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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Fernand Ouellet, “Les études du XIXe siècle canadien-français.” Un article publié dans le livre sous la direction de Fernand Dumont et Yves Martin, Situation de la recherche sur le Canada français, pp. 25-42. Premier colloque de la revue RECHERCHES SOCIOGRAPHIQUES, département de sociologie et d'anthropologie, Université Laval. Québec: Les Presses de l’Université Laval, 1962, 296 pp. Une édition numérique réalisée par mon épouse, Diane Brunet, bénévole, guide de musée à la retraite. [Le 7 février 2006, Monsieur Yves Martin nous autorisait la diffusion de toutes ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

[27]

Situation de la recherche sur le Canada français
I. Perspectives historiques

Fernand Ouellet

Faculté de commerce, Université Laval

L'étude du XIXe siècle
canadien-français
.”

Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction de Fernand Dumont et Yves Martin, Situation de la recherche sur le Canada français, pp. 25-42. Premier colloque de la revue RECHERCHES SOCIOGRAPHIQUES du département de sociologie et d'anthropologie de l'Université Laval. Québec : Les Presses de l’Université Laval, 1962, 296 pp.

Que savons-nous au juste de notre XIXe siècle ? L'historien qui désire répondre à une telle question se voit confronté à un certain nombre de difficultés. Ainsi, qui peut prétendre avoir seulement parcouru toute la production historique relative au siècle dernier ? Qu'il s'agisse de l'évolution économique, sociale, démographique, politique ou religieuse, l'historien dispose maintenant d'un assez large éventail de travaux susceptibles de lui fournir une vue d'ensemble de cette époque troublée. Évidemment, parmi les historiens, des figures dominantes se dégagent d'emblée, tels Garneau, David, Suite, Chapais, Groulx, Maheux, Bruchési, Christie, Dent, l'équipe de Canada and its Provinces, Creighton, Lower, Mclnnis, Wade, Morton et Easterbrook, qui non seulement ont réalisé un effort considérable de synthèse mais qui ont aussi pour plusieurs influencé d'une façon décisive l'orientation de la recherche. Ces quelques noms ne font pas oublier les nombreux auteurs d'études spécialisées, les biographes, les fabricants de monographies paroissiales ou régionales et, enfin, les généalogistes.

Suffit-il de s'être familiarisé avec les études les plus marquantes pour être en mesure de porter un jugement valable sur une masse aussi imposante de travaux ? Il faut de plus avoir pris contact avec l'ensemble des problèmes que soulève l'évolution globale du Canada français depuis l'introduction du parlementarisme jusqu'à la prise du pouvoir par Laurier. Tout cela constitue une sérieuse invitation à la prudence.

Deux principaux courants parallèles et, en très grande partie, autonomes ont marqué le développement de l'historiographie canadienne depuis Garneau jusqu'à la seconde guerre mondiale. L'un, d'inspiration essentiellement nationaliste, reflète l'unanimité idéologique des historiens canadiens-français et l'autre, d'origine anglo-saxonne, se révèle depuis la fin du XIXe siècle plus ouvert à la diversité et plus soucieux de s'appuyer sur des méthodes scientifiques. Ce n'est pas qu'une certaine influence réciproque ne se soit fait sentir — les œuvres de Chapais, De Celles, Bruchési, Lower et Mason Wade en témoignent — mais il reste que, d'une façon générale, les échanges de points de vue ont été plutôt limités. Tout cela tend à donner l'impression d'une double construction historique étroitement cloisonnée.

[28]

I. L'apport de l'historiographie
canadienne-française

Un des traits les plus frappants de l'historiographie canadienne-française, c'est, derrière son étonnante unité d'interprétation, l'emprise plus ou moins absolue des valeurs nationalistes. Évidemment, tous les mouvements nationalistes ont suscité un immense intérêt pour l'histoire. Comment, en effet, justifier l'existence et la volonté d'affirmation d'une nation si cette dernière n'apparaît comme l'aboutissement d'impératifs historiques profonds ? C'est dire que, dès le moment où le Canada français devint sensible à l'appel du principe des nationalités, il éprouva le besoin d'une histoire nationale qui le reliât plus sûrement à son passé. Cette réaction fut d'autant plus vive que la conscience nationale canadienne-française prit naissance dans un contexte où, en conséquence de brisures dans ses structures anciennes, l'héritage traditionnel paraissait menacé d'aliénation. Cette première crise nationaliste, qui se situe au début du XIXe siècle, engendra une première vocation d'historiographe : celle de Jacques Viger qui, dès 1807, alors qu'il était rédacteur du Canadien, entreprit de recueillir la documentation pour une histoire du Canada. De cette œuvre à dessein patriotique que constitue la Saberdache, cette compilation de documents divers, se dégagent déjà les éléments d'une interprétation de l'histoire canadienne qui variera somme toute assez peu après Viger. Puis, un patriote fervent, Jacques Labrie, rédigea sa propre version du passé canadien-français. Malheureusement son manuscrit ne fut jamais publié. La perte de ce texte — reflet sans doute du nationalisme agressif et démocratique des années 1830 — est d'autant plus regrettable qu'elle éliminait de notre historiographie traditionnelle la seule production historique susceptible de manifester une certaine indulgence à l'endroit de la démocratie. Il faudra attendre plus d'un siècle avant qu'une telle prédilection ne réapparaisse chez nos historiens.

