de conséquence, il devient de plus en plus difficile de préciser les contenus distinctifs de notre identité [8] culturelle (image de soi, modes vie, projections dans l'avenir). Ce constat est particulièrement vraie pour les générations montantes.
Historiquement parlant, il fut un temps où l'identité canadienne reposait dans une large mesure sur le fait que le Canada était un pays biculturel (Anglais et Français) et que l'une des deux sociétés constituantes était formée de parlants français dont les traditions philosophiques, éducatives (le collège classique, par exemple), artistiques et littéraires étaient non seulement spécifiques mais conféraient une valeur d'identification canadienne aux parlants anglais. Sans exagération aucune, on peut avancer l'idée que ce trait distinctif est lui-même contesté dans son fondement même par la crise d'identité culturelle qui frappe de plein fouet les Québécois d'ascendance française (TREMBLAY 1984).
En dernier lieu, en dépit de tous les efforts qui furent déployés par nos dirigeants politiques pour conquérir notre complète autonomie politique et pour maintenir notre identité canadienne, les habitants du Canada, particulièrement les membres des peuples dits fondateurs, sont les héritiers de structures et d'organisations qui ont été établies d'abord au moment de la Conquête anglaise (1760) et confirmées par la suite dans l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique. On peut avancer l'idée, après plusieurs autres auteurs, que le Canada est divisé en deux clans idéologiques qui correspondent, dans leurs grandes lignes, aux «deux solitudes». L'une de celles-ci, l'anglaise, veut maintenir le statu quo, tandis que l'autre aspire à la complète indépendance politique et culturelle du Canada. Dans un ouvrage édité par Cunningham et Kingston, (1984) un certain nombre d'articles documentent le fait que le Québec et l'Ontario partagent plusieurs valeurs étant donné que leurs ancêtres provenaient de l'Europe. Mais ces valeurs partagées n'ont pas été en mesure de produire une vision politique commune. Cette même idée fut confirmée par Bell et Tepperman (1982).
- 2.2. Réaliser l'unité dans la diversité
La fédération canadienne s'est édifiée sur un principe primordial, l'unité dans la diversité. En dépit de tous les efforts qui ont été déployés depuis plus d'un siècle pour le réaliser, nous sommes encore à un point de départ. Est-ce une utopie ou un idéal réalisable ? Tout au long de cet exposé, je soutiendrai que c'est un idéal qui peut être atteint à la condition que nous puissions concevoir une nouvelle entente entre toutes les composantes ethniques canadiennes. Cette nouvelle entente s'alignerait sur l'élimination des rapports inégalitaires entre les groupes dominants et les groupes minoritaires (établir les paramètres de l'équité non seulement dans l'emploi, mais aussi dans tous les autres domaines) et favoriserait l'élaboration de projets ethniques par les communautés [9] culturelles elles-mêmes, selon leurs perspectives propres et selon leurs visions particulières de l'avenir (la culturalisation du progrès, dans les termes de Roger Bastide) sans compromettre les droits acquis des autres composantes. Il existe au Canada des cultures régionales dont les sources renvoient à la géographie, à l'histoire, à la religion, à la langue et aux arts et traditions populaires. Ces cultures régionales se traduisent dans des configurations d'attitudes et dans des modes de vie. On observe également des disparités importantes dans les conditions de vie, dans les niveaux de vie et dans les taux d'emploi dans ces différentes régions. Dans l'esprit de nos dirigeants politiques, ces différences substantielles dans les chances de vie ne remettent pas en cause le principe de l'unité. Bien au contraire. Elles mettent en relief les secteurs de la vie publique où l'intervention étatique est nécessaire pour remédier à la situation et pour fournir aux groupes économiquement défavorisés, dont les peuples autochtones et les groupes ethniques, l'ensemble des outils qui leur permettraient de se rapprocher et d'atteindre d'ici quelque temps la norme générale.
Ce principe de l'unité, sous des apparences libérales, cache toutefois une idéologie assimilatrice, à l'image du rouleau compresseur américain, dans la mesure où ce sont les groupes dominants (anglophones et francophones) qui en déterminent les conditions de réalisation en proposant, par exemple, des modèles de vie et de comportement qui sont à leur ressemblance. Cette visée ethnocentrique n'a rien de bien original car elle s'inspire de l'idéologie coloniale et qu'on la retrouve dans la philosophie politique de tous les groupes qui sont dans une position de dominance. Tout ce qui va à l'encontre des modèles de conduite proposés par les groupes dominants est repréhensible. À la limite, cette position de supériorité engendre une «nomenclature du mépris» de la part de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie quand ils désignent ou nomment les autres (l'altérité), comme l'a si bien documenté pour les communautés amérindiennes Serge Bouchard (1986). Le Gouvernement péquiste a constitué une menace à cette unité politique durant la décennie où il fut au pouvoir (1976-1985), mais la «Belle province» est revenue dans le moule confédératif d'origine depuis le retour du Parti libéral à l'Assemblée législative du Québec.
Le principe de l'unité, inféodant toutes les parties du grand tout pour amenuiser les dissemblances, ne saurait tenir dans une société démocratique, ouverte à la différence et à l'altérité (dans le discours officiel, en tout cas), sans sa contrepartie qui est la diversité. Cet ajout confère au concept d'unité sa pleine valeur. Toutefois, il commande des explications. Quelle diversité est possible et selon quel mode doit-elle s'exprimer ? Est-elle perçue comme une décoration, un certain exotisme de bon aloi, ou, au contraire, comme une source d'enrichissement ? Dans ce dernier cas, on peut se demander ce que [10] signifie le concept d'enrichissement ? Est-ce que ce sont des éléments qui consolident dans ses assises l'élite gouvernante et qui justifieraient, par exemple, de pouvoirs élargis ? Est-ce, au contraire, l'existence de conditions qui favorisent l'expression et l'épanouissement de patrons culturels des groupes ethniques considérés comme essentiels pour maintenir une identité propre ? Toutes ces questions convergent vers un questionnement plus large. Quelles sont les frontières de la diversité culturelle (jusqu'où est-elle permise et tolérée) et comment (sur quelle base) s'aménagent les nouveaux rapports qui doivent s'établir entre la majorité et les groupes minoritaires ?
La réponse à la dernière question soulevée au paragraphe précédent était plus facile à énoncer au moment où fut établi la Fédération canadienne par ses promoteurs. Cette réponse, l'AABN, n'est pas tout à fait satisfaisante, à mon point de vue, puisqu'on a oublié de prendre en considération les véritables peuples fondateurs. Quoiqu'il en soit, il y avait, à ce moment-là, 3,463,000 habitants en comparaison de 25,116,102 au recensement de 1986 (STAT. CANADA 1986). De plus, 91.62% de ces habitants, au recensement de 1871 était soit d'ascendance anglaise ou française (PALMER 1975 : 206-207). Par contre, même à cette époque, les luttes internes et les divisions idéologiques de toutes sortes rendirent difficile, dans le Dominion du Canada, la création d'un sens unique d'appartenance (TREMBLAY 1982 : 5). Cette population relativement homogène des débuts s'est largement modifiée par après à la suite de vagues successives d'immigrants.
3. PROFIL DÉMOGRAPHIQUE
ET IMMIGRATION
Établissons le profil démographique canadien en utilisant les données statistiques les plus récentes, soit celles du recensement de 1981. Si on inclut les peuples autochtones, il existe aujourd'hui au Canada au moins dix groupes ethniques majeurs. Si on les classe selon leur importance numérique, voici la distribution que l'on obtient: les Britanniques, les Français, les Allemands, les Italiens, les Ukrainiens, les Nations autochtones, les Hollandais, les Chinois, les Scandinaves et les Juifs. Cette classification des ethnies majeures canadiennes, selon leur poids numérique, nous donne une image statique de la situation démographique canadienne. Afin de dynamiser cette image, il serait nécessaire de reconstituer, pour chacune des périodes, les patrons d'immigration ainsi que de déterminer les divers rapports qu'ont entretenus les groupes ethniques minoritaires avec les membres de la majorité comme avec les groupes dominants eux-mêmes. Dans le cadre de cet exposé, je me limiterai à traiter des changements globaux qui sont survenus dans le profil démographique canadien depuis 1980 à la suite de la venue de nouveaux immigrants
[11]
De 1980 à 1985, un total de 653,813 immigrants sont venus s'installer au Canada. Leur nombre correspond sensiblement aux quotas qui furent établis pour cette quinquennie. À l'analyse de ces données chiffrées, on remarque deux tendances nouvelles: (a) une baisse dans le nombre des immigrants accueillis au Canada par année: 142,439 en 1980 par opposition à 84,253 en 1985 ; et (b) une diversification des milieux de provenance (un éventail plus large de pays d'origine) et une concentration d'immigrants provenant du continent asiatique : en 1985, 46% des nouveaux arrivants enregistrent l'Asie comme étant le dernier lieu de leur résidence permanente (Revue statistique du Canada 1980-1986). Il ne fait pas de doute que la réduction dans les quotas d'immigrants des dernières années est à la fois le résultat de nouvelles orientations dans les politiques d'immigration (sélection en fonction de trois critères majeurs (immigrants investisseurs, immigrants venant compléter une famille déjà présente au Canada, réfugiés politiques) et de pressions venant du public afin de réduire, en période de crise économique, le nombre de ceux qui entreront «artificiellement» sur le marché du travail. Par ailleurs, le Canada se classe bien parmi les pays d'accueil en ce qui a trait à l'ouverture de ses frontières et à la qualité de sa réception. Après plusieurs autres, on peut se demander quel sera l'impact de ce nouveau type d'immigration sur l'unité canadienne, non pas telle que on l'a entendue jusqu'ici mais telle qu'elle pourrait devenir ? C'est une question qui a son importance parce qu'elle nous permet d'examiner à la fois les modes d'insertion et de participation des nouveaux arrivants dans la société canadienne (de ce point de vue, les fonctions d'accueil des organisations volontaires ethniques sont tout à fait exceptionnelles) et les réactions que suscitent dans la population d'accueil l'arrivée comme l'implantation de nouveaux venus. Les deux niveaux d'analyse sont révélateurs de phénomènes beaucoup plus significatifs encore pour la compréhension des rapports, formels comme informels, qui s'établissent entre les diverses communautés culturelles. Accordons-leur quelque attention.
