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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

“ La lutte des travailleurs de l'État ” (1979)
Présentation de l'oeuvre


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de M. Jean-Marc Piotte, “ La lutte des travailleurs de l’État ”. Un article publié dans la revue Les cahiers du socialisme, Montréal, no 4, automne 1979, (pp. 4 à 38). [Autorisation accordée le 21 juin 2003.]

Introduction

L'adoption du nouveau Code du Travail en 1964 et les modifications apportées à la loi de la fonction publique l'année suivante accordent le droit de négociation et de grève à tous les employés de la fonction publique et para-publique, hormis les pompiers, les policiers et les gardiens de prison. Cette importante victoire syndicale résulte de la conjonction provisoire d'intérêts différents. D'une part, des travailleuses directement impliquées, notamment les valeureuses infirmières de la C.S.N., avaient mené en 1963 et au début de 1964 des grèves victorieuses, même si elles étaient illégales. L'interdiction des grèves ne les empêchait donc pas d'agir et la sauvegarde de l'ordre public requérait sans doute que le gouvernement légalise ce qu'il ne pouvait réprimer. D'autre part, la reconnaissance pleine et entière du droit à la négociation pour les salariés de l'État constituait une des principales revendications des centrales syndicales et le gouvernement libéral avait besoin de l'appui de celles-ci pour mener à bonne fin les réformes entreprises contre les forces conservatrices dirigées par la petite bourgeoisie et le clergé.

Dans la conjoncture de la révolution tranquille, le gouvernement ne pouvait mener la lutte sur deux fronts : à sa gauche, contre les centrales syndicales ; à sa droite, contre les groupes représentés par l'U.N. Le nouveau Code du Travail, fruit de quatre versions successives, représentant chacune de nouvelles concessions aux centrales syndicales, est le prix que doit payer le gouvernement Lesage pour leur soutien. Enfin, la rationalisation des appareils d'État et la valorisation de la fonction publique, deux objectifs poursuivis par les libéraux, nécessitaient l'aide des appareils syndicaux pour lutter contre le patronage, l'anarchie administrative et le gaspillage, et exigeaient une amélioration de la rémunération du travail des employés du secteur public et para-public, employés qui se situaient, à compétence égale, parmi les travailleurs les plus mal payés du Québec. Le gouvernement ne pouvant, seul et d'en haut, réorganiser les appareils d'État, forcera ceux-ci à se re-structurer en allouant aux travailleurs les droits de négociation. Ce processus se manifestera clairement dans les appareils scolaires et de santé : l'État, qui finançait massivement les hôpitaux et les commissions scolaires, parvint à leur imposer sa politique de rationalisation et à briser l'autonomisme de leurs gestionnaires quand ceux-ci, face aux revendications et aux luttes syndicales, furent contraints de s'abriter derrière son bouclier.

Mais le gouvernement, tout en accordant le droit de grève, se conserve une arme légale pour limiter ou empêcher celle-ci : les services essentiels. Ainsi, les employés ne peuvent collectivement interrompre leurs activités si les services essentiels ne sont pas maintenus soit par entente préalable entre les parties, soit par détermination du Tribunal du Travail. De plus, l'article 99 du Code du Travail permet au lieutenant-gouverneur en conseil, dans le cas d'une grève appréhendée ou en cours dans le secteur public, de nommer une commission d'enquête dont le mandat est de faire rapport sur le différend : après constitution de cette commission, sur requête du procureur général, un juge de la Cour supérieure peut, s'il est d'avis que la grève met en péril la santé ou la sécurité publique, ou bien compromet l'éducation d'un groupe d'élèves, décerner toute injonction appropriée pour empêcher cette grève ou y mettre fin. L'article 99 révèle son importance lorsqu'on le relie aux modifications, concernant l'injonction, intervenues dans le nouveau Code de Procédure civile adopté par l'Assemblée nationale. Ces modifications, qui sont passées inaperçues à l'époque, visaient à renforcer les pouvoirs de l'injonction et à accroître les pénalités prévues en cas de non respect: l'amende maximale passe de $2 000 à $50 000 et la peine d'emprisonnement maximale, de 6 mois à 1 an.


Retour au livre de l'auteur: Jean-Marc Piotte Dernière mise à jour de cette page le Lundi 07 juillet 2003 09:07
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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