[5]
Les rapports culturels entre le Québec
et les États-Unis.
- Richard A. JONES, “Le spectre de l’américanisation.” [145]
- Commentaire, par André-J. BÉLANGER [167]
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[146]
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Depuis l’arrivée des loyalistes au Canada à la fin du XVIIIe siècle, un fort courant d’antiaméricanisme fait partie du nationalisme canadien [1]. Quoique ce thème figure également dans le nationalisme canadien-français, son importance relative est indiscutablement moindre. Après tout, le nationaliste canadien-français dressait le plus souvent une longue liste d’ennemis de la nation parmi lesquels prenaient place, outre l’Américain, et suivant la période étudiée, l’Anglais, le protestant, l’immigrant, le Juif, le franc-maçon, le communiste, l’impérialiste britannique, le centralisateur fédéral, etc., etc. Dans cette panoplie d’adversaires, l’Américain n’était généralement pas à l’avant-garde.
Cette comparaison du spectre américain à travers les deux nationalismes au Canada mériterait de se faire. L’excellent ouvrage de l’historien Carl Berger [2] dégage la critique des impérialistes canadiens-anglais face à la république voisine et il est frappant de voir jusqu’à quel point la vision de l’élite conservatrice au Canada français à la même époque y correspond. Plus récemment, il serait loisible de comparer l’image des États-Unis à travers les publications de gauche au Québec ainsi que dans certains milieux syndicaux à celle véhiculée par une revue de langue anglaise comme Canadian Dimension.
À la lecture de ce travail, l’on verra que, somme toute, la « menace » américaine à la société québécoise au XXe siècle a fait l’objet de peu de recherches, du moins si on ne tient compte que des ouvrages, tels ceux de Roby et de Lanctôt, où cette problématique est centrale. Certes, une pléthore d’études a pour sujet les idéologies québécoises, les groupements nationalistes ou les grandes personnalités du camp nationaliste ; pourtant, dans la très grande majorité de ces recherches, l’attitude face aux États-Unis se révèle un aspect secondaire sinon carrément mineur. Exceptionnellement, dans certains cas, nous avons jugé bon de recourir à des sources publiées afin de compléter une démonstration. Compte tenu des lacunes au niveau des études actuellement disponibles, nous nous sommes même demandé si, pour l’ensemble de la population québécoise au XXe siècle, il a existé ou il existe un spectre américain !
Les conclusions que nous avons tirées à la lecture de notre corpus nous ont amené à présenter la matière suivant un plan chronologique en trois parties. Dans un premier temps, pour les années 1900-1920, nous avons eu l’impression que même l’élite canadienne-française était assez peu préoccupée d’une quelconque menace américaine à l’exception, évidemment, d’un Jules-Paul Tardivel, critique notoire de la civilisation américaine, mort à la tâche en 1905. Mais au cours des années 1920-1945, la crainte devant les États-Unis paraît s’intensifier et se généraliser, du moins à l’intérieur d’une certaine élite. Puis, pour la période suivant la fin de la Deuxième Grande Guerre, les chercheurs se sont assez peu intéressés aux sentiments des Québécois face aux États-Unis, peut-être justement parce qu’ils ont conclu que même pour l’élite cette préoccupation n’était pas primordiale. Certes, il faudrait faire exception pour certains groupes d’intellectuels de gauche, actifs pendant la décennie 1963-1973, mais à vrai dire ils étaient peu nombreux. Chose curieuse, c’est précisément pendant le quart de siècle suivant la Deuxième Guerre [148] mondiale que l’on prétend que le Canada et le Québec se sont rapidement américanisés. Faudrait-il penser que la grande majorité des gens ont, en effet, accueilli favorablement ce « spectre » devenu réalité ? Les quelques travaux réalisés sur cette période nous porteraient à répondre par l’affirmative.
* * *
1900-1920 : une menace qui se précise...
pour ceux qui la perçoivent
Au cours des deux premières décennies du XXe siècle, la transformation du Québec en une société urbanisée et industrialisée connaît une accélération marquée. De 39,7% qu’elle était en 1901, la population urbaine s’accroît à 56,0% en 1921 [3]. Au tournant de 1900, près des deux tiers de la production totale de la province proviennent toujours du secteur agricole. Mais au cours des années de croissance rapide qui suivent certains économistes comme André Raynauld (mais non pas Walter Rostow !) situent à ce moment le « take-off » économique du Québec quelques industries connaissent un essor prodigieux. Attirés par la politique d’accueil du gouvernement de Lomer Gouin (1905-1920), les capitaux étrangers affluent vers la province, dans les secteurs des pâtes et papiers et de l’hydroélectricité entre autres [4] et, quoiqu’il soit difficile de mesurer leur importance, il est apparent que les capitaux américains commencent à supplanter les investissements britanniques au cours de la Première Guerre mondiale [5]. Par ailleurs, pour Yves Roby, « le caractère familier des produits américains fabriqués en Ontario ou aux États-Unis augmente l’impression de l’omniprésence américaine [6] ».
La prospérité économique de ces années explique certainement le déclin de l’émigration vers les États-Unis, du moins en rapport avec la grande saignée de la décennie 1881-1891, quand 147 500 personnes quittent la province. Yolande Lavoie évalue à 46 600 les départs vers le Sud pour la décennie 1901-1911 et à 128 400 pour la période 1911-1921 [7] ; certes, l’exode se poursuit mais, compte tenu de la croissance de la population, il ralentit.
Aux yeux des nationalistes de cette période, le spectre qui menace le Québec eux parlent plutôt du Canada est sans doute le spectre de l’impérialisme britannique. Lorsque le siècle s’ouvre, la Grande-Bretagne est en guerre en Afrique du Sud et, malgré les protestations des nationalistes canadiens-français, Laurier finit par envoyer un contingent de Canadiens se battre aux côtés des Britanniques. Au cours des années qui suivent, le Canada débat la question de l’aide militaire à apporter à la Grande-Bretagne ; la fameuse Loi navale coûtera plusieurs sièges au Québec à Laurier en 1911. Ensuite, la question de la conscription provoque une profonde scission ethnique à l’intérieur du pays en 1917. Depuis 1913, également, la question scolaire ontarienne mobilisait l’attention des nationalistes qui se demandaient [149] si les « Prussiens » d’Ontario ne constituaient pas une pire menace à liberté que les Allemands eux-mêmes.
Malgré les transformations qui s’opèrent, le Québec demeure une société traditionnelle. Les chiffres sur la croissance de la population urbaine doivent être interprétés avec prudence car même les résidents des villages de 1 000 habitants sont classés urbains dans les recensements. Par ailleurs, les campagnards récemment arrivés en ville n’abandonnent pas, du jour au lendemain, une mentalité pour adopter d’autres habitudes et modes de pensée [8].
Au XIXe siècle, la menace annexionniste inquiète l’élite cléricale et les nationalistes conservateurs. Si le danger semble s’amenuiser après 1867, il reprend vie vers la fin du siècle, notamment en 1891, quand la question des relations commerciales avec les États-Unis est débattue [9], et encore en 1893, à la suite de discours pro-annexionnistes de Mercier [10]. Au tournant du siècle, Jules-Paul Tardivel, fondateur de l’hebdomadaire La Vérité en 1881 et critique acerbe de la vie américaine, continue de pester contre ceux qui, des deux côtés de la frontière, préconisaient l’annexion du Canada aux États-Unis. Pierre Savard montre comment ce nationaliste, né aux États-Unis d’un père français et d’une mère britannique et ne parlant pas un mot de français avant son entrée au Séminaire de Saint-Hyacinthe en 1868, en vient à caresser le rêve d’un État français indépendant dans l’est du continent, une sorte de Nouvelle-France reconstituée enjambant la frontière canado-américaine. Si des Américains avaient lu La Vérité, ils auraient sûrement vu en Tardivel un annexionniste qui souhaitait amputer leur pays d’une bonne partie de la Nouvelle-Angleterre !
