Démographe, INRS-urbanisation, UQ
“L’avenir démographique des régions :
analyse critique et implications
des plus récentes perspectives
démographiques du BSQ.”
Un article publié dans la revue RECHERCHES SOCIOGRAPHIQUES, Vol. 37, no 14, septembre-décembre 1996, pp. 411-437. Québec : Département de sociologie, Université Laval.
- Introduction
- 1. L'évolution démographique des régions administratives
- 2. Les sous-régions ou les MRC
- 3. La mécanique de la croissance ou de la décroissance
- 4. Le scénario de référence du BSQ
- 5. Une nouvelle problématique de l'exode des régions périphériques
- 6. L'interaction des différentes variables
- 7. Les résultats du scénario de référence
- 8. Le vieillissement de la population
- 9. La dynamique du déclin
- 10. La contrainte des tendances lourdes
- Bibliographie
- Carte 1. Localisation des MRC de Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent, Saguenay-Lac-Saint-Jean.
- Tableau 1. Population des régions administratives du Québec, 1971-2016 (en milliers)
- Tableau 2. Population des MRC de cinq régions en déclin, 1971-2016 (en milliers)
- Tableau 3. Population de 0-59 ans et de 60 ans et plus en milliers, et rapport 60 + 20-59 ans pour diverses régions administratives, 1991-2016
INTRODUCTION
Chaque recensement quinquennal est suivi d'un nouvel exercice de perspectives démographiques, au cours duquel les hypothèses du scénario de référence sont généralement modifiées pour tenir compte des évolutions les plus récentes. Les dernières perspectives du Bureau de la statistique du Québec ne font pas exception à la règle. Les hypothèses de ce scénario ainsi que les résultats obtenus pour les régions administratives du Québec, à l'horizon 2016, sont ici analysés. La dichotomie Montréal / reste du Québec ressort plus que jamais, même si le déclin de la population totale n'affecte que quatre régions périphériques. Mais le critère de la population totale s'avère trompeur et d'autres critères plus judicieux montrent que le « déclin » touchera bientôt presque toutes les régions hors la grande région montréalaise. Il existe de plus une dynamique du déclin qui nous force à conclure que l'avenir de quelques régions périphériques paraît sombre.
L'inquiétude quant à l'avenir démographique du Québec est apparue il y a quelque dix ans. La conjugaison d'une profonde dénatalité et d'incessantes pertes migratoires permettait d'entrevoir, à relativement brève échéance, le début de la dépopulation du Québec, alors même que le Canada se maintenait sur sa lancée démographique. Mais, au cours de la seconde moitié des années quatre-vingt, un important virage fut effectué à la fois en matière de politique familiale et d'immigration. La conjoncture économique aidant, l'indice de fécondité se redressa de 20% en quelques années et l'immigration internationale au Québec tripla entre 1985 et le début des années quatre-vingt-dix. L'inquiétude proprement démographique fut alors remplacée par une interrogation sur la capacité de la société québécoise, et plus particulièrement des Montréalais francophones, d'intégrer les nouveaux immigrants à la majorité francophone [1].
On sait que l'immigration internationale concerne d'abord et avant tout la région de Montréal, où la situation démographique évolue au gré des fluctuations de cette variable. Il n'y a donc pas, sur ce plan, parallélisme entre Montréal et la plupart des autres régions du Québec. Malheureusement, le seul découpage disponible en ce domaine, celui des régions administratives, occulte ce fait, tout en s'avérant satisfaisant pour presque toutes les régions à l’extérieur de la grande région de Montréal. Ce sera donc notre point de départ.
Après avoir résumé les tendances récentes en démographie régionale, qu'il importe de situer dans l'évolution démographique de l'ensemble du Québec, nous nous interrogerons, d'une part, sur le découpage régional et, d'autre part, sur les perspectives futures. Le maintien des tendances récentes peut-il se justifier et, si oui, quelles en sont les implications ? Nous verrons que le contexte macro-économique actuel est probablement porteur d'une nouvelle problématique de l'exode des régions périphériques. De manière plus générale, l'évolution démographique résultant du scénario choisi demande qu'on le jauge en fonction de critères moins simplistes que celui de la population totale. Ce faisant, elle s'avère plus dramatique qu'elle ne le semble à première vue, particulièrement dans certaines régions périphériques, même si l'on fait abstraction des effets dynamiques pouvant résulter, en cours de route, de l'interaction des différentes variables. Une nouvelle dynamique du déclin peut en effet émerger dans ces régions, auquel cas l'ensemble du Québec devra faire face à la difficile question de leur survie.
1. L'évolution démographique
des régions administratives
Le tableau 1 rassemble les données pertinentes relatives à l'évolution passée et future de la population de chaque région administrative du Québec. Les trois premières colonnes présentent les données des recensements canadiens. Un recensement comporte presque toujours un taux de sous-dénombrement qu'évalue après coup Statistique Canada. Or, ce taux fluctue d'un recensement à l'autre. En 1986, au Québec, il atteignit 3,1% de la population totale, au lieu de 1,9% en 1981 (BSQ, 1990a, p. 26). Le Bureau de la statistique du Québec (BSQ) a donc corrigé les données du recensement concernant la population totale de 1986 à l'aide du fichier où sont inscrits les bénéficiaires de la Régie de l'assurance‑maladie du Québec. En fait, ce fichier « sert de plus en plus au dénombrement de la population et le Bureau de la statistique du Québec l'utilise depuis 1988 pour établir la population de base de ses prévisions démographiques » (BSQ, 1990a, p. 27).
TABLEAU 1
Population des régions administratives du Québec, 1971-2016 (en milliers)
|
(1)
|
(2)
|
(3)
|
(4)
|
(5)
|
(6)
|
(7)
|
(8)
|
(9)
|
(10)
|
(11)
|
(12)
|
|
1971
|
1981
|
1986
|
1986
|
1991
|
1991
|
1996
|
2001
|
2006
|
2011
|
2016
|
1991-2016
|
|
|
|
|
corrigé
|
projection
|
réelle
|
|
|
|
|
|
%
|
Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine
|
115,9
|
115,0
|
112,5
|
116,0
|
115,1
|
108,5
|
104,1
|
99,7
|
95,7
|
92,0
|
88,6
|
‑18,3
|
Bas-Saint-Laurent
|
209,9
|
211,8
|
210,8
|
217,1
|
218,9
|
210,0
|
204,4
|
197,9
|
191,6
|
185,9
|
180,5
|
‑14,0
|
Saguenay-Lac Saint-Jean
|
266,2
|
285,7
|
285,5
|
294,9
|
298,4
|
293,3
|
289,4
|
283,3
|
277,3
|
271,4
|
264,8
|
‑9,7
|
Québec
|
528,1
|
576,7
|
586,3
|
605,4
|
612,7
|
632,8
|
647,3
|
658,2
|
665,6
|
670,4
|
672,3
|
6,2
|
Chaudière-Appalaches
|
306,4
|
349,4
|
356,8
|
367,9
|
380,9
|
377,1
|
385,6
|
390,5
|
394,5
|
397,5
|
398,8
|
5,8
|
Mauricie-Bois-Francs
|
427,3
|
448,7
|
453,8
|
467,9
|
477,3
|
477,6
|
488,1
|
495,3
|
501,6
|
507,1
|
511,0
|
7,0
|
Estrie
|
241,0
|
256,1
|
257,8
|
265,9
|
271,9
|
275,1
|
282,3
|
288,3
|
293,6
|
298,4
|
302,7
|
10,0
|
Montérégie
|
832,7
|
1059,2
|
1096,3
|
1131,6
|
1211,0
|
1236,0
|
1342,8
|
1434,3
|
1514,5
|
1585,7
|
1648,5
|
33,4
|
Île de Montréal
|
1959,1
|
1760,1
|
1752,6
|
1808,6
|
1831,3
|
1822,5
|
1851,3
|
1882,1
|
1911,6
|
1940,9
|
1969,8
|
8,1
|
Laval
|
228,0
|
268,3
|
284,2
|
293,6
|
314,5
|
322,4
|
347,0
|
367,4
|
384,3
|
398,8
|
411,3
|
27,6
|
Lanaudière
|
177,5
|
255,2
|
279,0
|
288,1
|
315,3
|
343,2
|
387,3
|
424,5
|
457,1
|
486,4
|
512,9
|
49,4
|
Laurentides
|
241,8
|
307,7
|
320,7
|
331,0
|
359,8
|
392,0
|
447,9
|
497,8
|
543,2
|
585,3
|
624,5
|
59,3
|
Outaouais
|
216,5
|
242,9
|
256,7
|
265,1
|
288,1
|
291,6
|
318,0
|
343,3
|
366,3
|
387,7
|
407,8
|
39,8
|
Abitibi-Témiscamingue
|
142,9
|
145,2
|
146,8
|
151,4
|
155,2
|
155,9
|
158,7
|
160,7
|
162,5
|
164,0
|
165,0
|
5,8
|
Côte-Nord
|
104,4
|
118,3
|
104,6
|
108,3
|
106,2
|
105,9
|
104,5
|
102,4
|
100,1
|
97,5
|
94,5
|
‑10,8
|
Nord-du-Québec
|
30,0
|
38,0
|
36,1
|
37,3
|
38,3
|
37,3
|
38,0
|
38,6
|
39,0
|
39,1
|
38,9
|
4,3
|
Ensemble du Québec
|
6027,8
|
6438,4
|
6540,3
|
6749,9
|
6995,1
|
7081,2
|
7396,7
|
7664,4
|
7898,5
|
8101,1
|
8291,9
|
17,1
|
SOURCES: Colonnes (1) à (5), BSQ, 1990b; colonnes (6) à (11), BSQ, 1995a.
