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LES ENJEUX DE LA CITOYENNETÉ
“La nécessaire appropriation
des dimensions fondamentales de la culture québécoise
dans une perspective nationaliste
des Québécois issus de l'immigration.”
Pierre Toussaint
Professeur, Département d'éducation et pédagogie,
Université du Québec à Montréal
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RÉSUMÉ
[280] Comment créer un Québec où les nouveaux arrivants se sentent citoyens à part entière ? Parler de diversité culturelle ou ethnoculturelle dans une perspective historique, c'est en quelque sorte rappeler la trajectoire de gens venus d'ailleurs qui vivent au Québec et expliquer les raisons pour lesquelles ils se sentent Québécois d'abord ou Canadiens avant d'être Québécois. Cette question fait appel à des facteurs sociologiques qui, dans toute société, sont susceptibles de susciter une identité partagée, un sentiment d'appartenance, la possibilité de participation, dimensions qu'implique l'exercice de la citoyenneté. À titre d'observateur de la réalité québécoise et d'acteur venu d'ailleurs, et à partir de notre perception de la réalité politique du Québec, nous tenterons une réflexion analytique sur certains événements marquants, notamment le référendum de 1995, et sur l'impact des discours nationalistes en présence, qui sont parvenus, ou non, à créer les conditions favorables à l'élaboration d'une citoyenneté québécoise commune pour tous et inclusive.
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D'entrée de jeu, posons la question suivante : comment créer un Québec où les nouveaux arrivants se sentent citoyens à part entière ?
Parler de diversité ethnoculturelle dans une perspective historique, c'est en quelque sorte rappeler la trajectoire de gens venus d'ailleurs qui vivent au Québec et expliquer les raisons pour lesquelles ils se sentent Québécois d'abord ou encore Canadiens avant d'être Québécois. Souvent on observe des choix différents qui sont faits, selon les parcours migratoires et les choix des gens issus de l'immigration par rapport à ceux de la société d'accueil.
Notre posture comme observateur de la société québécoise et comme éducateur du monde de l'éducation nous amène à opter pour un nationalisme civique par rapport au nationalisme conservateur.
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Cette question ou plutôt cette posture identitaire du nationalisme fait appel à des facteurs sociologiques qui, dans toute société, sont susceptibles de susciter une identité partagée, un sentiment d'appartenance, la possibilité de participation civique, toutes les dimensions qu'implique l'exercice de la citoyenneté.
On observe, au Québec, qu'il n'est pas toujours facile pour un nouvel arrivant de s'identifier à la culture québécoise sans se faire regarder par certains qui se disent, « c'est le Canada qui t'a choisi, tu dois donc fidélité à ton pays d'accueil ». Le contexte géographique et sociopolitique joue dans les choix que font les nouveaux arrivants dans cette perspective. On peut tenter une explication, l'ambiguïté réside dans les rapports entre le Québec et le Canada, les tiraillements passés qui existent et qui se manifestent selon les enjeux et les politiques et même certains jugements des différentes cours, notamment la Cour suprême du Canada en matière de responsabilités dans les champs de juridiction du Québec. Le nouvel arrivant ne sait pas toujours sur quel pied danser. Certaines personnes qui ont fait le choix de venir s'établir ici, au Québec, se sentent ou sont invitées à partager les valeurs, la culture, la langue de la nation québécoise. Certains sont tiraillés à l'idée de devoir faire un choix entre deux politiques sur la citoyenneté : la canadienne ou la québécoise ?
Le moins que l'on puisse dire, comme l'affirment plusieurs intellectuels québécois, notamment, Courtois, Labelle et autres chercheurs, le Québec est une société accueillante, laïque, inclusive et qui est ouverte à la diversité ethnoculturelle.
Avant d'aller plus loin, mentionnons tout de suite que notre grille d'analyse est historique, politique et critique.
Nous optons dans notre analyse de la diversité ethnoculturelle, pour une approche dont l'accent est mis sur la citoyenneté.
Être citoyen d'un pays ou d'un État c'est quoi ?