P. Savard affirme que, « après 1893, la question de l’annexion cesse d’être un problème sérieux [11] ». Tardivel, cependant, reprend le combat au début du siècle face à la politique expansionniste des États-Unis en Amérique latine et aux Philippines [12]. Pour le journaliste, l’annexion aux États-Unis serait « le sort politique le plus funeste qui puisse nous échoir [13] ». Confronté au choix, le Canadien français devrait préférer l’impérialisme britannique à l’impérialisme américain car le premier, au moins, « nous laisserait et nos écoles catholiques et la langue française... Tandis que l’impérialisme yankee, l’annexion aux États-Unis, nous enlèverait tout vestige d’autonomie, nous noierait infailliblement et à tout jamais dans le panaméricanisme, à moins d’un véritable miracle [14] ». Les recherches de Réal Bélanger démontrent aussi que Tardivel envisageait l’indépendance du Canada comme une solution bien pire que le maintien du lien britannique. Pourquoi ? « La majorité anglaise du Canada, qui nous est certainement plus hostile que le Parlement anglais, libre désormais de toute contrainte, tenterait sérieusement de mettre à exécution ses projets d’anglicisation universelle. Ce serait ou l’écrasement de notre race ou la guerre civile, deux choses à éviter [15] ». Et Tardivel de conclure sur une réflexion morose : « Si le fanatisme des francophones nous forçait malheureusement à recourir à un changement de régime politique pour nous protéger contre leurs attaques, c’est à l’annexion aux États-Unis, plutôt qu’à l’indépendance, qu’il faudrait avoir recours ». Le lecteur voudra bien attribuer les contradictions évidentes dans cette comparaison d’options malheureuses pour le Québec, au rédacteur [150] de La Vérité plutôt qu’au chercheur de 1980 ! Notons, en dernier lieu, que John Hare, dans sa présentation du roman de Tardivel, soutient que l’influence de ce précurseur du séparatisme québécois continue de se faire sentir durant plusieurs décennie ; après sa mort en 1905, notamment par le truchement des cercles de l’A.C.J.C. [16].
La menace annexionniste reprendra vie à nouveau en 1911, lors du débat sur la réciprocité. Cette fois, !a question coûtera le pouvoir à Laurier mais le débat se fera principalement au Canada anglais. Au Québec, alors que les libéraux préfèrent vanter les mérites de l’accord tarifaire projeté, les nationalistes axent leur campagne sur la question de la marine [17]. Par ailleurs, les travaux de Réal Bélanger sur Paul-Émile Lamarche, un des candidats de Bourassa en 1911, montrent que ce nationaliste s’inquiétera, en Chambre, de la perte de « notre indépendance commerciale » aux mains des Américains [18], mais on ne peut conclure que ce genre de discours a eu une quelconque résonance populaire.
Henri Bourassa demeure sans conteste le nationaliste le plus étudié de la période 1900-1920. Il ne fait aucun doute que l'impérialisme britannique constituait pour lui une menace plus grave, du moins plus immédiate, que l’américanisation, qu’il craignait pourtant. Joseph Levitt montre que Bourassa n’avait « que du dédain pour la société américaine » qu’il jugeait imprégnée de matérialisme [19]. Pour celui-ci, le Canada, avec son ordre social nettement supérieur, doit agir comme un rempart contre l’américanisme. Le Canada français, par sa langue différente, doit renforcer la résistance des Canadiens anglais, déjà quasi américains dans leurs habitudes et leurs attitudes et, bien sûr, parlant la même langue C’est dans ce contexte, et tout en tenant compte de la conjoncture politique extrêmement volatile de ces années, qu’il faut comprendre les sentiments de Bourassa face à l’annexion.
En 1901, Bourassa souhaite toujours le maintien du lien colonial pour contrecarrer le péril américain [20]. En 1912, alors que l’impérialisme britannique lui paraît toujours plus menaçant, Bourassa publie Le spectre de l’annexion : il y dénonce les sympathies pro-annexionnistes qu’il voit chez nombre de Canadiens français, il déplore l’américanisation de la vie canadienne déjà en cours, mais il accepte toujours, quoique sans ardeur, la conservation du lien britannique [21]. Quatre ans plus tard, en 1916, la guerre sévit en Europe : Bourassa s’oppose à nouveau à l’annexion, qui serait « le suicide définitif de la nationalité canadienne [22] », mais qu’il estime néanmoins l’issue la plus probable : « elle est tout à fait dans la logique des causes et des faits accumulés par nos extravagances, et surtout par la suprême folie de notre participation dévergondée à la guerre actuelle [23] ». Puis, peu après l’entrée en guerre des États-Unis en avril 1917, Bourassa affirme sa crainte que l'intervention américaine ne provoque la rupture entre la Grande-Bretagne et le Canada et l’absorption du Canada par les États-Unis. Maintenant, seule l’indépendance canadienne pourrait « retarder ou détourner cette échéance fatale [24] ». Finalement, en 1923, alors que la paix est revenue en Europe, Bourassa prétend que le danger annexionniste « croît chaque jour, à mesure que le capital américain opère la conquête économique du pays [25] ». Évidemment, les nationalistes ont changé de cheval de bataille.
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Avant 1920, la menace américaine à l’économie du Québec semble encore émouvoir fort peu de monde. La presse libérale se demande même : « Que faisons-nous chez nos voisins les Américains pour les attirer chez nous, pour engager leurs capitaux et captiver leur esprit d’entreprise ? [26] » William F. Ryan soutient que « les évêques acceptent le capital étranger et les capitalistes avec enthousiasme » car ils recherchent la prospérité de leurs villes et de leurs industries [27]. Quant aux curés, « leur principale préoccupation à caractère économique durant cette période de prospérité... est de voir à ce que leurs paroisses continuent de se développer et de prospérer, et d’y retenir leurs ouailles [28] ». Dans de telles circonstances, ils se montrent accueillants aux industriels même s’ils s’inquiètent des conséquences éventuelles de ces transformations économiques pour les valeurs traditionnelles [29].
Néanmoins, quelques voix isolées s’élèvent. Déjà, en 1901, Errol Bouchette lance son célèbre cri de ralliement : « Emparons-nous de l’industrie [30] ». Il prétend que si les Canadiens français ne réagissent pas rapidement pour prendre le contrôle de ce nouveau secteur d’activité, promis à un avenir brillant, les Américains viendront exploiter les ressources du Québec à leur place [31]. Bourassa, Armand Lavergne, Olivar Asselin et quelques autres mènent une vigoureuse campagne contre ce qu’ils jugent être la politique d’aliénation des ressources naturelles de la province par le gouvernement libéral de Lomer Gouin [32]. Il est vrai qu’en 1910, Gouin déclare un embargo sur l’exportation du bois de pulpe coupé sur les terres de la Couronne, geste que les nationalistes réclament depuis longtemps. Néanmoins, d’après Joseph Levitt, « cet acte fut bien plus une réponse aux demandes de puissants intérêts canadiens-anglais qu’à des pressions des nationalistes [33] ». La décision de Gouin donne lieu à l’établissement au Québec d’une foule de nouvelles compagnies dans le secteur de la transformation du bois, mais peu d’entre elles sont canadiennes-françaises.
Les capitaux étrangers affluent donc, mais l’industrie donnera de l’emploi à plus de bras québécois. C’est un demi-succès, tout au plus, pour les nationalistes. À ce sujet, Wade conclut que leur message avait « laissé la population à peu près indifférente, les Canadiens français ne s’intéressant pas aux affaires, d’abord parce que leur enseignement, reposant sur la tradition, négligeait ce genre d’études et ensuite, parce qu’ils étaient exclus des postes de commande par les capitaux étrangers et la direction des entreprises [34] ». Où peut-être le climat de prospérité dans lequel baignait le Québec amenait la population à prêter la sourde oreille aux Cassandres qui dénonçaient la poule aux oeufs d’or. Par ailleurs, il faut signaler certaines divisions qui règnent à l’intérieur du camp nationaliste. Par exemple, Levitt montre que Bourassa ne croit pas à un rôle actif de la part de l’État pour favoriser la présence canadienne-française dans l’économie car une telle politique serait discriminatoire à l’endroit des Canadiens anglais. Bourassa, dit-il, « n’a jamais attaqué la place dominante des Anglo-Canadiens dans l’économie [35] ». Par contre, d’autres nationalistes n’entretiennent pas les mêmes scrupules.