La question de l'impact de l'immigration sur l'unité et l'identité canadiennes m'apparaît importante pour les raisons invoquées plus haut mais aussi en fonction des propositions avancées par nos dirigeants politiques progressistes, les Commissions royales d'enquête et la classe libérale, en général. Que sont ces propositions ? L'immigration ne contribue pas seulement au développement économique d'un pays, elle est aussi une source d'enrichissement collectif dans la mesure ou les nouveaux arrivants, rejoignant leur communauté d'appartenance si elle existe déjà, ou en fondant de nouvelles communautés s'ils sont en nombre suffisant, s'efforcent de maintenir leur patrimoine culturel d'origine dont les patrons ajoutent à l'héritage culturel du pays d'accueil. Sur le plan strictement individuel, on pourrait citer des trajectoires de vie de [12] nombreux immigrants qui, par leur talent et leurs efforts, se sont taillés une place enviable dans la société canadienne, qu'il s'agisse du domaine des affaires, de celui de la science (les Nobelistes Herszberg et Polanyi), du monde universitaire, de la vie politique, des arts et de la littérature ou encore de celui des sciences humaines. La démonstration de ces contributions exceptionnelles des immigrants n'est plus à faire sur le plan objectif. Au niveau des perceptions du public, toutefois, la vision de ce phénomène est toute différente, pour ne pas dire à l'opposé. Chez les gagne-petits, les chômeurs et les assistés sociaux, par exemple, les représentations sociales de l'immigrant sont celles de «voleurs de jobs», ou encore, de nouvelles personnes pour se partager le gâteau et ajouter au fardeau fiscal de l'État. Pour eux, ce sont de nouvelles charges qui viennent réduire les allocations sociales à ceux qui sont dans le besoin. La réalité est tout autre. En effet, quelques semaines après l'intervention directe de l'État, ce sont les communautés ethniques elles-mêmes qui prennent en charge la plupart du temps les immigrants de leur pays d'origine. Quoi qu'il en soit, l'unanimité est loin d'être faite dans la population en général sur les vertus de l'immigration. Cette situation est de nature à créer et à alimenter, dans certaines couches sociales, les tensions et les conflits interethniques.
4. LES CONDITIONS DE L'INTÉGRATION
SOCIALE DES IMMIGRANTS
- 4.1. Les politiques multiculturelles du Canada
Comme nous l'avons vu plus tôt, cette politique de l'enrichissement collectif du Canada diffère quelque peu de celle qui a longtemps prévalu aux États-Unis où l'immigrant devait s'intégrer complètement dans « l'American way of life ». Dans ce pays les pressions internes en vue d'abandonner les habitudes de vie du milieu d'origine sont vivement ressenties par l'immigrant dès son arrivée. Il est comme placé devant un seul choix, qui est celui d'adopter le plus rapidement possible les manières de penser, d'agir et de faire des Américains dont la culture globale est un amalgame d'éléments culturels très diversifiés, s'il veut être accepté par les autres.
Au Canada, le principe de l'unité dans la diversité a été soumis à plusieurs vérifications depuis que la Commission Dunton-Laurendeau a déposé son rapport et que le gouvernement canadien a promulgé sa législation multiculturelle. Mais il faut se rappeler que cette Commission d'enquête n'avait pas été établie en tant que Commission sur le bilinguisme et le multiculturalisme, mais en tant que Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme. Dans l'esprit des promoteurs de cette commission, on escomptait qu'elle serait en mesure, par ses observations et ses recommandations, de définir les meilleurs moyens possibles en vue d'harmoniser les relations entre les deux [13] principaux groupes ethniques du pays (Anglais et Français), tant au niveau fédéral qu'à celui des provinces. Les minorités ethniques du Canada, principalement les plus nombreuses auxquelles on accordait un certain poids politique, ont trouvé que le mandat de la Commission était trop restrictif. Elles ont exigé que le champ d'étude de cette Commission soit élargi pour incorporer des recommandations sur le multiculturalisme.
Ce n'est pas le lieu de recenser ici les différentes recommandations de la Commission afin de les accoupler aux politiques gouvernementales qu'elles ont engendrées. Il m'apparaît plus important de définir ce que signifie le multiculturalisme dans le contexte canadien. Selon Kallen (1983 : 38), ce concept transporte trois significations différentes: (a) la réalité socio-culturelle qui reflète la diversité ethnique ; (b) les politiques du gouvernement central conçues en vue de favoriser l'unité nationale dans la diversité ethnique et (c) l'idéologie du pluralisme culturel (ou de la mosaïque canadienne) qui est sous-jacente aux politiques fédérales. Son article fut rédigé au moment où se tenait en Chambre les débats sur le rapatriement de la Constitution canadienne et elle avait l'impression que les discours qu'on y tenait sur le Canada était encore fort éloigné d'un «vrai multiculturalisme». Bien au contraire, prétendait-elle, nous sommes les témoins de situations qui se situent à l'opposé et qui renforcent les tendances du fractionnement ethnique et régional (Ibidem). Ce fractionnement est exemplifié, à son point de vue, par les efforts que déploient les peuples autochtones pour la reconnaissance de leur droit à l'auto-détermination, par les tentatives des sécessionistes québécois en vue de recruter de nouvelles clientèles politiques et par les menaces autonomistes des Provinces de l'Ouest qui veulent contrebalancer celles des «séparatistes» québécois. Ces constats, cinq ans plus tard, ont pris un coloris différent et n'exercent plus les mêmes pressions sur les gestionnaires politiques d'Ottawa. Mais il ne faut pas croire que les tendances observées au Québec et dans les provinces de l'Ouest soient disparues et qu'un parfait rapport d'équilibre ait été établi entre les différentes constituantes ethniques du Canada. On peut même se demander si la Conférence constitutionnelle des peuples autochtones prévue à la fin de mars saura d'une part régler la question des réclamations territoriales aborigènes et celle de leurs droits ancestraux pour ne pas mentionner celle de l'auto-détermination politique. Ce n'est pas, non plus, le départ du Parti québécois de l'avant-scène politique qui va faire disparaître d'un seul coup les aspirations autonomistes des Québécois d'ascendance française. Les tentatives de la Ministre des Affaires culturelles du Gouvernement libéral du Québec de modifier la Loi 101, quelque temps après l'arrivée de son parti au pouvoir, se sont butées à des protestations populaires d'envergure. «Ne touche pas à la Loi 101» fut le slogan des opposants à une telle réforme, lequel s'inspire, comme on le sait, du [14] slogan anti-raciste français « Touche pas à mon pote » qui l'ont obligée à reculer et à enlever son Bill du registre des lois à voter à la session parlementaire en cours. L'adhésion du Québec à la Constitution canadienne rapatriée va s'effectuer à la condition que cette province soit reconnue par les autres comme étant « distincte ». Si ce principe est accepté, on pourra dès lors réclamer des garanties qui assureront sa compétence exclusive dans les champs qui sont arrimés à sa mission de sauvegarde du patrimoine culturel francophone. Pour ce qui est des sécessionistes de l'Ouest, ils s'affairent en ce moment au recrutement de leur membership.
Les tensions qui ont existé depuis la Conquête entre les Francophones et les Anglophones se manifestent tout autant dans les contextes institutionnels que dans les autres univers sociaux. Le Commissaire aux langues officielles, pour utiliser cet exemple, a présenté récemment au Conseil des Ministres, dans une démarche exceptionnelle, trois mémoires dans lesquels il dénonce certaines irrégularités dans l'application de la Loi sur les langues officielles, mais aussi dans les pratiques d'embauche du Service civil fédéral au Québec. Il estime, en effet, que l'usage du français au Ministère de la défense, au Canadien national et à Via Rail est insuffisant et que les Francophones ne reçoivent pas dans leur langue les services auxquels ils ont droit. Dans le même rapport, M. Fortier remarque qu'il existe un nombre insuffisant d'Anglophones dans le Service civil fédéral au Québec : il estime que ce manque de représentativité est préjudiciable aux Anglophones et est inéquitable. On pourrait certes multiplier les exemples de ce type : là n'est pas mon but. La question qui surgit comme naturellement à la suite de ces observations nous interroge sur les difficiles rapports qui existent entre les groupes ethniques au Canada dans des contextes institutionnels pourtant régis par des directives découlant de législations contraignantes ? Qu'en est-il alors des contextes naturels ? Comment s'aménagent dans ces cas les rapports entre concitoyens d'appartenance ethnique différente ?
- 4.2. Le contact des langues
Prenons, à titre d'exemple, le champ des usages linguistiques au Canada. Le Canada est un pays soi-disant bilingue et la Loi sur les langues officielles établit que le français et l'anglais sont les deux seules langues officielles du pays. Il est évident que cette disposition légale, qui découle d'un contexte idéologique voulant assurer la bonne-entente entre les deux peuples dits fondateurs, exerce une pression considérable sur l'usage de la langue dans des contextes non-institutionnels et non-formels. Prenons le cas des minorités ethniques faisant partie de « la troisième force ». Les membres de ces groupes devront utiliser soit l'anglais ou le français, le tout dépendant de la connaissance qu'ils ont de l'une ou de l'autre des deux langues officielles, de leur milieu de résidence et des [15] personnes avec lesquelles ils entrent en relation. Ce principe est contredit dans les faits. À l'exception du Québec où existe la Loi 101, même à cela les dérogations sont fort nombreuses chez les membres des communautés culturelles, à peu près partout au Canada, les membres de ces minorités ethniques manifestent une préférence automatique pour l'anglais. Cette observation n'est guère surprenante, car c'est un constat bien documenté dans les études sur les contacts des langues, que la langue du groupe dominant exerce une concurrence déloyale aux autres langues en présence. Qu'est-ce que cela veut dire ? La langue du groupe dominant (que cette dominance soit définie en termes numériques ou à partir de critères économiques ou politiques) possède un statut social supérieur à celui des autres langues et ceux qui la maîtrisent se voient gratifiés de bénéfices matériels plus grands et acquièrent de meilleures chances d'avancement dans l'échelle professionnelle. Ce sont des attraits non négligeables, on en conviendra. Si, en dépit de mesures législatives visant à conférer au français un statut équivalent à l'anglais, celui-ci a consolidé sa suprématie dans les contextes institutionnels canadiens, c'est que le statut social de cette langue n'a cessé de s'accroître, non seulement à l'échelle nord-américaine, mais à celle « du village planétaire » et que son emprise s'étend de plus en plus à l'ensemble des univers sociaux. Même le champ de la vie privée est lui-même envahi par les communications de masse anglo-saxonnes. Dans les circonstances, il est facile de comprendre comment le choix linguistique des immigrants (le choix d'une langue seconde) s'établit comme un allant de soi dans cette mouvance linguistique à caractère universel.
- 4.3. La loi 101: le Québec une exception
Le Québec, comme je le mentionnais auparavant, fait exception à la règle générale d'une assimilation linguistique à la langue anglaise puisque le Gouvernement du parti québécois a imposé l'unilinguisme dans cette province. Dans le passé les immigrants, qui s'établissaient au Québec, choisissaient d'apprendre l'anglais et de s'intégrer à la communauté anglophone puisque c'était la langue des affaires et celle du succès financier. Depuis l'établissement de la Loi 101, toutefois, les immigrants qui viennent s'établir au Québec sont obligés d'envoyer leurs enfants à l'école française. Cela ne veut pas dire qu'ils choisissent pour autant de s'intégrer à la communauté francophone. En contrepartie, un nombre de plus en plus grand de parents anglophones, dans toutes les provinces canadiennes, choisissent d'inscrire leurs enfants dans des écoles de langue française (cours d'immersion). Règle générale, cette décision des parents est motivée par des considérations utilitaires. lis sont convaincus que leurs enfants, en apprenant le français, seront mieux outillés pour décrocher de meilleurs postes sur le marché du travail et qu'ils deviendront de sérieux concurrents pour obtenir des postes bilingues [16] des secteurs public et privé. En ce qui a trait aux parents de ces enfants, la très grande majorité s'estiment trop vieux pour apprendre le français ou n'en voient pas l'utilité s'ils ne sont pas contraints à son apprentissage. Cela s'avère vraie pour la très grande majorité des Anglais vivant au Québec. Selon le professeur Jean-Denis Gendron, président de la Commission du même nom, il semble exister une barrière psychosociologique chez les Anglophones qui les empêche d'acquérir une compétence linguistique en français. Personnellement, je vois cela beaucoup plus comme étant le résultat d'une décision réfléchie. La réticence des Anglophones à apprendre le français doit être vue comme découlant d'une image de soi (appartenance et identification au groupe dominant) et d'une représentations sociale qui accorde à leur langue maternelle un statut supérieur à toutes les autres.