À la suite de l'entreprise historique du bureaucrate Michel Bibaud, on vit Garneau publier, de 1845 à 1852, son Histoire du Canada. Cette œuvre, bien documentée et éminemment politique dans sa conception, qui, au surplus, a tellement servi de guide à la plupart de nos historiens, était le produit du nationalisme des années 1825 revenu à la mode depuis la faillite du mouvement révolutionnaire. Anti-démocratique et épris de conservatisme social et économique, le nationaliste Garneau avait cependant été marqué par le courant réformiste du temps. Mais ce libéralisme, bien qu'admirateur du parlementarisme britannique, ne débordait guère le domaine fort restreint des institutions politiques. Au fond n'était-ce pas surtout parce qu'elles servaient la cause nationale que notre premier historien, accepté comme tel, avait pactisé avec les idées réformistes ?  Certaine lettre adressée [29] à Papineau le laisse croire. En tant qu'esprit profondément conservateur, Garneau était l'adversaire de toute attitude extrémiste. De plus, on s'étonnera, après avoir lu son œuvre, de le savoir agnostique et, sachant cela, on comprendra mal ses points de vue exclusivement cléricaux. Était-ce le fruit de son objectivité ? On doit en douter. Comme la plupart de ses contemporains, Garneau voyait dans le catholicisme une institution nationale intangible. D'ailleurs, aurait-il voulu remettre en question un certain passé clérical que ses contemporains ne l'auraient pas accepté. Les fortes réactions devant ses petites audaces à propos de Mgr de Laval en font foi. Les hommes de l'époque avaient trop besoin d'unanimité face à l'Anglais protestant pour permettre à l'historien des écarts idéologiques. Expression du nationalisme à un moment donné et d'une conception de l'histoire qui assure la primauté du politique, l’Histoire du Canada de Garneau, du moins en ce qui concerne son interprétation du XIXe siècle, demeure l'œuvre d'un esprit modéré. Si elle ne possède pas l'éclat des fresques de David, elle manifeste cependant beaucoup plus de sérieux et de rigueur.

Plus encore que Sulte — l'auteur de l’Histoire des Canadiens français, d'une Histoire populaire du Canada et de biographies de Papineau et de Cartier —, David, par son livre sur l'Union des Canadas, représente la tendance majeure de l'historiographie canadienne-française de la seconde moitié du XIXe siècle. Avec ce romantique, au reste fort conservateur, la description des faits et des personnages acquiert un éclat inconnu chez Garneau et ses disciples directs. Le mythe du grand homme, porteur d'une mission historique, anime ses biographies et portraits. On lui doit, à lui qui, dans sa jeunesse, avait respiré à retardement l'atmosphère des soi-disant jours glorieux de 1837, d'avoir réconcilié l'épopée révolutionnaire avec la problématique nationaliste. Papineau est grand : il a incarné à une époque difficile les aspirations nationales ; Lafontaine l'est non moins : il a conquis le gouvernement responsable. Certes David et Sulte ont subi l'influence du courant libéral doctrinaire du temps ; mais on la décèle à peine dans leurs œuvres qui demeurent tributaires du nationalisme clérical des années 1851 à 1896.

Puis, en même temps que De Celles, qui a laissé des biographies fort intéressantes de Papineau et de Cartier et cela dans l'esprit même de la tradition de Garneau, apparaît une troisième figure dominante de notre historiographie. Chapais, qui se définissait lui-même comme une personnalité universellement conservatrice, était le disciple direct de Garneau. Beaucoup plus traditionaliste, il s'en rapprochait aussi par son sens de l'analyse. De même, on décèle chez cet historien prolifique l'influence des historiens anglo-saxons, en particulier de Charles Dent et de Kingsford. Mais on ne doit surtout pas oublier, si on veut comprendre l'interprétation de Chapais, que ce dernier n'est devenu historien qu'après une longue carrière [30] politique. En effet, Chapais avait milité en faveur des forces conservatrices au temps de Macdonald. Aussi avait-il été profondément marqué par l'idéologie politique dominante des années 1871 à 1896, à laquelle il était resté fidèle. D'autre part, on trouve chez lui de solides convictions ultra-montaines, celles mêmes que véhiculait le nationalisme clérical de la seconde moitié du XIXe siècle. Tout cela confère aux Cours d'Histoire du Canada de Chapais, publiés entre les années 1919 et 1934, ainsi qu'à ses études particulières sur le XIXe siècle, un caractère quelque peu anachronique pour l'époque. Certes l'interprétation générale de Chapais s'inscrivait dans la plus pure tradition du nationalisme canadien-français et, à ce titre, elle rejoignait aussi bien le lecteur de 1934 que celui de 1871 ; mais elle portait en plus l'empreinte du grand courant politique qui avait appelé après 1855 l'unité canadienne. C'est en ce sens que l'œuvre de Chapais comme celle de De Celles faisait figure de réaction contre l'École de David dont l'emprise se maintenait dans le contexte des luttes anti-impérialistes et de la grande crise. Il n'est donc pas étonnant que le pan-britannisme de Chapais n'ait eu qu'une résonance assez limitée dans le milieu canadien-français. Aussi Chapais fut-il, malgré le mérite incontestable de ses travaux, le plus québécois de nos historiens, tout simplement parce qu'il arrivait trop tard dans notre historiographie. Homme du XIXe siècle, il ne pouvait occuper le premier rang à l'heure du chanoine Groulx.