Les nationalistes doivent faire face à un dilemme qu’ils ne résoudront vraiment jamais. D’une part, ils veulent que le développement économique de la [152] province bénéficie d’abord aux Canadiens français, non aux capitalistes étrangers. D’autre part, la participation à la société industrielle risque de favoriser l’éclosion des valeurs matérialistes, américaines, et le culte du veau d’or, ce qui serait contraire à la véritable mission spirituelle et civilisatrice du Canada français. Certes, on pouvait souhaiter concilier les deux. Bourassa affirme : « notre patriotisme ... doit tenir compte à la fois des aspirations élevées et des besoins matériels. Sans aucun doute nous devons prendre part à toutes les manifestations, à tous les progrès de la vie économique. Nous devons également conserver et développer en nous tous les éléments de supériorité morale et intellectuelle. Donnons à notre peuple un esprit sain dans un corps sain [36] ». Édouard Montpetit est moins nuancé dans son analyse : « La question nationale est devenue une question économique. Si nous devons remplir notre rôle et sauvegarder nos origines, nous devons. .. lutter avec les armes mêmes dont on nous menace. Lorsque nous aurons acquis la richesse, nous pourrons développer en nous la culture française et nous tourner vers la suprême conquête : la puissance intellectuelle. Nous ne survivrons pas autrement [37] ».
À la place d’une conciliation de deux objectifs souvent perçus comme mutuellement exclusifs, il faut probablement voir un double échec. Le groupe nationaliste a, somme toute, assez peu d’impact sur la politique de Gouin face aux investisseurs étrangers. Quant aux tentatives en vue d’élever les standards moraux dans la vie économique, Levitt déclare que « l’échec de Bourassa était symbolique du peu d’influence qu’il put avoir sur les valeurs matérialistes de sa génération [38] ».
Les voix qui s’élèvent contre l’influence américaine au Québec paraissent fortement minoritaires au sein de la société. Beaucoup d’observateurs continuent de voir les habitants comme étant à l’abri de ces influences délétères. André Siegfried soutient typiquement à leur propos : « Au fond de leur domaine un peu isolé de Québec, loin de New York et de Chicago, loin de la frénétique agitation américaine, ils ont su se constituer une vie propre, conservant leur langue, leur religion, leurs traditions, obtenant à force de persévérance un régime politique qui protège et garantit leur autonomie [39] ». Pour lui, le clergé mène la bataille contre les influences américaines, à la fois parce qu’il tente de conserver ses privilèges et parce qu’il se soucie de « maintenir autant que possible son petit peuple à l’écart, afin de le soustraire, non seulement à l’influence protestante, mais encore à l’influence du catholicisme américain, trop libéral à son gré ». En effet, pour l’ensemble de la société québécoise, le spectre américain effraie peu. Au cours des années 20, cependant, les voix nationalistes parleront plus fort.
1920-1945 :
une menace qui s’accroît et se diversifie
Il peut sembler curieux de regrouper les années 1920 à 1945 à l’intérieur d’une même période. Certes, les conjonctures connaissent de grandes variations. Sur le plan économique, le Québec traverse une dure récession à partir de la fin de 1920 ; ce n’est qu’en 1925 qu’une reprise durable s’amorcera [40]. Les difficultés [153] économiques ne sont sûrement pas étrangères à la reprise de l’émigration qui conduira près de 160 000 Québécois vers les États-Unis durant la décennie 1921-1931 [41]. Puis, à partir de 1930, le Québec s’enlise dans une longue et brutale dépression à laquelle seule la guerre mettra vraiment fin. Cette fois-ci, la frontière américaine leur étant fermée, l’émigration ne s’offrira plus comme solution à la misère des gens. Quant au nationalisme, il se manifeste par vagues : d’abord au début des années 20 durant la récession et à un moment où les souvenirs des mauvaises relations ethniques des années de guerre sont encore vifs ; ensuite dans la première moitié des années 30 alors que le système capitaliste, défendu par le gouvernement provincial de L.-A. Taschereau, semble en faillite et les capitalistes étrangers, discrédités ; finalement pendant la guerre, notamment autour de la question de la conscription.
Néanmoins, ces années nous paraissent constituer une période pendant laquelle l’influence américaine s’accroît grandement et où elle est perçue et condamnée, à la fois par les tenants de l’ordre traditionnel en voie de transformation rapide, et par les réformistes qui souhaitent soustraire l’économie québécoise à la domination des étrangers. Cette lutte, cependant, se soldera par un échec car la fin de la guerre signalera une intensification des influences économiques et culturelles américaines qui pèsent sur le Québec.
La question de l’annexion politique du Canada aux États-Unis soulève peu d’intérêt au cours de ces années ; néanmoins, la revue L’Action nationale juge à propos de tenir un colloque sur la question en 1941, même si les participants vont s’opposer à l’annexion [42]. À ce sujet, Mason Wade énonce l’hypothèse que la question de l’annexion est souvent soulevée, en 1941 comme en 1849, en 1866 et à d’autres moments, par un des deux groupes ethniques à un moment de crise dans ses relations avec l’antre groupe [43].
Lionel Groulx, certes le nationaliste le plus connu de ces années, aborde très peu la question de l’annexion. Tout compte fait, le sort des Canadiens français ne sera pas déterminé par de futures orientations constitutionnelles. « Quoi qu’il advienne demain », dit-il en 1921, « que la Confédération s’écroule ou se reconstruise sur de nouvelles bases, que nous ayons à choisir entre l’absorption impériale ou l’annexion américaine... », il importe que le peuple canadien-français soit « assez robuste... pour faire face à ses destinées [44] ». Le prêtre-historien exprimera les mêmes sentiments, à nouveau, dans une conférence qu’il prononce en 1928 [45].
La question de l’annexion réglée et celle de l’impérialisme britannique en voie de l’être, malgré quelques sursauts, ce sont maintenant les aspects économiques, culturels et sociaux de l’influence américaine qui suscitent les plus vives inquiétudes. L’élite cléricale et nationaliste voit l’effondrement de la société traditionnelle dont elle est le principal pilier et d’où elle tient son prestige et son pouvoir ; elle est d’autant plus craintive devant ce qu’elle perçoit comme les évidences de l’américanisation : la croissance de l’industrie, l’exode rural, les abus du système capitaliste, la dépossession des Canadiens français par les étrangers, la [154] présence des syndicats internationaux, l’invasion de l’immoralité américaine. Par ailleurs, devant la reprise du fléau de l’émigration vers les États-Unis au cours des années 20, le cardinal Bégin affirme la nécessité « d’arrêter à n’importe quel prix cette effusion de sang qui sera bientôt mortelle si elle dure [46] ».
Yves Roby démontre la rapidité de l’accroissement de la présence américaine dans l’économie québécoise pendant les années 20 [47]. Voulant éliminer l’émigration, le gouvernement Taschereau encourage la venue de capitaux américains, notamment pour développer les ressources naturelles de la province [48]. Certains membres du clergé estiment qu’il faut composer avec cette industrialisation qu’ils voient, après tout, comme « un mal moindre que l’émigration massive de la population vers la république voisine [49] ». Pour d’autres, par contre, l’urbanisation et l’industrialisation, en bouleversant l’ordre social [50] et en favorisant la dégénérescence morale [51], ont surtout des effets néfastes. Par ailleurs, il est évident que le clergé éprouve une certaine gêne à aborder la question économique, question matérielle par excellence [52]. Quant aux nationalistes, ils jugent que l’importation massive de capitaux américains constitue une menace sérieuse pour la langue et la culture traditionnelle des Canadiens français en plus d’« étouffer à jamais toute velléité d’indépendance économique [53] ».