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René Lévesque disait : « est Québécois, celui ou celle qui a choisi de vivre au Québec et de partager ses valeurs, sa langue commune, le français ». D'où la notion de convergence culturelle que l'on a maintes fois rappelée au cours du colloque.
Une société est basée sur des valeurs, la société québécoise ne fait pas exception. Faisons un rappel des valeurs fondamentales du Québec. Le gouvernement du Québec fait des valeurs suivantes les fondements sur lesquels nous devons construire notre société afin de mieux accueillir ceux et celles qui veulent partager le Québec [1] :
- • La nécessité de parler français au Québec ;
- • Le Québec, une société libre et démocratique ;
- • L'État québécois est laïque ;
- • Le Québec une société pluraliste ;
- • La société québécoise est basée sur la primauté du droit ;
- • Les femmes et les hommes ont les mêmes droits ;
- • L'exercice des droits et libertés de la personne doit se faire dans le respect de ceux d'autrui et du bien-être général.
À ces valeurs, nous ajouterons, le vivre ensemble comme condition essentielle à une commune humanité.
Nous vous proposons une démarche basée sur la mémoire historique d'événements qui caractérisent le Québec et son expérience d'accueil et d'intégration au cours des cinquante dernières années.
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Le Québec s'ouvre au monde
Il y a des signes qui ne mentent pas et qui évoquent des valeurs antiracistes du Québec moderne : l'ouverture démontrée lors d'Expo 67, des jeux olympiques de 1976, etc. Dans son ouvrage intitulé La petite histoire d'Expo 67, Yves Jasmin exprime ainsi l'importance de l'événement :
Plus de 25 ans après l'Expo 67, je recueille encore fréquemment des témoignages vibrants de cette fête de l'année du centenaire de la Confédération canadienne. [...] Lorsque je parlais à des amis montréalais de la préparation de cet ouvrage, ils me disaient combien ils avaient été chanceux d'avoir vécu cette époque. Ils me racontaient les journées passées à l'Expo à découvrir le monde [2].
Pour sa part, les Jeux olympiques de 1976 (XXIe Olympiade) signifiaient l'ouverture et la fraternité. C'était l'occasion pour Montréal et le Québec de faire connaissance avec le monde et de s'ouvrir collectivement.
Contexte politique
et changement de gouvernement en 1976
Se rappeler l'élection du gouvernement du Parti Québécois avec à sa tête René Lévesque comme premier ministre. L'Élection du Parti Québécois le 15 novembre 1976 a eu des échos dans le monde.
Mentionnons dans cette section quelques politiques mises de l'avant pour favoriser une meilleure intégration à la société québécoise des personnes issues de l'immigration.
Parmi les politiques adoptées par le gouvernement Lévesque, mentionnons l'adoption de :
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- La Loi 101, appelée Charte de la langue française, qui vise à assurer la primauté du français au Québec, à la fois dans l'affichage, l'enseignement et en milieu de travail ;
- L'Entente Cullen-Couture portant sur la collaboration en matière d'immigration et sur la sélection des ressortissants étrangers qui souhaitent s'établir au Québec. L'entente avait pour objet les deux éléments suivants : « Les parties contractantes collaboreront dans tous les domaines touchant leur flux migratoire ; les parties contractantes participeront conjointement à la sélection des personnes qui souhaitent s'établir au Québec à titre permanent ou temporaire » [3] ;
- Autant de façons d'être Québécois : Pian d'action du gouvernement à l'intention des communautés Culturelles et le changement de nom du ministère de l'Immigration pour « ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles ». Cette double décision confirmait la prise de conscience par le gouvernement du Québec de la diversité ethnoculturelle de la société québécoise et des impératifs que cette réalité impose ;
- Changement de gouvernement en 1985 et changement de Politique d'immigration intitulée : Au Québec pour bâtir ensemble. Énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration. Le premier ministre Robert Bourassa dans son mot d'ouverture écrivait : « Le gouvernement du Québec est persuadé que l'immigration peut et doit contribuer au redressement démographique, à la pérennité du fait français, à la prospérité économique et à l'ouverture du Québec sur le monde » [4].
