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Laurence Pourchez
“De quelques métissages
autour de la santé.
Thérapies et religion
à l'Île de La Réunion”.
Un texte publié dans l'ouvrage sous la direction de Laurent Pordié, Panser le monde, penser les médecines. Traditions médicales et développement sanitaire, chapitre 13, pp. 287-306. Paris : Éditions Karthala, 2005, 326 pp. Collection : Soins d'ici, soins d'ailleurs.
La population de l'île de La Réunion, département français de l'océan Indien initialement désert, s'est constituée à partir d'apports humains multiples, colons, esclaves, engagés, venus des quatre coins de la planète, principalement d'Europe, de Madagascar, d’Afrique de l'Est, d'Inde, de Chine, mais aussi pour certains de Malaisie, de Polynésie, voire d’Australie. Amenés à cohabiter au sein d'une même société, ceux-ci se sont métissés. Les individus entrant en contact les uns avec les autres, des glissements et des interpénétrations se sont produits à partir des différentes cultures en présence, processus à la base des dynamiques de créolisation visibles aujourd'hui.
Différents travaux, menés notamment par Benoist (1979, 1983, 1993), Barat (1989), Andoche (1988, 2000), Nicaise (1999) et Cohen (2000) ont montré :
- - que les usages thérapeutiques des familles, loin de se cantonner à un type unique de recours à la biomédecine, sont marqués par les origines diverses des habitants de l'île ;
- - que cette pluralité s'observe tant dans les conduites adoptées face à la maladie et au malheur que dans un rapport au sacré indissociable de ces dernières, ce point étant le lieu privilégié (ou l'un des lieux privilégiés) des dynamiques de création à l'œuvre dans le système thérapeutique local, et, par extension, au sein de ce qu'il convient d'appeler un processus de créolisation.
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Ce chapitre se situe dans le prolongement des différentes recherches précédemment citées et les valide dans le cadre de mon propre domaine d'étude : la petite enfance réunionnaise, comprenant l'ensemble des actes, conduites religieuses et thérapeutiques associés à la première partie du cycle de vie.
Il comprend trois parties. Je rappellerai, dans un premier temps, les spécificités des systèmes thérapeutiques européen, malgache, indien (selon l'origine des individus qui ont peuplé l'île), puis appuierai, dans un deuxième temps, ma démonstration sur des matériaux issus du terrain. Je donnerai quelques éléments de compréhension des pratiques et représentations associées à la maladie et au malheur puis détaillerai plusieurs observations propres à éclairer mon propos, données recueillies sur un site sacré et lors de cérémonies à visée thérapeutique. Un troisième temps sera celui de l'analyse et nous envisagerons l'enjeu des gestes, les raisons pour lesquelles certains peuvent être interprétés selon un rapport au sacré qui se situerait non, dans un contexte religieux unique, mais dans le cadre d'un continuum créole en construction permanente.
Les systèmes originels
Les trois principaux systèmes thérapeutiques en présence lors du peuplement de l'île sont associés aux trois composantes humaines fondamentales de la société : pratiques et système thérapeutiques introduits par les colons européens, usages amenés dans l'île par la composante malgache de la population et conduites d'origine indienne.
Les Européens, originaires pour bon nombre d'entre eux de villages de l'ouest de la France, étaient principalement de condition modeste. Ils étaient porteurs des traditions thérapeutiques, religieuses de leurs régions d'origine, détenteurs de savoirs associés aux actes propres à la médecine familiale de la France rurale. Cette dernière, comme nous le montrent différents travaux d'ethnologues et d'historiens (Loux, 1978, 1979 ; Gélis, 1988), se définissait par son rapport aux plantes, par une interprétation spécifique de la [289] maladie (liée à une médecine des humeurs, à une médecine des semblables - théorie des signatures -, voire à des interprétations de type sorcellaire, Bouteiller, 1966). Cette médecine européenne était également associée à la religion avec, par exemple, la tradition des saints guérisseurs, saint Roc, saint Come, sainte Rita, recours des causes perdues, ou la tradition des sanctuaires à répit (Lett, 1997).
Les Malgaches, détenteurs de savoirs liés à la divination, à l'interprétation et au traitement de la maladie (Jaovelo-Dzao, 1996), possesseurs de connaissances botaniques considérables, trouvaient à La Réunion de nombreuses plantes également présentes à Madagascar. Leurs acquis se sont diffusés dans la population et 25% du lexique botanique vernaculaire réunionnais est d'origine malgache (Chaudenson, 1974).