Les colonnes (4) et (6) présentent la population totale des régions administratives en 1986 et 1991, selon les évaluations du BSQ. La colonne (5) indique la projection démographique pour 1991 issue du scénario de référence élaboré dans le cadre de l'exercice traditionnel de perspectives démographiques, après le recensement de 1986. Les données corrigées de 1986 constituent la base de départ de ces perspectives, tout comme la colonne (6) constitue celle des colonnes (7) à (11), qui résultent du scénario de référence le plus récent, élaboré après le recensement de 1991 (BSQ, 1995a) [2].
Au cours de la période 1971-1986, deux régions administratives ont connu des mouvements de baisse significative de leur population, soit l'île de Montréal et la Côte-Nord. Il s'agit là de cas particuliers. L'île de Montréal ne peut, en aucune manière, être considérée comme une entité géographique indépendante des régions administratives voisines. En réalité, c'est la région métropolitaine de Montréal qui constitue le cadre géographique cohérent. En fait malheureusement fi le découpage actuel des régions administratives dans la zone métropolitaine. On ne peut, en effet, reconstituer la zone métropolitaine à partir de ce découpage, puisque celle-ci comprend deux régions administratives entières (île de Montréal et Laval) et des parties de trois autres (Montérégie, Lanaudière et Laurentides). L'évolution démographique et économique de ces dernières est intimement liée à celle de la région métropolitaine. Leur croissance démographique est ainsi imputable en bonne partie à celle de leurs Municipalités régionales de comté (MRC), qui appartiennent au territoire de la zone métropolitaine, et qui bénéficient de la dynamique résidentielle qui s'y manifeste [3].
La baisse démographique de l'île de Montréal s'est produite entre 1971 et 1981. Depuis, l'essor de l'immigration internationale a permis la stabilisation de son nombre de résidents. Mais, quoi qu'il en soit, ces divers mouvements se situent à l’intérieur d'une véritable région, et non de quatre ou cinq. Il y a ici une logique métropolitaine, qui n'a n'en à voir, par exemple, avec celle des régions périphériques, de sorte que ces trois régions administratives, Montérégie, Lanaudière et Laurentides, qui se trouvent partiellement à l'intérieur et partiellement à l’extérieur de la zone métropolitaine, doivent être vues comme des constructions bancales.
La Côte-Nord représente un autre cas de figure, sa croissance démographique évoluant au rythme de son développement économique rapide. Après 1981, c'est le fléchissement, notamment à cause de l'abandon des mines de fer. Dans une petite région, reflux économique signifie également reflux démographique : les travailleurs venus d'ailleurs pour participer au développement repartent.
Jusqu'en 1986, donc, aucun indice de déclin lent mais inexorable n'est perceptible. Peut-on en dire autant face aux données relatives à la population de 1991 ? Si l'on excepte la Côte-Nord, deux régions ont connu entre 1986 et 1991 une chute inattendue de leur population, soit la Gaspésie et le Bas-Saint-Laurent. (Dans le cas du Saguenay-Lac-Saint-Jean, il s'agit de stagnation plutôt que de baisse.)
Avant de se pencher sur l'avenir à court et moyen termes, il faut souligner ce fait : presque toutes les régions du Québec étaient en croissance démographique au début de la présente décennie. Le déclin des régions est devenu un thème à la mode mais, en réalité, il ne concerne, jusqu'à ce jour, que trois régions périphériques totalisant 6% de la population du Québec.
En fait, le Québec a connu au cours de ce lustre 1986-1991 sa plus importante croissance démographique depuis vingt ans, changement remarquable comparativement à la situation du début des années quatre-vingt, qui laissait entrevoir une crise démographique à plus ou moins brève échéance. Cela explique le retournement des plus récentes perspectives démographiques, par rapport à celles élaborées après le recensement de 1986. Ces prévisions sont généralement très sensibles à l'évolution démographique récente.
2. Les sous-régions ou les MRC
Les régions administratives couvrent de grands territoires, et l'évolution globale d'une région donnée peut camoufler des variations significatives à l'intérieur même de cette région. Il est évidemment impossible de passer en revue chacune des quelque 1600 municipalités du Québec. Il faut donc une entité intermédiaire entre la municipalité et la région administrative. Elle existe depuis 1979 et c'est la MRC. Celle‑ci exerce la responsabilité en matière de planification de l'aménagement du territoire. Chaque région administrative se divise en un certain nombre de MRC, pour lesquelles on collige les données démographiques et élabore des perspectives.
Au-delà de toutes ces données se pose pourtant une question : de quoi s'agit-il au juste lorsqu'on parle de « régions » ? Tout le monde en habite une. Mais dans l'esprit des gens, le mot fait d'abord référence à celles qui se trouvent à l'extérieur des grands centres urbains (Montréal et Québec), et bien souvent aux régions périphériques du Québec, ou même à une partie de celles‑ci. Des villes et des villages situés à cent kilomètres de Montréal ou de Québec ne se trouvent pas, il est vrai, dans la même dynamique régionale que les localités de la Gaspésie, par exemple. Les premiers peuvent éventuellement connaître des pertes démographiques, mais ce sera généralement au profit de la métropole. Par ailleurs, l'expansion de celle‑ci procure des avantages économiques et sociaux aux localités situées dans sa périphérie.
Que nombre de localités aient disparu le long du chemin menant à la « métropolisation » de la ville centrale semble pour le moins probable, à en juger par les indices qui s'offrent au visiteur qui quitte les grands axes routiers et se promène au hasard des routes secondaires ou tertiaires : un cimetière dont les pierres tombales livrent de moins en moins de secrets, des maisons abandonnées, des espaces qu'a reconquis la végétation, etc. Mais qui prétendra que l'Histoire devrait céder la place au Polaroïd capable de tout immobiliser sur sa pellicule ? Ce n'est pas d'hier que des villages disparaissent.
TABLEAU 2
Population des MRC de cinq régions en déclin, 1971-2016 (en milliers)
|
(2)
|
(2)
|
(3)
|
(4)
|
(5)
|
(6)
|
(7)
|
(8)
|
(9)
|
(10)
|
(11)
|
|
1971
|
1981
|
1986
|
1986
|
1991
|
1991
|
1996
|
2001
|
2006
|
2011
|
2016
|
|
|
|
|
corrigé
|
projection
|
réelle
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine
|
115,9
|
115,0
|
112,5
|
116,0
|
115,1
|
108,5
|
104,1
|
99,7
|
95,7
|
92,0
|
88,6
|
Les Îles-de-la-Madeleine
|
13,3
|
14,1
|
14,5
|
15,0
|
15,3
|
14,3
|
14,1
|
13,8
|
13,3
|
12,8
|
12,4
|
Avignon
|
16,4
|
15,5
|
15,5
|
15,9
|
15,9
|
15,9
|
15,8
|
15,4
|
14,9
|
14,4
|
13,9
|
Bonaventure
|
22,8
|
22,4
|
21,7
|
22,4
|
22,0
|
20,3
|
19,6
|
18,9
|
18,1
|
17,4
|
16,7
|
Pabok
|
23,6
|
23,1
|
22,7
|
23,4
|
23,2
|
22,2
|
21,0
|
19,9
|
19,1
|
18,3
|
17,5
|
La Côte-de-Gaspé
|
23,5
|
24,0
|
22,8
|
23,7
|
23,2
|
21,4
|
20,1
|
19,0
|
18,2
|
17,6
|
17,0
|
Denis-Riverin
|
16,3
|
15,9
|
15,2
|
15,7
|
15,4
|
14,3
|
13,5
|
12,7
|
12,1
|
11,6
|
11,1
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Bas-Saint-Laurent
|
209,9
|
211,8
|
210,8
|
217,1
|
218,9
|
210,0
|
204,4
|
197,9
|
191,6
|
185,9
|
180,5
|
Matane
|
25,1
|
25,6
|
25,3
|
26,0
|
26,0
|
24,9
|
24,1
|
23,2
|
22,4
|
21,6
|
20,9
|
La Matapédia
|
24,7
|
22,2
|
22,1
|
22,8
|
23,2
|
21,4
|
20,3
|
19,3
|
18,5
|
17,9
|
17,4
|
La Mitis
|
24,1
|
22,2
|
21,8
|
22,5
|
22,5
|
20,6
|
19,2
|
18,0
|
17,2
|
16,6
|
16,0
|
Rirnouski-Neigette
|
42,8
|
49,0
|
50,1
|
51,8
|
52,8
|
52,6
|
53,6
|
53,4
|
52,5
|
51,4
|
50,1
|
Témiscouata
|
27,2
|
25,2
|
24,8
|
25,4
|
25,6
|
23,9
|
22,5
|
21,3
|
20,5
|
19,9
|
19,2
|
Les Basques
|
13,5
|
11,9
|
11,3
|
11,5
|
11,3
|
10,5
|
9,8
|
9,2
|
8,8
|
8,4
|
8,1
|
Rivière-du-Loup
|
28,4
|
31,2
|
31,0
|
31,9
|
32,0
|
32,2
|
32,4
|
32,0
|
31,2
|
30,4
|
29,6
|
Kamouraska
|
24,1
|
24,5
|
24,5
|
25,2
|
25,4
|
23,8
|
22,6
|
21,5
|
20,6
|
19,8
|
19,1
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Chaudière-Appalaches
|
306,4
|
349,4
|
356,8
|
367,9
|
380,9
|
377,1
|
385,6
|
390,5
|
394,5
|
397,5
|
398,8
|
L'Islet
|
23,2
|
22,1
|
21,2
|
21,7
|
21,8
|
20,4
|
19,3
|
18,5
|
18,1
|
17,9
|
17,7
|
Montmagny
|
6,3
|
25,7
|
24,8
|
25,4
|
25,5
|
24,2
|
23,3
|
22,7
|
22,4
|
22,2
|
21,9
|
Bellechasse
|
28,6
|
30,1
|
29,9
|
31,0
|
31,6
|
30,2
|
29,5
|
28,8
|
28,4
|
28,3
|
28,1
|
Les Etchemins
|
21,1
|
20,0
|
19,5
|
20,1
|
20,2
|
19,1
|
18,3
|
17,7
|
17,4
|
17,3
|
17,2
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Saguenay-Lac-Saint-Jean
|
266,2
|
285,7