Avec le chanoine Groulx, l'historiographie nationaliste traditionnelle atteint son sommet. Non seulement il a opéré la synthèse des deux tendances historiographiques issues de Garneau et de David mais il est parvenu à construire une histoire qui fût exactement le reflet des aspirations nationales canadiennes-françaises à l'époque de l'entre-deux-guerres. Plus que tout autre historien avant lui, il fut parfaitement accordé à son temps. L'histoire de Garneau reproduisait le nationalisme de 1825 en ses objectifs ultimes ; celle de David, le nationalisme de 1850 et celle de Chapais, celui des années 1875. Au contraire, l'esprit qui anime la production historique du chanoine Groulx ne comporte pas un tel décalage. De là son influence extraordinaire sur ses contemporains. Doué d'un remarquable esprit de synthèse, servi par une grande intuition et écrivain de talent, il parviendra à dégager une vision cohérente de l'ensemble des problèmes du XIXe siècle. Il ne s'est pas contenté d'assumer le legs du passé ; par ses recherches originales sur les grands personnages du siècle — Papineau, Lafontaine, Cartier —, par ses recherches personnelles sur l'enseignement, sur l'histoire des idées et sur l'évolution constitutionnelle, il a accru considérablement notre connaissance. Evidemment, on contestera ses points de vue par trop cléricaux, une tendance assez manifeste à la littérature comme au lyrisme ; surtout, on verra dans son interprétation le produit d'une problématique trop rigoureusement nationaliste, comme si l'historien n'avait d'abord qu'à faire le partage des fidélités ou des infidélités.  Il serait cependant [31] injuste de nier toute préoccupation scientifique à cette œuvre si riche ; au contraire, à mesure que cette dernière s'édifie, le problème d'une méthodologie se précise davantage réduisant de plus en plus la part de l'influence idéologique. Son Histoire du Canada, qui demeure une construction nationaliste, reflète cette orientation de fin de carrière.

Tels sont les principaux « chefs de file » de l'historiographie traditionnelle. Très peu d'historiens ont échappé à leur message ou au climat qui a favorisé l'édification de leur œuvre. Obligés d'acquérir eux-mêmes la formation historique nécessaire à la poursuite de leurs travaux, il est normal que dans une conjoncture sensiblement différente ils fassent figure de pionniers. Est-ce à dire que leur apport soit négligeable ? Bien sûr, leur contribution comporte des lacunes importantes qu'on se doit de discuter, mais cela n'implique pas un rejet.

L'emprise presque universelle de l'idéologie nationaliste sur notre première littérature historique constitue une de ses principales limites. Certes le nationalisme est une des constantes majeures du XIXe siècle mais de là à croire qu'il est tout le siècle, il y a une marge importante. C'est en raison même de son rôle qu'il doit devenir un objet d'études et non pas servir à filtrer toute notre connaissance du passé. Dès le moment où les valeurs nationales et leur contenu furent érigés en absolus dans l'ordre scientifique, tout le réel devait se conformer, sous peine d'être dévalorisé, à ces dogmes inattaquables. L’Histoire des patriotes de Filteau en est un exemple typique. Le moins qu'on puisse dire d'une telle démarche, qui consiste à projeter systématiquement son univers sur un monde qui lui échappe en grande partie, c'est qu'elle tend à simplifier des réalités fort complexes qui le plus souvent obéissent à des forces internes. La réduction du passé en des schémas simplistes, même si elle favorise la poursuite de certains objectifs présents, n'aboutit finalement qu'à atténuer, voire même à abolir, le désir de comprendre. Aucun des maîtres de cette époque n'a évité suffisamment cet écueil. À plus forte raison en est-il ainsi des disciples plus ou moins talentueux. Saisir le réseau complexe de significations autour duquel se sont construits et édifiés les phénomènes historiques, n'est-ce pas là un des aspects essentiels du travail de l'historien ?

Tout cela résulte du fait que l'idéologie nationaliste débouchait non pas sur des hypothèses d'ordre scientifique mais sur un ensemble de préoccupations morales. De là la tendance moralisatrice voire même édifiante de notre historiographie. Ceci est vrai non seulement pour l'histoire religieuse, les monographies paroissiales et les manuels de classe mais aussi pour certains travaux plus généraux. Moins marquées chez les meilleurs historiens, ces propensions s'expriment plus librement chez la plupart des autres. Parfois cela aboutit à la puérilité pure et simple.

Il n'est pas étonnant non plus que le cléricalisme soit aussi un des traits les plus voyants de notre première construction de l'histoire. Ici [32] l'objectivité n'avait aucun droit. Si on songe à l'âpreté des critiques formulées contre les quelques audaces de Garneau et de Suite — nous ne pensons pas surtout à celles de l'abbé Brasseur de Bourbourg vertement mis à sa place par l'abbé Casgrain —, on peut se rendre compte que de Garneau au chanoine Groulx une remise en question par un historien de notre passé clérical était impensable. La force contraignante de l'ultramontanisme et l'horreur du libéralisme étaient telles que seul un historien de type conservateur était possible. Notre historiographie fut trop sujette des valeurs ultramontaines pour que cela ne produise pas une justification systématique des entreprises cléricales. À cet égard le chanoine Groulx fut celui qui manifesta peut-être la plus grande liberté d'esprit. Par contre, l'étude du Père Léon Pouliot sur Mgr Bourget et son temps, malgré son sérieux, est un exemple frappant de cette sorte de sujétion. Qu'on examine les travaux faits sur toutes les manifestations de libéralisme et on y trouvera une réprobation antérieure à tout examen objectif.