5. LES ÉTUDES SUR L'ETHNICITÉ
- 5.1 Les champs d'étude
Selon Gold (1979), il existe trois champs de recherche dans le domaine des études ethniques, particulièrement si on se place sous l'angle de leur genèse et de leur évolution. Les premières études furent patronnées par la Commission Dunton-Laurendeau avec l'intention de documenter avec précision la situation ethnique au Canada et de justifier pleinement les recommandations qui en ressortiraient. Un autre champ d'étude fut celui des travaux sur les populations autochtones et, en particulier, ceux entrepris à l'échelle du Canada par la Commission Hawthorn-Tremblay (1965-1967, 2 vols.) sur les Indiens contemporains. Ces chercheurs s'intéressèrent surtout aux conditions économiques et aux niveaux de vie, à la scolarité et aux niveaux éducatifs, à la structure du pouvoir et au leadership sur les réserves et, enfin, aux possibilités de transfert de juridiction du Fédéral aux provinces et aux communautés autochtones elles-mêmes. Le troisième champ d'investigation des études ethniques fut celui de l'immigration et des immigrants.
Attardons-nous un moment sur les études conduites dans le premier secteur, celles portant sur le multiculturalisme. Il m'est impossible de les résumer ici tellement elles sont nombreuses depuis une vingtaine d'années ayant été entreprises soit par des ministères, des agences gouvernementales, des instituts et des centres de recherche. Dans le cas du Québec, par exemple, deux travaux récents consistent dans des bilans généraux. L'un de ceux-ci porte sur les groupes ethniques au Québec (Caldwell 1983) et l'autre, sur la culture (Dumont et Harvey 1985).
Tenant compte de l'idée directrice de ce document de travail (Comment le radio-télédiffuseur d'État peut-il susciter l'harmonie entre les différentes composantes [17] ethniques du Canada et quelles politiques peut-il établir pour que celles-ci puissent être poursuivies avec vigueur par l'ensemble des employés du réseau ?), je m'intéresserai, d'abord, à un secteur particulier à l'intérieur du domaine plus vaste qu'est celui du multiculturalisme, soit celui des attitudes vis-à-vis le multiculturalisme et les groupes ethniques à l'échelle nationale comme à celle des unités provinciales. D'une manière générale, les principales conclusions de ces travaux convergent avec celles d'une ambitieuse étude entreprise par le Ministère d'État au multiculturalisme (BERRY, KALIN, TAYLOR 1977 : 227-246), lorsqu'elles ne sont pas parfaitement identiques. Il vaut donc la peine de les présenter ici.
- 5.2 Attitudes vis-à-vis l'immigration
Lorsqu'on examine les attitudes des Canadiens vis-à-vis l'immigration, on se rend compte qu'elles sont positives à la fois par rapport aux conséquences de l'immigration et par rapport à la contribution des immigrants à l'enrichissement collectif. Toutefois, le Québec est une exception à cette tendance générale. Les Québécois francophones craignaient que les politiques d'immigration qui étaient en usage à cette époque-là seraient susceptibles de hausser les taux de chômage et menaceraient «la pureté de la race canadienne», ce qui n'est pas le cas des Québécois anglophones. En plus de cette différence majeure entre Anglophones et Francophones dans les attitudes vis-à-vis les immigrants, il existe des différences régionales qui doivent être soulignées. Les résidants du Québec et ceux des provinces de l'Atlantique sont plus susceptibles que ceux des autres provinces d'exprimer des attitudes discriminatoires envers les immigrants. La plupart du temps, ils sont perçus comme «des voleurs d'emplois». Pour ce qui est du Québec, ces attitudes négatives se sont aggravées dans les années récentes si on se fie au sondage qui fut rapporté dans Le Devoir des 9 et 11 mars 1987. Cela résulterait, à mon point de vue, de l'augmentation dans le nombre d'arrivants au Québec qui ont demandé le statut de réfugié depuis le début de l'automne 1986 (Tamouls, Turcs, Chiliens). Ce sont dans les milieux ruraux de ces provinces que les attitudes discriminatoires sont les plus fortes. On note encore des différences dans les attitudes vis-à-vis les immigrants selon le niveau socio-économique. Plus un individu occupe un rang élevé dans l'échelle socio-économique, plus il est enclin à entretenir des attitudes favorables envers les immigrants. En revanche, ceux qui se situent aux positions les plus basses de l'échelle sont aussi ceux qui nourrissent des préjugés et des attitudes discriminatoires.
Examinons maintenant les attitudes des membres de la société d'accueil vis-à-vis les immigrants par rapport à leur groupe ethnique d'appartenance. L'attitude prépondérante en est une de tolérance. Bien que les auteurs n'aient pas repéré de cas de personnes entretenant de préjugés raciaux à caractère violent, les répondants ont [18] manifesté de nettes préférences pour les immigrants provenant des pays du nord de l'Europe. À ce propos, les auteurs ont établi une échelle de préférence afin d'identifier les groupes qui se classent à l'autre extrémité de l'échelle, donc les groupes ethniques qui, dans l'imagerie populaire, sont les moins désirables. Au bas de cette échelle de préférence, en ordre décroissant, se situent les Asiatiques, les Noirs, les Espagnols et les Portugais. Tout comme ce fut le cas pour les attitudes discriminatoires envers les immigrants, il existe dans cette échelle de préférence ethnique, des différences entre les Canadiens de différentes souches ethniques et entre les Canadiens de statut socio-économique différent.
Cette étude fut conduite en 1976 et depuis cette date près d'un million d'immigrants, appartenant justement pour la plupart d'entre eux aux pays qui se classent au bas de l'échelle de préférence ethnique, sont venus s'établir au Canada. Il suffit de lire les journaux de tous les jours pour prendre connaissance d'incidents dénotant soit des préjugés ethniques ou de la discrimination raciale à l'endroit de personnes qui appartiennent aux minorités dites visibles. Ces incidents se produisent surtout dans les régions métropolitaines du Canada où vivent la majorité des nouveaux arrivants et les membres des communautés ethniques de souche récente. (L'égalité, ça presse). Ces évènements n'ont pas encore atteint un degré que l'on pourrait qualifier de critique, mais ils surviennent avec régularité, surtout depuis la crise économique des années 80 et depuis que le Canada s'est déclaré terre d'accueil pour les réfugiés politiques. Le sondage récent auquel j'ai fait allusion plus tôt en a présenté l'ampleur insupçonnée au Québec, on peut présumer qu'il en est de même pour tout le pays.
Les groupes ethniques qui sont les plus durement frappés par les attitudes discriminatoires des Canadiens sont presque toujours ceux qui sont les moins bien organisés car ils sont soit d'origine récente ou, par suite de la dispersion de leurs membres, il devient difficile pour eux d'amorcer des initiatives collectives. Une chose est certaine. Les chefs de file des communautés culturelles oeuvrent de plus en plus d'une manière concertée d'une part en vue de redresser les situations institutionnelles qui leur sont préjudiciables et d'autre part dans le but de combattre les comportements discriminatoires (en les dénonçant et en exigeant de la part des autorités compétentes des actions pour les corriger). lis exercent aussi des pressions auprès de ceux qui détiennent des postes d'autorité afin qu'ils soient respectueux de leurs droits individuels et collectifs, qu'ils aient accès à la richesse collective et qu'ils atteignent une qualité de vie qui soit comparable aux autres Canadiens.
[19]
6. LES PRINCIPES DE L'ÉQUITÉ
L'idéologie de l'unité dans la diversité ne renvoie pas seulement à une visée politique qui s'enracine dans un terreau multiculturel (la diversité culturelle) global mais aussi, et peut-être surtout, au statut socioculturel et au statut socio-économique de chacune des composantes de cette mosaïque. Elle réfère aussi à des principes de justice sociale et d'équité qui s'appliquent à tous les Canadiens indistinctement, qu'ils soient d'immigration récente ou descendants des toutes premières générations qui se sont établies ici ou encore membres des peuples autochtones. Mais alors, comment pourrions-nous définir ces notions de justice sociale et d'équité ? Si nous arrivions à déceler avec plus de justesse les réalités sociales qu'elles recouvrent, peut-être pourrions-nous alors révéler les faces cachées de la partialité et de la discrimination. C'est une subtilité qui a son importance étant donné que les expressions directes et explicites de la discrimination et de l'iniquité sont plus facilement identifiables, donc, plus faciles à dénoncer et à corriger. Les expressions implicites et indirectes n'ont certes pas la même visibilité et sont conséquemment plus difficilement délogeables.
- 6.1. Une définition de l'équité
« L'équité consiste à mettre chacun sur un pied d'égalité » (Le Petit Robert 1976: 610). Cette définition s'appuie sur une sorte de justice naturelle qui consiste à remettre à chacun ce qui lui revient, ce qui lui est dû. La Charte des droits et des libertés présente une liste de ces droits auxquels on fait allusion ici d'une manière générale. Mais cette appréciation de ce qui doit être partagé et de la manière dont ce partage doit être effectué va habituellement bien au-delà de l'énoncé des règles légales en vigueur. Elle n'appartient pas d'une manière exclusive à tous ceux qui détiennent des postes d'autorité et qui ont reçu le mandat de voir à l'application des lois. Cette appréciation, en effet, est tout autant l'attribut de chacun des membres de la collectivité canadienne dans leurs actions quotidiennes.
- 6.2. Les "chances de vie"
et le statut égalitaire des immigrants.
La tradition wébérienne en sociologie utilise le concept de «chances de vie» pour traduire abstraitement l'accès à l'égalité dans tous les domaines de la vie publique. Plus concrètement, ce sont les possibilités objectives qu'a chaque individu de satisfaire l'ensemble de ses besoins et de nourrir des aspirations (ce sont des projets qui sont conçus comme réalisables dans un avenir pas trop lointain) prenant en ligne de compte les valeurs canadiennes fondamentales et celles des communautés culturelles d'une part et de l'autre les conditions sociales objectives qui en permettent l'atteinte. Sous ce parapluie conceptuel de «chances de vie», alors, correspondent tout un éventail de conditions économiques, sociales et culturelles qui peuvent être interprétées comme [20] étant des infrastructures essentielles à chaque individu et à chaque communauté pour avoir accès à l'égalité. De ce point de vue, la problématique de la ««complétude institutionnelle », des communauté ethnoculturelles explicitée par Raymond Breton (1983) m'apparaît d'un très grand intérêt car elle met l'accent sur les institutions qui sont essentielles à la sauvegarde des patrimoines culturels des groupes minoritaires et à l'épanouissement de leurs membres. Cette problématique introduit une dynamique qui nous fait pénétrer au coeur de la vie interne des communautés ethnoculturelles dans leur rapport avec l'extérieur, y compris les diverses instances gouvernementales.