Les Indiens, majoritairement originaires de petits villages du sud de l'Inde [1], étaient, eux aussi, détenteurs de traditions à la fois religieuses et thérapeutiques. Le culte des saints guérisseurs présent en Europe possède un équivalent en Inde où certaines divinités sont invoquées dans des cas de demandes spécifiques associées à certaines pathologies : Mariamen pour la variole (aujourd'hui, comme le précise J. Benoist en 1998 pour la varicelle), Katteri pour les problèmes d'infécondité ou liés aux enfants, Mourouga, Karli ou Durga pour la santé en général [2]. Il est également possible de penser que les immigrants indiens étaient détenteurs des savoirs thérapeutiques de leurs villages d'origine, médecine villageoise vraisemblablement influencée par les conduites de la médecine ayurvédique, médecine des humeurs aux théories comparables, quoique différentes, à celles de son homologue européenne.
La théorie hippocratique des humeurs considère en effet que la maladie est la conséquence de la rupture de l'équilibre des humeurs, sang, lymphe, bile et atrabile. De la [290] même manière, la médecine ayurvédique de l'Inde comprend « trois humeurs : la bile, le flegme et le vent ou pneuma, entre lesquelles l'équilibre définit la santé » (Zimmermann, 1989 : 17). F. Zimmermann précise d'autre part que les maladies typiques de la côte Malabare [3] sont : « la fièvre paludéenne et toute la rhumatologie, que les médecins ayurvédiques rangent sous la rubrique des maladies "dues au vent". Aux rhumatismes qui dominent dans cette région de très fortes moussons, répondent les remèdes composés à base de cocktails d'épices »(ibid. : 15).
Nous retrouvons, dans les deux théories médicales, l'européenne et l'indienne, de nombreuses équivalences, les indices qui vont nous permettre de poser, à partir des matériaux recueillis, l’hypothèse d'une interprétation réunionnaise de la théorie des humeurs.
Le système thérapeutique réunionnais
Décrites et analysées par J. Benoist (1993), les pratiques thérapeutiques en usage à La Réunion sont issues de ces différentes traditions médicales et se caractérisent par un rapport aux humeurs [4] (le sang, la bile, le vent), générant des relations d'oppositions, base inséparable d'un rapport au sacré. Nous nous trouvons ici face à une triple logique, au sens de cohérence, qui associe religion, pratiques magico-religieuses [5] et conduites familiales, aux représentations du corps, de la maladie et de son origine supposée.
Les logiques en présence peuvent être différenciées par rapport à des états, à des oppositions comme le chaud et le froid, le pur et l'impur, le liquide et l'épais mais également selon le rôle dévolu à chacune des pratiques, qu'elles soient d'ordre religieux ou liées au corps. Il peut s'agir de prévenir la maladie, de protéger, de purifier l'individu ou lorsque ces [291]premiers actes sont inefficaces, de traiter l'affection qui survient.
Trois humeurs sont fréquemment citées : le sang, la bile, le vent. Le sang est lié aux couples d'oppositions déjà présentés, il apparaît comme l'humeur principale. Il peut être soit chaud, épais et impur, soit froid, liquide et pur. La présence d'un sang trop chaud ou épais est vécue comme un déséquilibre susceptible d'entraîner une maladie. Les pratiques visant à « nettoyer le sang » sont extrêmement fréquentes et sont conduites autant sur les femmes enceintes que sur les jeunes enfants. La bile est plus rarement citée. Elle siège dans l'estomac [6] et est, dans le cas de la représentation liée au tanbav [7], un symbole d'impureté. Elle est associée à la chaleur, à un déséquilibre et fréquemment à l'impureté, comme dans le cas de la jaunisse [8] qui en est la conséquence. La couleur de l'enfant, qui devient jaune, est alors attribuée à la bile qui, trop chaude, a pris cette teinte. Le vent (l'air) peut également être considéré comme une humeur. Il est dangereux de perdre l'air, d'avoir du mal à respirer, comme en témoignent les traitements du rhume, de l'oppressement et du catarrhe [9]. D'autre part, le vent est associé aux déperditions de chaleur et au froid. Comme dans le schéma étiologique présenté par F. Zimmermann (1989 : 15), les os, le vent et le froid se retrouvent : après son accouchement, la femme ne doit pas sortir, le vent ne doit pas rentrer sous sa robe, faute de quoi elle se refroidirait et attraperait des rhumatismes.
La médecine des semblables, théorisée à la Renaissance par Paracelse et issue d'un vieux fond de médecine populaire (Loux, 1979), postule qu'un mal peut être soigné par son équivalent, qu'il s'agisse d'un élément végétal ou organique. À La Réunion, les exemples relevant de ce type de médecine sont nombreux et viennent se greffer sur les catégories [292] d'oppositions déjà définies. Ainsi, le vin chaud remplace le sang perdu pendant l'accouchement ; les herbes à vers, qui se présentent sous la forme de petites feuilles qui partent d'une tige mère et ressemblent à des asticots, soignent les vers ; une dent de requin ou un croc de chien placés autour du cou de l'enfant lui donneront de belles dents ; de même que la plante nommée crocs de chiens soulagera les douleurs liées à la dentition... Cette parenté présente entre une partie du corps humain, une maladie, et le composant qui va le soigner affirme déjà un lien entre l'homme et la nature, avec son environnement.