Une des conséquences les plus frappantes de cette approche limitée, c'est qu'elle tend à perpétuer les mythes édifiés dans le passé et à meubler trop grassement le panthéon des grands hommes. Enfin, on ne doit pas oublier l'aspect souvent morbide d'une histoire qui assez facilement convertit les injustices isolées en un dangereux système de persécution. Cette fidélité sans réserves à l'idéologie nationaliste et à ses impératifs profonds explique que derrière la richesse apparente de la production historique antérieure au dernier conflit mondial se cache une grande pauvreté. La croyance en la primauté du phénomène politique a concouru à concentrer l'attention de la majorité des historiens dans une seule direction. Pourtant le politique n'est pas le seul moteur de l'évolution historique. Une histoire politique n'a de sens que si elle fait appel à un ensemble de facteurs économiques, démographiques, sociaux ou idéologiques qui parfois se subordonnent au politique mais qui, à d'autres moments, vont l'entraîner dans leur mouvement. Tout cela exige une pondération d'éléments divers, impossible à réaliser dans une histoire purement politique. C'est là une des principales faiblesses de l'historiographie traditionnelle. À l'exception de Langlois, aucun historien ne s'est sérieusement appliqué à l'étude du mouvement démographique. Dans le domaine de l'histoire économique, la pénurie est presque complète. Il y a bien quelques livres sur l'agriculture et la colonisation (l'abbé Caron, Létourneau et Perron), le Montréal économique de Esdras Minville et quelques chapitres d'une allure parfaitement statique dans les études générales de Groulx et de Chapais ; mais on ne peut considérer ces contributions comme suffisantes. D'autre part, de nombreux motifs incitent à croire que l'historiographie religieuse serait en meilleure position ; mais, après examen, que peut-on retenir comme travaux marquants ? Quelques biographies d'évêques, quelques monographies de communautés religieuses, un nombre imposant d'études paroissiales faites par des amateurs [33] et quelques bons articles de revues. Le secteur de l'enseignement est mieux représenté avec les études exhaustives de Groulx et de Audet. Par contre, dans le domaine inexploré de l'histoire des idées, trois noms seulement retiennent l'attention : Mgr C. Roy, S. Marion et Lareau. Si, par surcroît, on se réfère à l'histoire du droit, qu'est-il de vraiment important en dehors de Lareau, De Montigny, J.-E. Roy et A. Perrault ? Enfin, dans une catégorie à part, les intéressantes et superficielles chroniques politiques de M. Rumilly, qui dissipent à peine l'obscurité enveloppant encore la période qui suit la Confédération.

L'historiographie traditionnelle n'a pas cessé, depuis la dernière guerre, de susciter de nouveaux travaux, telle l’Histoire du Canada de Mgr Tessier. Mais, depuis ce temps, de nouvelles tendances sont apparues à côté des orientations anciennes. La fondation des Instituts d'histoire de Montréal et de Québec, grâce à l'impulsion du chanoine Groulx et de l'abbé Maheux, a fortement contribué à inscrire une plus grande diversité dans la démarche des historiens. Il en est résulté un plus grand souci de rigueur scientifique, d'érudition et surtout des préoccupations méthodologiques plus grandes. De même le développement de la recherche dans les autres sciences humaines a agi sur les historiens et les a incités davantage à concevoir une approche plus globale du XIXe siècle.

Cette orientation nouvelle, qui a déjà produit des résultats assez féconds, demeure encore plus chargée de promesses que de réalisations. L'entreprise pionnière de M. M. Trudel, L'influence de Voltaire au Canada, en promet d'autres sur Lamennais et Veuillot de même que sur le courant libéral. L'histoire religieuse attire aussi ses chercheurs : depuis la biographie de Chiniquy par M. Trudel et celle de Mgr Laflèche par Rumilly, le frère R. Sylvain a mis au point ses études sur H. de Courcy et Gavazzi. Il faut aussi signaler, hors la collection d'articles du rapport annuel de la Société canadienne d'Histoire de l'Eglise, les publications du Père Carrière et les textes de L.-E. Hamelin si riches en perspectives nouvelles. Dans un autre secteur, les études électorales de Hamelin et Letarte ouvrent la voie à une histoire des partis politiques. De même, après celle de E. de Nevers, des biographies de Tarte, Tardivel, Cartier, Laurier et Papineau, sont en préparation. En histoire constitutionnelle, on retiendra les travaux de G.-Lajoie, Lamontagne et Bonenfant. Quant à l'histoire économique, on pense d'abord aux textes d'Albert Faucher et à d'autres moissons en perspective. En démographie, les noms de Yves Martin et de Jacques Henripin s'imposent. En histoire du droit, on se réfère immédiatement aux écrits du professeur Baudoin et à la thèse, riche en aperçus économiques et sociaux, de A. Morel. De même on signalera une autre contribution récente de A. Vachon à l'histoire du notariat. Enfin, le domaine de l'éducation s'est enrichi d'une étude fondamentale : celle de A. Labarrère sur le destin de l'instituteur laïque au XIXe siècle.

