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BIOÉTHIQUE ET GÉNÉTIQUE.
Une réflexion collective.
Deuxième partie. LES INTERVENANTS
“Le programme d'information
génétique de CORAMH
et ses enjeux éthiques.”
Lina Mercier et Martin Rhéaume
La Corporation de recherche et d'action sur les maladies héréditaires (CORAMH) est un organisme à caractère humanitaire qui veille à assurer le respect des droits et libertés des personnes et familles touchées par les maladies héréditaires dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Cet organisme est un lieu de rassemblement et de concertation régionale sur la problématique des maladies héréditaires.
Depuis 1983, CORAMH offre un programme d'information génétique dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean [1]. Ce programme a été conçu pour répondre à un problème délicat, à savoir informer la population sur la question des maladies héréditaires en utilisant un langage accessible qui facilite la compréhension de la réalité génétique. Dans un premier temps, nous vous ferons part des principaux éléments qui caractérisent ce programme, tels les objectifs, les groupes visés et le contenu. Dans un deuxième temps, nous ferons ressortir les enjeux éthiques liés à un tel programme.
LES CARACTÉRISTIQUES DU PROGRAMME
D'INFORMATION GÉNÉTIQUE
Les quatre objectifs
Le premier objectif concerne la diffusion des connaissances de base en matière de génétique. Nous voulons amener le plus de gens possible à s'approprier concrètement les notions [68] les plus élémentaires et les plus communes du bagage génétique que chacun porte en soi.
Le deuxième objectif se rapporte à la compréhension de la situation particulière de quelques maladies héréditaires dont le taux de prévalence est plutôt élevé dans la région. CORAMH veut ainsi amener le plus grand nombre de personnes possible à développer une compréhension claire et juste de cette réalité.
Le troisième objectif vise à favoriser l'épanouissement des personnes atteintes de maladies héréditaires et à promouvoir le respect de leurs droits. Par cela, CORAMH veut insister sur la reconnaissance de la valeur de toute personne et sur la responsabilité qui incombe à chacun d'agir dans le respect de la dignité de l'autre.
Le dernier objectif consiste à faire connaître à la population les services spécialisés qui lui sont offerts et à favoriser leur accessibilité.
Ces quatre objectifs forment un tout, de telle sorte que la valeur du programme repose sur l'imbrication de chacun.
Voici les groupes de personnes visés et le contenu du programme d'information.
Les groupes de personnes visés
- - Les intervenants de la santé
- - Les étudiants des cégeps et de l'Université,
- - Les finissants des cours professionnels en polyvalentes
- - Les étudiants de l'Éducation des adultes
- - Les groupes sociaux
- - Les personnes atteintes de maladies héréditaires et leurs parents.
Le contenu
- - Présentation des notions d'hérédité et application au groupe
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- - Description sommaire de six maladies héréditaires dont la prévalence est élevée dans la région
- - Explication de la situation particulière des maladies héréditaires observées dans la région
- - Démystification de la croyance en la consanguinité pour rendre compte de la présence de ces maladies héréditaires
- - Présentation des moyens de prévention et des services spécialisés concernant les maladies héréditaires
- - Visionnement du document vidéo Si on déjouait le hasard
- - État de la recherche sur les maladies présentées : l'espoir en l'avenir.
LES ENJEUX ÉTHIQUES DU PROGRAMME
D'INFORMATION GÉNÉTIQUE
Nous aborderons maintenant le propos le plus crucial, soit celui de la dimension éthique, qui guide et oriente le cadre de la communication.
Tout d'abord, il est de première importance de souligner que tout repose sur une information de grande qualité, qui respecte les critères de la démarche scientifique, tout en restant accessible à un public profane. Respecter l'éthique, c'est ainsi donner une information juste sur le problème des maladies héréditaires, telles que nous les connaissons actuellement. Par exemple, le vocabulaire utilisé doit être très simple et imagé pour que les jeunes ou tout autre groupe comprennent bien les messages que nous véhiculons. Mais, en même temps, il est de notre devoir de les informer correctement sur les différentes implications que soulèvent les maladies héréditaires pour les personnes atteintes et leurs proches.
Le programme d'information génétique fait appel à l'éthique par la façon d'enseigner, car nous voulons que les personnes que nous rejoignons soient en mesure d'acquérir une plus grande ouverture d'esprit face aux problèmes que suscitent les maladies héréditaires. L'essentiel est d'amener ces personnes à [70] se faire une opinion de la situation et, éventuellement, à se préparer à faire un choix éclairé, si elles se sentent plus directement concernées par le sujet.
En aucun temps l'enseignement ne doit avoir comme objectif de diriger la conduite des gens, en privilégiant un choix ou l'autre. À l'aide du programme d'information, nous voulons créer une ouverture d'esprit et entraîner par le fait même une attitude qui prédispose à poser des actes volontaires, responsables et libres de toute contrainte. Loin de nous cette attitude « paternaliste » en matière de prévention des maladies héréditaires, qui consiste à vouloir imposer une ligne de conduite aux personnes concernées et qui, en plus, les amène à se culpabiliser.
En suscitant une ouverture d'esprit face à la réalité des maladies héréditaires, nous encourageons les personnes à accroître leur intérêt sur le sujet et à mieux maîtriser l'information véhiculée par les médias. À long terme, une société bien informée pourra assumer sa responsabilité collective face aux maladies héréditaires.
C'est aussi un devoir éthique de ne pas laisser un groupe déstabilisé et inquiet à propos de la transmission des maladies héréditaires. Il faut permettre au groupe d'exprimer ses émotions, faire ressortir le côté positif de l'hérédité et, de plus, faire connaître les services spécialisés qui sont disponibles, parler de la recherche et de l'espoir qu'elle engendre, etc.
Il importe donc d'amener le groupe à reconnaître qu'il est tout à fait normal d'éprouver une certaine anxiété face à la santé de l'enfant à naître. Cette inquiétude est présente et le sera toujours chez les futurs parents. Notre devoir consiste à donner l'information le plus simplement possible pour réduire l'anxiété lorsqu'elle s'exprime.
Un autre aspect éthique mérite d'être souligné : il s'agit de [71] prendre garde de ne pas associer une maladie héréditaire avec un statut social déterminé. Dans le groupe, il y a toujours des personnes provenant d'un milieu social économiquement faible. Ce serait évidemment un manque de délicatesse et de respect que de dire qu'on retrouve plus de personnes atteintes provenant de ce milieu.
Assurément, il est de l'ordre éthique de respecter nos propres limites en matière d'information et de nous référer, le cas échéant, à d'autres personnes compétentes (conseil génétique, médecin, infirmière), lorsque les événements l'imposent.
Dans un même ordre d'idées, lorsque la communication se fait en milieu scolaire, nous tenons à ce que le professeur puisse participer à l'activité pour favoriser un suivi des plus naturels. Ce dernier pourra faire le lien avec l'information que les élèves ont reçue, la compléter si nécessaire et fournir le soutien aux jeunes qui en éprouvent le besoin.
En conclusion, CORAMH prend de plus en plus conscience que la diffusion du programme d'information demeure une approche très pertinente et respectueuse des libertés des personnes. En s'engageant dans cette voie, CORAMH doit s'assurer de pouvoir poursuivre cette action à long terme, sans nécessairement attendre un résultat quantifiable et immédiat. Voilà pourquoi il faut obtenir l'assurance de disposer des budgets nécessaires pour offrir ce service, notamment aux jeunes.
Lina Mercier et Martin Rhéaume
[1] Grâce à une subvention de la Banque Royale, CORAMH est assurée de pouvoir diffuser ce programme pour la période de 1993 à 1998.
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