Parfois, la médecine des signatures procède par transfert, du corps humain vers un animal, un végétal ou un composé non organique. Là aussi, les exemples abondent et relient les éléments les uns aux autres. Prenons l'exemple de la forte fièvre, provoquée chez le bébé par un acte d'ordre sorcellaire : c'est un pigeon tendre (jeune), équivalent du bébé, qui va « prendre » le mal. Il va être ouvert vivant - comme est « ouverte » la fontanelle chez le nouveau-né -, plaqué sur le crâne de l'enfant, et va en recevoir la chaleur excessive, être à l'origine de la guérison du petit malade. Dans le même temps, des prières seront prononcées.
Le même transfert se retrouve dans le traitement du saisissement [10]. C'est, cette fois, un poussin qui va être « saisi », jeté vivant dans la casserole afin qu'il prenne le mal du bébé à soigner. D'autres transferts font agir des éléments inertes comme le morceau de papier, placé sur la tête du bébé et qui a pour fonction de « prendre » son hoquet ou les feuilles de bringelles (aubergines) plaquées sur les tempes et la tête de l'enfant afin de traiter la fièvre. Chacune de ces opérations est complétée d'une prière, associée à un objet sacré, médaille, amulette et/ou bougie, médiateur entre les hommes et les dieux, allumée pendant la séance de guérissage.
Du désir d'enfant aux protections prévues pour les bébés, de la demande de grâce effectuée, en cas d'infertilité, devant une divinité, aux prières destinées à hâter l'accouchement, voire au traitement des rhumatismes, la religion est [293] omniprésente (je devrais même écrire les religions) dans les données réunionnaises. Liée à l'interprétation de chaque événement, bénéfique ou maléfique, elle s'étend à l'ensemble des actes et représentations associés au corps et à la maladie. Ainsi que le note Benoist : « La frontière entre le culte et le thérapeutique est, dans ces pratiques, tout à fait indiscernable » (1993 : 67).
Chaque aspect propre à la maladie ou à la première période du cycle de vie (Pourchez, 2002) peut en effet être associé à un élément religieux : la plupart des traitements, des recours face à la maladie ou au malheur sont indissociables de certaines cérémonies, d'un rapport au sacré, comme dans le cas de la marche dans le feu, du cavadee [11], du service poule noire [12], des promesses effectuées devant les lieux saints catholiques ou chez les devineurs (devin-guérisseurs). De la même manière, les tisanes, sirops, emplâtres et autres remèdes, sont préparés selon un mode qui associe le divin au profane.
Ainsi, l'utilisation, dans les préparations thérapeutiques, de l'eau sacrée de la Vierge Noire de La Rivière des Pluies augmente le pouvoir de guérison des tisanes. La symbolique du nombre 3 - ou d'un multiple de 3 - (le Père, le Fils et le Saint-Esprit ou la Trimurti [13], selon les interprétations [294] et le pôle du continuum culturel où l'on se situe) présente dans les dosages des ingrédients de remèdes en définit l'efficacité. C'est une certaine représentation du monde qui est ici en jeu : par leurs prières, omniprésentes durant les actes thérapeutiques, leurs attitudes et par les recours adressés aux divinités, les malades, hommes, femmes et enfants (je pense ici aux enfants pénitents du cavadee ou à ceux qui déposent des bougies devant la Vierge Noire) reconnaissent plus ou moins implicitement l'importance du divin et son interférence dans les affaires humaines. Ce premier point apparaît capital et constitue l'une des articulations de base de l'ensemble des pratiques, croyances et procédés thérapeutiques relevés.
Les données collectées laissent apparaître une double logique : la maladie et le malheur sont envisagés de manière tant préventive que curative. Les modes d'intervention choisis peuvent s'apparenter à des recours religieux et/ou thérapeutiques. Chacune de ces logiques se subdivise en deux axes : ainsi, conduites préventives et à objectif de protection sont liées, comme sont associés purifications et traitement de la maladie.
La meilleure manière d'appréhender un accident ou une maladie étant de l'éviter, la prévention tient un grand rôle dans l'ensemble des données relevées. Elle se retrouve tout au long de l'existence de l'individu et commence bien avant sa naissance, dès lors qu'il y a désir d'enfant. À la prévention, clé d'analyse des pratiques familiales, sont associées protection et purification de la mère et de l'enfant.