[34]

La problématique nationaliste elle-même n'a pas échappé à cet effort de révision. Conscient des lacunes de l'historiographie traditionnelle, le nouveau courant nationaliste déduit ses hypothèses du drame de la conquête, drame qui aurait détruit les assises matérielles et morales de la nation canadienne-française. Cette catastrophe expliquerait les faiblesses ultérieures des milieux d'affaires canadiens-français. De cette façon d'envisager le problème découle inévitablement la nécessité d'une étude approfondie sur l'évolution de la bourgeoisie canadienne-française, qui établisse hors de tout doute le ou les moments de la décapitation sociale. C'est là que réside le principal intérêt scientifique de la problématique nationaliste actuelle, en rupture de ban avec les schémas cléricaux, glorieux et messianiques d'autrefois. Or, les publications récentes de M. Michel Brunet ne touchent principalement qu'aux mythes compensateurs, voire même auto-destructeurs, élaborés par les Canadiens français, prétend-il, en conséquence du traumatisme de la conquête. Quant aux articles de M. Maurice Séguin sur le régime seigneurial, ils ne contribuent que bien faiblement à démontrer le bien-fondé des postulats originels. De même, on pourra croire qu'ils tendent à produire une image déformée de ce que fut ce système dans la conjoncture particulière des années 1806 à 1854. C'est pourquoi nous attendons avec impatience cette étude décisive sur les destins successifs de la bourgeoisie canadienne-française.

II. L'historiographie anglo-saxonne

L'évolution de l'historiographie anglo-saxonne se présente sous un jour différent. L'ampleur même de la production historique accroît les risques d'une simplification qui en masquerait la diversité. Qu'on songe, par exemple, au nombre imposant de biographies de gouverneurs et d'hommes politiques écrites depuis la fin du siècle dernier mais qui intéressent l'histoire du Canada français. La question de l'immigration a ses études générales et spécialisées. L'histoire économique, si négligée du côté français, a reçu une attention particulière, au moins aussi prononcée que l'histoire politique. En 1930, on évaluait à 120 volumes l'apport des historiens canadiens-anglais à l'histoire économique du Canada. En histoire constitutionnelle, on inscrit d'emblée les noms de Clockie, Kennedy, Dawson, Trotter et Saywell. L'histoire sociale elle-même a inspiré des contributions appréciables. On ne saurait même enfermer cette historiographie sous l'étiquette unique de nationaliste.

Évidemment ce courant historiographique a eu au XIXe siècle ses figures pionnières : William Smith, Christie, Dent et Kingsford. Alors que Smith et Christie perçoivent leur époque à la lumière de l'idéologie mercantile [35] des années 1800-1850, Charles Dent et Kingsford, contemporains de David, se relient davantage, l'un dans ses biographies et portraits comme dans sa valable histoire de l'Union, l'autre dans son histoire du Canada (10 vol.), au courant libéral. Ces premières expériences aux préoccupations scientifiques forcément limitées expriment l'idéologie dominante du moment. L'ère victorienne n'a pas cessé de diffuser ses valeurs et ses attitudes. Par la suite, le nationalisme pan-canadien continuera à influencer la production historique du Canada anglais ; mais plus tôt qu'au Canada français, il cessera de dominer sans contrepoids la démarche des meilleurs historiens. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faille pas tenir compte de cette constante même chez les chercheurs les plus soucieux de s'en tenir à une problématique rigoureusement scientifique. Il y a des hérédités ou des façons de voir qui ne s'oublient pas aisément. Ainsi la perception de la responsabilité ministérielle par les historiens de tendances libérales conserve une forte saveur de mythe, celle même qui se retrouve du côté français. N'aboutit-elle pas à ériger un absolu là où il n'y a qu'une valeur, importante sans doute mais, en fin de compte, relative ? De même on trouvera dans les livres du professeur Creighton des attitudes qui, parfois, rappellent les réactions de Christie ou celles de la bourgeoisie capitaliste de la première moitié du XIXe siècle face au problème canadien-français. Il faut voir ici la marque de la tradition conservatrice du XIXe siècle. Mais ce n'est pas là l'essentiel de son approche scientifique.

Dès la fin du XIXe siècle, on assiste dans les milieux anglo-saxons à un étonnant réveil de la recherche historique. Des érudits, tels Shortt, Doughty, Wrong, Langhton et Grant, entreprennent, aidés des meilleurs historiens du pays, de jeter les fondements d'une histoire générale du Canada. De 1910 à 1926, trois grandes collections sont publiées : Canada and its Provinces, Chronicles of Canada et celle des Makers of Canada. Ces grandes séries de biographies et d'études systématiques, d'inégale valeur parce que souvent mal libérées des interprétations antérieures, couvraient la plupart des aspects du développement du Canada, depuis l'évolution économique jusqu'à l'histoire militaire et littéraire. En plus de leur apport respectif, ces études ouvraient la voie aux riches moissons de l'entre-deux-guerres.