- 6.3. Les valeurs canadiennes
Quel est, par ailleurs, le contenu de cette égalité ? Comme cette égalité ne se poursuit pas en vase clos, quelles sont les valeurs canadiennes proposées en tant que modèles à reproduire ? Cette superstructure idéologique, comme je l'illustrerai plus loin, est à l'image de la majorité non à celle des minorités. Sans effectuer un tour d'horizon complet de ce profil des valeurs canadiennes et sans me prononcer sur leur caractère représentatif ou d'efficience, car les études sur ces questions sont controversées et laissent plusieurs questions en suspens, on peut mettre en exergue celles qui font constamment l'objet de référence. Il s'agit du bien-être physique et psychologique des personnes, du succès financier, du bonheur, de la réalisation de soi-même, de la longévité en bon état de santé, d'une bonne instruction, de la sauvegarde et de la promotion des patrimoines culturels, de la sécurité physique et sociale en ce qui concerne les principaux risques de la vie (maladie, chômage, vieillesse, accidents et ainsi du reste) et de combien d'autres encore. Si on postule que ces valeurs existent vraiment et ont un caractère de généralité, il faut encore comprendre comment elles sont intériorisées et vécues. Car elles sont perçues et extériorisées d'une manière différentielle par les différentes couches sociales de la société canadienne, c'est-à-dire, les groupes d'âge, le genre, le degré d'instruction, le statut professionnel, le milieu de résidence, l'appartenance ethnique, la participation sociale (n'oublions pas que ce concept est étroitement liée à celui de l'intégration sociale qui est au coeur de cet exposé), l'appartenance de classe, le statut d'ancienneté au Canada et ainsi du reste. Comme on le constate, l'univers des chances de vie est très vaste et son accessibilité n'est pas la même pour tous les Canadiens. Ses éléments constitutifs demeurent imprécis sur plus d'un points, mais on sait qu'il incorpore des éléments individuels et collectifs, des faits objectifs et des perceptions subjectives et des jugements sur le présent comme des projections dans l'avenir.
[21]
- 6.4. La notion de besoin
Dans le prolongement de la définition «des chances de vie», on peut affirmer, je crois, que bon nombre de ses éléments structurels convergent vers une autre notion, celle de besoin, conçue d'une manière très large. Ce concept comporte trois composantes ou dimensions: (a) les privations objectives et subjectives (un sentiment de manque qui est réel ou qui est perçu comme tel par rapport à la survie biologique, au confort psychologique et à l'intégration sociale) ; (b) la satisfaction de ses besoins biologiques, psychologiques et symboliques dans le présent et (c) différents niveaux d'aspiration par rapport à des projets conçus comme réalisables dans un avenir rapproché (TREMBLAY ET FORTIN 1964). On sait, par ailleurs, que les individus et les collectivités qui sont emprisonnés dans l'univers de leurs besoins quotidiens (surtout reliés à la survie) ne peuvent pas entretenir d'aspirations car étant trop préoccupés par le présent, ils se sentent incapables de se projeter dans l'avenir. C'est le lot des économiquement faibles et des socialement défavorisés. L'inégalité dans les chances de vie ne frappe pas seulement les immigrants et les groupes minoritaires. Mais il faut bien admettre que ces deux catégories sociales, plus que toutes les autres, sont susceptibles d'en expérimenter le poids ou, si ce n'est pas le cas, par suite de préjugés, d'être étiquetées comme telles, marquées qu'elles sont par leur statut inégalitaire.
Les considérations antécédentes sur la notion de besoin, qui s'est graduellement déplacée pour englober des réalités plus larges et ainsi se rapprocher de la notion de droit dans les démocraties libérales, peuvent nous laisser penser qu'elle comporte un biais systématique en ce sens qu'elles accentueraient l'envergure réelle des composantes économiques. Les traditions économiques des régimes capitalistes, comme on le sait, influent sur les comportements de consommation par la publicité commerciale qui élargit l'élasticité des besoins. Toutefois, depuis que certains besoins ont été socialisés (la santé et le niveau de vie, par exemple) et que certaines des sciences sociales (psychologie et anthropologie, entre autres) ont démontré l'importance de leurs schèmes explicatifs pour mieux comprendre la réalité sociale, la notion de besoin s'est élargi pour incorporer des dimensions psychologiques et culturelles. Une analyse des besoins en stricts termes économiques est réductioniste dans la mesure où elle tient pour constantes les autres dimensions. Ainsi les besoins ne sont pas uniformes : ils varient en fonction de caractéristiques particulières des individus et des groupes.
7. LA MISE EN PLACE
DE LA SOCIÉTÉ JUSTE
Ayant une définition des «chances de vie» qui se rapporte en quelque sorte à deux niveaux différents, soit celui des conditions de vie (les besoins et les aspirations) et [22] celui des conditions de la participation sociale (relations harmonieuses avec les autres et intégration sociale), qui sont directement observables dans la réalité, on peut alors se poser une question fondamentale. Quelles sont les conditions de vie et les structures de la participation sociale qui empêchent les individus et les groupes ethniques de bénéficier pleinement, sur une base équitable, des richesses matérielles et des ressources institutionnelles canadiennes et, par ce biais, d'appartenir à une catégorie sociale défavorisée et dévalorisante ?
On pourrait tout aussi bien, dans une démarche positive, s'interroger sur ces conditions économiques et ces situations sociales qui, dans le contexte historique et socio-politique du Canada, permettent l'atteinte de meilleures chances de vie, donc l'équité ? Si on réussissait à les identifier on saurait avec un peu plus de précision comment peut se réaliser l'unité dans la diversité. L'idée directrice de la société juste fut mise de l'avant par Trudeau au moment où le Canada traversait une période d'expansion économique et de développement industriel (dans les années soixante-dix). Elle s'est traduite dans des politiques publiques qui ont nettement favorisé des catégories sociales désavantagées. Malgré tous les efforts déployés, les programmes de relèvement économique et de promotion sociale qui furent instaurés à ce moment-là n'obtinrent pas tous les effets escomptés. On comprendra, par exemple, un Harold Cardinal d'avoir écrit The Unjust Society (1971). À posteriori on peut toujours se consoler en se disant qu'un programme aussi ambitieux pouvait donner tous ses fruits et fournir à chacun, particulièrement les membres des minorités ethniques, des chances égales de réussir. Depuis ce temps-là, par l'adhésion du Canada à la Charte universelle des droits de l'Homme, par la rapatriement de la Constitution canadienne (1982) - même si le Québec n'a pas été co-signataire à cette entente -, par l'adoption de la Charte des droits et des libertés (1982) et par combien d'autres mesures intermédiaires (la Loi sur l'équité dans l'emploi, 1984) notre pays a déployé des efforts en vue de réduire les préjugés et diverses formes de discrimination sociale tout en corrigeant des lacunes institutionnelles. Toutes ces législations et ces mesures sociales veulent permettre aux individus et aux collectivités de se réaliser pleinement. En ce qui concerne les groupes ethniques, on peut identifier les principaux domaines qui ont été touchés par les politiques sociales du gouvernement central et des gouvernements provinciaux et territoriaux. Je les énumère sans tenir compte de leur importance relative :
- (1) Accès à l'éducation publique permettant à ceux qui ont du talent et qui veulent y mettre les efforts, à supposer qu'il n'y ait aucune entrave institutionnelle, d'atteindre un niveau collégial et universitaire de formation, ouvrant ainsi la porte à toutes les carrières, selon les talents et préférences de chacun ;
[23]
- (2) Accès sur le marché du travail à un emploi stable et rémunéré selon des normes qui permettent l'atteinte d'un niveau de vie associé à la satisfaction des besoins de l'individu et des membres de l'unité résidentielle pour laquelle il assume des responsabilités de soutien et à la naissance de projets pour l'avenir ;
- (3) Accès à tous les services publics qui permettent aux résidants canadiens (y compris les immigrants en période d'attente et les immigrants reçus) de bénéficier de l'ensemble des mesures sociales auxquelles ils ont droit, principalement l’assurance-maladie, les pensions de vieillesse et les prestations d'assistance sociale ;
- (4) Accès à des services de santé de bonne qualité. La situation des immigrants, des membres des communautés ethniques et des peuples autochtones est particulièrement préoccupante à ce propos. Les différences interculturelles dans les valeurs et dans les usages linguistiques constituent souvent des barrières qui empêchent des catégories de personnes de recevoir des services de qualité comparable à ceux que reçoivent les autres Canadiens ;
-
- (5) Accès aux «services ethniques» où le nombre de personnes d'une ethnie le justifie. Il nous apparaît de plus en plus évident que les communautés ethnoculturelles ne peuvent pas toujours développer par elles-mêmes l'ensemble des institutions (journaux, revues, radios et télévisions communautaires, cours de langue, loisirs organisés, visites culturelles, éducation continue, etc.) qui leur sont nécessaires (la «complétude institutionnelle» à laquelle Breton réfère) pour sauvegarder leur patrimoine culturel, renforcer l'identité ethnique et promouvoir leur progrès dans le sens où elles le définissent dans le contexte canadien ;
- (6) Accès à des mesures compensatoires quand il peut être établi qu'un personne ou un groupe ethnique a fait l'objet de mesures discriminatoires de la part d'un fournisseur de services, d'un employeur, ou d'un service gouvernemental ; et
- (7) Accès aux services légaux disponibles lorsque la cause le justifie, même si une personne ne dispose pas des ressources financières nécessaires.
8. LES ENJEUX ETHNIQUES
À LA LUMIÈRE DE L'HISTOIRE
Jusqu'ici, j'ai cherché à reconstituer la trame de fond des enjeux ethniques dans un Canada multiculturel en effectuant une analyse des principales idéologies qui ont cours au Canada tout en ayant soin, quand il fut possible, d'en signaler leur origine et leurs trajectoires. Mon but derrière cette démarche était de voir comment les systèmes idéologiques, surtout ceux des gouvernements et des partis politiques, étaient créateurs et producteurs de situations sociales (législations, politiques, programmes, création de contextes institutionnels) qui favorisaient ou empêchaient l'égalité. Certaines de ces [24] idéologies ont été officialisées au moment de l'établissement de la Fédération. Je songe, par exemple, à la nécessité pour le Canada d'être un pays souverain afin que les Canadiens puissent développer une identité propre et éviter d'être assimilés par leurs puissants voisins du Sud. Je me réfère encore à l'absolue nécessité pour les membres des peuples dits fondateurs de développer entre eux des relations harmonieuses afin qu'ils puissent, selon leur talent et à leur manière, avec l'appui de leurs réseaux institutionnels, participer au développement du Canada.
D'autres idéologies canadiennes, au contraire, sont apparues dans le contexte d'un Canada industriel. Ces valeurs consensuelles qui étaient suffisamment acceptées par la majorité de la population pour justifier des interventions gouvernementales furent codifiées au moment de la parution du Rapport Dunton-Laurendeau. L'unité dans la diversité est l'un de ces principes de base. La société juste, d'autre part, n'a pas été qu'un simple slogan électoral. Ce fut un principe qui a servi d'assise pour améliorer notre système de sécurité sociale et pour introduire des mesures nouvelles qui serviraient particulièrement des catégories sociales défavorisées jusque là.