Y. Roby conclut que le spectre de la domination économique américaine, surtout dans le climat de prospérité dans lequel baigne le Québec de la fin des années 20, effraie bien peu de monde. Les libéraux provinciaux remportent de grandes victoires électorales, notamment en 1927, alors que Taschereau ne cesse de proclamer qu’il aime mieux importer des dollars américains qu’exporter des Canadiens aux États-Unis. Le mouvement nationaliste, pourtant bien actif au début de la décennie, est maintenant désemparé et « ne rejoint qu’une minorité des Canadiens français [54] ». Il montre qu’après avoir déployé une activité considérable au cours des années 1918-1921 L’Action française tient un important colloque en 1921 sur « les problèmes économiques » le mouvement nationaliste est victime de l’amélioration rapide de la conjoncture économique et de l’apaisement des tensions ethniques qui en résulte. « Le nationalisme canadien-français devint une fois de plus un mouvement minoritaire d’avant-garde plutôt qu’un mouvement national des masses [55] ».
La grande crise des années 30 insufflera un regain de vie dans le camp nationaliste québécois et la lutte contre la domination économique étrangère en sera un des principaux thèmes [56]. L’École sociale populaire, l’Action libérale nationale, l’Union nationale, les Jeune-Canada et plusieurs autres groupements dénoncent les abus de la « dictature économique ». Les recherches faites jusqu’ici cependant ne permettent pas d’évaluer l’impact sur la population de ce véritable blitz de critiques nationalistes. Mais peut-être l’impact est-il moindre que certains le prétendent puisque cette vaste campagne aura des résultats somme toute assez limités. De fait, André-J. Bélanger et Vincent Lemieux posent l’hypothèse que les électeurs québécois, en 1936, ont plus tenu compte de la corruption du régime Taschereau que des promesses de réformes économiques, à caractère nationaliste, faites par l’Union nationale [57].
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Mais le spectre de l’américanisation dépasse de beaucoup la question économique, car les influences culturelles américaines sur le quotidien québécois sont perçues comme de plus en plus dangereuses. Groulx porte un jugement sévère, mais sans doute partagé par une large fraction de l’élite traditionnelle, quant à cette « culture » : le « Sphinx occidental (les États-Unis] est devenu l’une des inquiétudes du monde... Comment ne pas nous effrayer lorsque nous songeons à ce qui déjà nous vient de lui : l’effroyable pourriture de son théâtre, le débraillé de ses magazines. .., l’amoralisme en affaires et en politique, le culte de la richesse sans autre fin qu’elle-même, le relâchement des liens familiaux, la décadence rapide de l’éducation ? [58] »
La menace américaine à la culture traditionnelle du Canada français est le sujet de plusieurs colloques au cours de ces années, dont celui organisé par La Revue dominicaine en 1936. Les auteurs analysent l’américanisation de la vie religieuse, de la philosophie, du cinéma, des sports, de la radio, du journal, de la femme, etc. [59] Se référant à ce colloque lors d’une communication qu’il fait en 1944, Mason Wade estime que le portrait de la civilisation américaine qui en ressort est « cauchemardesque » et que ce sont peut-être les pires aspects de la culture américaine qui ont pénétré le Québec [60]. Quelques intellectuels canadiens-français partagent cette interprétation, dont Édouard Montpetit, fondateur en 1920 de l’École des Sciences sociales de l’Université de Montréal, pour qui la civilisation américaine est « un mélange d’idéalisme et de matérialisme [61] ». À son avis, les Canadiens français peuvent et devraient utiliser le progrès américain en le pliant au génie français [62]. Peter Southam montre que cet intellectuel, pourtant bien accepté dans la société québécoise de son époque, est favorable à la modernisation et qu’il veut, par l’éducation, produire une élite canadienne-française pour en relever le défi [63].
Pendant les années 1920-1945, le Québec subit de profondes transformations. Au dire de l’élite professionnelle et cléricale, la province s’américanise. De nombreux auteurs, cependant, demeurent sceptiques quant à l’impact de la propagande de cette élite sur la masse de la population. Susan Mann Trofimenkoff, dans une réflexion sur l’influence de la revue L’Action française des années 20, se demande : « Qui serait susceptible d’écouter longtemps les lamentations de ce malheureux chien de garde ? [64] » Et encore, dans sa présentation d’un recueil de textes de Groulx, traduits en anglais, elle affirme : « Il se peut que les idéologies aient peu d’importance pour le commun des mortels... Les idéologies ont de l’intérêt pour les nationalistes et les universitaires pour ceux-ci, c’est leur gagne-pain, pour ceux-là, la base de leur prestige mais leur pertinence pour l’homme de la rue reste à démontrer [65] ».
Jacques Rouillard, auteur d’une histoire de la CSN, laisse entendre que les syndicats catholiques et nationaux ont connu du succès auprès des ouvriers justement parce que leurs préoccupations nationalistes et religieuses n’étaient pas primordiales. « C’est moins l’idéal catholique de paix sociale qui les guidait que la volonté d’assurer la protection des syndiqués », dit-il [66]. Plus tard, en traitant des années 30, il soutient : « On ne peut... assimiler la CTCC... à une centrale ’jaune’ qui aurait sacrifié les intérêts et les droits des travailleurs à ceux du patronat et du [156] clergé... La CTCC s’est affirmée avant la guerre comme une centrale authentiquement ouvrière [67] ». Nos propres travaux sur le quotidien L'Action catholique nous ont amené à formuler une hypothèse semblable : le journal condamnait ou recommandait, selon le cas, mais les ouailles continuaient d’émigrer vers les villes, ou d’acheter chez les Juifs ou les Anglais, ou de danser, de boire, ou d’aller au cinéma. Bref, ils faisaient comme les Américains. Peut-être se sentaient-ils au moins un peu coupables !
Depuis 1945 :
l’américanisation spectre... ou réalité ?
Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, l’économie québécoise connaît une période de croissance rapide qui se poursuivra jusqu’à la fin des années 50. Comme à l’époque de Taschereau, le gouvernement Duplessis pratique une politique d’accueil aux investisseurs étrangers dont les capitaux contribueront largement au développement économique de la Côte-Nord et d’autres régions excentriques de la province : l’exploitation des ressources minières sera privilégiée. Par ailleurs, tout comme en Ontario mais dans une moindre mesure, les filiales de sociétés industrielles américaines s’implantent dans la province, attirées par une main-d’oeuvre abondante, à bon marché et relativement docile. Le Québec achèvera son urbanisation les deux tiers des citoyens habitent les villes en 1951 même si le développement social et éducationnel, les institutions et, bien sûr, la carte électorale n’en tiennent pas suffisamment compte.
Les Québécois, eux, vivent de plus en plus au diapason des autres Nord- Américains. Susan Mann Trofimenkoff écrit, dans son histoire sociale et intellectuelle du Québec : « Presque tous les indices d’activité économique, de développement ou de bien-être laissent clairement entendre que le Québec ressemble de plus en plus au reste de l’Amérique du Nord. En fait, les travailleurs d’usine, les syndiqués et les ménagères le disaient depuis des années, mais on ne les écoutait pas (...) Ils font la grève pour des salaires plus élevés et ils dépensent plus sur les biens de consommation. Ils... déménagent en banlieue et ils s’amusent, avec leurs enfants, dans des voitures américaines, à des sports américains, et par le biais de la radio et de la télévision américaines [68] ». Au sujet de la télévision en particulier, Trofimenkoff signale le taux d’acquisition fort rapide de cet appareil une famille sur dix en possède un en 1952 alors que presque neuf sur dix en sont propriétaires en 1960 et soutient que ce phénomène « révèle, à la fois visuellement et symboliquement, le processus accéléré d’intégration dans le monde nord-américain de la technologie de consommation [69] ».
Certes, les voix conservatrices ne se taisent pas et, à bien des égards, le régime Duplessis les représente. Mais pour Duplessis, le communisme paraît bien plus un spectre que l’américanisation, tout comme Ottawa, avec ses politiques centralisatrices, l’est plus que Washington. Par ailleurs, le régime semble attacher plus d’importance à des symboles, comme le drapeau fleurdelisé adopté en 1948, qu’à la réalité d’un Québec qui se modernise et qui délaisse ses traditions. Certains [157] croient que les Québécois demeurent quand même essentiellement différents des autres Nord-Américains. La Commission Tremblay, qui réfléchit longuement à cette question, prétend que les Canadiens français ont une conception particulière du progrès qu’ils voient « d’abord comme un perfectionnement de la personne humaine... Il n’y a de progrès réel que si le fonctionnement de la vie commune, sociale ou politique, se traduit en définitive, par une amélioration de l’homme lui-même, une élévation constante de son niveau intellectuel et moral. Le progrès économique y a naturellement sa place, mais de telle manière que, tout en répondant à ses fins spécifiques, il concourt au progrès intellectuel et moral de la population [70] ». La culture canadienne-française est « spiritualiste » ; elle « donne la primauté aux valeurs de l’esprit.. . D’où sa répugnance pour toute forme de matérialisme doctrinaire ou pragmatique dont elle se garde comme de sa propre négation [71] ». On croirait entendre le discours de Mgr L.-A. Pâquet, prononcé à l’occasion de la fête de la Saint-Jean-Baptiste en 1902 !
