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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Michel Roche et Louis Gill, “NPD ou Bloc québécois ? Le dilemme de la gauche indépendantiste.” Une version modifiée de cet article a été publié dans le journal LE DEVOIR, Montréal, édition du 27 juillet 2015, page A7— idées. [Autorisation accordée conjointement par les auteurs le 27 juillet 2015 de publier cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

Michel ROCHE et Louis GILL


NPD ou Bloc québécois ?
Le dilemme de la gauche indépendantiste
.”

Une version charcutée de cet article a été publié dans LE DEVOIR, Montréal, édition du 27 juillet 2015, page A7 — idées.

Bon nombre de militants progressistes réclamant de la gauche s’apprêtent à appuyer le NPD lors des élections fédérales de l’automne prochain. Voter pour le Bloc québécois leur apparaît comme une menace à l’objectif qui consiste à congédier le gouvernement conservateur, perçu à juste titre comme le plus réactionnaire de l’histoire récente. Ils justifient cet appui en soutenant que le Bloc aurait joué son rôle historique, que le peuple québécois aurait pris à son égard une décision définitive en 2011. Ils prétendent également que l’élection éventuelle du NPD, grâce à l’électorat québécois, n’empêchera pas la poursuite du combat pour l’indépendance du Québec. Certains ajoutent que le Bloc est lié au PQ, dirigé par un patron reconnu pour sa gestion antisyndicale, alors que le NPD provient du mouvement ouvrier. Un gouvernement NPD, espèrent-ils, saurait améliorer la vie de millions de gens, alors que le Bloc n’exercera jamais le pouvoir. Bref : le combat de l’heure serait celui de la construction d’un « Canada de gauche », qui justifierait la mise en veilleuse, au moins temporaire, du combat pour l’indépendance du Québec. En se plaçant à l’extérieur de ce mouvement par un appui au Bloc, le Québec raterait l’occasion historique de participer à l’élection d’un premier gouvernement NPD pan-canadien.

Nous ne souscrivons pas à cette analyse qui repose à nos yeux sur une compréhension insatisfaisante du contexte politique et fait abstraction des aspirations du Québec à se libérer du carcan fédéral. Si compréhensible soit la hâte de se débarrasser du gouvernement Harper, le combat politique ne peut se limiter à ce projet. Il est d’ailleurs déplorable que certains syndicats véhiculent le mot d’ordre de voter pour la personne la plus susceptible de vaincre le candidat conservateur local et ce, quelle que soit son appartenance politique. Les luttes ouvrières, syndicales et populaires, ne peuvent progresser que par une mobilisation soutenue axée sur un projet politique et social libérateur. L’attitude négative qui consiste à « voter contre » n’aura jamais la force émancipatrice du geste positif visant à faire progresser une idée ou un rapport de forces.

Photo: Jacques Nadeau, Le Devoir. Le fait que Thomas Mulcair, ex-ministre du gouvernement Charest qui promettait une «réingénierie de l’État», soit à la tête du NPD en dit long sur sa nature.


Mais il en est qui croient sincèrement que l’élection du NPD permettrait à la fois de se débarrasser du gouvernement Harper et de mettre de l’avant des politiques progressistes. Qu’en est-il ? Le NPD d’aujourd’hui, en dépit de ses racines qui émanent du mouvement ouvrier canadien, s’apparente au New Labour britannique d’Anthony Blair. Il ne remet pas en cause le néolibéralisme. Du reste, l’élection du NPD au Québec en 2011 a peu à voir avec une maturation politique du mouvement ouvrier. Elle exprime essentiellement un rejet des partis politiques traditionnels et repose de ce fait sur un socle extrêmement fragile.

Le fait que l’ancien avocat d’Alliance-Québec, Thomas Mulcair, ex-ministre du gouvernement Charest qui promettait une « réingénierie de l’État », se sente à l’aise à la tête de ce parti en dit long sur sa nature. À ce titre, il n’y a qu’à évoquer son appui au projet d’oléoduc Énergie Est, qui acheminera le pétrole sale des sables bitumineux à travers le territoire québécois. Il s’agit là d’une position irrespectueuse tant de la population du Québec qui en assumera les risques environnementaux que de la volonté d’une grande partie de la population canadienne de lutter contre les changements climatiques.

Il en est de même des positions du parti face à la question de la laïcité. Défenseur résolu du multiculturalisme, il s’oppose à l’adoption d’une charte de la laïcité au Québec, ainsi qu’à l’interdiction du voile islamique dans les services publics. Il a récemment donné son appui au port du niqab lors de l’assermentation aux fins de l’octroi de la citoyenneté, en dépit de l’opinion contraire qui prévaut au Québec.