Le but de cette seconde démarche est d'asseoir plus concrètement ces principes, justificateurs de programmes et de pratiques, dans une histoire et une géographie afin d'apercevoir avec plus de netteté comment ils ont influencé l'évolution des premiers arrivants, des colonisateurs, des immigrants et des communautés ethniques. « Le Canada est une entité politique et administrative constituée d'une multitude de groupes ethniques dont les traditions culturelles prennent leur source et s'expriment dans des espaces géographiques très variés » (TREMBLAY 1976: 133). Aussi, m'apparaît-il nécessaire de rappeler comment celles-ci se sont constituées dans le temps.
- 8.1 les Peuples autochtones
Au moment de la colonisation européenne, par les Français principalement, il existait sur le vaste territoire canadien des Peuples autochtones qui ont été graduellement déplacés vers le nord. Les colons, d'ailleurs, ont largement bénéficié du savoir et des savoirs-faire des peuples autochtones acquis au cours de millénaires afin de s'adapter aux rigueurs du climat de notre pays. Ces populations indigènes, venues du Détroit de Bering, étaient établies ici depuis des milliers d'années. Elles totalisaient quelques 300 nations différentes, se répartissant de l'Atlantique au Pacifique, et vivaient principalement de la cueillette, de la chasse et de la pêche. Ces peuples autochtones ont humanisé le territoire en sachant tirer du milieu physique environnant les ressources nécessaires à leur survie. Leurs territoires de chasse et de pêche s'étendaient sur des milliers de kilomètres et sillonnaient le Canada dans presque toute son étendue. L'occupation graduelle de leurs territoires ancestraux par les Blancs [25] allaient, au cours des ans, modifier substantiellement leurs modes de vie et leur mentalité. Les guerres entre les Français et les Anglais pour le contrôle du Canada ainsi que la commercialisation des pelletries ont été des dynamismes qui ont exercé des impacts considérables (TRIGGER 1985).
Avant la Confédération, les provinces d'alors (L'Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, le Haut et le Bas Canada et la Colombie Britannique) votèrent des lois pour protéger les territoires autochtones. Au moment de la signature du pacte fédératif, les questions autochtones devinrent du ressort du Gouvernement fédéral et ont été confiées à la responsabilité du Parlement, en particulier, les droits civils, le statut d'Indien et les réserves. Le Parlement vota sa première législation en 1868 qui confirmait en quelque sorte les législations provinciales antérieures. En 1869, d'autres lois furent votées avec l'arrière-pensée d'assimiler les autochtones, le statut d'Indien étant alors considéré comme étant un statut de transition. On protégerait les Indiens sur des réserves jusqu'au moment où ils deviendraient des fermiers. Rendus à ce stage, les Indiens pourraient alors demander l'affranchissement de la tutelle fédérale et devenir des citoyens comme les autres.
La première Loi sur les Indiens (The Indian Act) fut votée en 1876. Cette loi fut par la suite amendée à plusieurs reprises, chacun des amendements abolissant, à toutes fins pratiques, des traditions autochtones millénaires (telles le Potlatch et la Danse du Soleil) et accordant aux fonctionnaires fédéraux des pouvoirs d'intervention de plus en plus étendus et de plus en plus fréquents. En 1969, le Ministre des Affaires indiennes et du Nord, Jean Chrétien, présente son « Cahier Blanc » sur les politiques indiennes du Fédéral. En gros, le projet politique du Fédéral s'oriente vers l'abolition du statut d'Indien et la révocation de la Loi sur les Indiens. Les réactions des Peuples autochtones furent immédiates : elles s'opposaient à un tel projet du Fédéral car il compromettait le regroupement de forces vives des nations autochtones au moment où elles cherchaient à se reprendre en main et à faire reconnaître leurs droits en tant que peuples opprimés. C'est le sens de l'ouvrage du leader Cardinal qui se voulait être le porte-parole d'un Pouvoir rouge. Les revendications territoriales, par exemple, revêtaient une importance capitale ainsi que le redressement, par des compensations financières, des torts historiques dont ils avaient été l'objet de la part de leur tuteur fédéral. Le projet fut si unanimement et si violemment dénoncé qu'il fut retiré. Les Autochtones sont toujours en 1987 tributaires d'un système de tutelage qui confère aux gouvernements (fédéral, provinciaux et territoriaux) des pouvoirs discrétionnaires étendus sur les réserves. Ceux-ci ont été justifiés, au moment de leur conception, par la nécessité de protéger les Indiens et de les aider à devenir d'honorables canadiens. Mais aujourd'hui, [26] la situation et les contextes sociopolitiques sont bien différents de ceux qui existaient un siècle plus tôt. On veut, d'une part, enrayer les politiques et les situations discriminatoires qui les ont tellement affectés dans le passé. On veut encore obtenir la pleine reconnaissance des droits ancestraux et territoriaux. Tous les leaders autochtones oeuvrent finalement dans le but d'instituer des gouvernements autonomes. La décision du Québec de ne pas participer à la Conférence des premiers ministres sur les Peuples autochtones est fortement dénoncée par leurs chefs de file. Leurs revendications sont compromises par l'absence d'une province ayant un poids démographique considérable. Ils perçoivent la situation comme en étant une où ils sont pris en otage par le Québec. Cette province pose des conditions à sa participation que les autres provinces ne sont pas prêtes à accepter. Nous sommes dans une situation où les enjeux sont considérables et il n'est pas surprenant - bien que ce soit regrettable - que son dénouement ait été négatif par rapport aux principales revendications autochtones dont, en particulier, l'autonomie gouvernementale.
L'institution de la tutelle (PAINE 1977), associée au fait que les Peuples autochtones ont été isolés les uns des autres, ont vécu en petit nombre sur des espaces étendus tout en entrant en contact régulièrement avec les membres de la société blanche, au moins depuis l'établissement des postes commerciaux, a presque complètement balayé les institutions et les modes de vie autochtones, créant dans certains cas, des contextes qui favorisent l'ethnocide. Durant toute cette période, les autochtones ont été considérés par les gouvernements, les représentants des institutions canadiennes et les citoyens ordinaires comme des individus de second ordre. Il m'est inutile d'ajouter qu'ils ont fait l'objet de politiques et d'actions discriminatoires (HAWTHORN-TREMBLAY 1965-1967, 2 vols.). Cela est très bien illustré dans l'image que l'on présente des Amérindiens dans les manuels d'histoire (VINCENT ET ARCAND 1984).
Les changements dans les attitudes des communautés autochtones dans leurs rapports avec les gouvernements ne sont pas isolés car ils font partie d'une philosophie nouvelle tant de la part des gouvernements que de celle des structures politiques autochtones. Désormais protégés par la Charte universelle des droits de l'Homme signée à Genève en 1977 par 100 nations autochtones, par les Chartes québécoise et canadienne des droits et des libertés, les chefs de file des Premières Nations et les communautés autochtones elles-mêmes se sentent de plus en plus appuyés et forts dans leurs efforts pour bâtir des lieux de vie qui seraient en plus grande harmonie avec leurs espoirs et leurs aspirations en tant que peuples libres. Les gouvernements ont promulgé des lois, énoncé des politiques publiques, subventionné des programmes qui appuient les nations autochtones dans leur longue marche en vue d'obtenir la reconnaissance de leurs droits et [27] l'entière gestion de leurs affaires et, ainsi, devenir des citoyens à parts entières dans la société canadienne. La troisième conférence constitutionnelle des Peuples autochtones de mars 1987 à Ottawa devrait permettre aux Inuits, Indiens et Métis canadiens, en dépit de l'absence du Québec à cette conférence, d'enregistrer de nouveaux progrès dans cette direction.
- 8.2 Les peuples dits fondateurs
En 1760, le Canada est conquis par l'Angleterre. L'histoire des tensions continuelles qui ont existé entre les communautés linguistiques anglaise et française à partir de ce moment jusqu'à la signature de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique est trop bien connue pour la commenter en détail ici. Qu'il me suffise de rappeler l'esprit de ce contrat puisque les idées dominantes qui le fondaient allaient contextualiser, en bonne partie, l'orientation des rapports interethniques dans notre pays. En 1867, les francophones et les anglophones, en tant que peuples dits fondateurs, parafent une entente en fonction de laquelle ils s'engagent à respecter leurs droits respectifs dans les institutions fédérales (une fédération) et leurs champs exclusifs de compétence dans les provinces. Comme on le sait, les peuples autochtones ne sont pas parties prenantes à cette entente. Bien au contraire, comme on l'a vu, les signataires les jugent incapables de gérer leurs affaires et, diront-ils, pour leur bien ils s'instituent leurs tuteurs.
Cette idéologie des "deux peuples fondateurs" subsiste encore aujourd'hui et exerce une emprise importante sur les débats publics et suscite plusieurs conséquences. Car une idéologie, étant justificatrice d'action, particulièrement une idéologie fondatrice, se reflète presqu'invariablement dans les législations, dans les politiques gouvernementales et dans les programmes des diverses agences des deux niveaux de gouvernement. Elle est même transportée dans l'ensemble des contextes institutionnels et organisationnels. Les principes fondamentaux qui sous-tendent ces différentes expressions concrètes émanent des droits, des besoins et des aspirations des deux groupes ethniques dominants. L'un, l'anglophone, possède même un supériorité sur l'autre qui se traduit dans des pratiques organisationnelles et administratives. Les droits, les besoins et les aspirations des autres groupes ethniques (minoritaires) reçoivent une reconnaissance de principe. Mais celle-ci ne se transpose pas de la même manière et avec la même rigueur dans les pratiques légales, institutionnelles et situationnelles.
Cette vision des choses, c'est-à-dire, une fondation du Canada par les descendants de Britanniques et de Français, donne lieu encore aujourd'hui à un certain nombre de contradictions. Je me permets d'en souligner une qui m'apparaît importante du point de vue du sujet qui m'intéresse, la mosaïque multiculturelle canadienne. Depuis la [28] Confédération, plusieurs vagues d'immigration sont venues enrichir la démographie canadienne. En 1987, les Allophones sont devenus, en termes numériques, la deuxième force démographique puisque leur nombre surpasse celui des Francophones. En dépit de l'influence grandissante du vote ethnique, les Allophones demeurent, comme on les a appelés dans le passé, une troisième force politique. Le Canada a la réputation d'avoir constamment mis en application une politique d'intégration sociale de ses immigrants, c'est-à-dire, une politique qui laisse aux individus et aux institutions une liberté de choix et d'action dans leur insertion dans le tissu culturel canadien. Bien que le Canada n'ait jamais adhéré explicitement, comme ce fut le cas aux États-Unis d'Amérique, à une idéologie du creuset par laquelle le mode de vie américain devenait le moule qui uniformisait les comportements individuels et collectifs, son idéologie des peuples fondateurs n'offrait guère aux communautés ethnoculturelles nouvellement installées ici les conditions socio-culturelles qui leur auraient permises une intégration institutionnelle selon leur style propre et selon leur rythme. Cette idéologie, très différente de celle du rouleau compresseur américain, par son empreinte, a crée aux immigrants des barrières institutionnelles. Ajoutons à cela le fait que les communautés ethniques, non seulement en tant que consommatrices d'espaces, plus ou moins réservées, mais aussi en tant qu'ayant des coutumes et des moeurs qui se distinguaient de celles des membres des « peuples fondateurs », ont été l'objet de la part des membres de ces deux groupes de préjugés et d'actions discriminatoires qui se sont manifestés dans la plupart des sphères publiques d'activités.