|
285,5
|
294,9
|
98,4
|
293,3
|
289,4
|
283,3
|
277,3
|
271,4
|
264,8
|
Le fjord-du-Saguenay
|
159,9
|
170,6
|
170,8
|
176,6
|
178,4
|
177,1
|
176,3
|
173,5
|
170,2
|
166,7
|
162,5
|
Lac-Saint-Jean-Est
|
50,0
|
52,9
|
52,4
|
54,0
|
54,7
|
53,3
|
52,0
|
50,5
|
49,3
|
48,1
|
46,9
|
Le Domaine-du-Roy
|
30,1
|
33,1
|
33,3
|
34,4
|
35,2
|
34,0
|
33,4
|
32,6
|
31,9
|
31,2
|
30,5
|
Maria-Chapdelaine
|
26,2
|
29,1
|
28,9
|
29,9
|
30,2
|
28,8
|
27,7
|
26,6
|
25,9
|
25,4
|
24,8
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Côte-Nord
|
104,4
|
118,3
|
104,6
|
108,3
|
106,2
|
105,9
|
104,5
|
102,4
|
100,1
|
97,5
|
94,5
|
Côte-Nord-du-Golfe-St-Laurent
|
6,1
|
5,8
|
6,0
|
6,0
|
6,1
|
6,0
|
5,9
|
5,8
|
5,7
|
5,6
|
5,5
|
Minganie
|
10,2
|
7,0
|
7,1
|
7,2
|
7,6
|
7,2
|
7,0
|
6,9
|
6,7
|
6,5
|
6,4
|
Sept-Rivières
|
31,2
|
42,4
|
36,2
|
37,6
|
35,4
|
36,8
|
36,5
|
35,9
|
35,1
|
34,1
|
32,9
|
Manicouagan
|
34,2
|
37,2
|
36,4
|
37,8
|
38,0
|
37,1
|
36,7
|
35,9
|
35,1
|
34,2
|
33,2
|
La Haute-Côte-Nord
|
15,0
|
15,1
|
14,3
|
14,8
|
14,6
|
13,9
|
13,2
|
12,7
|
12,2
|
11,8
|
11,3
|
Caniapiscau
|
7,8
|
10,8
|
4,7
|
4,8
|
4,6
|
5,0
|
5,2
|
5,2
|
5,3
|
5,3
|
5,2
|
SOURCES: Colonnes (1) à (5), BSQ, 1990b; colonnes (6) à (11), BSQ, 1995a.
En d'autres mots, le déclin d'un village, ou même d'une MRC, doit être replacé dans le cadre régional approprié. Relocalisation à l'intérieur d'une région et désertification régionale constituent deux phénomènes bien distincts. Ainsi, huit des onze régions administratives situées à l'extérieur du grand Montréal incluent des MRC ayant en 1986 une population plus faible qu'en 1971. [4] Même une région comme Chaudière-Appalaches, en plein élan démographique, contient une poche significative de décroissance regroupant les MRC de L'Islet, Montmagny, Bellechasse et les Etchemins. À l’intérieur même de ces régions administratives se trouvent donc un centre et une périphérie.
Mais, après 1986, deux régions administratives ont connu un déclin significatif et inattendu, la Gaspésie et le Bas-Saint-Laurent. Dans le premier cas, cette baisse atteignit 6,5%, dans le second 3,3%, alors que le scénario de référence fondé sur les données réelles de 1986 aboutissait à une stabilisation relative de la population dans les deux cas. (Un déclin constant de 6,5% par lustre mène à une perte d'un tiers après quelque trente ans. Ce n'est pas la perspective officielle, puisque les scénarios démographiques se déroulent de manière mécanique plutôt que dynamique, mais il ne faut pas perdre de vue cette possibilité.) Et comme l'indique le tableau 2, le déclin dans ces deux régions touche toutes les MRC, à l'exception de Rimouski-Neigette et de Rivière-du-Loup. On doit en déduire que les centres urbains plus importants de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent n'exercent pas d'attraction significative sur le reste de la région. En d'autres mots, la distinction entre centre et périphérie ne s'avère guère appropriée pour ces deux régions ; on doit les considérer comme faisant intégralement partie de l'arrière‑pays. Il est frappant de constater que les deux MRC entièrement rurales du Bas-Saint-Laurent (La Matapédia et Témiscouata) n'ont pas connu, entre 1986 et 1991, un déclin démographique supérieur à celui d'autres MRC de la région. Il est évidemment possible qu'une étude des divers villages obligerait à nuancer le tableau d'ensemble. Mais, en se fondant uniquement sur les données relatives aux MRC, on ne peut étayer le concept théoriquement séduisant de « périphérie de la périphérie ». Nous serions plutôt en présence d'un début de désertification régionale.
Il s'agit ici bien sûr d'une diminution de la population résidente. Celle‑ci ne constitue pas toujours une variable-synthèse de l'état des lieux économiques de la région, ou de la MRC. Songeons aux régions touristiques, qui deviennent souvent des lieux de résidences secondaires. L'exemple de Charlevoix constitue une illustration patente du décalage possible entre la courbe de la population résidente et le tonus de l'économie locale. Le visiteur ne peut pas s'imaginer que les deux MRC qui la composent ne comptent en tout que 32 000 résidents permanents, donnée qui n'a guère bougé depuis 1971 (il y eut même une légère diminution après 1986). Les auberges de tous genres qui s'y multiplient indiquent bien l'affluence touristique croissante, révélateur plus fiable de la situation globale que la courbe purement démographique. [5]
La même problématique ne permet cependant pas de mettre entre parenthèses le déclin démographique de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent. Et lorsqu'on ajoute à cela la baisse continuelle, après 1986, dans la poche de décroissance de la région Chaudière- Appalaches, on doit conclure, que de l'île d'Orléans à la pointe de Gaspé, la population décline sur toute la Rive-Sud du Saint‑Laurent (voir la carte 1). Dès 1989 le Conseil des affaires sociales avait attiré l'attention sur cette éventualité, dans un texte qui connut un retentissement tel que son titre fait désormais partie du vocabulaire des discussions sociales ou régionales : Deux Québec dans un.
En cherchant cependant à mettre sur le même pied les MRC plus périphériques et les quartiers urbains plus anciens, plus précisément ceux de la ville de Montréal, ce document occulte la spécificité des premières. Ces deux entités géographiques accusent une chute de population, mais la signification en est radicalement différente dans l'un et l'autre cas. D'une part, les quartiers centraux de Montréal perdent des résidents au profit de quartiers plus éloignés [6] et de la banlieue et non à celui du reste du monde. Il ne s'agit donc pas d'une perte nette pour la région de Montréal. D'autre part, la densité moyenne de population dans ces quartiers demeure plus élevée (et de beaucoup) que celle des banlieues. Ce ne sont pas des zones abandonnées, comme on en voit dans les centres‑villes américains, bien au contraire. En réalité, la qualité de la vie s'y est nettement améliorée depuis 25 ans ! (MATHEWS, 1986.) Les perspectives qui s'offrent à ces quartiers urbains n'ont donc rien à voir avec celles auxquelles sont confrontées les MRC périphériques.
Le Québec a désormais sa grande zone de « dépeuplement » ou, à tout le moins, la tendance semble nettement engagée sur un vaste territoire impliquant trois régions administratives, territoire qui n'est pas une sorte de « construction mentale ». Par exemple, les données relatives aux MRC pour la période 1986-1991 permettent d'identifier un genre de « croissant de la stagnation démographique » regroupant sept MRC sur la rive sud du Saint-Laurent entre Lévis et Sorel. Mais ce regroupement est dénué de toute unité géographique : ces MRC appartiennent à trois régions administratives différentes au sein desquelles les MRC en croissance démographique l'emportent sur celles en déclin ou en stagnation. En réalité, il n'y a, à ce jour, qu'une seule véritable zone de dépeuplement sur le territoire qui était déjà habité au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
Ce n'est donc pas le mouvement général du Québec qui entraîne cette zone dans son sillage, bien au contraire. Le lustre 1986-1991 a connu, pour l'ensemble du Québec, une hausse de l'excédent des naissances sur les décès (c'est-à-dire de l'accroissement naturel) et un redressement très net du bilan migratoire. La région Est de la rive sud du Saint‑Laurent a donc manifesté un comportement spécifique, qui se traduit en toute logique dans les flux migratoires propres à cette région.
3. La mécanique de la croissance
ou de la décroissance
La démographie échappe à l'œil nu. Les taux de natalité et de mortalité, facilement disponibles, ne permettent pas à eux seuls d'apprécier la dynamique démographique d'une population donnée. Les mêmes comportements en matière de fécondité et de mortalité n'engendrent pas les mêmes résultats selon qu'ils s'appliquent à une population jeune ou vieille. En d'autres mots, la structure par âge importe au plus haut point, elle clôt le champ des « futuribles » démographiques. Ces comportements peuvent évoluer rapidement, et même aller jusqu'à défaire tous les scénarios démographiques dans un laps de temps relativement bref, mais ils agissent à travers une structure par âge : le taux de natalité, douze naissances pour mille personnes en ce moment au Québec, résulte de l'application de l'indice de fécondité du moment (environ 1,6 enfant par femme) à l'actuelle structure par âge des femmes, et le taux de mortalité (7,3 décès pour mille personnes) résulte de l'application des taux de mortalité par âge et par sexe à l'ensemble de la structure par âge [7].