Le développement de l'enseignement de l'histoire au niveau universitaire, la fondation de revues historiques tout autant que l'influence de certains travaux antérieurs stimulèrent considérablement la recherche scientifique. Aussi les vingt années qui suivirent la première guerre mondiale furent-elles particulièrement fructueuses en travaux spécialisés. Certes l'histoire politique et constitutionnelle, comme l'histoire militaire, attire toujours beaucoup de chercheurs et elle réalise des progrès notables, mais c'est l'histoire économique qui enregistre les gains les plus remarquables. On ne peut songer à cette période sans évoquer le rayonnement de [36] Innis ; mais il n'y a pas que lui. Comment oublier les noms de Martin, Munro, Brebner, Glazebrook, Tucker, Mackintosh, Masters, Lower et Creighton. En 1935, Mary Innis publiait une histoire économique du Canada. Les études de Logan sur le syndicalisme et celles de Macdonald et de Cowan sur l'immigration datent aussi de cette époque.

Par sa richesse en monographies, la période de l'entre-deux-guerres préparait le terrain à un effort de synthèse. Burt, à la suite de Bracq, avait bien publié, en 1933, son histoire de la province de Québec, mais ce n'était là qu'une entreprise encore assez réduite, prélude à des essais plus vastes. Ici les noms de Creighton, Mclnnis, Lower, Mason Wade et Easterbrook sont les plus significatifs.

En 1944, le professeur Creighton, l'auteur d'une remarquable biographie de Macdonald, publiait un livre capital, The Dominion of the North. Dans cette large synthèse, on retrouve une problématique déjà esquissée dans ses études sur l'empire commercial du Saint-Laurent et sur les fondements économiques de la Confédération. Pour la première fois un historien canadien essayait avec succès de situer l'évolution historique du Canada en fonction des oscillations à long terme de la vie économique. Cette fructueuse méthode qui vise à une délimitation plus organique des périodes, de façon à en mieux faire ressortir les tendances majeures, confère à ce livre toute sa fécondité. On déplorera toutefois l'insuffisance des aperçus sociaux. Peut-être est-ce manque d'intérêt ? Peut-être est-ce davantage le résultat d'une approche par trop qualitative et structurelle de la réalité économique ?

Par contre, on trouvera dans les travaux du professeur Lower un intérêt beaucoup plus marqué pour les réalités sociales et culturelles. Ses hypothèses en font foi. Son dernier livre, Canadians in the Making, illustre bien ces préoccupations fondamentales. Après avoir publié en 1938 une étude exhaustive sur le commerce du bois au XIXe siècle, le professeur Lower produisit en 1946 une histoire canadienne sous le titre A Colony to Nation. Œuvre d'un esprit libéral, cette synthèse générale, au reste très sensible au phénomène politique, essaie de tenir compte d'un ensemble de facteurs économiques, géographiques, sociaux et culturels. A ce point de vue, elle comble, comme le livre de Mclnnis d'ailleurs, certaines lacunes importantes du livre de Creighton. En somme, ces grandes synthèses, rédigées d'un point de vue strictement canadien ou impérial, comme l'ensemble de l'historiographie anglo-saxonne, n'arrivent pas à mettre suffisamment en lumière le développement interne du Canada français. Des lacunes semblables se retrouvent dans l'histoire toute politique des Canadiens français du professeur Mason Wade. Malgré son intérêt, cet important ouvrage, écrit selon une perspective libérale, ne rejoint trop qu'un seul aspect de la vie canadienne-française. Enfin, cet effort de synthèse aura son couronnement dans une grande collection, The Canadian University Series, qui fait appel à des [37] collaborateurs canadiens-français. Son directeur, le professeur Morton, l'auteur de The Canadian Identity, voit dans cette série une vaste mise au point sur l'état actuel de nos connaissances.

Depuis la dernière guerre, on décèle à travers les travaux des historiens du Canada anglais des orientations nouvelles susceptibles de produire une approche différente du XIXe siècle. Déjà l'histoire économique du Canada de Easterbrook et Aitken fait état de ces moments de transition. Il en est ainsi des biographies de Brown et de Mackenzie publiées respectivement par Careless et Dale Thomson. Tout cela est plus manifeste dans certains articles parus dans la Canadian Historical Review sous les signatures de Saywell, Neatby, Cook, Parker et Fraser. Enfin, il faut mentionner comme contributions récentes, la remarquable introduction au journal de Lady Aberdeen par J. Saywell et le livre de Mme Helen Taft-Manning qui analyse la révolte des Canadiens français.

Bilan et perspectives

Que doit-on penser de cette masse de travaux maintenant disponibles sur le XIXe siècle canadien-français ? Évidemment, on pourra contester, au nom de perspectives méthodologiques actuelles, certaines orientations prises par le passé. À l'historiographie canadienne-française, on a déjà reproché son excessive subordination à l'idéologie nationaliste ; à celle du Canada anglais, on reprochera son éclairage trop exclusivement canadien et impérial. Il reste cependant que les historiens d'hier ne se sont pas contentés d'établir et d'accumuler les faits ; ils ont aussi tracé les lignes de force d'une évolution. Est-ce à dire qu'on doive nier d'un seul coup toute valeur à ces cadres ou qu'on doive leur manifester sans discernement une fidélité inébranlable ? Les tendances récentes de l'historiographie canadienne autorisent une attitude critique mais positive.