- 8.3. Les vagues d'immigration
Esquissons le profil des différentes vagues d'immigration qui se sont succédées au Canada, même si je ne traiterai pas dans le cadre de cet exposé comment ces immigrants ont constitué, dans certains cas, des communautés ethniques. Avant 1867 les immigrants-travailleurs oeuvrent surtout dans les industries primaires (forêts et mines) et proviennent principalement des Îles Britanniques. Les plus controversés d'entre eux furent les Irlandais qui, poussés par les famines qui sévissaient en Irlande, vinrent au Canada surtout durant la décennie 1840-1850. Ils ont presque monopolisé, à eux seuls, les postes disponibles sur les quais, dans les camps de chemin de fer et dans les camps établis pour la construction des canaux à partir du Lac Supérieur jusqu'à l'Océan Atlantique. Quelques années plus tard, plusieurs immigrants britanniques, américains, européens et chinois participèrent à la construction du chemin de fer transcontinental.
À partir de 1870, le Canada commence à participer au transport transatlantique, ce qui ne manqua pas d'attirer plusieurs immigrants désireux de trouver des emplois. On [29] estime qu'entre 1907 et 1930 a peu près 900,000 travailleurs qualifiés et semi-qualifiés (autres que fermiers) arrivèrent au Canada (AVERY 1985:862). Car le Canada, à cette époque-là, (1880-1930) a maintenu une politique d'immigration encourageant la venue de fermiers pour exploiter les nouvelles terres devenues disponibles par la colonisation des provinces canadiennes des prairies. Mais, en fait, une fois arrivés au pays, plusieurs des nouveaux arrivants se cherchaient des emplois comme travailleurs semi-qualifiés et manoeuvres dans les industries en expansion du Canada central. Mais comme nous sommes les voisins d'un pays dont les territoires habitables et habités étaient plus vastes que les nôtres et qui, au surplus, avait conquis son indépendance politique, il se créa à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, un mouvement de va et vient entre nos deux frontières, à un point tel que plusieurs des immigrants qui vinrent au Canada ne s'y installèrent pas de façon définitive. Il en fut de même, dans une moindre mesure, aux Etats-Unis. Pour certaines années, le nombre d'émigrants (partants) au Canada est presqu'aussi élevé que le nombre des immigrants (arrivants). Ce phénomène a été important jusqu'au moment où les États-Unis promulgèrent des lois pour contrôler l'immigration. Ce mouvement de va et vient entre les deux pays fut d'une telle importance que Porter dans son ouvrage classique sur la mosaïque verticale canadienne considère le Canada comme étant une véritable «gare démographique».
Selon Avery (1985:862), depuis 1945 on a connu au Canada trois vagues importantes d'immigration. La première fut constituée durant la période de l'aprèsguerre par les déportés qui provenaient surtout de l'Europe centrale et qui détenaient des diplômes techniques et universitaires. Ils se sont vite intégrés au marché du travail en se trouvant des emplois professionnels et techniques pour lesquels ils étaient qualifiés. La seconde vague comprenait des immigrants en provenance des pays «préférés», c'est-à-dire, de l'Angleterre, de l'Allemagne et des Pays-Bas qui se trouvaient des emplois la plupart du temps prestigieux et lucratifs dès leur arrivée. La troisième vague est constituée d'immigrants venant des pays de l'Europe du Sud et des Antilles où les niveaux de vie sont bas. Aussi étaient-ils enclins à accepter des emplois que les Canadiens ne désiraient pas et à être embauchés, comme manoeuvres, dans des emplois saisonniers et peu rémunérateurs. On pourrait peut-être avancer l'hypothèse de l'existence d'une quatrième vague, constituée surtout ces dernières années de réfugiés politiques se cherchant un asile permanent tout en s'assurant d'un bon niveau de vie. Le Canada n'a pas hésité à se déclarer terre d'accueil pour ces réfugiés. Aussi a-t-il vu, ces derniers mois (octobre 1986 - mars 1987) la population demandant l'asile politique grimper à des sommets sans précédent. Cette nouvelle vague d'immigrants a suscité des signes de [30] protestation tout comme elle a reçu de solides appuis de la part de multiples groupes et de plusieurs individus. Le sentiment qui prime, toutefois, en est un d'inquiétude. On se demande, entre autres, comment notre pays est capable d'absorber autant d'immigrants de cette nature (il existe des enquêtes approfondies dans chacun des cas de demande d'asile politique pour déterminer s'il s'agit d'un «véritable réfugié») sur une si courte période. Exprimée autrement cette interrogation pourrait s'exprimer ainsi : le Canada a-t-il les reins assez solides, sur les plans économique et organisationnel, pour être en mesure d'offrir à ces nouvelles populations les conditions de vie et l'égalité des chances qu'elles recherchent en venant ici" ? De façon subsidiaire, une autre question découle de la précédente. La population canadienne est-elle prête à faciliter l'intégration sociale de ceux qui demandent l'asile politique au Canada ? Les réponses à ces questions sont difficiles puisque je ne dispose pas des données nécessaires pour ce faire. Il n'en demeure pas moins que la réponse du Fédéral, tout enrobée qu'elle soit, demeure ambigüe sur plus d'un aspect et semble indirectement pencher pour une réponse négative. Je réfère à la Loi récente qui impose de nouvelles conditions aux futurs immigrants et à ceux, en particulier, qui se réclament du statut de réfugié.
9. CONCLUSION
Nous possédons depuis quelque temps au Canada une Charte des droits et des libertés. Elle représente une sorte de carte conceptuelle devant nous servir à résoudre les inévitables erreurs et conflits qui surviennent dans les transactions sociales des différentes composantes de la mosaïque canadienne. Elle est tout aussi soucieuse de faire respecter les droits individuels que les droits collectifs. Ceux-ci ne sont pas aussi bien connus par la population canadienne que ceux-là. Quoiqu'il en soit, le sens de l'appartenance (l'identité collective) de même que la nécessité d'énoncer des projets pour l'avenir, bénéfiques pour chacun, représentent des droits collectifs de toute première valeur. Une méconnaissance de ces droits, ou encore leur non-respect, entraînent invariablement des conflits qui sont générateurs de phénomènes, associés dans les études classiques sur le sujet, à la désintégration sociale (alcoolisme, violence sous toutes ses formes, délinquance et criminalité, enfance négligée et d'autres manifestations d'aliénation sociale).
En 1987, le principe de l'unité dans la diversité en est un auquel adhère la plupart des Canadiens étant donné qu'il est perçu comme une source d'enrichissement. Par contre les représentations sociales des immigrants ne s'affilient pas à ce principe de la richesse dans la diversité culturelle. Tout se passe comme si on n'établissait pas de liens sémantiques entre immigration et diversité culturelle. Il y a un hiatus ici qui dénote la [31] nécessité de programmes d'éducation. Au surplus, nos dirigeants, dans tous les secteurs de la vie publique, se demandent toujours comment développer des stratégies, comment établir des services qui leur permettraient d'oeuvrer dans le sens de cet objectif hautement souhaitable. Pour le moment, ce principe risque de demeurer une métaphore. Les barrières institutionnelles à l'équité sont trop nombreuses et l'égalité dans les chances de vie des membres des communautés ethniques n'existent vraiment pas. On est en droit de se demander, alors, comment les membres des communautés ethniques pourraient s'engager d'une manière efficace dans le lent processus d'intégration sociale ? Ce processus est lui-même dynamique et en plus il suppose tout un ensemble d'appuis, dans les démarches d'emploi, dans le processus d'éducation et de formation, dans l'accès aux postes dans la fonction publique comme dans ceux qui permettent la participation aux décisions majeures. Si l'accès aux postes dans des structures décisionnelles s'avère impossible ou prématuré, on peut espérer à tout le moins que les membres des minorités ethniques et principalement ceux des «minorités visibles» aient accès à des rôles qui permettent d'agir directement sur les politiques publiques et sur celles des grandes corporations financières où leur présence est négligeable en ce moment.
Tenant compte de cet arrière-plan spatio-temporel, des institutions qui y sont établies et des acteurs sociaux qui y vivent, quels sont les principaux enjeux des communautés ethniques ? Le premier enjeu est d'obtenir l'égalité pleine et entière dans les chances de vie. Un autre, consiste à s'établir dans les structures du pouvoir et d'y être présents au même titre que les autres Canadiens. Un dernier enjeu se rapporte au droit d'acquérir et de définir, par elles-mêmes, sans qu'il y ait de coercition et pression morale, les modes d'insertion et les types de participation dans les institutions canadiennes qu'elles estiment en harmonie avec leurs attentes et leurs visions de l'avenir. La véritable intégration, comme je l'ai établi plus tôt, est celle qui s'appuie sur le bien-être et une bonne qualité de vie. Ces deux éléments constituent des conditions préalables à la participation des communautés ethniques à la vie de la société canadienne. Lorsque l'insertion des groupes minoritaires (ethniques) s'effectue par le biais de rapports inégalitaires (groupes dépendants), il ne peut qu'y avoir soumission (assimilation) ou révolte, deux conséquences qui sont à l'opposé de l'intégration sociale proposée en tant qu'idéal sociétaire.
Marc-Adélard Tremblay,
6 mai 1999.
Redisposition d'un texte prépare en 1987, 31 p. et 5 pages de bibliographie.
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GLOSSAIRE
ADAPTATION: Processus par lequel les individus ou des groupes en viennent à régler leurs conduites et leurs façons d'être et d'agir en fonction des exigences de l'environnement naturel et des attentes explicites et implicites des membres du milieu social plus large dans lequel ils interagissent. Cette notion comporte presque toujours des composantes biologiques, psychologiques et culturelles.
ALIÉNATION SOCIALE : État d'une collectivité qui, par suite de conditions socio-économiques et socio-politiques particulières, se considère dépossédée et désorientée. Cet État, s'il se prolonge, dégénère rapidement dans un processus de déstabilisation ou de désintégration sociale et d'anarchie collective (ou anomie).
ALLOPHONES: C'est l'ensemble des individus dont l'appartenance ethnique est autre que française et anglaise et qui sont habituellement d'origine récente au Canada. Les premiers habitants de ce pays constituent, les Aborigènes constituent un groupe à part.
ALTÉRITÉ: Dans le contexte d'une analyse portant sur les enjeux ethniques, cette notion signifie techniquement «ce qui est autre» mais d'une manière extensive «tout ce qui se rapporte aux autres». L'ouverture sur l'Autre est certes une des caractéristiques importantes de nos sociétés industrielles modernes, lesquelles sont pluralistes dans leurs idéologies et multiethniques dans leur composition.