Cette structure par âge découle de l'histoire démographique des générations encore vivantes. Le fait le plus marquant de la structure actuelle, non seulement au Québec mais dans tout l'Occident, est sans conteste la juxtaposition du baby boom, qui s'est déroulé en gros de 1945 à 1965, et de la profonde dénatalité qui lui a rapidement succédé, et qui prévaut encore. Qu'une structure par âge donnée ne puisse être retournée comme une crêpe est attesté de manière éloquente par le fait que 25 ans de sous-fécondité, c'est‑à‑dire de fécondité inférieure au seuil nécessaire pour le renouvellement des générations (2,05 enfants par femme), n'ont pas encore abouti, en Amérique du Nord, à un excédent des décès sur les naissances. Cela est imputable à l'extrême jeunesse de la structure par âge à la fin du baby boom. Une faible fécondité appliquée à un nombre élevé de femmes en âge de procréer a permis, au fil des ans, de maintenir une certaine croissance naturelle.
En d'autres mots, le baby boom a fourni à la société québécoise (et aux autres... un confortable coussin de sécurité. Mais on se doute bien que ce coussin est devenu de plus en plus mince. Avec le maintien de la sous-fécondité, la mécanique de la croissance naturelle se transformera inévitablement en mécanique de la décroissance naturelle, qui ne pourra pas non plus changer sa course du jour au lendemain.
Les flux migratoires peuvent renforcer ou atténuer, voire renverser le sens de la dynamique « naturelle ».
- Des flux migratoires multiples
En réalité, la source des brusques renversements dans les tendances démographiques se trouve presque toujours du côté des flux migratoires. Pour une population québécoise totale de quelque sept millions d'habitants, dix mille arrivées en moins, combinées à dix mille départs en plus, ne représentent pas, sur une base annuelle, une modification radicale, mais suffisent pour infléchir de façon significative la tendance démographique globale. L'effet de ces flux migratoires est cependant très spatialisé.
Pour qui s'intéresse à l'évolution quantitative de la population, c'est le solde migratoire, soit la différence entre les arrivées et les départs, qui constitue la variable pertinente. Dans une perspective régionale, le solde global se décompose en trois parties : le solde migratoire international, qui synthétise les échanges entre le Québec et le reste du monde, le solde interprovincial, qui concerne les échanges entre le Québec et le reste du Canada, et le solde interrégional, qui résume les échanges entre chacune des régions et le reste du Québec.
Or, pour les régions sises à l'extérieur des zones métropolitaines de Montréal, Québec et Hull, les soldes internationaux et interprovinciaux sont peu substantiels, contrairement aux soldes interrégionaux (Duchesne, 1995, p. 238s). Pour Montréal, la situation s'inverse : les deux premiers soldes éclipsent en importance le solde interrégional, même si les données relatives aux régions administratives incluses dans la région métropolitaine laissent voir le contraire, indice supplémentaire du caractère aberrant de ce découpage.
Plus précisément, la Gaspésie, le Bas-Saint-Laurent et le Saguenay-Lac-Saint-Jean ont connu, entre 1986 et 1991, une détérioration de leur solde interrégional, qui atteint en moyenne annuelle près de 1% de leur population totale (BSQ, 1995). Cela explique le retournement subit de leur situation démographique après 1986.
Lorsque le solde international ou interprovincial bouge beaucoup, la métropole, et dans une moindre mesure Québec et Hull, en vivent les effets essentiels, tandis que les autres régions en sont à peine effleurées. En région donc, l'évolution démographique s'avère plutôt étale lorsqu'on la compare à celle du centre, en forme d'accordéon.
Cette dichotomie Montréal / régions influence forcément le jugement qu'on peut porter sur le scénario démographique que nous utilisons dans cet article. Car ce scénario a beau s'avérer déjà décalé par rapport à la réalité des toutes dernières années, ce décalage ne concerne que la région métropolitaine de Montréal, qui ne se trouve pas ici au cour de notre propos.
4. Le scénario de référence du BSQ
Le tout premier objectif qui incombe aux perspectives démographiques consiste à rendre compte du déroulement de la mécanique sous-jacente, à l'aide d'hypothèses « réalistes » quant aux trois variables démographiques fondamentales, la fécondité, la mortalité, les migrations. Ces hypothèses sont presque toujours liées à l'évolution très récente, du moins pour le scénario jugé le plus vraisemblable, dit de référence, soit le scénario A dans la palette du BSQ. Ainsi, toutes les différences entre les hypothèses des scénarios A d'après 1986 (BSQ, 1990a) et d'après 1991 (BSQ, 1995a), sauf une, s'expliquent par les modifications survenues entre ces deux dates : hausses de la fécondité, de l'espérance de vie et du solde migratoire. L'exception concerne le phénomène de la migration interrégionale, qui intervient lorsqu'il s'agit des perspectives démographiques régionales. Dans le scénario A d'après 1986, l'hypothèse utilisée relativement à la migration interrégionale est la moyenne des deux lustres précédents, tandis que le scénario A d'après 1991 reconduit simplement les taux par âge du lustre 1986-1991. Il n'y a pas de raison évidente à cette dernière modification.
Quant à la fécondité, elle est maintenue constante à 1,6 enfant par femme pour l'ensemble du Québec et pour toute la période de projection (1991-2041), et les différences régionales, qui se sont rétrécies avec le temps, sont également maintenues constantes. Soulignons que le BSQ n'élabore qu'un seul scénario de projections démographiques pour les MRC, celui issu du scénario de référence utilisé pour les régions administratives, alors que cinq scénarios sont élaborés pour celles‑ci. Autre différence entre les MRC et les régions administratives, l'exercice de projection pour les premières s'arrête à l'année 2016, plutôt qu'à 2041. Le scénario et les données relatives aux MRC que nous présentons ici sont donc les seules disponibles. Il faut forcément, dans un premier temps, se poser la question de la pertinence de chacune des hypothèses prise séparément. Le maintien des tendances plus ou moins récentes peut-il se justifier ?
L'hypothèse d'une fécondité constante de 1,6 enfant par femme jusqu'en 2016 ne pose pas en soi de problème particulier : ce ne serait plus ou moins que la reconduction des vingt dernières années. La question intéressante devient alors : la deuxième hypothèse la plus probable serait-elle celle d'une baisse ou d'une hausse de la fécondité par rapport à son palier actuel ? Cette question relève bien davantage de l'histoire, de l'économie ou de la sociologie que de la démographie proprement dite, et ne susciterait sans doute aucun consensus de nos jours. Un pays comme l'Espagne connaît une fécondité de 1,24 enfant par femme (MONNIER et GUIBERT LANTOINE, 1994, p. 1120). Par contre, on pourrait prétendre qu'un « pays » ayant à la fois les caractéristiques géo-culturelles du Québec et la volonté de durer comme entité distincte n'a pas d'autre choix que de viser à terme une fécondité plus élevée que 1,6 enfant par femme. Seul le temps permettra de trancher.
Quant à l'espérance de vie à la naissance, qui traduit en une donnée synthétique la table de mortalité des hommes et des femmes de l'année choisie, elle continuerait sa progression régulière des dernières décennies, mais à un rythme plus lent. L'espérance de vie masculine à la naissance passerait ainsi de 73,7 ans en 1991 à 77 en 2011, celle des femmes passerait de 80,8 à 83,9 ans. Ici aussi il n'y a pas de raison particulière de refuser cette hypothèse. À moins d'une découverte biomédicale extraordinaire, la progression du déclin de la mortalité ne peut pas ne pas ralentir. Et à voir les crises budgétaires publiques un peu partout en Occident et les pressions considérables sur les systèmes de santé que provoquera le vieillissement de la population, la question la plus pertinente pourrait davantage concerner le moment de la stabilisation de l'espérance de vie plutôt que le fait lui‑même. Mais il est vrai, comme on le verra plus loin, que la phase aiguë du vieillissement ne commencera vraiment qu'après 2001.
L'hypothèse relative aux migrations est, pour sa part, beaucoup plus critiquable que les deux premières. Elle est fondée sur le maintien, pendant une longue période, des bilans migratoires du lustre 1988-1993, et projette donc année après année un solde migratoire de 25 000 personnes pour l'ensemble du Québec, fondé sur un solde international de 36 000 et un solde interprovincial de 11 000. Ce qui est possible pendant quelques années ne l'est pas forcément sur une longue période, particulièrement dans un domaine où les conditions sociales et économiques pèsent de tout leur poids. Dès le départ, cette hypothèse migratoire paraissait excessive (MATHEWS, 1994a). Or, le retournement s'est produit dès 1994, malgré le caractère économiquement favorable de cette année-là. Celle‑ci a vu à la fois une détérioration du solde international, de 37 000 en 1993 à 20 100 en 1994, par suite d'une chute de 40% dans le volume de l'immigration internationale au Québec, et du solde interprovincial, de -7 000 à -16 300 (Statistique Canada, 1995b). Comme résultat, le solde total du Québec a littéralement fondu, d'un robuste 29 400 à un anémique 3 800. Les données préliminaires touchant le premier trimestre de 1995 ne révèlent aucune modification (Statistique Canada, 1995d).
À 25 000 immigrants par année, soit un léger recul par rapport aux 27 500 de 1994, la performance québécoise en immigration internationale demeurerait plus qu'honorable puisque égale, toutes proportions gardées, à celle des États-Unis en matière d'immigration légale. Toutefois, un tel volume pourrait ne produire, à cause de l'émigration québécoise, qu'un solde migratoire nul !