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Ce sont là les principales illustrations qui montrent les politiques mises de l'avant par le gouvernement québécois pour favoriser l'accueil et une meilleure intégration des nouveaux arrivants à la société québécoise.
Accueil du Québec des nouveaux arrivants
et leur intégration à la société
Afin de savoir ce que pensent certains Québécois issus de l'immigration de leur intégration et de l'avenir du Québec, nous avons donné la parole à trois personnes qui ont bien voulu répondre à nos questions sur leur expérience d'intégration. Il ne s'agit pas ici d'un échantillon représentatif, mais simplement d'illustrations de trois modalités d'implication de personnes issues de l'immigration dans la société québécoise.
Nous avons soumis trois questions afin d'avoir leur opinion personnelle sur la question nationale et sur leur intégration à la société québécoise :
- 1. Comment créer un Québec où les nouveaux arrivants se sentent citoyens à part entière ?
- 2. Quel a été l'impact sur les Québécois issus de l'immigration de la déclaration de Jacques Parizeau, le soir du référendum de 1995, sur l'argent et les votes ethniques ?
- 3. L'adhésion des gens issus de l'immigration au projet national, est-ce une cause perdue ? Expliquez !
Quelques extraits des réponses aux trois questions posées. Les réponses sont regroupées pour chacune des questions posées comme une synthèse.
- Question 1) Comment créer un Québec
où les nouveaux arrivants se sentent citoyens à part entière ?
Répondant 1 :
D'entrée de jeu, je dois dire que présenté tel quel, le [242] discours sur l'indépendance du Québec a peu ou pas évolué en ce qu'il impute la faute aux autres. D'une part, c'est la faute d'Ottawa, des Anglais, et d'autre part celle des immigrants. Avant d'imputer la faute aux autres les leaders de la cause de l'indépendance du Québec de tous les horizons confondus devraient commencer par se regarder dans le miroir et se demander si le discours tient encore la route.
Répondant 2
Tout devrait commencer au pays d'origine. Très peu de nouveaux arrivants connaissent la réalité politique du Québec avant leur arrivée. Il leur faut une information dédiée qui tient compte de cette lacune. L'entente Québec-Ottawa en matière de sélection des immigrants devrait prévoir une responsabilité conjointe des délégations du Québec et des ambassades du Canada en la matière. Une fois arrivés au pays, les nouveaux arrivants doivent être accompagnés dans leur démarche d'intégration. À cet effet, des programmes devront être élaborés. La formule des COFI mérite d'être revisitée. Il faut offrir aux nouveaux arrivants la possibilité de bien comprendre le Québec, sa langue, sa culture, son histoire. Les centres d'accueil et d'intégration en milieu d'emploi, les centres de formation et de recherche d'emploi, les organismes de développement de l'employabilité, les établissements scolaires fréquentés par les enfants de nouveaux arrivants, le milieu du travail doivent devenir les lieux par excellence où on devrait faciliter la sensibilisation à l'exercice de la citoyenneté et former les nouveaux arrivants.
Répondant 3
Afin que les nouveaux arrivants et les Québécois(e)s issus de l'immigration se sentent citoyens à part entière, il faudra favoriser la pleine [243] participation citoyenne et corriger le déficit de représentation afin que la diversité soit reflétée dans les institutions communes de la société québécoise : économiques, politiques, sociales, communautaires ou culturelles. Je crois que la question de la citoyenneté québécoise pourrait être un levier intéressant et pertinent pour faire avancer le projet souverainiste auprès des citoyens de diverses origines. Cependant, cette citoyenneté doit prendre en compte le pluralisme et la diversité ethnoculturelle de la société québécoise. Le retour à un nationalisme ethnique fait reculer la cause de la souveraineté auprès, non seulement des citoyens issus de l'immigration récente, mais aussi auprès des citoyens d'origine canadienne française qui ont à cœur le caractère pluriel de la société québécoise. Il faut trouver un équilibre entre une approche basée sur une citoyenneté civique et plurielle et une citoyenneté qui trouve ses fondements dans l'évolution historique de la société québécoise.