Les pratiques de protection apparaissent aussi particulièrement prégnantes. Elles sont associées à la religion, aux pratiques « magico-religieuses ». Elles forment l'une des [295] composantes essentielles du système de pensée de mes interlocuteurs : l'ensemble des malheurs, affections, maladies à la cause naturelle ou arrangées [14] présentes, surviennent, disent-ils, lorsque les protections se sont avérées inefficaces. Les modes de protection sont multiples : les cérémonies issues de religions diverses, souvent utilisées de manière à « optimiser » la défense des individus, en fonction de leur efficacité supposée, les amulettes de diverses formes et compositions, comportant ou non des nœuds, des clés, des prières, des végétaux, les objets spécifiques, comme les bracelets ou les cordons blancs noues au poignet des enfants, parfois à leur cheville, le port de bijoux en or et la récitation de prières.
Mais elles ne constituent qu'une partie des pratiques de prévention. Celles-ci sont complétées par l'ensemble des actes comprenant l'absorption de tisanes destinées à empêcher que le mal ne survienne (comme la tisane tanbav [15] qui est parfois administrée à titre préventif aux femmes dès la fin de leur grossesse) ou, au contraire, à favoriser quelque chose (dans le cas de l'ingestion, par la future mère, de tisane préparée à base de liane d'olive afin de permettre à l'enfant d'être fort [16]). Il est du reste, possible de noter que la symbolique des nombres utilisé diffère selon l'effet attendu : favoriser ou empêcher quelque chose. Lorsqu'il s'agit d'augmenter les propriétés d'une tisane ou d'une prière, le nombre 3 et ses multiples apparaissent dominants. Par contre, s'il faut annuler, empêcher ou exorciser, c'est le 7 ou l'un de ses multiples qui seront choisis à des fins de purification.
La purification apparaît alors complémentaires à la protection et à la prévention. Ce souci se retrouve à chaque étape de l'existence de l'individu. Car une protection ne sera réellement efficace que si son destinataire est pur. Le souci de pureté est présent au travers des oppositions déjà citées, notamment lorsqu'il s'agit de chaleur, de sang épais (par l'ingestion de tisanes diurétiques, de « rafraîchissants » qui [296] « nettoient le sang ») mais également dans l'alimentation et les interdits alimentaires. Il se manifeste lors des demandes de protection effectuées auprès d'une divinité. Dans ce cas, la personne demandeuse de grâce s'abstient de manger l'aliment prohibé par le dieu ou la déesse invoqué : s'il s'agit d'une divinité de l'hindouisme, l'aliment interdit est le boeuf, s'il s'agit d'un ancêtre, l'aliment est le plus souvent le cabri. Certains devineurs interdisent également l'absorption de porc lors des périodes de carême alors que d'autres conseillent les repas végétariens.
L'ensemble des maladies ou des malheurs qui surviennent sont vécus dans de nombreuses familles comme la résultante d'un manque ou d'un échec des trois recours précédents. Ils sont le signe de l'insuffisance de la prévention et de son inefficacité. Il s'agit alors de traiter le mal. Les diverses formes &appréhension de la maladie dépendent de son origine supposée. Car le traitement n'est pas, comme dans la biomédecine, lié à des symptômes cliniques, mais il est conçu en fonction de la cause supposée de l'affection, point de départ qui peut être d'ordre physique (« refroidissement », « échauffement »), social (acte sorcellaire) ou divin (punition divine, promesse [17] non respectée). Souvent, une cause sociale détermine des symptômes physiologiques, comme dans le cas de la crise des petits enfants, qui se manifeste par des convulsions et des épisodes spasmodiques. Cette pathologie est généralement interprétée comme la conséquence d'un sort jeté ou elle est associée à la jalousie d'un membre de la famille ou d'un voisin. L'objectif du traitement est alors double : élimination des symptômes (par l'absorption « d'eau de cornes de cerf »), identification puis annihilation de la cause de la maladie (objet maléfique, sort jeté).
Les pratiques familiales et thérapeutiques présentes reposent donc sur une tradition liée au corps, à la religion, aux plantes, à la nature, à des sphères de connaissances et de technicité particulières qui constituent, au sein des [297] usages traditionnels, les recours possibles de la population. À l'intérieur de ce schéma, chacun possède un rôle et des savoirs particuliers, de la femme enceinte qui prépare sa tisane « rafraîchissante » à la mère de famille qui fait bouillir la tisane tanbav, du tisaneur qui est sollicité afin de préparer un sirop contre la toux parce que le médicament du docteur ne suffit pas, au devineur qui sera consulté si, par malheur, les symptômes persistent.