Une approche plus globale de l'histoire du Canada français au XIXe siècle paraît indispensable. D'abord, mieux situer qu'on ne l'a fait jusqu'à présent cette histoire en fonction d'un contexte plus large qui en révèle la sensibilité exacte à certains impératifs internationaux, impériaux, nord-américains et canadiens, voilà un objectif à atteindre. Le Canada français du siècle dernier ne vit pas dans l'isolement complet ; d'une façon ou d'une autre, il participe à une vie de relations qui dépasse ses frontières et il est soumis à une conjoncture extérieure dont il n'est pas le moteur. Ceci n'est pas seulement vrai pour l'histoire économique mais pour tous les autres aspects de son développement. Il ne s'agit pas ici d'observer l'évolution de la société canadienne-française en fonction des seules pressions extérieures ; mais plutôt d'établir la nature réelle de ses rapports avec le monde. C'est à ce point de vue que l'apport de l'historiographie anglo-saxonne est le plus intéressant.

[38]

Une histoire globale du XIXe siècle est-elle possible sans l'assimilation par les historiens de certaines méthodes ou techniques utilisées dans les autres sciences de l'homme ? Nous ne le croyons pas. Ainsi une histoire économique quantitative qui, dépassant le plan des structures, débouche véritablement sur une analyse précise de la conjoncture à long, à moyen et à court terme, telle semble être la condition première d'un élargissement de la problématique historique. De la réalisation de cette entreprise, dans laquelle interviendraient tous les facteurs susceptibles de définir la conjoncture à un moment donné ou un changement de structure, dépendent plus ou moins les progrès des études démographiques, de l'histoire sociale, de l'histoire du droit, de l'histoire politique voire même de celle des mentalités. Il est incontestable aussi qu'une histoire démographique qui, en raison de sa méthode, ne ferait pas appel à un assez large éventail de données économiques, sociales ou culturelles n'aurait finalement qu'une signification assez limitée. Ces quelques exemples, tout en laissant entrevoir une orientation, partiellement engagée d'ailleurs, posent des exigences de plus en plus grandes à l'historien qui doivent l'inciter à la collaboration et non plus à l'isolement.

Fernand Ouellet

Faculté de commerce,
Université Laval.

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

Nous avons laissé de côté les études faites par des intellectuels français. Elles sont fort nombreuses mais les plus remarquables restent celles de R. Blanchard, A. Siegfried et G. Vattier. Il aurait fallu, au surplus, insister longuement, en raison de leur importance méthodologique, sur les écrits des sociologues. Nous pensons à ceux de Miner, de Hughes, de J.-C. Falardeau, de F. Dumont, de M. Rioux, de M. Tremblay et de P.-E. Trudeau qui, pour la plupart, envisagent les problèmes du XIXe siècle à la lumière de « modèles idéaux » : la société traditionnelle et la société industrielle. Évidemment, ces modèles collent assez bien à l'ensemble de notre réalité ; mais l'état peu avancé de la recherche empirique complique leur utilisation. Aussi cette dernière comporte-t-elle des risques de généralisations hâtives, à moins que le sociologue ne devienne lui-même historien. Pour notre part, nous préférons, parce que plus diversifiée, la typologie du professeur E. Labrousse. Ses recherches l'ont amené à mettre en évidence trois types successifs de développement : 1° l'ancien régime économique ; 2° l'économie moderne à monnaie stable ; 3° l'économie contemporaine à monnaie instable. Ces trois structures fondamentales comportant chacune une hiérarchisation particulière de l'activité économique sont-elles en fin de compte parfaitement significatives des grandes phases du développement du Canada français ? Certes, le Canada français n'est pas demeuré insensible face à l'évolution de l'Europe occidentale, mais il n'y a pas eu ajustement suffisant pour justifier une application intégrale de cette typologie. Une adaptation semble nécessaire. Toutefois, à l'aide de ce modèle économique, qui n'est pas entièrement économique, et du modèle sociologique, qui n'est pas complètement sociologique, il sera peut-être possible de produire une image globale du XIXe siècle canadien-français.

Cette bibliographie ne prétend pas être complète ; elle indique les principaux travaux et certaines revues indispensables à l'historien.

[39]

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[43]


COMMENTAIRE

L’étude du XIXe siècle canadien-français
et l'interprétation de l'équipe gagnante

Michel Brunet

Institut d’histoire, Université de Montréal.

[pp. 43-44.]

Avant d'avoir une histoire écrite, une collectivité doit d'abord exister. Les Canadiens français n'ont donc pas attendu l'arrivée des historiens pour affirmer leur survivance comme groupe distinct en Amérique du Nord.

Lorsque nous nous interrogeons sur notre XIXe siècle, il est essentiel de nous rappeler qu'il y a eu auparavant près de deux siècles d'histoire canadienne-française. Depuis six générations — cela avait commencé dès la première moitié du XVIIe siècle — des hommes et des femmes qui s'appelaient Canadiens avaient conscience de participer à un destin collectif. À l'époque de Louis-Joseph Papineau comme à celle de Pierre Le Moyne d'Iberville, à l'époque de l'industrialisation naissante comme à celle de la traite des fourrures, les Canadiens, tout simplement parce qu'ils existaient, avaient la légitime ambition de se perpétuer collectivement dans la vallée du Saint-Laurent. Les circonstances avaient changé. Les moyens d'action collective étaient différents. Néanmoins, l'objectif demeurait toujours le même.