On ne peut évidemment prolonger sur vingt ans une tendance vieille de quelques trimestres. Si nous pouvions choisir notre propre hypothèse de solde migratoire, nous opterions pour le solde moyen des quinze dernières années, soit 15 000 personnes par année. Mais ce retournement récent ne concerne pour l'essentiel que la grande région de Montréal. Pour les régions sises hors des grands centres urbains, ce sont les migrations interrégionales qui importent [8]. L'exode de certaines régions périphériques s'est avéré, entre 1986 et 1991, plus important que prévu, d'où leur déclin démographique. Et le scénario de référence du BSQ maintient, tout au long de sa période de projection, les taux de migration interrégionale par groupe d'âges enregistrés au cours de ce dernier lustre. Que peut-on en penser ?
5. Une nouvelle problématique
de l'exode des régions périphériques
L'hypothèse de la prédominance des facteurs d'attraction plutôt que de répulsion dans la détermination des flux migratoires interrégionaux ne manque pas de vraisemblance. Les données détaillées sur les flux migratoires respectifs des diverses régions administratives (DUCHESNE, 1995, p. 238s) semblent la conforter : les pertes des régions périphériques fluctuent au gré de la situation économique des régions urbaines, qui fut favorable de 1986 à 1989. La récession de 1990-1992 les a donc nettement atténuées. Cette dernière constitue cependant une césure à plus d'un titre. Plusieurs facteurs interviendront désormais qui pourraient alimenter l'exode des régions périphériques, en dépit d'une situation économique plutôt médiocre dans la métropole.
La dernière récession a singulièrement aggravé la crise des finances publiques canadiennes. L'année fiscale 1993-1994 a vu les déficits publics des onze gouvernements canadiens atteindre quelque 65 milliards de dollars, soit 9,1% du PIB (produit intérieur brut) canadien, ce qui a propulsé leur dette nette totale à 665 milliards, soit 93,4% du PIB (Statistique Canada, 1995a). Ces deux indices situent le Canada dans le club des pays occidentaux aux finances les plus précaires. Or, celui qui accumule des dettes année après année devra tôt ou tard faire face à la réalité. Pour nos deux gouvernements cette minute de vérité a sonné et, comme la faillite n'est pas possible, les citoyens devront payer. Ceux‑ci en sont conscients, mais il n'est pas évident qu'ils savent combien ils devront payer. Supposons que les deux gouvernements eussent décidé d'atteindre l'équilibre budgétaire dès 1995-1996 (une hypothèse purement théorique), cela aurait représenté, cette année-là pour les Québécois, une combinaison de hausse d'impôts et de contraction des dépenses publiques de l'ordre de onze milliards de dollars, soit 6,3% du PIB du Québec, ou près de 20% de ses recettes fiscales fédérales et provinciales. (Cette somme résulte de l'addition du déficit du gouvernement québécois et de la part québécoise du déficit fédéral.) On s'en rapprochera sans doute, mais de manière beaucoup plus graduelle. Or, la contribution essentielle à cette lutte contre les déficits viendra, au Québec, des régions centrales, mais cela sera rendu difficile par l’absence prolongée d'une période de croissance économique vigoureuse.
Ce nécessaire assainissement des finances publiques constituera forcément une œuvre de longue haleine. Le dernier budget fédéral (Ministère des Finances du Canada, 1995) a, comme d'habitude, utilisé aux fins de ses projections financières des hypothèses économiques trop roses. Tout indique donc que la situation socio‑économique des dix prochaines années s'avérera moins favorable que celle de la période 1970-1990.
On voit mal, dans ce contexte, comment les régions, même périphériques, pourraient échapper à une contribution quelconque, modeste mais réelle, à l'effort collectif, par le biais sans doute d'une moindre péréquation venant des régions centrales. L'attrait de celles‑ci n'en sera pas forcément rehaussé, mais les facteurs locaux incitant au départ risquent d'en être amplifiés.
La péréquation versée à ce jour aux régions périphériques n'a pas empêché l'exode des jeunes adultes de ces régions. Le fait même de l'existence d'une telle péréquation a pu être contesté (CÔTÉ, 1991), mais elle est indubitable. Il faut simplement s'entendre sur le vocabulaire.
- La péréquation interrégionale
Dans tous les pays occidentaux existe une certaine péréquation interrégionale, que ce soit par le biais de la sécurité sociale ou par celui d'enveloppes spécifiques réservées aux régions plus pauvres. Ces deux canaux cohabitent au Canada, puisque les transferts fédéraux au titre du programme de la péréquation versés aux sept provinces plus pauvres, dont le Québec, n'épuisent pas, tant s'en faut, tout l'effort de péréquation. Celui‑ci se loge également dans les prestations d'assurance-chômage, d'assistance sociale, de sécurité de la vieillesse et de supplément de revenu garanti. Globalement, tout bien considéré, les sept provinces moins riches bénéficient d'une péréquation plus ou moins importante provenant des trois provinces les plus riches, l'Ontario, l'Alberta et la Colombie‑Britannique, comme le démontre l'analyse des données provinciales de Statistique Canada (1995c).
La même réalité se répète à l’intérieur de chaque province, à une différence près, et elle est de taille : les données sur les flux fiscaux interrégionaux, au Québec, n'existent pas. Mais les données régionales sur le revenu moyen et les taux d'activité (Ministère de l'Emploi du Québec, 1995) ne laissent subsister aucun doute quant à la direction des flux fiscaux nets entre les régions plus périphériques et le reste du Québec. Celles‑là reçoivent de Québec et d'Ottawa, en prestations et services, nettement plus que ce qu'elles versent en impôts aux deux paliers de gouvernement.
À cela, on pourrait répondre par l'argument que font valoir les Québécois insatisfaits du régime fédéral, mais dans ce cas-ci, l'argument serait utilisé contre le gouvernement provincial : « aux régions périphériques, l'assistance sociale, aux régions centrales, les investissements structurants ».
Il s'agit là d'une question empirique : les investissements publics effectués dans les régions périphériques sont-ils proportionnels aux impôts que versent celles‑ci (plutôt, il faut le noter, qu'à la population de ces régions, puisqu'il s'agit simplement de déterminer l'ampleur de la péréquation interrégionale) ? Même si cette question reste sans réponse, on peut déduire que les impôts prélevés dans les régions périphériques sont faibles en proportion de leur population.
En réalité, on doit faire une distinction entre les investissements publics relatifs et la péréquation globale. Si les premiers font défaut, cela n'implique pas ipso facto absence de péréquation. L'importante enveloppe des prestations et des services sociaux doit forcément être mise dans la balance. Rien ne permet donc de parler de « spoliation systématique des régions » et d'affirmer que « les impôts prélevés en région [sont] réinvestis dans les centres » (DIONNE et KLEIN, 1993, p. 227)10. La clarté s'impose dans ce débat, pour au moins deux raisons différentes. L'idée qu'il suffirait de retourner aux régions les impôts qu'elles versent aux gouvernements supérieurs pour améliorer leur situation est sans objet. Il faudrait en réalité, pour atteindre cet objectif, un effort de péréquation encore plus important que celui consenti en ce moment. Et, comme l'explique POLÈSE (1995), l'autonomie des régions et la redistribution en leur faveur font mauvais ménage. La deuxième raison concerne les perspectives d'avenir. Non seulement cet effort supplémentaire ne se concrétisera pas, mais la crise budgétaire actuelle des deux gouvernements supérieurs devrait réduire l'effort actuel.
À cela se greffe une situation nouvelle dans la disponibilité de certaines ressources naturelles importantes pour l'Est du Québec. On pense évidemment aux stocks de poisson, mais la ressource forestière s'épuise également.
Dans les années qui viennent, ces divers facteurs pourraient être identifiés, particulièrement pour les jeunes qui y ont grandi, comme de nouveaux agents de répulsion, qui deviendraient prédominants dans la nouvelle problématique démographique de ces régions, et qui annuleraient l'effet dissuasif d'une économie centrale tournant au ralenti.
L'hypothèse de la constance des taux de migration interrégionale par groupe d'âges pour les années à venir, relativement aux taux élevés de 1986-1991, paraît donc raisonnable, du moins dans une perspective statique qui ne se préoccupe pas de l'interaction des différentes variables. On voit donc qu'une hypothèse peut-être choisie mécaniquement par le BSQ « reconduire le passé récent » peut s’inscrire dans une nouvelle problématique démo-économique.
6. L'interaction des différentes variables
L'exercice de projection démographique consiste à recueillir le résultat, année après année, de l'interaction des différentes variables. Ces résultats sont mécaniques, c'est‑à‑dire inscrits dans les hypothèses de départ, puisque celles‑ci ne changent pas en cours de route. Au-delà de l'interrogation relative à leur vraisemblance, l'utilisateur de perspectives démographiques devrait également se demander si le déroulement mécanique de cette dynamique ne se heurtera pas, à plus ou moins brève échéance, à des obstacles économiques ou sociaux, provoquant ainsi une auto-correction. L'évaluation des perspectives s'avère beaucoup plus délicate que leur élaboration, et qu'elle soit rarement faite ne relève pas du hasard. Depuis que la production de perspectives démographiques a été informatisée, elle prend de plus en plus la forme d'un catalogue de prêt-à-utiliser comprenant un nombre élevé de scénarios, le client étant libre de choisir le sien. Les perspectives démographiques des Nations Unies en représentent un exemple extrême, puisque leurs auteurs hésitent même à coller le label « le plus probable » sur l'un des scénarios (MATHEWS, 1994b).