Un tel système pourrait sembler figé mais il n'en est rien. Les plantes utilisées évoluent, selon leur fréquence dans la nature [18] et leur efficacité est jugée. De nouvelles plantes sont « testées » par les tisaneurs. Ainsi, Noélla, tisaneuse et détentrice d'un don, m'a-t-elle confié qu'elle ramasse en forêt et teste de nouveaux simples à partir des réactions des « mouches à miel » (abeilles) : si celles-ci se détournent d'une plante, c'est qu'elle est toxique, qu'il ne faut pas la ramasser ; si, au contraire, elles s'en approchent, c'est que le végétal est comestible.
Les pratiques évoluent également dans leur rapport au sacré : la religion catholique, par l'obligation du baptême chez les nouveaux arrivants, a certainement été l'un des vecteurs essentiels des contacts de culture - la culture européenne s'imposant comme dominante [19]. Les données, recueillies en cinq années de terrain, semblent cependant montrer que les choses se sont modifiées et que l'élément moteur, à l'origine des dynamiques à l'oeuvre, est devenu l'hindouisme. Celui-ci possède en effet une grande réputation d'efficacité qui justifie le recours massif à certaines cérémonies ou pratiques qui relèveraient théoriquement de cette religion. L'analyse des conduites recueillies laisse apparaître que, chez de nombreux informateurs, nous nous situons davantage dans un cadre qui relèverait de la croyance en un pouvoir thérapeutique magique de la religion au sens large du terme, que dans celui de la simple foi en une ou en des [298] divinités. Gilbert, devineur, résume cette position en affirmant que « les religions c'est une seule religion, Dieu c'est un seul Dieu, mais il y a différentes manières de l'honorer, c'est tout... ». Peut-être nous situons-nous, avec ce rapport au sacré, sur l'un des axes transversaux communs à l'ensemble des religions, qui expliquerait cette fluidité s'opérant d'une religion à l'autre. Ces passages s'effectuent selon la réputation d'une divinité et l'efficacité attendue d'une pratique ou d'une cérémonie. Il est par exemple possible de noter l'utilisation de camphre à des fins de purification de l'espace, que l'on retrouve autant dans les chapelles qui se disent proches de l'hindouisme (même si celles-ci renferment une statue de la Vierge ou de Saint-Expédit [20]) que dans celles qui se veulent catholiques (mais qui sont protégées par des feuilles de manguiers ou de lilas [21]) ou durant la conduite du rituel des cheveux maillés [22], devant la Vierge comme face aux ancêtres malgaches ou aux divinités de l'hindouisme.
Ces pratiques religieuses ou « magico-religieuses » sont également étroitement reliées à la maladie. La maladie constitue du reste, écrit M. Augé, l'une des « formes élémentaires de l'événement », expression qui définit « tous les événements biologiques individuels dont l'interprétation, imposée par le modèle culturel, est immédiatement sociale. La naissance, la maladie, la mort sont des événements, en ce sens, "élémentaires" » (1984 : 39).
L'exemple de la naissance est en ce sens particulièrement révélateur : naissance et maladie relèvent d'une même logique du corps qui mêle conduites empiriques et prières. La langue créole définit par exemple comme « malade » une femme qui a des contractions et qui est sur le point d'accoucher. Différentes pratiques thérapeutiques destinées à hâter l'accouchement [299] se mettent alors en place. Il s'agit d'usages d'ordre religieux (récitation d'oraisons) ou magico-religieux, comme le port d'amulettes ou de ceintures bénies. Mais à ce premier niveau d'analyse s'en ajoutent d'autres. L'interprétation des représentations et des conduites familiales ne peut être réduite à la recherche d'une nosologie populaire associée, par une recherche des causes, à la religion ou aux pratiques religieuses.
Aussi, changeons d'orientation et analysons les choses, non plus à partir des pratiques thérapeutiques elles-mêmes, mais des conduites religieuses. Je prendrai ici deux exemples : celui du site de la Vierge Noire, site sacré situé au nord-est de l'île, et l'analyse des conduites de passes ou de gestes particuliers associés aux pratiques thérapeutiques.
La Vierge Noire de la Rivière des Pluies est invoquée pour l'ensemble des problèmes liés aux os, aux maladies des femmes et des enfants. Ce site est l'objet d'une intense fréquentation et les pratiques que j'y ai observées associent les registres thérapeutique et religieux : recueillement devant la statue de la Vierge et demande de grâce, ablutions à l'aide de l'eau du canal (ce site est disposé comme de nombreux autres site de saints guérisseurs européens, et comprend un rocher sous lequel passe un petit canal [23]). Cette eau a la réputation de guérir. Elle est appliquée sur les parties du corps à traiter et/ou absorbée à raison de trois petits verres (cette symbolique étant indissociable de l'acte thérapeutique). Certains l'utilisent en complément du traitement fourni par le médecin (ils avalent les comprimés avec un peu d'eau en trois gorgées). Des fleurs, ayant séjourné devant la Vierge sont consommées en tisane préparée à l'aide de l'eau du canal. L'acte thérapeutique est ici indissociable d'un recours au sacré. J'ai choisi le site de la Vierge Noire, mais les mêmes pratiques se retrouvent autant chez les devineurs que chez les pussari (prêtres-guérisseurs de l'hindouisme) ou lors des services dits malgaches [24] avec, par exemple, l'utilisation de [300] pétales de fleurs bénis par leur séjour à proximité des ancêtres. Ces conduites sont également présentes lors de rites spécifiques, tels que cheveux maillés, rasage du crâne de l'enfant ou service poule noire, rite conjuratoire.