La critique de la présence américaine grandissante dans la vie économique du Québec semble à nouveau le fait d’une petite minorité. Le Devoir, appuyé par L’Action nationale et quelques autres groupements, s’acharne inlassablement contre la politique gouvernementale en matière d’investissements étrangers [72]. La Commission Tremblay se préoccupe aussi de cette question et soutient que le Québec, en l’absence de capitaux canadiens-français suffisants, « a dû et doit encore se montrer accueillant aux entreprises étrangères, même au risque pas toujours pressenti d’ailleurs de voir se constituer dans son propre sein des centres d’influence d’une inspiration nettement étrangère à la tradition culturelle de sa population [73] ». Signalons que le Rapport fut déposé sur les tablettes par Duplessis [74].
La question de la domination étrangère est aussi mise de l’avant à l’occasion de quelques grandes grèves qui paraissent mobiliser une main-d'oeuvre canadienne-française, maltraitée, mal payée, contre un patron étranger qui ne cherche qu’à maximiser ses profits. Ce thème est présent, par exemple, lors de la célèbre grève de l’amiante, abondamment étudiée par les chercheurs [75].
Cité libre et la Faculté des Sciences sociales de l’Université Laval constituent d’autres foyers d’opposition au régime Duplessis, mais les études faites ne démontrent pas que la critique des États-Unis est une composante importante de leur discours. Cela se comprend aisément. Cette opposition croit que le Québec n’est pas assez moderne, qu’il doit réformer ses institutions sociales, politiques et économiques afin de rattraper son retard sur le reste du continent [76].
La Révolution tranquille, en plus d’être une période de changement rapide dans tous les principaux secteurs d’activité, donne lieu, comme on le sait, à une généralisation de la critique nationaliste. Le nationalisme économique, avec des thèmes tels « maîtres chez nous », y figure de manière importante, spécialement au cours de la campagne électorale de 1962 portant sur l’étatisation projetée de onze compagnies d’électricité [77]. Dans les faits, cependant, ce nationalisme se limitera à [158] quelques cas bien précis et n’aboutira pas à une dénonciation globale du rôle de l’étranger dans l’économie québécoise. Chez une petite minorité, cependant, comme le groupe de Parti Pris, il ne faut rien de moins que la décolonisation, c’est-à-dire « l’accès à la souveraineté politique et la mise en application des mécanismes de démocratie économique qui auront ultimement pour effet de soustraire la collectivité québécoise à la domination coloniale anglo-canadienne et à l’exploitation impérialiste américaine [78] ».
Au cours des années 60 et 70, l’antiaméricanisme est un thème plutôt marginal dans le nationalisme québécois. Certes, la critique marxiste, présente dans la revue Parti pris, connaît une certaine popularité dans les milieux syndicaux et universitaires. Le spectre américain devient la menace impérialiste et capitaliste ; pour y remédier, il faut l’indépendance politique et économique du Québec et le remplacement du système capitaliste par un régime socialiste. Les plus militantes des centrales syndicales publient des documents et manifestes qui font valoir ces thèmes, tels ceux de la CSN, Il n’y a plus d’avenir pour le Québec dans le système économique actuel et Ne comptons que sur nos propres moyens, ainsi que celui de la FTQ, L’État, rouage de notre exploitation [79]. Il faut préciser, cependant, que la bête noire de ces syndiqués est bien plus le gouvernement du Québec, et surtout celui de Robert Bourassa, que le gouvernement américain ou même le capitalisme américain.
Plus généralement, la guerre au Vietnam, la hausse effarante de la criminalité, les émeutes raciales, la décadence des grandes villes américaines et le scandale du Watergate ont certainement contribué à accroître l’image défavorable des États-Unis partagée chez au moins une fraction de l’élite québécoise, notamment dans les milieux intellectuels.
La grande majorité des nationalistes mettent l’accent sur des thèmes tels la place du Québec dans la Confédération canadienne et celle des francophones à l’intérieur du Canada. Il faut étendre le bilinguisme, modifier la constitution pour accroître les pouvoirs du Québec, éventuellement établir un État séparé et indépendant, ou associé économiquement au Canada anglais. Dans ce discours, Ottawa est l’obstacle, non les États-Unis. D’ailleurs il est intéressant de constater jusqu’à quel point le gouvernement du Québec, depuis 1976, a cherché à prendre appui aux États-Unis dans son conflit avec le gouvernement fédéral [80].
Depuis les années 60, les tentatives de définir un nouvel homo quebecensis (l’ancien ayant été achevé par la Révolution tranquille) dans un contexte de « mutation culturelle » [81] se poursuivent. Pour les auteurs de la politique québécoise du développement culturel, il ne fait pas de doute que les Québécois demeurent un groupe distinct, qu’ils ne sont pas « de simples parasites culturels profitant paresseusement de ce que les autres collectivités ont façonné [82] ». À l’appui de cette prétention, ils affirment : « Il suffit d’écouter parler ces Québécois ou de converser avec eux pour relever des préoccupations, des aspirations, des espoirs, des inquiétudes et des tourments qui ont peu d’équivalent outre-frontières. Ces discours [159] parlent d’identité propre, de survivance, de patrimoine spécifique, de l’attachement à une langue et à des valeurs, d’un pays à construire, d’espaces à conquérir, de dignité et de fierté, de fidélité au sol [83] ».
Par contre, pour le sociologue Guy Rocher, le souhait de Louis-Antoine Dessaulles [84] est en voie de se réaliser : « Le Canada français devient rapidement, dans les faits sinon dans les constitutions juridiques, un État des États-Unis, une Louisiane du Nord, une étoile francophone attachée au drapeau américain [85] ». De l’avis de Rocher, le spectre américain n’existe plus puisque « l’américanisation du Canada français n’est pas une menace, c’est un fait [86] ». Le Québécois est maintenant un « Américain francophone » plutôt qu’un « Français d’Amérique » [87]. Il est « un homme d’Amérique du Nord. Ses goûts sont ceux d’un Nord-Américain. Son rythme de vie, sa nourriture, son vêtement, sa manière d’aborder les problèmes, son mode de relations humaines sont ceux d’un Nord-Américain [88] ». Mais Rocher de conclure qu’il est aussi « possible d’espérer, devant le renouvellement de la fierté québécoise et la recherche de son identité, que le Québec s’engagera dans la voie de l’originalité, de la singularité, qu’il refusera d’être une copie française de la civilisation étatsunienne pour émerger au sein du continent nord-américain sous les traits d’une personnalité distincte du reste de l’Amérique du Nord et cependant authentiquement nord-américaine [89] ». Fernand Dumont, pour sa part, signale l’importance jadis de l’isolement rural et de « l’ignorance collective » dans la survivance et se demande si les enfants de la révolution scolaire, plus instruits, verront « dans la survie d’un type canadien-français une raison d’être. Je parie que l’attraction de l’empire américain sera plus forte [90] ». Plus récemment, F. Dumont a voulu relever la difficulté à définir un Québécois qui soit autre qu’un Américain parlant français [91].