Les concepts et les mots que nous utiliserons pour définir cette citoyenneté seront d'une importance majeure. Notre projet de société doit intégrer pleinement les éléments qui nous permettront de bâtir les fondements du « vivre ensemble » sur la base de nos valeurs communes qui s'inscrivent dans une perspective démocratique, du français comme langue publique commune, de l'égalité entre les femmes et les hommes, de justice sociale et de respect de la diversité.
De cette première question, il se dégage des perceptions différentes sur la question identitaire ou citoyenne. Pour notre part, nous considérons que malgré les politiques mises de l'avant par les gouvernements, les Québécois issus de l'immigration ne se sentent pas des citoyens à part entière. Qu'est-ce ce qui explique cela ? Il est difficile d'avoir une réponse concluante. Mais, peut-on penser que les difficultés rencontrées par les immigrants à s'intégrer sur le marché du travail soit la principale raison de cette distance identitaire ? La question du vivre ensemble semble avoir beaucoup d'importance pour les répondants également. Nous pensons que la [244] citoyenneté, l'identité québécoise constituent des ingrédients importants qui symbolisent le vivre ensemble et pour cela doit être inclusive.
- Question 2) Quel a été l'impact sur les Québécois
issus de l'immigration de la déclaration de Jacques Parizeau,
le soir du référendum de 1995,
sur l'argent et les votes ethniques ?
Répondant 1 :
Le discours doit être inclusif plutôt que « divisif ». Les propos de Parizeau ont été plus crus, dictés par la colère et la déception. Il ne faut pas sous-estimer toutefois le comportement de Bernard Landry avec cette femme de chambre, fruit de la colère et de la frustration également. Les discours du bon vieux peuple qu'on ne voit pas, qu'on écoute peuvent être aussi très dévastateurs. Plus que jamais, au Québec, nous avons besoin d'un leadership constructif pour mener à bien le projet d'indépendance du Québec, un travail d'ingénierie dans une société en constante mutation. D'ailleurs toutes les sociétés le sont, même celles qui sont réputées être les plus stables. Il ne faut se le cacher : les Québécois pour la plupart ont encore peur de l'immigration qu'ils considèrent à la base de tous leurs maux. Quelques exemples de propos étranges de leaders souverainistes :
- • François Legault, « nous avons trop d'immigrants il faut limiter le nombre ». La peur de ne pas être capable de les intégrer ;
- • Lucien Bouchard, « les Québécois sont la seule race blanche qui ne fait pas assez d'enfants ». La peur d'être envahi.
C'est navrant de constater que les positions des têtes dirigeantes nous renvoient plus souvent qu'autrement aux cinq peurs du Québec :
- • La peur d'être envahi ;
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- • La peur de perdre sa job ;
- • La peur de ne pas être capable de les intégrer ;
- • La peur des affrontements interraciaux ;
- • La peur de perdre son identité.
Répondant 2
Les propos incendiaires de M. Parizeau, le soir du référendum du 30 octobre 1995, auraient pu créer des émeutes à Montréal, tant le sentiment de haine véhiculé par le chef de la nation québécoise était fort. On aurait pu assister à des lynchages de Québécois issus de l'immigration. Heureusement le peuple québécois est pacifique et civilisé. Quand nous, Québécois souverainistes issus de l'immigration, avons eu la vie dure dans nos communautés respectives, il fallait tenter d'expliquer ou mieux accepter le blâme de nos pairs. Nous avions eu la mine basse, et avions été étiquetés de collabos pour avoir pactisé avec une option qui traite les ethnies de la sorte. Aujourd'hui encore les plaies sont grandes ouvertes, et on oublie le Québec de René Lévesque, de Gérald Godin et de Jacques Couture avec leur parti pris pour les gens venus d'ailleurs. Le dérapage de Parizeau a tout éclipsé. Pourtant, chez le Québécois issus de l'immigration, le projet convainc de plus en plus de personnes.