Mais si la similitude des pratiques est réelle, quel que soit le support religieux choisi, l'efficacité qui leur est prêtée varie. Ainsi, l'ensemble des conduites issues de l'hindouisme possède une grande réputation d'efficacité. Cette dernière semble associée à la peur qu'inspirent, aux non-hindous, les divinités des Malbars [25].
À un second niveau, l'indissolubilité entre thérapie et religion se retrouve : quel que soit le choix cultuel supposé du malade, le mode de thérapie envisagé, y compris les recours biomédicaux, chaque acte est codifié selon un mode de sacralité qui implique une symbolique particulière impliquant un recours aux chiffres (le 3 favorise alors que le 7 empêche), à une gestuelle particulière. J'ai filmé et analysé cinq situations différentes, liées à des actes de thérapies traditionnelles
- - l'activation d'une tisane,
- - un rituel de guérison conduit chez un devineur (devin-guérisseur), afin de libérer le corps d'une femme enceinte d'un esprit qui en avait pris possession,
- - un autre rituel de guérison conduit chez un pussari (prêtre-guérisseur de l'hindouisme) afin de permettre à une femme inféconde de procréer,
- - un rituel d'offrande aux dieux nommé Yargom dans l'hindouisme, rite du feu durant lequel le prêtre bénit des offrandes (des graines) qui sont offertes aux dieux et transmises par le feu. La cendre qui résulte de cette opération, appliquée sur le front avec le majeur de la main droite, est réputée posséder un très important pouvoir thérapeutique,
- - la bénédiction des offrandes précédant un rituel de guérison lors d'un service malgache.
Il est frappant, à l'analyse des rushs de ces diverses situations, de constater que, d'une part, les registres thérapeutiques [301] et religieux sont, comme nous l'avons vu, indissociables (ceux-ci cohabitent du reste, souvent avec un traitement biomédical), et que, d'autre part, les mêmes gestes sont présents, quel que soit le type de situation analysé. On retrouve en effet les passes pratiquées au-dessus de la tisane, autour de la tête des malades, gestes au-dessus du feu du yargom, sur les offrandes ainsi que sur la tête des malades lors du service malgache. Il serait également possible d'évoquer d'autres éléments, comme le feu. Il s'agit, dans tous les cas, d'invoquer les divinités, les ancêtres et de les associer au processus de guérison. L’enjeu du geste, de l'utilisation du feu, est de mettre en contact la personne demandeuse de soins et la divinité. La religion, le rapport au sacré apparaissent donc comme un élément fondamental, un « activateur » de la thérapie qui est rendue « opérante », comme la tisane est « activée » par les passes pratiquées au-dessus de la casserole.
Créolisation, gestuelle, hindouisme
Mais revenons au lien entre religions et thérapies. Quelle est l'origine des conduites observées ? Envisager une genèse strictement européenne ou indienne, voire malgache des pratiques relevées serait hasardeux. Il est vrai que, une fois achevée la lecture des travaux de F. Loux, de M. F. Morel ou de J. Gélis, la tentation est grande d'établir des parallèles exclusifs entre les pratiques réunionnaises et la médecine populaire européenne des siècles passés. M. Bouteiller note par exemple que « la place dévolue au magique dans les procédés des thérapeutes ou ceux du savoir commun apparaît fondamentale quand on soigne par conjuration (pansement de secret ou lever des sorts) ; elle demeure au premier plan dans les démarches associées par la mentalité populaire au Pèlerinage et à l'invocation des saints guérisseurs. Elle n'est pas exclue néanmoins de maints procédés empiriques. De même que, par exemple, la prière magico-religieuse est récitée trois fois, s'accompagne de trois Pater et trois Ave, de même que le pèlerin tourne trois fois ou un nombre multiple de trois, autour des fonts baptismaux, la composition d'une tisane s'avère souvent tripartite » (1966 : 249).
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Car l'impact et l'influence des européens pendant l'esclavage, puis durant l'engagisme et la période coloniale ont sans nul doute été fondamentaux. La difficulté d'une recherche du schéma étiologique présent dans les données réunionnaises tient à ce que l'opposition entre le chaud et le froid existe également dans les différentes cultures en présence, de même qu'existe en Inde, au travers de la médecine ayurvédique et de son interprétation populaire, une médecine des humeurs fort semblable, sous bien des aspects, à la médecine européenne du même nom [26]. Laquelle a structuré les autres ? Se sont-elles mutuellement influencées ?