APPARTENANCE DE CLASSE: La classe représente une division générale de la société globale en strates ou couches sociales hiérarchiques. Cette division est habituellement fondée sur des critères tels que le niveau d'instruction, le statut professionnel, le niveau de richesses matérielles, le milieu de résidence, etc. L'appartenance à l'une (ou l'autre) de ces classes regroupe donc tous ceux qui partagent un ensemble de caractéristiques liées à cette classe particulière. Ils s'identifient à cette classe, sont reconnus comme tels par ceux qui appartiennent à une autre classe sociale, supérieure ou inférieure. C'est en fin de compte une position sociale que l'individu tient par suite de ses caractéristiques sociales.
APPRENTISSAGE: Processus par lequel les membres d'un groupe à leur naissance intériorisent les divers éléments et traditions de leur culture d'origine. Lorsque cet apprentissage se rapporte à des éléments culturels étrangers (à la suite d'une immigration, par exemple), on réfère alors à un autre processus qui est celui de l'acculturation. L'aboutissement de ce dernier est l'assimilation et la perte complète des éléments de sa culture d'origine, lesquels sont remplacés par les éléments correspondants de la culture d'emprunt, c'est-à-dire de la culture à laquelle on emprunte.
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ASPIRATIONS: Besoins ou services qui sont conçus comme nécessaires par l'individu mais dont il ne peut disposer en raison d'un manque de ressources dans l'immédiat. Il les conçoit comme étant réalisables toutefois, dans un avenir plus ou moins rapproché. Il développe à cet effet une stratégie concrète qui en facilitera l'atteinte. C'est donc un projet réalisable à l'intérieur d'une période limitée de temps.
BESOINS: Biens ou services conçus comme essentiels à l'atteinte du bien-être physique et mental et permettent de bénéficier d'une «bonne» qualité de vie.
BESOINS SOCIALISÉS: Besoins dont les coûts économiques sont assumés par la collectivité (l'État) dans le but de répartir la charge également entre tous (selon des règles de contribution qui tiennent compte des niveaux de vie de chacun) et ainsi éviter que des individus particulièrement vulnérables (économiquement faibles) soient obligés de défrayer, en cas de besoin, des coûts qui sont complètement en dehors de leur portée. C'est aussi une manière de s'assurer que chaque membre de la collectivité a accès également bien à l'ensemble des biens et services disponibles, indépendamment de leur capacité de payer.
CARTE CONCEPTUELLE: C'est un ensemble de concepts interdépendants qui servent à bâtir un modèle théorique lequel est utilisé pour la compréhension des phénomènes sociaux, ceux-ci étant conçus comme incluant tout autant les aspects économiques, politiques, religieux, organisationnels, etc.
CHANCE DE VIE: Conditions de vie qui favorisent ou freinent l'épanouissement de l'individu (réalisation de soi), permettent ou empêchent la satisfaction de l'ensemble de ses besoins et facilitent ou bloquent la naissance des aspirations.
COMMUNAUTÉ AUTOCHTONE OU AMÉRINDIENNE: L'une ou l'autre des différentes nations autochtones vivant au Canada, réparties sur l'ensemble du territoire. La plupart du temps, les membres de ces communautés sont regroupés dans des réserves ou territoires qui leur sont exclusifs, sous l'autorité du gouvernement central (fédéral).
COMMUNAUTÉ ETHNIQUE OU CULTURELLE: Elle est constituée d'individus qui, tout en ayant un fort degré d'homogénéité du point de vue biologique, s'identifient aux mêmes traditions et partagent les mêmes modes de vie. Lorsque les membres d'un groupe ethnique sont suffisamment nombreux sur un territoire donné dans la société qui les accueille, ils oeuvrent pour établir des institutions semblables à celles de leur pays d'origine pour guider et encadrer leurs conduites collectives. Ils forment alors une communauté ethnique.
CONTRAT SOCIAL Convention entre ceux qui ont la responsabilité publique de gouverner et l'ensemble des individus qui sont gouvernés, les deux composantes formant une société. Cette convention spécifie ce qui est permissible et ce qui ne l'est pas, ce qui est de l'ordre publique et ce qui est l'ordre du privé. Ceux qui n'obéissent pas aux règles implicites et explicites de cette convention subissent des sanctions dont la gravité est relative à la nature du délit.
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CONDITIONS DE VIE: Ensemble d'éléments variables qui constituent les cadres de l'existence. Ainsi le genre de travail que quelqu'un effectue, le salaire qu'il reçoit pour ce travail, le genre d'instruction qu'il a reçue, le logis dans lequel il habite, le statut civil de l'individu, etc. sont autant d'éléments qui définissent en partie ses conditions de vie, lesquelles permettent un certain niveau de consommation.
CONFIGURATION D'ATTITUDES: Ensemble intégré d'attitudes pouvant se regrouper pour constituer un tout cohérent à l'intérieur duquel il existe des relations d'interdépendance et des principes de hiérarchisation. Certaines attitudes à l'intérieur de ce grand tout sont plus fondamentales que d'autres, ont une stabilité plus grande et rejoignent des segments sociaux plus larges (généralité).
CONFLIT INTERETHNIQUE: Une vision différente des droits, objectifs et privilèges entretenue par des groupes ethniques vivant sur le même territoire. Elle se traduit très souvent dans des contestations, des prises de position et des affrontements. Ces positions et divergences de vue nécessitent d'être l'objet d'un arbitrage et d'une conciliation en vue de dénouer le conflit qui existe entre un ou plusieurs groupes ethniques et résoudre la crise qu'il a suscité. On peut juger de la gravité d'un conflit par son intensité, sa généralité et sa durée.
CONTEXTE SOCIO-POLITIQUE: Réfère à tout un ensemble de conditions économiques, sociales et politiques qui servent de cadres généraux à l'évolution des institutions et des organisations ainsi qu'aux comportements des individus.
DISCRIMINATION «RACIALE»: Discrimination liée exclusivement aux traits physiques d'un individu ou d'un groupe d'individus ayant sensiblement la même apparence physique.
DISCRIMINATION SOCIALE: Dans les sociétés où on proclame l'égalité de tous devant la loi, le traitement d'inégalité accordé à des individus ou à des groupes d'individus en raison de leur origine ethnique, de leurs croyances religieuses, de leur affiliation politique, ou encore, de leur statut économique est un geste de discrimination sociale. Cette inégalité se traduit, entre autres, par des phénomènes d'exclusion et la négation de privilèges accordés aux autres.
DIVERSITÉ CULTURELLE: C'est l'existence sur un même territoire de plusieurs groupes ethniques, et, dans le cas du Canada, de plusieurs nations autochtones.
DROITS ANCESTRAUX: Ce sont des droits qui subsistent en vertu des liens de descendance qui peuvent s'échelonner sur de très longues périodes de temps de telle sorte qu'on en vient à les considérer comme étant à l'origine ceux de ses ancêtres. Ce sont des droits qui sont encore plus larges que les droits territoriaux.
DROITS TERRITORIAUX: Ce sont des droits liés à l'occupation historique effective d'un territoire géographique donné par un groupe qui en réclame la possession et l'usage à des fins d'exploitation et de subsistance. La démonstration d'un tel droit se fonde sur la continuité dans la résidence et dans les activités économiques, sociales et religieuses.
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ÉCHELLE DE PRÉFÉRENCE ETHNIQUE: Outil d'analyse dans les sciences sociales qui consiste à construire, à l'aide de pondérations chiffrées, une mesure comportant des degrés allant de bas vers le haut laquelle traduit des positions plus ou moins élevées. Dans le cas des groupes ethniques, il s'agit d'une échelle de préférence, les groupes étant les mieux vus et les plus appréciés se retrouvent à des positions plus ou moins élevées tandis que ceux qui sont les moins bien vus et les moins bien appréciés se situent à des positions inférieures. Ces données subjectives sont le fait de perceptions que les individus nourrissent et transmettent aux autres à partir de caractéristiques objectives (la couleur de la peau, par exemple) ou encore à partir de l'image qu'ils se font (en prêtant des intentions ou en ayant des conceptions discriminatoires, par exemple) de certains groupes d'individus. Ces préférences se traduisent dans des attitudes et des comportements.
ÉCHELLE SOCIO-ÉCONOMIQUE: Mesure composée d'un certain nombre d'items, auxquels on peut accorder des poids plus ou moins importants, qui traduit le statut ou la position (élevée, médiane, basse) économique d'un individu ou d'un ensemble d'individus. C'est un barème d'appréciation largement utilisé par les chercheurs dans les sciences sociales auquel on vise à conférer le meilleur degré de validité et de fiabilité possible, surtout lorsqu'on l'applique à de larges populations.
ENJEUX ETHNIQUES: Nombreux défis posés aux membres des minorités ethniques comme à ceux de la société majoritaire pour qu'existent les conditions socio-politiques et socio-économiques essentielles à l'égalité dans les chances de vie et àl'existence de relations harmonieuses entre tous les groupes constitutifs d'une société particulière.
ÉQUITÉ: Consiste à placer tous les individus sur un pied d'égalité, à donner à chacun (individu ou groupe) la part qui lui est dûe en vertu de ses droits individuels et collectifs. Elle consiste encore à appuyer, par des ressources et des gestes spéciaux, les individus et les groupes défavorisés.
ETHNICITÉ: Concept qui s'applique à l'origine ethnique, aux caractéristiques et aux modes de vie d'une ethnie particulière.
ETHNOCENTRISME : Attitude de ceux qui jugent les conduites, les valeurs et les institutions des membres d'une autre civilisation à partir de barèmes et de critères qui proviennent de la civilisation à laquelle ils appartiennent. C'est donc un point de vue qui est centré uniquement sur sa culture d'origine, un préjugé qui découle de l'appartenance à une culture donnée.
ETHNOCIDE: Destruction systématique et complète d'un groupe ethnique. Synonyme de génocide.
ETHNOCULTURE: Voir: COMMUNAUTÉ ETHNIQUE OU CULTURELLE.
IDENTITÉ CULTURELLE OU ETHNIQUE: Appartenance à un groupe ethnique qui se traduit par une fierté dans ses origines, une image de soi valorisante et des modes de vie qui sont en [41] harmonie avec ses sentiments et les idéaux partagés par l'ensemble des membres du même groupe.
IDÉOLOGIE: Ensemble d'idées et de principes érigés en système, énoncés explicitement, habituellement par les chefs de file, en vue de justifier des comportements soit d'une société entière ou de catégories sociales particulières.
IDÉOLOGIE ASSIMILATRICE OU DE CREUSET: Elle contraint toutes les catégories sociales et les groupes (surtout les nouveaux arrivants et leurs descendants dans le cas d'une idéologie du creuset) à adopter comme règles de conduite les principes d'action qui régissent l'ensemble des membres de la société d'accueil.
IDÉOLOGIE COLONIALE: Philosophie des gouvernements impériaux dans l'administration des pays conquis (colonies), ou sous leur tutelle. Cette philosophie est constituée de principes et règles qui justifient leurs actions législatives et leurs pratiques administratives.
IDÉOLOGIE FONDATRICE: Une idéologie est fondatrice lorsqu'elle naît au début de l'établissement d'un pays ou d'une nation.
IMPÉRATIFS CULTURELS: Ensemble d'éléments culturels érigés en principes fondamentaux nécessaires à la survie d'un groupe et à son fonctionnement harmonieux.