Aujourd'hui, j'ai l'impression que la déclaration de Parizeau a créé une distance interne (stratégique) entre le Parti Québécois et les Québécois issus de l'immigration. Elle est laminée dans certains esprits. Les Québécois issus de l'immigration sont ignorés... il ne faut pas réveiller les ennemis : la très bonne formule qui fait fortune dans nos campagnes électorales. Mais le PQ doit dépasser ce discours et refuser de se donner des postures pour gagner les élections. Il [246] doit miser sur un projet de société, (Des pistes seront explorées dans mes remarques générales).
Répondant 3 :
Je crois que la déclaration de Parizeau fait partie du passé. Nous devons aller de l'avant. Aujourd'hui, il est important que les souverainistes et ses leaders en particulier tiennent un discours inclusif et que les Québécois issus de l'immigration se sentent partie prenante du projet de pays.
Cette déclaration de l'ex-premier ministre Jacques Parizeau ne doit pas être considérée comme une déclaration raciste, ou ethnocentriste. Les personnes qui connaissent Jacques Parizeau, l'homme, le présente comme une personne aimable, et même chaleureuse. Mais, Jacques Parizeau, c'est Jacques Parizeau. Il ne fait pas dans la dentelle. Sa déclaration doit être comprise comme un homme politique déçu que son projet n'aboutisse pas malgré tous les efforts déployés. Comme le mentionne un des répondants, il faut passer à autre chose, car tout a été dit depuis cette déclaration le soir du 30 octobre 1995.
- Question 3) L'adhésion des gens issus de l'immigration
au projet national, est-ce une cause perdue ? Expliquez !
Répondant 1 :
Finalement, sociologiquement et économiquement le pays que l'on souhaite avoir ne saurait être clairement défini, de manière instantanée. C'est une finalité à inscrire dans le temps, elle sera façonnée par les habitants du territoire dans la patience, la persévérance, la lutte continuelle. Mon père nous disait toujours « la patience est amère, mais son fruit est doux ». Je crois encore qu'il avait raison et qu'il savait de [247] quoi il parlait. En observant les endroits comme l'Espagne avec les Catalans, la collecte et la gestion de leurs impôts sont assurées par le gouvernement central (le royaume) ainsi que la répartition et les Basques utilisant dans le temps un terrorisme à outrance, ce seront deux voies à ne pas emprunter ; celui de la République tchèque et de la Slovénie serait la voie idéale, sans heurts, apparemment {sic). Même là, il subsistait un inconfort pendant toute la durée de cette coexistence pacifique. Notons au passage, et je ne te l'apprends pas, que « les histoires des peuples toutes inspirantes ou séduisantes qu'elles puissent être ne sauraient s'appliquer ou être utilisées par tous de la même manière ».
Répondant 2 :
Non la cause n'est pas perdue. Il faut continuer avec patience à expliquer le projet et à mobiliser les Québécois issus de l'immigration. Cela dit, le projet doit devenir un projet commun porteur d'un NOUS inclusif. Un' NOUS enrichi de l'apport et de la présence de ces citoyens venus d'ailleurs. Ce projet de pays doit être comme le Québec tricoté serré, mais cette fois-ci cousu aux fils multicolores avec pour trame de fond les valeurs fondamentales du Québec auxquelles doivent s'identifier aussi les Québécois venus d'ailleurs et leurs progénitures.
Les citoyens issus de l'immigration doivent se sentir concernés par la nécessité de créer ce pays. Cette préoccupation de faciliter l'intégration de citoyens venus d'ailleurs dans toutes les structures des courants souverainistes doit être transversale. Autrement dit, il doit établir des conditions favorables pour assurer la participation accrue de Québécois issus de l'immigration dans ce projet de pays.