Il existe pourtant des situations où le maintien des tendances passées sur une longue période pose problème. Les perspectives officielles pour l'Afrique subsaharienne aboutissent, pour la période 1990-2025, au maintien du taux annuel de croissance des trente-cinq dernières années, soit 2,8%. À l'échelon local, des perspectives démographiques élaborées pour l'île de Montréal après 1986, et fondées sur le maintien des tendances internes de 1971-1981, en arrivent à un dépeuplement continu non seulement des quartiers centraux mais de plusieurs autres au développement beaucoup plus récent. Or, ces deux résultats ne sont pas crédibles. Dans le cas de l'Afrique, ils font fi des variations en nombres absolus, qui représentent une spectaculaire différence d'échelle par rapport aux dernières décennies et qui sont censées se produire sur fond d'aggravation des conditions économiques (MATHEWS, 1994b). Dans le cas de Montréal, ils ne prennent pas en considération le fonctionnement du marché du logement : l'évolution des prix relatifs des logements ainsi désertés freinerait grandement la poursuite du mouvement.
Le démo-économiste a donc un rôle crucial à jouer en matière d'évaluation des perspectives. À lui d'y greffer les clignotants nécessaires, puisqu'il s'agit de rester le plus fidèle possible à la réalité. Mais la nécessité de cette évaluation procure un « bénéfice marginal » : comme il est impossible de connaître le contexte économique, social et géopolitique cinquante ans à l'avance, il l'est aussi, par conséquent, d'évaluer la vraisemblance de perspectives démographiques ayant un tel horizon. Avant l'informatisation, l'élaboration des perspectives démographiques représentait un labeur de bénédictin et l'on se limitait à un horizon raisonnable. Aujourd'hui, il n'existe plus de limites. Toutefois, l'utilisation d'horizons très éloignés ne répond à aucune nécessité objective.
Mais, avant d'évaluer, il faut d'abord constater. Où nous mène le scénario de référence ?
7. Les résultats du scénario de référence
Ces résultats ont été présentés dans le tableau 1, pour l'ensemble du Québec et chaque région administrative. Étant donné les hypothèses utilisées, il ne faut pas s'attendre à un renversement de tendances eu égard à la réalité du lustre 1986-1991 : la hiérarchie des croissances relatives demeure la même tout au long de la période. Mais les points essentiels de la dynamique démographique sont dignes d'intérêt.
Premièrement, le ralentissement de la croissance se produit partout. Cela résulte, pour l'ensemble du Québec, du mouvement descendant des naissances (le nombre de femmes âgées de 20 à 40 ans est en déclin) et du mouvement ascendant des décès (le nombre de personnes âgées s'accroît rapidement), le solde migratoire demeurant à peu près constant. Les décès finissent par l'emporter sur les naissances un peu après 2016 (BSQ, 1995a), et l'accroissement naturel devient par la suite de plus en plus négatif. La migration nette permet à la population totale de continuer à s'accroître pendant une quinzaine d'années après 2016. L'hypothèse migratoire étant cependant trop élevée, le scénario de référence surestime la croissance démographique du Québec et de la grande région montréalaise. Mais dans la mesure où le solde migratoire du Québec demeurera positif, la métropole continuera de connaître une croissance supérieure a celle du reste du Québec.
Deuxièmement, la constance des taux de migration interrégionale par groupe d'âges n'entraîne qu'une seule région, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans le club des régions en déclin. Cependant, d'autres seraient sur le point de basculer. Dans Chaudière-Appalaches et en Abitibi-Témiscamingue, l'accroissement naturel en fin de période demeure à peine supérieur à l'émigration nette.
Troisièmement, en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent, régions que l'exode affecte depuis longtemps, le vieillissement précoce de la structure par âge signifie que l'accroissement naturel y deviendra négatif beaucoup plus tôt qu'ailleurs, vers 2001 ou peu après. Par contre, ce vieillissement signifie également que l'émigration vers les autres régions diminue en nombres absolus au fil des ans, puisqu'elle est concentrée chez les jeunes adultes (Conseil des affaires sociales, 1989). Le rythme du déclin démographique s'y atténue donc après 2006, de manière purement mécanique (et c'est ici que la mécanique pure semble quelque peu irréelle). Cette atténuation ne s'appliquera pas encore au Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui conserve aujourd'hui une structure par âge plus jeune que celle de l'ensemble du Québec.
Le tableau 2 a montré que toutes les MRC (sauf une) des quatre régions en déclin sont peu ou prou touchées par ce déclin. Il faut cependant préciser que la méthode de projection de la population des MRC facilite l'obtention d'un tel résultat. Les projections relatives aux diverses MRC d'une région doivent être compatibles avec la projection pour l'ensemble de la région, effectuée au préalable. Or, le BSQ veut éviter de reproduire des taux trop élevés de croissance ou de décroissance de sorte qu'« au terme des quinze premières années de projection, chaque MRC retrouve le rythme d'accroissement de sa région administrative » (BSQ, 1995b, p. 1). Il ne s'agit là que d'une hypothèse, qui ressemble à un postulat, dont le temps permettra de vérifier la pertinence. Mais on soulèvera plus loin une objection possible. Il paraît en effet curieux que le déclin des deux MRC entièrement rurales du Bas-Saint-Laurent (la Matapédia et Témiscouata) ne soit pas, après 2006, plus élevé que celui des MRC de Matane et de Rivière-du-Loup, par exemple.
Ainsi le Québec et les diverses régions qui le constituent épuisent peu à peu l'élan venant du baby boom. Certes, le début du déclin démographique peut sembler encore lointain pour la plupart des régions. Cependant, le critère de la population totale ne constitue pas un clignotant très raffiné. D'autres critères plus judicieux sont disponibles, notamment celui du vieillissement de la population. En d'autres mots, même si on se limite aux résultats purement mécaniques du scénario, ceux-ci peuvent s'avérer plus inquiétants qu'on pourrait le croire à première vue, auquel cas les régions en déclin seraient encore plus concernées, avant même la prise en considération de possibles effets dynamiques.
8. Le vieillissement de la population
On en parle beaucoup depuis au moins une quinzaine d'années, on ne compte plus le nombre d'articles et de rapports officiels sur ce sujet, et pourtant le phénomène du vieillissement de la population n'a pas encore entamé son entrée dans la phase la plus critique (MATHEWS, 1988). Le critère le plus simple et le plus usuel du vieillissement, c'est la proportion de la population totale âgée de plus de 64 ans. Celle‑ci s'élevait à 9,7% en 1986 (BSQ, 1990a, p. 322) et elle atteindra 12,1% en 1996, 13,8% en 2006 et 17,9% en 2016 (BSQ, 1995a). En fait, l'accélération du phénomène se produit à partir de 2011, alors que les toutes premières générations du baby boom atteindront l'âge de 65 ans.
Une première critique de ce critère concerne son caractère statique. En effet, il dit de façon implicite et à la manière de Gertrude Stein : un vieux est un vieux est un vieux. Or, et c'est l'évidence même, avoir 65 ans en 1995 et avoir le même âge en 1965 n'ont rien de comparable : les nouveaux vieux sont aujourd'hui en bien meilleure forme, plus instruits et plus riches que leurs prédécesseurs, et cela ira en s'accentuant (LÉGARÉ, CARRIÈRE et JENKINS, 1995, p. 17s). En réalité, 65 ans aujourd'hui, ce n'est même plus très vieux : il reste encore, en moyenne, une bonne quinzaine d'années devant soi. Vu sous cet angle, le vieillissement semble plutôt bénin.
On devine bien, cependant, la fragilité de cette position. Si les nouveaux retraités sont plus à l'aise financièrement, c'est grâce en bonne partie aux prestations publiques que leur versent le fédéral (Sécurité de la vieillesse et Supplément de revenu garanti) et le provincial (Régie des rentes du Québec). Le Régime de rentes n'est pas véritablement axé sur la capitalisation, puisque sa caisse ne suffira pas, au taux de cotisation actuel, à honorer tous ses engagements (MATHEWS, 1995). Les retraités d'aujourd'hui recevront donc, en prestations cumulées de la Régie, davantage que la somme capitalisée de leurs cotisations et de celles de leurs employeurs.
Il en va de même pour les soins de santé. Les personnes âgées représentent le groupe dont la consommation par tête est à la fois la plus élevée et celle qui croît le plus rapidement (CREDES, 1986). Ainsi, leur coût publie est aujourd'hui, d'un simple point de vue transversal, beaucoup plus élevé que naguère. Mais, en plus, ces personnes ont une espérance de vie à 65 ans nettement plus longue et l'allongement de la période de retraite est bonifié par ce qui se passe en amont de celle-ci. En effet, les employés ont tendance à prendre leur retraite de plus en plus tôt : en 1981, 65% des hommes et 23% des femmes de 60-64 ans participaient à la population active ; en 1991, il n'y en avait plus que 46% et 20% (MATHEWS, 1995, p. 259). Et la tendance se maintient. Les personnes âgées coûtent donc plus cher plus longtemps.
L'évolution du poids relatif des personnes âgées de plus de 64 ans ne constitue donc pas un critère satisfaisant des effets du vieillissement. Il faut à tout le moins faire intervenir la frontière à 60 ans et se demander comment évolue le rapport entre les deux côtés de cette frontière, idéalement entre les retraités et la population active, mais pour des raisons empiriques on se contentera du rapport entre les « 60 ans et plus » et les « 20-59 ans ».