Lors de la période esclavagiste, puis à l'époque de l'engagisme, la médecine européenne a pu constituer un modèle, un cadre structurant pour les pratiques thérapeutiques réunionnaises, les conduites liées à la naissance. Il ne faut cependant pas oublier que cette même médecine européenne était bien pauvre [27] face aux connaissances empiriques des Malgaches, qui retrouvaient à La Réunion des plantes connues et utilisées de longue date sur la Grande Île. Les engagés indiens amenaient, pour leur part, des traditions liées à la naissance, une médecine populaire riche d'une tradition pluriséculaire. Ils disposaient, sous les tropiques, de nombreux ingrédients nécessaires aux préparations traditionnelles et s'il est probable que la médecine européenne a influencé leur manière de voir les choses, il est tout à fait envisageable qu'en l'absence de médecin, leur savoir ait pu être précieux.
Cette similitude présente dans des actes observés lors de cérémonies conduites en des lieux différents, avec des bases rituelles ou religieuses différentes, amène enfin à se poser la question des glissements qui s'opèrent d'une religion à l'autre, des processus de création à l'œuvre, ce qui revient à étudier les dynamiques de créolisation. J'ai développé dans une publication précédente, quelques points liés à ces glissements de l'hindouisme vers le reste de la société, comme le [303] culte du dieu Mardévirin, associé à saint Georges, lui-même parfois assimilé au Omar des musulmans [28], et l'utilisation par des catholiques de rituels de l'hindouisme, en raison de leur réputation d'efficacité, à des fins thérapeutiques ou conjuratoires. Il en existe d'autres comme la manière, parfois très influencée par l'hindouisme, d'offrir les offrandes aux ancêtres lors des services malgaches.
Conclusion
À La Réunion, les démarches individuelles et familiales visant à traiter la maladie, le malheur, sont indissociables d'un rapport au sacré. Et si, en d'autres endroits du monde, le substrat africain a dominé (et, en accord avec une idée émise depuis longtemps déjà par Jean Benoist, je pense notamment au Brésil), l'hindouisme apparaît, dans le contexte réunionnais, comme l'élément moteur des dynamiques à l'œuvre. Dans ce cadre, les pratiques thérapeutiques, la (les) religion(s) et les conduites qui y sont associées, registres indissolubles, constituent l'une des clés d'analyse de la créolisation et de la société réunionnaise elle-même.
Références bibliographiques
Andoche J.
1988. « L'interprétation populaire de la maladie et de la guérison à l'île de La Réunion », Sciences sociales et santé, vol. VI (3 et 4) : 145-166.
2000. « De l'hindouisme à l'héritage français : un autre regard sur la créolité réunionnaise, l'exemple du "pansement de secret" », in J. Bernabé, J.-L. Bonniol et G. L'Etang (dir.), Au visiteur lumineux, Des îles créoles aux sociétés plurielles, Mélanges offerts à Jean Benoist, Ibis Rouge éditions, GEREC / Presses universitaires créoles.
[304]
Augé M.
1984. « Ordre biologique, ordre social : la maladie, forme élémentaire de l'événement », in M. Augé et C. Herzlich (dir.), Le Sens du mal. Anthropologie, histoire, sociologie de la maladie. Paris : Éditions des archives contemporaines.
Barat C.
1989. Nargoulam. Culture et rites malbar à la Réunion, Saint Denis : Éditions du Tramail / Recherches universitaires réunionnaises.
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[1] Ce sujet est particulièrement traité dans l'ouvrage de C. Barat (1989) ainsi que dans ceux de J. Benoist (notamment 1998).
[2] Voir G. Mazars (1997) pour le traitement de la maladie dans l'Inde ancienne et F. Bourdier (1996) pour une approche traitant de la pluralité des stratégies de soins en Inde du Sud.
[3] D'où ne proviennent pas les Malbars de La Réunion qui sont originaires de la côte de Coromandel.
[4] Voir également Pourchez (2002).
[5] Le terme « magico-religieux » est ici utilisé par défaut, faute de synonyme. Je préfère en effet, en raison de l'aspect négatif et ethnocentrique attaché à ce vocable, parler de rapport au sacré.
[6] Le terme désigne le haut du torse, ainsi que les poumons.
[7] Voir Pourchez (1999).
[8] Affection correspondant, globalement, à l'ictère du nouveau-né. Son étiologie est, selon les représentations populaires, liée à la fois à un échauffement excessif du corps de l'enfant ainsi qu'à une impureté résiduelle non évacuée.
[9] Maladies qui, chez l'enfant, résultent d'un « échauffement » excessif.