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Répondant 3 :
Non, l'adhésion des personnes issues de l'immigration au projet national n'est pas une cause perdue. Toutefois, le projet de pays doit être beaucoup plus inclusif et interpeller ceux et celles qui prennent de plus en plus conscience que le fédéralisme n'est pas réformable et dont les conséquences sont observables dans plusieurs domaines et notamment dans certains champs de compétences qui relèvent pourtant du Québec. Nous n'avons qu'à penser à la récente réforme de l'assurance-emploi qui occulte les réalités québécoises en matière d'emploi. Cette réforme affectera les travailleurs à statut précaire : des groupes de femmes et des nouveaux arrivants par exemple. Pensons également aux nouvelles dispositions se trouvant dans la loi C-31 [5], qui induit de considérables changements à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. La loi C-31 crée un système de protection des réfugiés canadiens à deux vitesses. Il rend la protection des réfugiés au Canada dangereusement vulnérable aux considérations politiques, plutôt que d'assurer une décision équitable et indépendante afin de décider qui est un réfugié.
Ce sont plusieurs enjeux qui poussent de nombreux citoyens et citoyennes de diverses origines à remettre actuellement en question ce fédéralisme qui fragilise le Québec en contrevenant aux valeurs et principes qui sont chers aux yeux des Québécois et des Québécoises.
Les forces vives du mouvement souverainiste devront également converger vers ce qu'on pourrait appeler « les non-convertis ». Il nous faut entreprendre un véritable dialogue avec [249] ceux et celles qui jusqu'ici restent en dehors des cercles souverainistes traditionnels (les citoyens de diverses origines).
Par ailleurs, beaucoup de Québécois et de Québécoises de diverses origines sont très sensibles aux principes du droit à l'autodétermination des peuples. Le droit pour les peuples à déterminer librement et démocratiquement leur statut politique représente un levier porteur dans un contexte où le désenchantement face au fédéralisme centralisateur est à son paroxysme.
Synthèse
À la lumière des propos tenus par les participants à l'enquête, on peut dire que la table est mise pour sortir du carcan dans lequel nous nous trouvons actuellement, comme l'a dit Yvon Deschamps « Un Québec indépendant dans un Canada fort ». On constate tous que ça ne marche pas et le pari de deux nations qui cohabitent est un pari perdu. Le constat est dur, mais c'est la réalité. Mais ce ne sera pas facile, comme les répondants l'ont signifié. Le Canada anglais veut garder le Québec en son sein pour des raisons utilitaires diront certains, notamment de politiques internationales (le G8, le G20, la Francophonie, etc.) et d'une culture différente de celle des États-Unis.
À cette question sur le projet national, il faut revenir à la notion de citoyenneté. L'inclusion sociale et citoyenne devient la clé pour aspirer à devenir citoyen d'un pays réel. Ce qui semble jouer des tours aux Québécois, c'est le fait de se considérer comme un peuple distinct, mais sans la reconnaissance internationale. Il faudrait faire en sorte que chacun se sente impliqué dans cette démarche qui vise à créer véritablement le sentiment que le pays est à portée de main, mais qu'il faut le faire plutôt que le dire.
Un certain nombre de conditions doivent être réunies pour parvenir à donner au Québec toute l'autonomie nécessaire pour se développer, protéger sa langue, son identité propre, sa culture et ses ressources (naturelles), etc.
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- Un projet de pays ?
Un projet inclusif et ou vert à tous !
Parmi les conditions préalables à la création d'un pays pour une nation existante comme le Québec, il faut miser sur une démarche organisée, structurée et avec un plan précis.
Il faut :
- 1. Un projet de société qui doit être la base de l'argumentaire de ce pays à bâtir ensemble. Ce projet doit être véritablement inclusif. Il doit faire de la place à « TOUS » et faire adhérer le plus grand nombre possible à ce projet emballant.
- 2. Redéfinir qui est Québécois dans ce projet afin que TOUS se sentent Québécois à part entière, Québécoise et que désormais, le Nous devienne un Nous inclusif, pluriel. Comme dirait René Lévesque, est Québécois celui ou celle qui habite le Québec.