INSTITUTIONS ETHNIQUES: Services qui sont offerts par des organismes structurés ayant une certaine taille et continuité dans la poursuite de leurs objectifs. Ce sont des services que se donnent les communautés ethniques pour répondre à leurs besoins particuliers tels les journaux, la radio, les services d'entraide, les loisirs organisés, les services religieux dans la langue du pays d'origine, etc. Ces services doivent avoir un certain caractère de permanence et de continuité dans le temps pour avoir un statut d'institution.
INTÉGRATION SOCIALE: Ajustement réciproque des différentes composantes d'une société (constituantes ethniques, par exemple) les rendant capables de former une société organisée et stable. Cela suppose le respect des droits de chacun, la définition et l'adhésion à des valeurs communes, le partage équitable des richesses, l'accès indifférencié à des postes dans la structure du pouvoir et la poursuite d'idéaux liés aux intérêts particuliers de chaque composante sociale.
LIENS SÉMANTIQUES: Rapport d'interchangeabilité qui existe entre des concepts et des notions qui appartiennent à un même champ de signification. Les réalités dont ils traduisent l'existence ont des rapports très étroits puisqu'ils recouvrent sensiblement les mêmes réalités.
MINORITÉ VISIBLE: Groupe de personnes qui ont des traits physiques qui les distinguent des populations blanches du pays. Ce concept n'incorpore pas les membres des peuples autochtones puisqu'il réfère, dans le contexte canadien, aux immigrants en provenance de l'Afrique noire et mahgrébienne, de l'Asie, de l'Amérique centrale et de l'Amérique latine.
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MODÈLES: Idéaux de conduite proposés à tous les membres d'un groupe afin que chacun s'en serve pour fonder leurs attitudes et leurs conduites. C'est une sorte de code de conduite.
MOSAÏQUE ETHNIQUE OU CULTURELLE: Groupe de communautés ethniques d'un même pays partageant certaines traditions socio-politiques communes, ayant des territoires suffisamment rapprochés pour constituer un ensemble ayant une certaine cohérence interne et stabilité.
MUTATIONS SOCIALES: Transformations morphologiques de grande envergure et à caractère brusque tant dans les institutions que dans les organisations qui engendrent des ensembles de conséquences dont les impacts sont imprévisibles mais habituellement importants.
NATIONS OU PEUPLES AUTOCHTONES: Ce sont les premiers habitants de ce pays qui se sont répartis sur l'ensemble du territoire: à savoir, les nations amérindiennes et les Inuits. Ce sont les véritables peuples fondateurs du Canada. Référant aux Anglophones et aux Francophones, on utilise de plus en plus l'expression peuples dits fondateurs.
NIVEAU DE VIE: Position d'un individu, d'une couche sociale ou d'un groupe tout entier, par rapport aux ressources économiques dont ils disposent pour satisfaire l'ensemble de leurs besoins fondamentaux de la vie. Ce niveau permet soit la satisfaction de l'ensemble des besoins, ou suscite des privations par rapport à ces besoins ou encore, s'il est élevé, rend possible la naissance d'aspirations particulières. La position d'un individu particulier dans l'ensemble d'un groupe équivaut à son statut économique.
NOMENCLATURE DU MÉPRIS: Système de catégories sociales hiérarchiques des individus ou des groupes, la plupart du temps établi par les groupes dominants pour consolider la supériorité de leurs positions acquises, pour exprimer leurs préjugés discriminatoires et, à la limite, leur mépris des ou de certaines couches sociales inférieures ou définies comme telles par eux.
PARTICIPATION SOCIALE: Action par laquelle les différents membres de la société canadienne, dans le respect de leurs droits réciproques, peuvent exercer sur un même pied une influence sur la conception des lois et la direction du pays. Cette action leur donne ainsi droit, sur une base équitable, aux ressources du pays, facilitant ainsi la qualité de vie de chacun et l'épanouissement de tous les groupes.
PATRIMOINE ETHNIQUE OU CULTUREL: C'est l'ensemble des éléments de la culture matérielle d'origine d'un groupe, mais aussi l'ensemble de leurs institutions, de leurs traditions et des divers aspects de leur mode de vie.
PATRONS CULTURELS: Ensemble de valeurs et de comportements ainsi que d'institutions, relativement homogènes, partagés par des groupes suffisamment larges, sur un territoire donné, [43] pour constituer une sous-culture, c'est-à-dire, un mode de vie ayant un caractère spécifique et des attributs distincts.
PAYS D'ACCUEIL: Voir: SOCIÉTÉ D'ACCUEIL.
PEUPLES ABORIGÈNES: Voir NATIONS OU PEUPLES AUTOCHTONES.
PEUPLES FONDATEURS: Dans le contexte canadien, on pense invariablement aux Francophones et aux Anglophones alors qu'en fait ils sont d'origine récente au Canada. Les véritables fondateurs de ce pays sont leurs Peuples aborigènes, ceux qui sont arrivés en premier sur le continent nord-américain.
POLITIQUES ASSIMILATRICES: Ce sont des orientations et des pratiques administratives officielles des États, conçues spécialement pour susciter l'abandon complet des systèmes de valeur et des comportements inspirés par l'origine ethnique. Valeurs et habitudes de vie nouvellement acquises sont très différentes de celles du groupe d'origine et reproduisent plus ou moins intégralement celles des membres du groupe dominant avec lesquels on est en contact direct continu dans la société d'accueil.
POTLATCH: «Fête ou cérémonie qui consiste dans la distribution de cadeaux ou dans la simple destruction de biens qui sont la propriété de l'auteur et que l'on pratique en vue d'acquérir ou d'élever son statut social», c'est-à-dire, sa position dans l'échelle du prestige social (Dictionnaire de Sociologie. Emilio WILLEMS, 1961, p. 199). Elle était pratiquée par les Autochtones des tribus de la Côte Ouest canadienne.
POUVOIR ROUGE: Pouvoir réel ou attribué aux chefs des Nations autochtones ou encore à l'Autochtonie toute entière.
PRÉJUGÉ «RACIAL» : Voir DISCRIMINATION RACIALE OU ETHNIQUE.
PRIVATIONS: Absence de biens conçus comme essentiels à une «bonne» qualité de vie. Les privations sont volontaires ou imposées. Lorsqu'elles sont volontaires, c'est habituellement dans le but de l'acquisition ultérieure d'un bien ou d'un service fortement désiré. Elles sont subies lorsque les individus ou les groupes ne disposent pas des ressources nécessaires pour s'approprier les biens ou jouir des services perçus comme essentiels.
RACISME: Perceptions et attributs discriminatoires qui sont attribués à des individus appartenant par leur identité et leurs habitudes de vie à une ethnie particulière. Ceux-ci se traduisent par des attitudes et des comportements qui les dévalorisent et leur nuisent plus ou moins gravement selon la nature des préjugés dont ils sont l'objet.
RAPPORT INÉGALITAIRE: Réfère à la situation dans laquelle se retrouvent les groupes minoritaires dans leurs relations au groupe majoritaire. C'est un rapport de force où les minorités ethniques n'ont pas le même accès aux ressources que les membres du groupe dominant, ne disposent pas des mêmes influences sur les politiques publiques et la vie économique et n'obtiennent pas les mêmes succès dans l'atteinte de leurs objectifs particuliers. Alors que les [44] membres du groupe dominant jouissent d'une relation privilégiée avec ceux qui détiennent le pouvoir, ceux des groupes minoritaires reçoivent peu d'attention et, à la limite, peuvent être délaissés ou exclus presque complètement.
RÉFUGIÉ POLITIQUE: Statut accordé au Canada et dans les pays occidentaux en général à des personnes qui immigrent dans un pays sans s'être conformées aux règles d'usage mais qui ont réussi à faire la démonstration que leur vie était en danger ou qu'elles seraient l'objet de mesures disciplinaires inappropriées (l'emprisonnement, par exemple) dans leur pays d'origine en vertu de leurs idées politiques ou de certaines valeurs (la liberté, par exemple) jugées inacceptables par les autorités en place.
REPRÉSENTATIONS SOCIALES: Perceptions et conceptions populaires qui se traduisent dans des conduites individuelles conséquentes, des comportements collectifs orientés et des pratiques institutionnelles cohérentes. D'où leur importance, en tant que principe d'action, dans une société multiculturelle.
SCHÈME EXPLICATIF: Ensemble d'éléments interdépendants qui, par leur antériorité, peuvent servir d'explication à des faits sociaux ou caractéristiques sociales particulières. Habituellement, ces schèmes découlent de perspectives théoriques lesquelles s'insèrent dans un modèle théorique général.
SÉDENTARISATION: Fixation d'un groupe sur un territoire donné d'une manière permanente de façon à réduire les déplacements à leur strict minimum. S'oppose au nomadisme.
SOCIALISATION: Voir: APPRENTISSAGE.
SOCIÉTÉ BLANCHE: Cette expression s'oppose à société autochtone.
SOCIÉTÉ D'ACCUEIL: Société particulière qui reçoit les immigrants et qui est disposée à favoriser leur épanouissement en tant que groupe en mettant à leur disposition les outils nécessaires à leur participation et à leur intégration sociales.
SOCIÉTÉ JUSTE: Société respectueuses des droits individuels et collectifs et qui met en place l'ensemble des dispositifs législatifs et administratifs nécessaires pour que tous les citoyens qui y vivent aient accès aux mêmes services, sans discrimination aucune, et puissent jouir de conditions de vie qui leur permettent non seulement de satisfaire leurs besoins, mais aussi de nourrir des aspirations. L'existence de ces différentes conditions assurent l'égalité devant les structures de pouvoir établis et permettent aux individus comme aux groupes, par suite d'une répartition équitable des richesses, de se développer selon leurs choix et leurs priorités.
STATUT INDIEN Attribut qui est accordé aux premiers habitants du pays qui les dispensent de certaines obligations des autres habitants du pays. Cette reconnaissance découle de caractéristiques particulières. Mais, par ailleurs, comme la plupart de ceux qui détiennent ce statut vivent sur des réserves, dont le territoire géographique est restreint (d'où, absence de [45] ressources naturelles nécessaire à leur auto-suffisance), ils sont limités dans leurs décisions et actions collectives, étant soumis au tutelage du gouvernement fédéral.
TRADITIONS AUTOCHTONES OU ETHNIQUES D'ORIGINE: C'est la culture matérielle d'origine ainsi que l'ensemble des institutions and habitudes de vie d'avant qui ne se retrouvent pas dans le pays d'accueil, d'où la nécessité pour les immigrants de s'adapter aux coutumes de ce dernier, modifiant ainsi leur héritage coutumier. Quant aux communautés autochtones, elles cherchent à maintenir le mieux possible les coutumes et les valeurs du passé tout en cherchant à s'approprier ce qu'elles considèrent acceptable dans les sociétés industrielles modernes.
TRADITIONS SOCIALES OU CULTURELLES: C'est la culture ou les modes de vie d'un groupe donné.
TUTELLE: Institution conférant à un tuteur le pouvoir d'administrer les biens d'un individu ou d'un groupe considéré comme étant incapable de le faire par lui-même d'une manière acceptable.
VALEURS CONSENSUELLES: Valeurs partagées par l'ensemble des membres d'un groupe de telle sorte qu'elles suscitent un accord total et unanime (consensus).
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