[10] Culture bound syndrome selon la terminologie de Yap (in Benoist et Sturzenegger, 1995).
[11] Cérémonie de l'hindouisme, également pratiquée par des créoles, au cours de laquelle le pénitent, demandeur de grâce ou venu remercier la divinité, s'offre en offrande et se transperce le corps de volumineux hameçons parfois alourdis par des citrons ou des pots d'offrandes - eau, lait, miel, eau de coco -, ou de longues aiguilles (vel). Voir à ce sujet le film ethnographique : Cavadee, 10 jours de cérémonies en l'honneur du dieu Mourouga dans l'hindouisme réunionnais (Pourchez, 2001).
[12] Cérémonie que l'on peut à la fois rattacher à l'hindouisme et au fond culturel européen (lié au satanisme et à la sorcellerie). Particulièrement crainte de nombreux créoles, elle a une grande réputation d'efficacité et se concrétise par le sacrifice, à une déesse de l'hindouisme nommée Petiaye, d'une poule noire dont la chair sera dégustée lors d'un repas rituel. Ainsi que l'a écrit Benoist, ce rituel est « contagieux »et le choix de le pratiquer oblige celui ou celle qui l'a conduit à le renouveler chaque année, sa vie durant (cf. Govindama, 1992).
[13] Dans l'hindouisme, la Trimurti se compose des trois divinités jugées les plus importantes : Brahma, le créateur de l'univers, dont l'épouse (Shakti) est Saraswati (qui représente les Arts et les Sciences), Vishnou, qui fait évoluer la création, et dont l'énergie féminine est Lakshmi (déesse de la richesse), Shiva, qui est à la fois créateur et destructeur, et est uni à Parvati (déesse liée aux pouvoirs de procréation) dont il a deux enfants, Ganesh et Mourouga, déjà évoqués. Pour de nombreuses personnes se réclamant de l'hindouisme, ainsi que pour certains prêtres, la Trimurti ne forme, en fait, que les aspects complémentaires d'un dieu unique, qui peut être révéré de différentes manières. Il n'y a, disent-ils, qu'un seul dieu, que l'on peut prier différemment, comme les catholiques, comme les Zarab (au sens créole du terme) ou comme les Malbars. L'une et l'autre interprétation de la symbolique du nombre 3 se rejoignent alors.
[14] Affections dont l'origine est sorcellaire.
[15] Médication destinée à prévenir l'apparition de tanbav chez le nouveau-né (Pourchez, 1999).
[16] Fort étant ici synonyme de gras, donc en bonne santé.
[17] Demande de grâce qui entraîne l'obligation de « rendre »la grâce à la divinité invoquée, par la conduite de cérémonies, le don de fleurs, d'argent, de camphre, de vêtements (robe de baptême, de communion ou de mariée) ou d'éléments corporels (cheveux notamment).
[18] R. Lavergne (1990) a bien saisi cet aspect des choses. Il tente d'effectuer la distinction entre « plantes médicinales désormais inusitées », « plantes médicinales d'utilisation traditionnelle » et « plantes médicinales nouvellement utilisées ».
[19] Cet aspect est particulièrement développé dans la thèse de Nicaise (1999).
[20] Saint qui est, à La Réunion, l'objet d'une dévotion particulière. Objet d'un culte syncrétique, et recours des causes difficiles, il a été chassé des églises par le clergé local qui le trouvait bien peu catholique... Il est souvent assimilé, dans la religion populaire, à la déesse Karli de l'hindouisme, en raison de la couleur rouge (couleur de la déesse) de sa cape.
[21] Végétaux sacrés dans l'hindouisme réunionnais. Ils ont la réputation d'éloigner les mauvais esprits.
[22] Rasage du crâne de l'enfant, cérémonie d'agrégation à la société créole. Voir Pourchez (1997, 2001).
[23] Pour une description plus précise du site, voir Pourchez (2000b).
[24] Car les personnes présentes lors de ces rituels n'ont souvent qu'une lointaine ascendance malgache et si certaines cérémonies s'inspirent réellement de rituels conduits dans la Grande Île, d'autres sont visiblement influencés par l'hindouisme.
[25] Nom donné, à La Réunion, aux descendants d'esclaves et d'engagés originaires du sud de l'Inde ainsi qu'aux individus métissés présentant un phénotype indien.
[26] Voir, à ce sujet, M. Fleury (1986-87).
[27] Les données relevées par l'historien J. Barassin (1989) sont, de ce point de vue, plutôt édifiantes quand on voit le peu de remèdes dont disposaient les habitants de l'île.
[28] Mardévirin, saint Georges et Omar, premier commandeur des croyants, sont représentés sous forme de guerriers, armes à la main et juchés sur un cheval, d'où, peut-être, le rapprochement opéré.
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