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Le concept d'interculturalisme en contexte québécois.
Généalogie d'un néologisme
Introduction
Le pluralisme ethnoculturel a donné lieu à une politique publique d'aménagement de la diversité qui, pour plusieurs au Québec, se décline sous le vocable d'interculturalisme. D'entrée de jeu, il importe de souligner que le gouvernement du Québec n'a jamais, à ce jour, adopté une Loi sur l'interculturalisme. Il se dégage toutefois un consensus dans le discours tenu aussi bien par les intellectuels, par les rédacteurs de certains documents gouvernementaux, que par les analystes et les journalistes qui s'expriment dans les médias, à l'effet que la politique québécoise se distinguerait de la politique fédérale du multiculturalisme.
La présente étude vise deux objectifs. Il s'agira d'abord, en nous référant aux documents gouvernementaux ainsi qu'à la littérature académique, de tracer les origines et le parcours de la notion d'interculturalisme dans le contexte québécois. Ensuite, nous verrons succinctement en quoi l'approche québécoise se distingue (ou non) du modèle canadien d'aménagement du pluralisme ethnoculturel. Une attention particulière sera portée aux éléments permettant de circonscrire les multiples définitions, par ailleurs jamais officialisées, de la notion d'interculturalisme.
Dans la première partie de ce rapport, nous tracerons les origines de la notion d'interculturalisme au Québec. La question de l'intégration des immigrants a commencé à véritablement préoccuper les pouvoirs publics au moment de la Révolution tranquille. Bien que souvent ignorés, les travaux de la Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province du Québec ont souligné l'importance de prendre en considération le processus d'anglicisation des « Néo-canadiens », comme on le disait à l'époque, et de repenser la manière dont leur intégration devait être favorisée au sein d'un Québec qui commençait à affirmer avec plus d'assurance son caractère français. La communauté francophone devait se redéfinir en communauté d'accueil. La première partie rappellera donc les propos tenus par la Commission Parent (1961), la manière dont ceux-ci se sont progressivement développés jusqu'à l'adoption du premier plan d'action du gouvernement à l'intention des communautés culturelles : Autant de façons d'être québécois (1981).
Dans la deuxième partie du rapport, nous nous pencherons sur le parcours de la notion d'interculturalisme de 1981 à nos jours. Une analyse de l'évolution du concept dans les documents gouvernementaux révèle un certain consensus autour du modèle d'intégration. Pour [2] cette période nous pouvons toutefois noter le passage du réfèrent culturel à celui qui fait davantage appel à la dimension civique, la notion de « cadre civique commun » venant remplacer le concept de « culture publique commune ». Cette transition se fait sans pour autant déroger à l'ensemble des principes associés à la définition non-explicitée d'interculturalisme. Dans le bref aperçu de la littérature académique qui complète cette section, nous aborderons les définitions de l'interculturalisme et les convergences et divergences quant à l'évolution de la politique québécoise d'intégration.
La politique de l'interculturalisme s'est développée en opposition à la politique du multiculturalisme. Suite à un rapide survol de la genèse du multiculturalisme et de son évolution de 1971 à aujourd'hui, ces deux modèles d'aménagement de la diversité ethnoculturelle seront comparés afin de dégager de quelle manière ils diffèrent et quelles en sont les implications non seulement pour l'intégration des immigrants, mais aussi pour l'inclusion des minorités ethnoculturelles établies au Québec depuis plusieurs générations.
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