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Collection « Les sciences sociales contemporaines »


Le Devoir, Montréal, édition du lundi, 22 août 2005 – libre opinion
.

La question nationale québécoise
à l'heure de l'altermondialisme

par Danic et Ian Parenteau,
Professeur École d'études politiques Université d'Ottawa.

Courriels:
[email protected] ou [email protected]

Texte reproduit dans Les Classiques des sciences sociales avec l’autorisation formelle des deux auteurs accordée samedi, le 7 février 2007

Portées par le mouvement d'ouverture que favorise la mondialisation, les questions internationales mobilisent de plus en plus les Québécois. Désireux de répondre aux nouveaux défis de l'époque, de nombreux militants délaissent ainsi les enjeux traditionnels de luttes politiques au Québec, au premier plan la question nationale, au profit d'un engagement tourné vers l'international. Suivant les discours de l'altermondialisme, à l'ère de la mondialisation, la question de l'indépendance du Québec serait démodée ; l'ampleur des enjeux globaux rendrait secondaire ce sempiternel combat. 

Or la question nationale québécoise participe pleinement du projet pour une autre mondialisation. À l'heure des luttes altermondialistes, le projet d'un Québec souverain a encore tout son sens; mieux, il trouve dans ce nouvel élan militant un dynamisme renouvelé ! 

Diversité culturelle 

D'abord, la question nationale québécoise est bien en soi une question internationale; elle est clairement un enjeu de la mondialisation. Car faire du Québec un pays, c'est concrétiser, sur la scène mondiale, le principe de la diversité culturelle, grâce auquel il est permis de penser une autre mondialisation. 

Accéder à l'indépendance pour le Québec, c'est donner corps au respect d'un pluralisme culturel que précisément menace la tendance homogénéisante inhérente à la mondialisation et sa figure de proue, la culture étasunienne. 

Par ce geste politique, il s'agit pour cette petite nation à prédominance francophone vivant sur le continent américain de prendre la place qui lui revient sur la scène mondiale, et cela, à l'encontre des tendances uniformisantes qu'engendre la mondialisation. 

Ainsi, travailler à faire du Québec un pays, c'est contribuer -- modestement certes, mais non moins pertinemment -- à une autre mondialisation fondée sur le respect de la diversité des cultures. 

Primauté du politique 

De plus, l'un des plus grands dangers de notre époque est celui de la domination de l'économique sur le politique -- principal cheval de bataille de l'altermondialisme. Suivant l'idéologie néolibérale aujourd'hui dominante, et son dogme « économiciste » -- le bonheur du monde passe par la compétitivité, la recherche de profits et la croissance économique à tout prix --, les États se voient de plus en plus délestés de leur prérogative politique au profit de processus économiques globaux. 

Aussi, au nom de cette idéologie, les peuples sont-ils de plus en plus soumis aux décisions opaques prises par des instances éloignées d'eux, soit les multinationales et autres organisations économiques internationales qui profitent de la mondialisation néolibérale où qui travaillent à sa réalisation. 

L'une des conséquences les plus inquiétantes de cette lourde tendance est le dépérissement du politique, soit le fait pour toute société -- sans égards à sa taille -- de perdre la capacité d'assurer elle-même le contrôle de ses propres affaires, suivant le principe de la souveraineté inaliénable du peuple. 

Or, faire du Québec un pays, c'est contribuer à une autre mondialisation en redonnant la primauté du politique sur l'économique. Fonder ici en Amérique un pays, c'est effectuer là le geste politique par excellence: celui de fonder une communauté politique souveraine. 

Prise directe 

Mais encore, pour le Québec, accéder à la pleine souveraineté, n'est-ce pas là le meilleur moyen de contribuer aux principales luttes du combat altermondialiste sur la scène internationale? Faire du Québec un pays, c'est donner l'occasion au Québec de faire entendre directement sa propre voix sur la scène mondiale, qui, à bien des égards, se distingue de celle canadienne -- on n'a qu'à penser à l'empressement frileux du Canada à signer le protocole de Kyoto, à la tentation militariste à laquelle il faillit céder lors de l'invasion de l'Irak en 2003 ou même, plus récemment, à l'intérêt manifeste qu'il porta au projet de militarisation de l'espace par le bouclier antimissile étasunien. 

À titre de membre à part entière de la communauté internationale, le Québec pourrait dès lors mieux exprimer les valeurs de la société québécoise sur la scène internationale et ainsi contribuer de manière autonome et responsable aux actions concertées pour faire face aux nombreux enjeux globaux de l'humanité aujourd'hui. 

Ainsi, faire du Québec un pays, c'est donner l'occasion à cette petite nation de travailler directement à une mondialisation plus juste et équitable, plus pacifiste, plus soucieuse de l'environnement et respectueuse de la diversité des cultures. 

Faire le jeu fédéraliste 

Enfin, dans le contexte politique actuel canado-québécois -- et c'est peut-être là l'un des plus grands dangers que recèle un engagement militant qui néglige la question nationale --, force est de reconnaître que toute action politique tournée vers l'international, pour aussi justifiée soit-elle, a pour effet indirect de conforter le projet centralisateur et uniformisant du fédéralisme canadien. 

Sous couvert de se montrer ouvert aux autres, accueillant pour les cultures du monde et défenseur du principe de la diversité culturelle sur la scène internationale, c'est bien plutôt à une consolidation de sa domination politique et culturelle sur l'ensemble de sa géographie que travaille le Canada. Car l'entreprise de construction «nationale» dans laquelle s'est lancé le Canada depuis Trudeau s'articule bien comme la négation directe de l'existence des diverses nations qui le composent, au premier plan, la nation québécoise. 

Se détourner de la question nationale québécoise, que ce soit en s'en désintéressant (ni fédéraliste, ni souverainiste) ou en se disant favorable à l'indépendance du Québec tout en refusant de joindre le geste à l'opinion, c'est donc indirectement, mais non moins fatalement, acquiescer au programme canadien. 

Délaisser la question nationale, c'est laisser libre jeu aux forces centralisatrices et uniformisantes du fédéralisme canadien qui travaillent actuellement à dénigrer l'existence même de la nation québécoise. À l'heure de l'altermondialisme, faire de Québec un pays, c'est directement contribuer à une autre mondialisation.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 14 août 2008 11:59
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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