Les recherches manquent pour pouvoir affirmer catégoriquement que ce débat a assez peu d’écho dans la population. Le pessimisme de ces intellectuels ne tient-il pas en partie au fait qu’ils croient que le peuple et cela a d’ailleurs toujours été la plainte des élites refuse de reconnaître le danger de l’américanisation, qu’il préfère les modes américaines, qu’il est un avide consommateur de la culture américaine ? Pour le commun des mortels, le spectre américain a-t-il déjà existé ? Édouard Montpetit notait en 1941 que l’opinion des Canadiens français à l’égard des États-Unis « varie selon qu’on interroge le peuple ou l’élite [92] ». Guy Rocher fait la même distinction lorsqu’il soutient : « Dans son ensemble, la population québécoise est beaucoup plus américanisée que (l’)intelligentzia » qui, elle, cherche à entretenir des rapports privilégiés avec la France [93]. Quant au peuple, il « n’a jamais élevé de barrage critique à l’endroit de ce qui lui venait des États-Unis. Il avait plutôt l’état d’esprit inverse, admiratif de ce qui se faisait outre quarante-cinquième et prêt à recevoir sans prendre garde tout ce qui en provenait [94] ». Le sujet, pourtant, n’est sûrement pas clos.
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[160]
Conclusion
Au terme de cette recherche, on pourrait sans doute relever plusieurs questions auxquelles l’ensemble des travaux dont nous disposons ne permet pas d’apporter de réponses adéquates. Il nous semble, cependant, que la principale parmi elles porterait sur les facteurs qui ont conditionné la perception qu’ont eue les Québécois d’un prétendu « spectre de l’américanisation ». Bien entendu, le fait que le spectre ait été multiforme comprenant des éléments politiques (comme la question de l’annexion), économiques (notamment le problème des investissements américains) et culturels (par exemple, l’impact des idées américaines et des pratiques américaines sur la vie québécoise) complique grandement notre tâche. Néanmoins, il conviendrait d’insister en premier lieu sur la mentalité de chaque époque, telle que façonnée par la société environnante. Il ne fait pas de doute, par exemple, que le Québec moderne des années 60 ne réagira pas, devant les États-Unis, de la même manière que le Québec plus traditionnel des années 20. On ne saurait passer sous silence, non plus, les variations conjoncturelles, notamment sur le plan économique, sur lesquelles Yves Roby et Mason Wade ont tant insisté dans leurs tentatives d’expliquer les sommets et les creux du mouvement nationaliste.
Certains auteurs, au cours de leurs analyses, ont cru bon de faire des distinctions sociales lorsqu’ils traitent de l’impact du nationalisme. De fait, l’appartenance sociale de celui qui « perçoit » est un élément dont on ne saurait faire abstraction. Beaucoup de travaux nous permettent d’apprécier l’attitude du clergé et de l’élite nationaliste face à l’américanisation ; ce fait ne surprend guère quand on sait jusqu’à quel point ce groupe s’est manifesté, par la parole et par l’écrit, dans son effort pour embrigader l’ensemble de la société derrière sa bannière. Mais l’élite nationaliste n’a pas été la seule élite présente sur la scène québécoise. Il faudrait aussi examiner l’élite politique, à laquelle sont consacrés certains travaux, et les hommes d’affaires, dont les sentiments demeurent moins connus. Quant à la masse de la population, aux travailleurs et aux agriculteurs, nous en savons fort peu, même s’il est permis d’énoncer certaines hypothèses à leur égard. Par exemple, l’élite nationaliste aurait-elle déployé tant d’efforts dans la lutte contre l’américanisation si, au fond, elle n’avait pas cru le peuple entiché de la vie américaine ou susceptible de le devenir ? Par ailleurs, la popularité du cinéma américain, des sports américains, de la radio américaine et des modes américaines tout comme le mouvement de dizaines de milliers de Canadiens français vers les États-Unis, du moins jusqu’en 1930, sont peut-être des indications révélatrices d’un comportement américanisant ; mais ces phénomènes ne laissent-ils pas entendre aussi que la population avait tendance à faire la sourde oreille aux imprécations proférées par l’élite cléricale et nationaliste, et à exercer des choix qui augmenteraient le bien-être individuel sans nécessairement tenir compte du bien de la nation ?
Même si nous tenons compte de ces distinctions sociales, il n’est pas exclu qu’à l’intérieur d’un même groupe nous soyons obligés de conclure à l’existence d’une grande diversité d’opinions face aux États-Unis. Qui pourrait soutenir, par [161] exemple, que les intellectuels des années 60 s’entendaient dans leurs réactions devant la civilisation américaine, alors que sur les autres grandes questions de l’heure, leurs voix étaient le plus souvent discordantes ?
En dernier lieu, il faudrait savoir à quelles sources les Québécois ont emprunté leurs « informations » sur l’Amérique, informations qui, fussent-elles vraies, fausses ou très incomplètes, ont dû influer sur leur perception de la république. Était-ce par le truchement des media ? ou par les conversations avec des « exilés » revenus quelque temps voir leur famille ? ou par le tourisme dans les deux sens ? Et pour quelles raisons certains aspects de la vie américaine ont-ils reçu une plus grande publicité et ont-ils donc plus frappé l’imagination populaire ? A-t-on vu surtout la richesse économique ou la pauvreté des masses urbaines des ghettos ? les modes nouvelles ou le taux de criminalité ? les institutions et les pratiques de la démocratie ou le scandale du Watergate ? l’Amérique, puissance pacifique, ou l’Amérique de la guerre au Vietnam ? En d’autres termes, les États-Unis ont eux aussi évolué depuis quatre-vingts ans et cette réalité, changeante, a nécessairement contribué à façonner l’image qu’ont les Québécois de leur voisin du Sud. Mais pourquoi ces observateurs au nord du quarante-cinquième ont-ils insisté sur tel aspect plutôt que sur tel autre, d’une civilisation extrêmement complexe ? Voilà autant d’orientations qui mériteraient une réflexion plus poussée.
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NOTES du chapitre 5
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COMMENTAIRE
Par André-J. BÉLANGER
Politologue Département de science politique,
Université de Montréal
« Il n’est pas un homme sensé qui n’admette l’inévitabilité de notre fusion avec les États-Unis [95] ». Ainsi s’exprimait Louis-Antoine Dessaulles, auquel Richard Jones a fait incidemment référence vers la fin de sa communication. Le problème est donc posé dès le XIXe siècle. Cette interprétation du devenir collectif se veut une suite logique de la lecture qu’avait faite Tocqueville du destin de l’Occident, dont l’Amérique devait être l’anticipation. On n’a pas assez insisté, dans le passé, sur la filière tocquevillienne. Il existe, en effet, toute une tradition sourde qu’il est permis de dégager du discours antérieur au nationalisme d’entre-deux-guerres. L’Avenir du peuple canadien-français d’Edmond de Nevers y apparaît comme l’expression la plus accomplie, suivi, on s’en souvient moins, d’un ouvrage intitulé L’Âme américaine. Tout le dernier chapitre de L’Avenir... est consacré à « l’union américaine » où l’auteur affirme d’entrée de jeu la « séparation définitive entre l’ancien monde et le nouveau [96] ». On peut dire que ce texte pose, dans son ensemble, la problématique du dilemme québécois tel que l’apercevra une intelligentsia : une fascination de l’Amérique freinée par de sérieuses réserves humanistes et morales.
Un second classique, dont Jones fait également mention, L’Indépendance économique du Canada français d’Errol Bouchette, publié quelques années après, entame ses propos par un thème évocateur, « Le Canada parmi les peuples américains ». Voilà la question qui rebondit à nouveau pour situer l’ensemble du problème canadien et proposer par la suite sa solution de relèvement économique et social.
Qu’il s’agisse de Dessaulles, de de Nevers ou de Bouchette, on sent, à les lire, une constante présence au monde ; présence à ce qui se dit, à ce qui se fait, à ce qui s’écrit. En dépit d’un certain éloignement géographique, il s’agit de générations bien au courant des débats qui animent l’Occident. Les sources de référence sont variées : elles sont françaises, britanniques, américaines et parfois même allemandes. Une intelligentsia, quoique fort réduite, participe bien à son temps.