Dans ce contexte, l'augmentation du nombre de personnes âgées ne peut évidemment pas compenser la diminution du nombre de jeunes. Il y a là, en réalité, une illusion d'optique. Avec un solde migratoire nul, une population ne peut jamais s'accroître par le haut de la pyramide, mais seulement par le bas : s'il n'y avait plus de naissances, par exemple, le nombre de personnes âgées continuerait sur sa lancée, mais la population totale diminuerait rapidement. On peut éliminer cette illusion en isolant la population totale de 0 à 59 ans et en suivant sa courbe.
Ces deux indices complémentaires sont présentés, pour les régions administratives sises à l'extérieur de la grande région de Montréal, dans le tableau 3. Ils donnent une meilleure idée de la progression et de la signification du vieillissement.
TABLEAU 3
Population de 0-59 ans et de 60 ans et plus en milliers, et rapport 60 + 20-59 ans
pour diverses régions administratives, 1991-2016
|
1991
|
1996
|
2001
|
2006
|
2011
|
2016
|
1991-2016
|
|
en millers
|
En %
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Ensemble du Québec:
|
|
|
|
|
|
|
|
0-59 ans
|
5985
|
6183
|
6332
|
6376
|
6332
|
6237
|
4,2
|
60 et +
|
1096
|
1214
|
1333
|
1523
|
1776
|
2055
|
87,5
|
60+/20-59
|
,266
|
,283
|
,297
|
,334
|
,390
|
,457
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine
|
|
|
|
|
|
|
|
0-59 ans
|
90,8
|
85,3
|
80,0
|
74,1
|
67,5
|
60,8
|
‑33
|
60 et +
|
17,7
|
18,7
|
19,7
|
21,6
|
24,5
|
27,7
|
56,5
|
60+/20-59
|
,293
|
,317
|
,343
|
,399
|
,494
|
,620
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Bas-Saint-Laurent
|
|
|
|
|
|
|
|
0-59 ans
|
173,3
|
165,8
|
157,4
|
146,7
|
134,2
|
121,2
|
‑30,1
|
60 et +
|
36,8
|
38,6
|
40,6
|
44,9
|
51,7
|
59,3
|
61,1
|
60+/20-59
|
,323
|
,344
|
,363
|
,421
|
,525
|
,669
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Saguenay-Lac-Saint-Jean
|
|
|
|
|
|
|
|
0-59 ans
|
255,1
|
246,5
|
236,4
|
224,1
|
210,1
|
194,2
|
‑23,9
|
60 et +
|
38,1
|
42,9
|
46,9
|
53,2
|
61,3
|
70,6
|
85,3
|
60+/20-59
|
,231
|
,262
|
,284
|
,332
|
,407
|
,509
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Québec
|
|
|
|
|
|
|
|
0-59 ans
|
532,4
|
535,8
|
535,4
|
523,8
|
504,2
|
480,3
|
‑9,8
|
60 et +
|
100,5
|
111,5
|
122,8
|
141,8
|
166,1
|
191,9
|
90,9
|
60+/20-59
|
,266
|
,289
|
,311
|
,364
|
,441
|
,533
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Chaudière-Appalaches
|
|
|
|
|
|
|
|
0-59 ans
|
320,3
|
323,8
|
323,6
|
317,6
|
306,1
|
292,1
|
‑8,8
|
60 et +
|
56,8
|
61,7
|
67,0
|
76,8
|
91,4
|
106,7
|
87,9
|
60+/20-59
|
,272
|
,285
|
,297
|
,340
|
,418
|
,511
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Mauricie-Bois-Francs
|
|
|
|
|
|
|
|
0-59 ans
|
394,6
|
397,7
|
397,8
|
391,4
|
380,2
|
364,5
|
‑7,6
|
60 et +
|
83,0
|
90,4
|
97,5
|
110,3
|
126,9
|
146,5
|
76,5
|
60+/20-59
|
,312
|
,332
|
,346
|
,391
|
,461
|
,555
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Estrie
|
|
|
|
|
|
|
|
0-59 ans
|
228,8
|
232,8
|
235,1
|
233,0
|
227,5
|
220,5
|
‑3,6
|
60 et +
|
46,3
|
49,5
|
53,2
|
60,6
|
71,0
|
82,3
|
77,7
|
60+/20-59
|
,304
|
,314
|
,324
|
,368
|
,439
|
,525
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Outaouais
|
|
|
|
|
|
|
|
0-59 ans
|
255,9
|
276,4
|
295,2
|
308,4
|
316,0
|
320,0
|
25
|
60 et +
|
35,6
|
41,6
|
48,1
|
57,8
|
71,7
|
87,8
|
46,6
|
60+/20-59
|
,204
|
,219
|
,234
|
,266
|
,320
|
,385
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Abitibi-Témiscamingue
|
|
|
|
|
|
|
|
0-59 ans
|
136,3
|
137,9
|
138,4
|
137,3
|
134,3
|
129,7
|
‑4,8
|
60 et +
|
19,6
|
20,8
|
22,3
|
25,2
|
29,7
|
35,3
|
80,1
|
60+/20-59
|
,223
|
,229
|
,237
|
,264
|
,317
|
,389
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Côte-Nord
|
|
|
|
|
|
|
|
0-59 ans
|
96,0
|
92,4
|
88,0
|
83,1
|
77,5
|
71,5
|
‑25,5
|
60 et +
|
10,0
|
12,2
|
14,4
|
17,0
|
20,0
|
23,0
|
130
|
60+/20-59
|
,157
|
,193
|
,231
|
,284
|
,355
|
,441
|
|
SOURCES: 1) et 2): BSQ, 1995a; 3) Calculs de l'auteur.
Pour l'ensemble du Québec, l'image qui s'en dégage contraste singulièrement avec celle que projette l'évolution de la seule population totale. Ainsi, dans le scénario de référence du BSQ, le début de la dépopulation ne se produit que vers 2030, alors que la population des 0-59 ans commence, elle, à décliner dès 2006, et, alors que la proportion de la population âgée de 65 ans et plus passe à la vitesse supérieure seulement à compter de 2011, le rapport 60 ans et plus / 20-59 ans prend son envol dès 2001. En d'autres mots, avec les programmes actuels de retraite et le fonctionnement connu du marché de l'emploi, qui exclut de plus en plus de travailleurs âgés, les effets socio‑économiques du vieillissement marqueront la société québécoise d'une manière de plus en plus significative, à partir d'une date nettement plus rapprochée que celle généralement prévue.
Que signifie cette perspective pour l'avenir démographique des régions ? On peut penser, dans la mesure où le vieillissement apportera de l'eau au moulin de la stagnation économique, que la société québécoise sera bien davantage préoccupée par sa démographie globale que par celle de quelques régions plus ou moins périphériques, à un moment où la situation de ces dernières s'avérera de plus en plus difficile. Retournons au tableau 3. On y voit, d'une part, que la Gaspésie et le Bas -Saint-Laurent connaîtront une réduction de leur population de 0-59 ans supérieure à 30% d'ici 2016 et, d'autre part, que dans toutes les régions hors Montréal, à l'exception de l'Outaouais, la population de 0-59 ans aura commencé à décliner dès 2001.
Le poids relatif des « retraités » sera à l'avenant dans les diverses régions. Bien entendu, le rapport « 60 ans et plus / 20-59 ans » n'a pas la même signification dans les régions où il dépasse significativement la moyenne québécoise que pour l'ensemble du Québec. Aucune de ces régions n'assume elle‑même le coût implicite dans ce rapport, qui comporte néanmoins une double signification régionale. La première concerne la péréquation interrégionale. Avec de telles disparités dans ce rapport, une péréquation substantielle versée par la grande région de Montréal au reste du Québec demeure inévitable, même si les programmes de retraite sont revus à la baisse. La seconde concerne les régions où le vieillissement est le plus avancé, soit la Gaspésie et le Bas-Saint-Laurent. On peut avancer l'hypothèse que le vieillissement actuel et à venir y ajoute un nouvel élément à la dynamique de l'exode des jeunes.
9. La dynamique du déclin
Plus une entité géographique est petite, plus les variations de sa population peuvent être importantes et plus les perspectives démographiques qui la concernent deviennent aléatoires. Une région métropolitaine ne peut disparaître en une décennie, ni même voir sa population diminuer de manière précipitée, alors qu'un tel déclin a lieu régulièrement pour des quartiers à l'intérieur de cette région. La « migration » se produit d'autant plus fréquemment qu'elle est facile. De même, un retournement de tendances économiques peut dévaster une petite ville mono-industrielle, ce qui ne saurait être le cas d'une métropole. L'exemple de la Côte-Nord l'atteste de manière éloquente. En effet, cette région est passée, en quelques années, d'une croissance rapide à un déclin relativement spectaculaire.
Dans les perspectives démographiques usuelles, une baisse résulte mécaniquement de l'application d'hypothèses statiques : tel taux d'émigration nette signifie le départ de tant d'adultes et d'enfants, donc moins de naissances les années suivantes. Mais le déclin peut également provoquer un effet boule de neige, car il rétrécit les perspectives d'avenir, privées et publiques. La fermeture de certains équipements collectifs (écoles, hôpitaux, bureaux de poste, etc.) défraie régulièrement les manchettes. On parle moins des investissements, publics et privés, qui ne se réalisent plus faute de support démographique suffisant. Mais cela ressort de la même problématique. Dans ces conditions, la perspective d'un fléchissement continu peut provoquer des départs supplémentaires, de la part de personnes qui auraient préféré rester sur place mais qui sont finalement acculées au départ par le manque d'horizons. Le déclin s'auto-alimenterait, provoquant ainsi sa propre accélération.
Pour cette raison, il faut s'attendre à ce que les villages de l'arrière‑pays, incluant ceux qui s'éparpillent le long de la rive sud du Saint‑Laurent, connaissent une chute plus importante que ne l'indiquent les projections des MRC périphériques présentées ici. Rien ne garantit que le déclin s'amenuisera avec le temps, rien ne garantit le résultat mécanique du scénario. Il faut aller voir derrière la mécanique des perspectives. Dans l'état actuel des choses, l'avenir paraît sombre pour le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie.
