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Situation de la recherche sur le Canada français
Avant-propos
Nous publions ici les textes des communications présentées à l'occasion du premier colloque de la revue Recherches sociographiques, organisé par le Département de sociologie et d'anthropologie de l'Université Laval et tenu à Québec, en avril 1962.
Dans le premier fascicule de Recherches sociographiques, périodique fondé en 1960 par notre département et consacré entièrement à la sociologie du Canada français, les directeurs de la revue écrivaient : « L'équipe de la revue espère... organiser, de temps en temps, des sessions de travail sur les problèmes posés par la description sociographique ». Nous avons pensé que la première de ces rencontres devait tout naturellement donner lieu à un bilan d'ensemble. D'où le choix de notre thème : Situation de la recherche sur le Canada français.
En 1952, un symposium important avait été organisé par la Faculté des sciences sociales de l'Université Laval sur les problèmes originaux posés par l'industrialisation et l'urbanisation au Canada français. L'ouvrage qui a réuni les travaux de cette rencontre les Essais sur le Québec contemporain a marqué une étape décisive dans l'étude de notre milieu. Nous n’avons pas cru qu’il était opportun de reprendre la même perspective. Depuis lors, des chantiers nouveaux de la recherche ont été ouverts, des vues et des discussions nouvelles ont été introduites dans les études plus anciennes. Nous nous sommes donc proposé, plutôt que de formuler des interprétations directes de tel ou tel aspect de notre milieu, d'esquisser un diagnostic de l'état des travaux dans les divers domaines de la recherche et d'indiquer les tâches prochaines qui s'offrent aux chercheurs. « Travail fait, travail à faire » ; ce sous-titre d'une petite collection fondée jadis par Henri Berr définit fort bien l'objectif que nous poursuivions.
Dans ce programme d'inventaire élaboré sous les auspices de la sociologie et de l'anthropologie, on remarquera pourtant que nous avons insisté sur les aspects proprement historiques et écologiques. Comme nous ne pouvions songer a un bilan tout a fait exhaustif, il nous est apparu qu’il fallait donner une grande place à ces deux secteurs qui, d'une part, ont fait l'objet des travaux les plus nombreux et qui, d'autre part, doivent sans doute avoir la priorité dans une démarche de connaissance globale de notre milieu. La troisième partie du colloque traite de secteurs plus spécifiquement sociologiques ou anthropologiques et qui, par contre, sont encore un peu en friche. On [8] notera facilement que la répartition des chapitres entre ces diverses parties n'a rien de systématique : à partir d'un cadre souple, d'où toute spéculation théorique inopportune avait été volontairement exclue, nous avons aussi tenu compte des orientations personnelles des chercheurs invités à participer à ce travail. De même, tout en tenant à une certaine homogénéité, nous avons laissé beaucoup de liberté aux participants : ceux-ci ont tantôt insisté sur l'aspect documentaire, tantôt sur le commentaire critique.
Nous avons voulu faire appel à des représentants de la plupart des sciences de l'homme. Nous sommes heureux que nos collègues de l'Université de Montréal nous aient accordé une collaboration très large et très spontanée. Ajoutons qu’un effort tout particulier a été fait pour que nos étudiants dans les diverses sciences de l'homme, à Montréal comme à Québec, participent activement à ces assises. De fait, plus de trois cents personnes ont suivi les travaux du colloque. Les uns et les autres ont vu dans cette manifestation, par delà les diversités locales, une sorte de symbole de l'existence d'une même université canadienne-française.
Nous nous interdirons toute généralisation à propos des Inventaires et des hypothèses proposés dans les textes réunis ici. Les orientations sont encore trop diverses, le dialogue entre les chercheurs {auquel nous avons voulu, pour notre part, contribuer) est encore trop lâche, bien des positions de problèmes sont encore trop nouvelles et trop polémiques par rapport aux vues conventionnelles que l'on entretenait naguère sur notre milieu pour qu’il soit possible, autrement qu'en termes très personnels, de soumettre des hypothèses à la fois précises et globales. Nous sommes davantage encore à l'âge de la coordination plutôt qu'à celui de la synthèse. Une réflexion nous paraît pourtant s'imposer. Peu de chercheurs canadiens-français, et on le constatera une fois de plus dans cette publication, situent leurs études sur leur société dans une perspective de comparaison avec d'autres milieux. C'est une troublante lacune. Il nous semble y avoir là l’indication d'une étape prochaine à franchir pour la recherche au Canada français.
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Préparé sous notre responsabilité plus Immédiate, le colloque a été en réalité une initiative collective des professeurs du Département de sociologie et d'anthropologie de l'Université Laval. On nous permettra de remercier amicalement de leur très étroite collaboration nos collègues Jean-Charles Falardeau, Gérald Fortin, Napoléon LeBlanc et Marc-Adélard Tremblay.
- Fernand Dumont
- Yves Martin
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