Doit-on attribuer cette interprétation des faits à l'action néfaste d'un virus que certains observateurs contemporains de la société canadienne-française désignent sous l'expression barbare de « problématique nationaliste » ? Il faudrait en conclure que la « problématique anti-nationaliste » ou « anationaliste » donne à ceux qui s'en inspirent le privilège exclusif de saisir les réalités du passé ! Ils bénéficieraient donc de révélations particulières refusées aux chercheurs qui ont jusqu'ici écrit l'histoire du Canada français.

L'erreur de nos historiens n'a pas été de croire en l'existence d'une nation canadienne-française. Celle-ci avait pris forme plusieurs décennies avant la naissance du premier historien canadien-français. Leur faiblesse — si c'en est une — fut d'accepter intégralement l'interprétation du passé qu'avaient construite, au niveau de l'action quotidienne, les dirigeants de la collectivité entre 1760 et 1820. Cette explication de l'évolution historique des Canadiens français était celle de l'équipe gagnante, celle des classes sociales dominantes au XIXe siècle. Or, au Canada français, deux types de dirigeants avaient émergé depuis 1760 : l'administrateur ecclésiastique et l'avocat-politicien.

Faut-il s'étonner alors que notre histoire écrite ait célébré les mérites du clergé et exalté les luttes de nos orateurs politiques ? Un peuple se donne les héros qu'il peut avoir. À l'époque de la Nouvelle-France, la moisson fut abondante : militaires, explorateurs, découvreurs, fondateurs, grands commis de la monarchie, missionnaires. Après la Conquête, les canaux de promotion ouverts aux Canadiens ayant considérablement diminué, le choix devint plus restreint. Les historiens à tendance cléricale ont spontanément donné un rôle privilégié aux hommes d'Église. Les historiens laïcs ou laïcisants ont manifesté des préférences pour les hommes politiques. Fait étonnant à retenir : l'interprétation générale est la même des deux côtés. Fait encore plus bouleversant : les historiens anglo-canadiens communient à cette interprétation lorsqu'ils daignent s'intéresser au [44] Canada français. La plupart des chercheurs contemporains en sciences sociales — même ceux qui prétendent apporter des vues nouvelles sur le passé et le présent du Canada français — ne se sont pas encore rendu compte combien ils demeurent tributaires des postulats traditionnels.

Quelle est cette interprétation de notre XIXe siècle ? Il faut d'abord savoir qu'elle est liée à l'image globale que les Canadiens français se sont donnée de leur évolution historique. Cette vision est essentiellement optimiste et idéaliste. Elle a joué un rôle compensateur. La période coloniale française y apparaît comme une époque haute en couleur où se multiplient les actes de dévouement, les fondations pieuses et les gestes héroïques. La traite des fourrures, le commerce de l'eau de vie, les coureurs de, bois et l'intendant Bigot apportent quelques ombres à cette image d'Épinal. Quelques historiens anglo-canadiens se sont chargés d'idéaliser le coureur de bois dans lequel ils s'entêtent à voir un précurseur de la démocratie britannique au Canada. Les historiens canadiens-français d'allégeance agriculturiste ont transformé « l'habitant » en paysan. Pour les sociologues et les anthropologues contemporains, les Canadiens français ont longtemps formé une folk-society.

Tous les historiens anglo-canadiens et canadiens-français ont été longtemps d'accord pour soutenir que la Conquête n'avait pas modifié les structures ni l'orientation de la société canadienne. Les premiers soulignent la générosité du conquérant et la souplesse des institutions britanniques. Les seconds insistent sur la ténacité des Canadiens. La majorité d'entre eux ne rejette pas l'hypothèse de la survivance quasi miraculeuse des Canadiens français. Pourquoi priver ceux-ci d'un thème qui a eu l'avantage de les consoler pendant quelques générations ? Tous s'entendent pour s'incliner devant l'apothéose du responsible government.

Quand il s'agit d'interpréter la Confédération, les opinions varient quelque peu mais elles ne sont pas opposées. Tout naturellement, l'histoire économique a retenu l'attention des chercheurs anglo-canadiens qui ont décrit avec enthousiasme l'œuvre accomplie par les fondateurs du second royaume du Canada. L'histoire sociale en est encore à ses premiers balbutiements. Seuls s'en étonneront ceux qui ont la naïveté de croire que notre véritable histoire politique est connue.

L'histoire écrite de notre XIXe siècle sera bien différente le jour où toute l'évolution historique du Canada français se présentera à nous dans sa perspective globale. Les historiens doivent d'abord se libérer de l'interprétation que nous a imposée l'ancienne équipe gagnante. Celle-ci, formée des dirigeants ecclésiastiques et politiques canadiens-français qui se sont vus forcés de collaborer avec la bourgeoisie anglo-canadienne, a commencé à retraiter devant les nouveaux porte-parole de la collectivité. C'est pourquoi il est facile de prévoir que nous aurons une nouvelle histoire écrite.  Quelques chercheurs en ont déjà jeté les principaux jalons.

Michel Brunet

Institut d'histoire,
Université de Montréal.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 3 juin 2013 8:10
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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