Avec les nationalismes de Henri Bourassa et de Lionel Groulx, l’ouverture au monde ne fait pas que se rétrécir, elle n’est plus. La pensée se veut autarcique. Elle refuse l’Amérique, son protestantisme et le capitalisme dont il serait issu ; mais elle n’est guère plus à l’aise avec la mère patrie, la France, autrefois fille aimée de l’Église, aujourd’hui fille dévoyée. Bourassa surpasse toute attente lorsqu’il soutient avec force conviction que la séparation nous aura été salutaire dans la mesure où elle nous aura soustrait à l’esprit moderne [97]. Autant Dessaulles éprouvait une complicité avec la France, autant ce nationalisme prend ses distances avec elle. Bien sûr, certains auteurs français sont épargnés, mais fort peu. Le discours de [168] Bourassa et de Groulx se déroule sans référence directe à une quelconque communauté de condition avec d’autres sociétés. Suivant cette perspective, le Canada français devient unique et singulier dans sa vocation comme dans son destin.
La rupture, qui s’amorce avec la grande crise des années trente, s’opère sous le signe de la réouverture. Le mouvement jéciste, La Relève, Les Idées, etc. s’inspirent largement d’expériences souvent européennes. La France, en particulier, redevient un lieu de référence. Il en est bien différemment des États-Unis dont la pénétration au Québec s’insinue plus qu’elle ne s’impose ouvertement.
Richard Jones souligne déjà l’ampleur de l’influence américaine dans bien des domaines. Il serait également intéressant d’en relever la présence auprès des producteurs intellectuels eux-mêmes. La réforme scolaire introduite au Québec après la Commission Parent se décalque amplement du mode américain de fonctionnement. L’établissement des niveaux de formation à l’Université en fonction des trois cycles, baccalauréat, maîtrise et doctorat en reproduit, dans les grandes lignes, le système universitaire. Il y aurait lieu, cependant, de souligner les cas où parfois la copie prend la forme d’une caricature. La forte spécialisation, par exemple, que l’on note au moins dans certains secteurs des l’Université, comme les sciences sociales, n’est parfois que l’accentuation d’un trait que l’on croit exister aux États-Unis. Nos étudiants sont souvent étonnés de l’élargissement du champ d’observation que leur imposent les universités américaines où ils vont poursuivre leurs études.
À l’autre extrémité du spectre, là où le discours n’est plus soumis aux normes des structures formelles, on enregistre, dans les années 70, une variété de manifestations propres à ce qu’on a convenu d’appeler la contreculture. Elle avait pris sa source dans les occupations d’universités en 1968, répliques, faut-il le rappeler, des expériences américaines et françaises, phénomène néanmoins planétaire où, pour une fois, l’Europe de l’est a dû emboîter le pas avec l’ouest. Au Québec, cette contreculture s’est exprimée à tous les niveaux du comportement, reproduisant avec plus ou moins d’accommodements le modèle californien. Elle a souvent même fait bon ménage avec le nationalisme, association qui n’aurait pas été possible auparavant.
Le spectre de l’américanisation n’est pas pour autant disparu chez certains intellectuels, un récent ouvrage de Pierre Vadeboncoeur est là pour nous le rappeler. Par contre, des hommes politiques comme jadis Mario Beaulieu de l’Union nationale et Rodrigue Tremblay, jadis du Parti québécois, ont proposé une forme de marché commun ou d’association plus étroite avec l’économie américaine. Le récent blitz diplomatique et culturel engagé par M. Jacques-Yvan Morin auprès des États-Unis présente une autre forme de rapprochement auquel le présent colloque n’est certes pas étranger.
L’antiaméricanisme ou le proaméricanisme n’ont de signification que dans leur rapport avec un plus grand ensemble idéologique qui leur sert de référent. Toute analyse thématique offre le danger de soustraire l’observateur de l’essentiel, écueil que Jones a tenté d’éviter et avec raison.
[169]
[170]
[1] Margaret Prang, « Nationalism in Canada’s First Century, Canadian Historical Association Report (1968) : 114-125.
[2] Carl Berger, A Sense of Power : Studies in the Ideas of Canadian Imperialism, 1867-1914, Toronto, University of Toronto Press, 1970.
[3] Québec, Bureau de la Statistique, ministère de l'Industrie et du Commerce, Annuaire du Québec, 1964-1965 (Québec, Imprimeur de la Reine, 1965) : 155.
[4] Joseph Levitt, Henri Bourassa and the Golden Calf : The Social Program of the Nationulists of Quebec (1900-1914) (Ottawa, Les Éditions de l'Université d’Ottawa, 1969) : 11.
[5] Jean Hamelin, Jean-Paul Montminy, « Québec 1896-1929 : une deuxième phase d’industrialisation », Fernand Dumont, Jean Hamelin, Fernand Harvey, Jean-Paul Montminy, Idéologies au Canada français, 1900-1929 (Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1974) : 25. Le pourcentage des investissements américains parmi les investissements étrangers au Canada augmente de 23% en 1914 à 44% en 1920 et à 61% en 1930 ; quant aux investissements britanniques, leur part décroît de 72% en 1914, à 53% en 1920 et à 36% en 1930. (M.C. Urquhartet K.A. H. Buckley, Historical Statistics of Canada, p. 169, tableau reproduit dans Paul-André Linteau, René Durocher, Jean-Claude Robert, Histoire du Québec contemporain ; l- De la Confédération à la crise (1867-1929) ([Montréal], Boréal Express, 1979) : 386.
[6] Yves Roby, Les Québécois et les investissements américains (1918-1929) (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1976) :27-28.
[7] Yolande Lavoie, L’émigration des Canadiens aux États-Unis avant 1930 : mesure du phénomène (Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1972) : 39.
[8] Fernand Dumont, « Du début du siècle à la crise de 1929 : un espace idéologique », F. Dumont et al.. Idéologies... 1900-1929, op. cit., p. 3.
[9] Gustave Lanctôt affirme, en rapport avec la question des relations économiques avec les États-Unis en 1891 : « De façon générale, l’opinion québécoise battit froid à l’union commerciale ». « Le Québec et les États-Unis, 1867-1937 », Gustave Lanctôt, Les Canadiens français et leurs voisins du Sud (Montréal, Éditions Bernard Valiquette, 1941 ) : 271.
[10] Voir Mason Wade, « Some Aspects of the Relations of French Canada with the United States », Canadian Historical Association Report (1944) : 30 et Pierre Savard, Jules-Paul Tardivel, la France et les États-Unis, 1851-1905 (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1967) : 230- 231.
[11] Savard, op. cit., p. 230.
[12] Ibid., p. 363-379. Camille D. Clift montre que T.-D. Bouchard, rédacteur de l'Union de 1903 à 1911, partageait cette inquiétude. Voir son texte, « L’Union, 1903-1904 », F. Dumont, op. cit., p. 102-104.
[13] La Vérité, 19 avril 1902, notes de recherche de Réal Bélanger en rapport avec « Le nationalisme d’un ultramontain de la fin du XIXe siècle : le cas de Jules-Paul Tardivel » (à paraître).
[15] La Vérité, 12 octobre 1901, cité dans R. Bélanger, loc. cit.
[16] John Hare, « Présentation », Jules-Paul Tardivel, Pour la patrie : roman du XXe siècle (Montréal, Hurtubise HMH, 1976) : 19.
[18] Paul-Emile Lamarche, Oeuvres-Hommages ((Montréal], Bibliothèque de L’Action française, s.d.) : 91, cité dans Réal Bélanger, Paul-Émile Lamarche (à paraître).
[19] Joseph Levitt, « Henri Bourassa : The Catholic Social Order and Canada’s Mission », F. Dumont et al.. Idéologies... 1900-1929, op. cit., p. 212 (trad.).
[22] Henri Bourassa, Hier, aujourd’hui, demain : problèmes nationaux (Montréal, s.é., 1916) : 144, cité dans Georges Vattier, Essai sur la mentalité canadienne-française (Paris, Librairie Ancienne Honoré Champion, 1928) : 338.
[23] Bourassa, op. cit., p. 144.
[24] Henri Bourassa, L’intervention américaine : ses motifs, son objet, ses conséquences (Montréal, Le Devoir, 1917) : 50-51.
[25] Henri Bourassa, Patriotisme, nationalisme, impérialisme (Montréal, Imprimerie Populaire, 1923) : 50.
[26] La Patrie, 14 décembre 1918, cité dans Roby, op. cit., p. 36.