- 3. Penser à long terme quand on veut réaliser un pays, c'est-à-dire miser sur un horizon, 2013-2023 si on est optimiste ; 2020-2030 si on est moyennement optimiste. À notre avis, la seule option pour le Québec c'est l'indépendance nationale, pas contre les autres, citoyens canadiens, mais pour les Québécois.
- 4. Accepter le fait que nous sommes interpellés Tous, les nationalistes de gauche et de droite. Si on veut arriver à créer un pays, il faut arrêter de se diviser, car cela fait grand plaisir aux forces du statu quo ! Tous les nationalistes, de la première à la 100e génération, qui croient à une citoyenneté québécoise inclusive, devraient mettre de côté les considérations partisanes et travailler ensemble à faire du Québec un pays, avec une langue commune, le français, et une culture propre, la culture québécoise. Un pays où il fait bon vivre.
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Mettre à contribution l'éducation, par une éducation civique et une éducation à la citoyenneté, et par une pédagogie visant à traduire concrètement l'idéal de ce pays dans les rêves des élèves, des étudiants et de tous les citoyens du Québec. Il faut revenir sur la fierté d'être Québécois, Québécoise. Le projet est viable ! Jean Charest l'a même dit lors d'entrevues en France, alors qu'il était premier ministre du Québec. Si Jean Charest, ancien chef du Parti conservateur fédéral (PC) devenu chef du parti Libéral du Québec et premier ministre, le croit, alors qu'est-ce qu'on attend ? Si nous croyons en la parole de Jean Charest, pour une fois, pourquoi ne pas se donner l'élan qui doit nous conduire à la souveraineté ?
En guise de conclusion, nous formulons un souhait :
Après le pays, les nationalistes autant de gauche que de droite pourraient se retrouver dans des partis politiques distincts. Comme l'a dit à plusieurs reprises Bernard Landry, la Patrie avant les partis, et il a raison !
Pour ce faire, il y a un travail de terrain à réaliser par des nationalistes souverainistes de gauche et de droite, soit de rétablir le dialogue entre Québécois de toutes tendances sur l'avenir du Québec. Le gouvernement Harper donne aux Québécois nationalistes les raisons de faire du Québec un pays. Si les nationalistes conservateurs ne l'ont pas encore compris, alors il serait temps qu'un large mouvement non partisan se déferle sur le Québec pour donner aux Québécois les moyens de se réaliser comme peuple et de fonder leur pays, le Québec !
Références
Canada. Emploi et Immigration Canada, Québec (Province). Ministère de l'Immigration. (1978). Entente entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement du Québec portant sur la collaboration en matière d'immigration et sur la sélection des ressortissants étrangers qui souhaitent s'établir au Québec à titre permanent ou temporaire. Montréal : Ministère de l'Immigration. Direction des communications.
[252]
Québec. Ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration (MCCI). (1981). Autant de façons d'être Québécois : plan d'action du gouvernement du Québec à l'intention des communautés culturelles, Montréal, Direction des communications.
Jasmin, Yves. (1997). La petite histoire d'Expo 67, Montréal, Éditions Québec Amérique.
Projet de loi C-31, Loi visant à protéger le système d'immigration du Canada, le sess., 41e lég, Canada, 2011.
Loi visant à protéger le système d'immigration du Canada, L.C., c. 17.
Québec. Ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration (MCCI). (1990). Au Québec pour bâtir ensemble. Énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration, Direction des communications du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration du Québec.
Québec. Ministère de l'Immigration. (1978). Résumé de l'entente Couture-Cullen, Direction des communications du Ministère de l'immigration du Québec.
Toussaint, Pierre, (dir.) (2010). La diversité ethnoculturelle en éducation : Enjeux et défis pour l'école québécoise, Sainte-Foy, Presses de l'Université du Québec.
[253]
[1] Toussaint, 2010, p. 14.
[2] Jasmin, 1997, p. 439.
[3] Canada. Emploi et Immigration Canada, Québec (Province). Ministère de l'Immigration, 1978, p. 1.
[4] Québec. Ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, 1990.
[5] Loi visant à protéger le système d'immigration du Canada, L.C. 2012, c. 17.
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