10. La contrainte des tendances lourdes
Ce n'est pas ici le lieu de s'interroger sur les moyens, s'il y en a, d'inverser la trajectoire démographique des régions en perte de vitesse. Chose certaine, l'idée que chaque patelin a le droit de perdurer indépendamment des circonstances démographiques et économiques constitue un véritable cul‑de‑sac, dont il faudra bien sortir un jour. Le renforcement de ces régions passe, en toute probabilité, par le renforcement de leurs centres, et non par le maintien artificiel de leur périphérie. À quoi sert de retarder l'inéluctable de dix ou vingt ans, alors que les ressources utilisées pour ce faire auraient pu servir à mieux outiller le coeur de ces régions ?
Le recul démographique de l'arrière‑pays constitue un phénomène qui se manifeste dans tous les pays développés où la densité moyenne de population demeure faible. L'arrière-pays au sud et à l'est du Québec jouxte le Maine et le Nouveau-Brunswick, aussi peu peuplés que cette partie du Québec. La frontière politique n'introduit pas de solution de continuité dans la trame démographique des régions qu'elle traverse. Par ailleurs, le déclin de ces territoires n'est que la conséquence logique de mouvements migratoires qui perdurent depuis plus de quarante ans.
L'avenir démographique des régions plus périphériques du Québec pose, en somme, la question d'une politique de population spécifique pour ces régions. Une telle politique s'impose-t-elle et, si oui, jusqu'à quel coût ? L'existence, à un moment bien déterminé, d'une population sur un territoire donné suffit-elle pour justifier la pérennisation de son enracinement ? Quelles que soient les réponses, il est illusoire de penser que l'on peut figer une trame démographique sur un territoire, c'est-à-dire soustraire le mouvement des hommes et des femmes à l'Histoire. Et il ne faut pas confondre la disparition de certains villages avec la fin de la région où ils se situent. Mais si l'on veut vraiment freiner la désertification qui pointe dans l'est du Québec, il faudra agir rapidement : le temps joue contre ces régions périphériques.
Ce sont les premiers concernés qui devraient d'abord proposer une politique concrète de population, visant à articuler moyens et fins. Ou, comme l'a déjà dit Charles de Gaulle lors d'une de ses allocutions : « On peut bien regretter le temps de la marine à voile, mais il n'y a de politique qui vaille que fondée sur les réalités. »
Georges MATHEWS
BIBLIOGRAPHIE
Bureau de la statistique du Québec (BSQ), Perspectives démographiques du Québec et de ses régions 1986-2046, Québec, Les Publications du Québec,1990a.
Bureau de la statistique du Québec (BSQ), Prévisions de la population et des ménages des MRC 1986-2006, Québec, Les Publications du Québec. 1990b
Bureau de la statistique du Québec (BSQ), Perspectives démographiques du Québec et de ses régions : 1991-2041 et des MRC : 1991‑2016, Québec, Les Publications du Québec. 1995a
Bureau de la statistique du Québec (BSQ), Communiqué Nouvelles perspectives de la population des MRC, 1991‑2016, Québec, Gouvernement du Québec, 28 mars. 1995b
Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé (CREDES), Consommation médicale et état de santé des personnes âgées, Paris. 1986
Conseil des affaires sociales, Deux Québec dans un. Rapport sur le développement social et démographique, Québec, Gaëtan Morin et Gouvernement du Québec. 1989
Conseil des affaires sociales, Agir ensemble. Rapport sur le développement, Québec, Gaëtan Morin et Gouvernement du Québec. 1990
CÔTÉ, Charles, Désintégration des régions. Le sous-développement durable au Québec, Chicoutimi, Les Éditions JCL Inc. 1991
DIONNE, Hugues et Juan-Luis KLEIN, « La question régionale au Québec contemporain », Cahiers de Géographie du Québec, 37, 101 : 219-240. 1993
DUCHESNE, Louis, La situation démographique au Québec, édition 1995, Québec, Les Publications du 1995 Québec.
HENRIPIN, Jacques, Naître ou ne pas être, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture. 1989
HENRIPIN, Jacques et Yves MARTIN (dirs), La population du Québec d'hier à demain, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal. 1991.
LÉGARÉ, Jacques, Yves CARRIÈRE et Éric JENKINS, Le vieillissement de la population et son impact sur les besoins en soins et services socio-sanitaires, Montréal, Groupe de recherche sur la démographie québécoise. 1995
MATHEWS, Georges, Le choc démographique, Montréal, Boréal. 1984
MATHEWS, Georges, L'évolution de l'occupation du pare résidentiel plus ancien de Montréal de 1951 à 1979, Montréal, INRS‑Urbanisation. (Études et documents, 46.) 1986
MATHEWS, Georges, Le vieillissement démographique et son impact sur la situation des personnes âgées et les services qui leur sont offerts, Québec, Conseil québécois de la recherche sociale. 1988
MATHEWS, Georges, « Le Québec : toujours aux prises avec sa démographie », dans : Groupe Prospective et Transfert Technologique, Québec 2000+, une prospective du Québec à l'aube d'un autre siècle, Montréal, INRS‑Urbanisation, 81-119. 1994a
MATHEWS, Georges, « L'avenir de la population mondiale. Quand les perspectives officielles se trompent lourdement », Futuribles, 45-65, septembre. 1994b
MATHEWS, Georges, « La stagnation macro‑économique et l'indifférence aux coûts futurs de la politique des retraites », dans : Anne-Marie Guillemard, Jacques Légaré, Pierre Ansart (dirs), Entre travail, retraite et vieillesse. Le grand écart, Paris, Éditions L'Harmattan, 251‑264. 1995
Ministère de l'Emploi du Québec, « La main‑d'œuvre », Le marché du travail, 16, 1-2 : 91-103. 1995
Ministère des Finances Canada, Le plan budgétaire, Ottawa, 27 février. 1995
MONNIER, Alain et Catherine de GUIBERT‑LANTOINE, « La conjoncture démographique : l'Europe et les pays développés d'Outre‑Mer », Population, 49e année, 4-5 : 1107-1128. 1994
POLÈSE, Mario, Le développement local, revu et corrigé. Récit d'une douce illusion dangereuse, Montréal, INRS‑Urbanisation. (Inédits, 21.) 1995
ST‑MAURICE, Yves, « Un bel été pour le secteur touristique », En Perspective, La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec, 5, 7 : 5‑7. 1995
Statistique Canada, Finances du secteur public 1994‑1995, Ottawa, Ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie. (Catalogue 68-212.) 1995a
Statistique Canada, Statistiques démographiques trimestrielles, octobre-décembre 1994, Ottawa, Ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie. (Catalogue 91-002.) 1995b
Statistique Canada, Comptes économiques provinciaux, estimations annuelles 1984‑1993, Ottawa, Ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie. (Catalogue 13-213.) 1995c
Statistique Canada, Statistiques démographiques trimestrielles, janvier-mars 1995, Ottawa, Ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie. (Catalogue 91-002.) 1995d.
[1] Pour une analyse des diverses facettes de la question démographique québécoise, on pourra se reporter à HENRIPIN (1989), HENRIPIN et MARTIN (1991) et MATHEWS (1984 et 1994a).
[2] Je remercie Louis Duchesne, Esther Létourneau et Normand Thibault du BSQ pour leur aimable collaboration.
[3] Chaque région administrative est divisée en MRC et les données de population incluses dans le document relatif aux plus récentes perspectives démographiques des MRC (BSQ, 1995) font nettement ressortir cette conclusion.
[4] À propos de la conjoncture touristique, on peut se reporter à ST-MAURICE.
[5] Par contre, l’affirmation suivante contenue dans Deux Québec dans un paraît étrange : « En milieu urbain, la concentration d'un grand nombre de fonctions publiques et privées dans les centres‑villes poussent (sic) les jeunes ménages vers la banlieue » (p. 108). À Montréal, plusieurs quartiers résidentiels non touchés par cette concentration ont connu l'exode des jeunes ménages qui y ont grandi.
[6] Ces données relatives aux nombres absolus de naissances et de décès proviennent de Statistique Canada (1995b).
[7] Il faut le dire tout net : l'immigration internationale ne concerne, depuis de très nombreuses décennies, que la région de Montréal, et cela continuera ainsi, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse. L'immigration en régions, et particulièrement en régions périphériques, relève de l'utopie. Elles n'arrivent pas à retenir sur place ceux et celles qui y sont nés, et l'on voudrait que des Libanais, des Vietnamiens et des Latino‑Américains s'y installent en nombres significatifs ?
[8] Bien que cela déborde le cadre de cet article, il vaut la peine de citer au complet deux phrases de DIONNE et KLEIN. « La répartition géographique des investissements gouvernementaux à travers les institutions relevant du ministère de la Santé et des Services sociaux est, selon la démonstration de CÔTÉ, à la base d'un mode inégalitaire d'allocation des fonds publics, les impôts prélevés en région étant réinvestis dans les centres. [...] Cette spoliation systématique des régions enclenche une répartition inégale des emplois et, conséquemment, l'émigration des jeunes vers la métropole, et ce à un point tel que les régions périphériques sont atteintes par un processus de « désintégration » qui risque de progresser et de s'accélérer. » (p. 227.) Vérification faite, la démonstration de CÔTÉ repose sur un modèle simpliste dont les hypothèses n'ont aucun rapport avec la réalité, ne serait-ce que parce qu'elles ignorent les flux fiscaux interrégionaux.
|