[27] William F. Ryan, The Clergy and Economie Growth in Quebec (1896-1914) (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1966) :262 (trad.).
[28] Ibid., p. 267 (trad.).
[29] Roby, op. cit., p. 54.
[30] Mason Wade, Les Canadiens français de 1760 à nos jours, tome II, traduit de l'anglais par Adrien Venne (Ottawa, Le Cercle du livre de France, 1963) : 11.
[32] Pour les activités de Bourassa à la Législature provinciale, consulter Robert Rumilly, Henri Bourassa, la vie publique d’un grand Canadien (Montréal, Les Editions de l’Homme, [1953]) : 257-330.
[33] Levitt, op. cit., p. 45 (trad.).
[34] Wade, Les Canadiens français..., op. cit., tome 11, p. 284.
[35] Levitt, op. cit., p. 44 (trad.).
[36] Le Devoir, 26 juin 1911, cité dans Ibid., p. 74.
[37] Dumont, loc. cit., p. 7 et Édouard Montpetit, « Errol Bouchette et l'Indépendance économique du Canada français ». Action française, 3, l (janv. 1919) : 20-21.
[38] Levitt, op. cit., p. 78 (trad.).
[40] Roby, op. cit., p. 55, 119.
[41] Lavoie, op. cit., p. 39.
[42] Gérald-A. Fortin calcule la fréquence de parution de ce thème, et d’une multitude d’autres, dans les pages des revues L'Action française et L’Action nationale de 1917 à 1954. Voir G.-A. Fortin, An Analysis of the Ideology of a French Canadian Nationalist Magazine, 1917-1954 ; A Contribution to the Sociology of Knowledge, thèse de Ph.D., Cornell University, 1956.
[43] Wade, « Some Aspects... », loc. cit., p. 31.
[44] « Notre doctrine », L’Action française, 5, l (janv. 1921 ) :31, cité dans Donald Smith, « L’Action française, 1917-1921 », Fernand Dumont, Jean Hamelin, Jean-Paul Montminy, Idéologies au Canada français, 1930-1939 (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1978) : 361.
[45] Lionel Groulx, « Nos responsabilités intellectuelles », L. Groulx, Orientations (Montréal, Les Éditions du Zodiaque, 1935) : 22-23. L’analyse qu’André-J. Bélanger fait de la pensée de Groulx démontre jusqu’à quel point la pensée politique y fait défaut. Voir A.-J. Bélanger, L'Apolitisme des idéologies québécoises : le grand tournant de 1934-1936 (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1974) : 247-255.
[46] « Lettre pastorale contre la désertion du sol natal », 1923, Mandements, lettres pastorales et circulaires des évêques de Québec, vol. XII, p. 297, cité dans Roby, op. cit., p. 78.
[47] Roby, op. cit., p. 4-5, 23-29.
[48] Cette question est étudiée dans Bernard L. Vigod, Louis-Alexandre Taschereau : A Political Biography, manuscrit inédit ; Herbert F. Quinn, The Union Nationale : Quebec Nationalism from Duplessis to Lévesque, 2e éd., Toronto, University of Toronto Press, 1979, ch. III, « The Challenge of Industrialism and the Growth of Nationalism », p. 29-47 ; Linteau, Durocher, Robert, op. cit., p. 385-389 ; B.L. Vigod, « Alexandre Taschereau and the Negro King Hypothesis ». Revue d’études canadiennes, 13, 2 (été 1978) :3-15 ; B.L. Vigod, Response to Economic and Social Change in Quebec : The Provincial Administration of L.-A. Taschereau, 1920-1929, thèse de Ph.D., Queen’s University, 1974.
[49] Roby, op. cit., p. 44.
[51] Ibid., p. 229-242 et Louis Garon, « La Bonne Nouvelle, 1929-1933 », F. Dumont et al.. Idéologies... 1930-1939, op. cit., p. 238-241.
[52] Jean-Pierre Gaboury, Le nationalisme de Lionel Groulx : aspects idéologiques (Ottawa, Éditions de l’Université d’Ottawa, 1970) : 162-163.
[53] Roby, op. cit., p. 83.
[55] Wade, Les Canadiens français..., op. cit., tome II, p. 302.
[57] André-J. Bélanger et Vincent Lemieux, « Le nationalisme des partis politiques ». Revue d’histoire de l’Amérique française, 22, 4 (mars 1969) : 555-556.
[58] Groulx, Orientations, op. cit., p. 44-45.
[59] La Revue dominicaine. Notre américanisation, Montréal, L’Oeuvre de presse dominicaine, 1937.
[60] Wade, « Some Aspects... », loc. cit., p. 33-34.
[61] Édouard Montpetit, Reflets d'Amérique (Montréal, Éditions Bernard Valiquette, 1941) : 249.
[64] Susan Mann Trofimenkoff, Action française : French Canadian Nationalism in the Twenties (Toronto, University of Toronto Press, 1975) : 117 (trad.).
[65] Susan Mann Trofimenkoff, Abbé Groulx, Variations on a Nationalist Theme (Toronto, Copp Clark Publishing, 1973) : 12.
[66] Jacques Rouillard, Histoire de la CSN (1921-1981) (s.l., CSN et Éditions Boréal Express, 1981 ) : 47.
[68] Susan Mann Trofimenkoff, The Dream of a Nation : A Social and Intellectual History of Quebec (Toronto, Macmillan of Canada, 1982) : 267-268 (trad.).
[70] Québec, Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels. Rapport vol. II (Québec, 1956) : 34-35.
[72] Voir Quinn, op. cit., p. 81-84.
[73] Commission royale..., Rapport, op. cit., vol. II, p. 59.
[74] Voir René Durocher et Michèle Jean, « Duplessis et la Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels, 1953-1956 », Revue d'histoire de l’Amérique française, 25, 3 (déc. 1971) : 337-363.
[75] Voir notamment Pierre Elliott Trudeau, La grève de l’amiante, Montréal, Éditions du Jour, 1970.
[77] Jean-Louis Roy, Les programmes électoraux du Québec, tome 11 (Montréal, Leméac, 1971) : 390-395.
[78] R. Beaudin, « La stratégie de Parti pris ». Parti pris, 2, 9 (mai 1965) :47, cité dans Monière, op. cit., p. 346. Voir aussi l’analyse d’André-J. Bélanger, Ruptures.... op. cit., p. 139-193.
[79] Voir Bernard Solasse, « Les idéologies de la Fédération des Travailleurs du Québec et de la Confédération des Syndicats nationaux, 1960-1978 », F. Dumont et al.. Idéologies au Canada français, 1940-1976 ; tome II : Les mouvements sociaux ; les syndicats (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1981) : 219-294.
[80] Lire la préface de Jacques Parizeau à la traduction française du livre de Karl Levitt, La capitulation tranquille, Montréal, Réédition-Québec, 1972, p. xi.
[84] Voir Jacques Monet, « French Canada and the Annexation Crisis, 1848-1850S », Canadian Historical Review, 47, 3 (sept. 1966) : 253. Dessaulles fut un Rouge, journaliste à L’Avenir et plus tard rédacteur du journal radical Le Pays.
[85] Rocher, op. cit., p. 94-95.
[88] G. Rocher, « Le Québec : résistance et continuité », Jean Sarrazin et al., Dossier-Québec (Montréal, Les Éditions Stock, 1977) : 37.
[91] F. Dumont, « Parlons américain... si nous le sommes devenus ! ». Le Devoir (3 sept. 1982) : 17 ; (7 sept. 1982) :6, ainsi que le débat qu’a soulevé la publication de ce texte : Le Devoir (11 sept. 1982) : 14 ; (17 sept. 1982) :7 ; (18 sept. 1982) : 14.
[92] Montpetit, op. cit., p. 91.
[93] Rocher, « Le Québec : résistance... », loc. cit., p. 42.
[95] Louis-Antoine Dessaulles, Six lectures sur l’Annexion du Canada aux États-Unis (Montréal, P. Gendron 1851) : 43. L’annexion offrait aussi l’avantage espéré d’une hausse de valeurs de la propriété foncière, intérêt auquel Dessaulles n’était pas étranger.
[97] Henri Bourassa, La langue, gardienne de la foi, 1918.
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