En dépit de ces réserves à l’égard du NPD, nous croyons qu’il constitue l’unique solution de rechange pour le Canada anglais. Ce n’est toutefois pas le cas au Québec. La structure politique canadienne s’est édifiée sur la base de l’oppression des nations minoritaires. Cette situation s’est traduite, au Québec, par l’émergence d’un mouvement indépendantiste qui a fini par s’imposer comme la principale menace pour l’État fédéral canadien et pour les classes dont il constitue l’instrument de domination. Que le mouvement indépendantiste subisse parfois des périodes de recul ne change rien à l’analyse. Le combat pour créer un État séparé fait partie intégrante de la bataille pour l’émancipation sociale. La question nationale ne s’est pas volatilisée même si le principal parti qui en a été jusqu’ici le porteur revêt aujourd’hui l’apparence d’un « champ de ruines ». Elle ne disparaîtra pas, parce que les raisons objectives qui rendent l’indépendance nécessaire, non seulement demeurent toujours fermement en place, mais parce que de nouvelles raisons s’y sont ajoutées.

Rappelons en particulier le rapatriement unilatéral de la Constitution, en 1982, qui a réduit les pouvoirs de l’Assemblée nationale et qui a été dénoncé par tous les partis politiques québécois et par les organisations ouvrières. Ou encore, la « Loi sur la clarté référendaire », adoptée en 2000, qui ne reconnaît pas à l’Assemblée nationale le droit de formuler souverainement sa question référendaire sans supervision des institutions fédérales. L’élection d’un gouvernement conservateur majoritaire sans le Québec a illustré mieux que tout la minorisation politique de la nation québécoise, annoncée dans les années 1960. Les principaux pouvoirs étant à Ottawa, le Québec subit des politiques qu’il n’a pas voulues. Il souffre actuellement des politiques du gouvernement Harper, y compris de sa politique étrangère et de son orientation militariste, sans avoir participé à son élection. La dépendance est source de multiples blocages.

Un gouvernement NPD avec forte participation québécoise changera-t-il quelque chose à cette situation ? Nous avons évoqué, plus haut, les positions de ce parti au sujet de l’oléoduc Énergie Est et de la laïcité. Par ailleurs, le NPD n’a jamais remis en question son appui à la Constitution de 1982, ni condamné son adoption unilatérale sans l’appui du Québec. Chaque fois que les pouvoirs du Québec ont été réduits ou outrepassés, il a, au pire, donné son appui au gouvernement fédéral, au mieux, il n’a rien fait. La présence de 58 députés du Québec dans son caucus n’a rien changé. S’il devait renouer avec les principes réformistes qui étaient à l’origine de sa fondation, n’est-on pas en droit de craindre qu’il chercherait, s’il formait le gouvernement, à investir le champ des politiques sociales, qui relève des compétences des provinces auxquelles le Québec tient tant?

Par ailleurs, nous ne partageons pas l’opinion selon laquelle la question nationale aurait perdu son potentiel de mobilisation au point où il faudrait baisser les bras et « passer à autre chose ».

Et nous considérons qu’il est faux de prétendre que le Bloc aurait joué son rôle historique et que le peuple québécois aurait pris à son égard une décision définitive en 2011. Rappelons que, si le Bloc n’avait alors remporté que quatre sièges, c’est un Québécois sur quatre qui avait voté en sa faveur.

Lors de cette élection, le Bloc a souffert d’une situation où le projet d’indépendance n’était pas au centre de l’actualité. Ce n’est plus le cas. Les Organisations unies pour l’indépendance (OUI-Québec), qui ont succédé au Conseil de la souveraineté, sont en train de se construire et rassemblent des indépendantistes de tous les horizons. L’idée de la tenue d’une assemblée constituante a progressé : elle est appuyée par les centrales syndicales, par Québec solidaire et par les OUI-Québec. Le PQ lui-même a remis la question nationale au cœur de son action politique. L’appui à l’option indépendantiste, tel que mesuré par les sondages, revient à des niveaux comparables à ceux qu’il avait atteints à la veille du référendum de 1995. Le référendum catalan, qui aura lieu en septembre prochain, en pleine campagne électorale fédérale, pourrait renforcer davantage le camp indépendantiste québécois.

S’il est vrai que l’appui à l’indépendance se raffermit et que le mouvement indépendantiste est en train de reprendre l’offensive, l’appui de députés indépendantistes au niveau fédéral, avec toutes les ressources dont ils disposeront, constituera un atout indéniable, comme ce fut le cas en 1995.

En conclusion, peut-on se contenter de la seule perspective, même pour l’heure, de se débarrasser de Harper et de viser un vote massif pour le NPD au Québec comme moyen d’apporter sa contribution à la formation d'un premier gouvernement NPD pan-canadien ? Nous ne le croyons pas. Nous ne pensons pas que la formation d’un Canada « de gauche » soit l’objectif à poursuivre. Nous pensons que le Québec doit continuer à se donner les outils qui lui permettront de hâter sa sortie du Canada et nous croyons que le Bloc québécois en fait partie. Pour ces raisons, l’appui au Bloc québécois aux prochaines élections fédérales nous semble le geste opportun à poser.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 27 juillet 2015 16:59
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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