[3]
Louis Gill
“Le 5e congrès du Parti des travailleurs
«Pelo Brasil que a gente quer»
(Pour le Brésil que nous voulons.)”
Un article publié dans la revue TRIBUNE OUVRIÈRE, no 190, février-mars 1988, pp. 3-17.
- Louis Gill, Le 5e congrès du Parti des travailleurs. “Pelo Brasil que a gente quer.” (Pour le Brésil que nous voulons) [3]
-
- La situation économique. Faim, misère, grande industrie, dette, inflation. [6]
-
- Depuis le début du siècle. Une lutte sans répit contre la répression anti-ouvrière. [9]
-
- La législation syndicale au Brésil et la lutte pour des syndicats libres. [11]
-
- La scène politique brésilienne. Quelle place occupe le Parti des travailleurs P.T ? [13]
-
- Extraits du programme du P.T. [15]
-
- Le discours de Lula au congrès du P.T. “En 1978, je disais que les travailleurs ne doivent pas s’engager en politique.” [16]
Le Parti des travailleurs du Brésil, parti né en 1980 du mouvement des grandes grèves de la métallurgie de la région avoisinante de São Paulo et qui compte aujourd'hui 600,000 adhérents répartis dans toutes les régions du pays, a tenu son 5e Congrès national les 4, 5 et 6 décembre dernier, à Brasilia. Quelque 400 délégués officiels, élus par les congrès préalablement tenus dans les divers États qui composent le Brésil, ont participé à ce congrès, y ont débattu des questions d'organisation et d'action, décidé de la candidature de leur dirigeant Lula aux élections à la présidence de la république, prévues pour novembre 1988, et élu la nouvelle direction.
Une vingtaine de délégations étrangères ont participé au congrès, parmi lesquelles le FSLN du Nicaragua, le Front Farabundo Marti du Salvador, les Partis communistes cubain, chinois, italien, argentin et uruguayen, le Parti de la démocratie prolétarienne d'Italie, le MPLA d'Angola, l'Organisation de libération de la Palestine, le Mouvement démocratique populaire du Paraguay, le mouvement Tupamaros d'Uruguay, Herri Batasuna du Pays basque, le groupe Militant d'Angleterre. Aux témoignages d'appui apportés par ces délégations, s'ajoutent les salutations transmises par les PC de l'URSS, de la RDA, de la Bulgarie, des Partis socialistes français et mexicain et du militant de l'opposition tchécoslovaque, Peter Uhl. Le NPD-Québec, invité à participer au congrès, a également fait parvenir un message d'appui.
LES ENJEUX DU CONGRÈS
L'enjeu principal de ce 5e congrès était indéniablement le coup d'envoi à donner à une nouvelle phase de développement et d'implantation du parti avec l'objectif de le construire comme véritable parti de masse à l'échelle nationale, candidat à la direction de la société, au moment où s'accentue la crise économique, politique et sociale dans le pays.
La décision de lancer la campagne pour la candidature de Lula à la présidence de la république constitue l'axe politique de cette nouvelle étape dans la construction du parti.
Les points saillants de la plateforme programmatique sont les suivants :
- suspension du paiement de la dette extérieure ;
- augmentation des impôts payés par les riches ;
- étatisation des banques, contrôle des taux d'intérêt ;
- réforme agraire ;
- réajustements salariaux mensuels ;
- semaine de 40 heures.
Le second enjeu, directement lié, il va sans dire, au premier, était celui du régime interne du parti, c'est-à-dire les modalités [4] de fonctionnement d'un parti indépendant et démocratique, ouvert à la libre expression des opinions et reconnaissant l'existence en son sein de diverses tendances, et recherchant dans ce cadre les conditions de l'homogénéisation et de la consolidation des forces dans la poursuite des objectifs et moyens d'action démocratiquement décidés. Les débats sur le régime interne ont été très vifs au 5e congrès, l'essentiel portant, non pas sur la reconnaissance des droits d'existence des diverses tendances à l'intérieur du parti, mais sur le mode de représentation des tendances au niveau des instances dirigeantes du parti. La position finalement adoptée par le congrès à la majorité des voix est la position que défendait la tendance majoritaire à l'intérieur du parti, animée notamment par Lula et connue comme « l'Articulation ».
Cette position reconnaît le droit d'existence des tendances et leur représentation proportionnelle au sein de la Direction nationale de 80 membres. La plus haute instance de la direction, cependant, la Commission exécutive nationale composée de 18 membres, est élue comme une direction de l'ensemble du parti, sans représentation proportionnelle.
La formule retenue par le congrès vise en somme à traduire la réalité du PT, parti traversé par divers courants, à assurer en toute démocratie l'expression des divers points de vue, tout en évitant que les tendances existantes et légalement reconnues ne se transforment en « partis dans le parti » avec le risque de désarticulation de l'activité du parti dans son ensemble qu'un tel fractionnement pourrait entraîner.
Le troisième enjeu du congrès était l'obtention d'appuis publics solides, internes et en provenance de l'étranger, au PT et à la candidature de Lula. Aux nombreux appuis étrangers déjà mentionnés, se sont ajoutées au congrès des déclarations sans équivoque de la part d'autres formations politiques reconnues comme « de la gauche », identifiant le PT comme la seule force politique capable aujourd'hui de canaliser les aspirations politiques de la grande masse de la population travailleuse.
C'est en particulier le point de vue exprimé au congrès par le représentant du PCB (Parti communiste brésilien) invité à présenter des salutations.
Enfin, le congrès a élu une nouvelle direction avec, à sa tête, un nouveau président, Olivio Dutra, en remplacement de Lula, qui devra consacrer l'essentiel de son temps à sa candidature à la présidence de la république. Olivio Dutra, originaire de l'État du Rio Grande do Sul, où il a dirigé le syndicat des travailleurs des banques, est un compagnon d'armes de la première heure de Lula.
LULA À LA PRESIDENCE
La décision de la candidature de Lula annoncée au 5e Congrès a immédiatement déclenché le lancement de la campagne. Annoncée dans les journaux, elle était également répercutée le lundi 7 décembre dans le cadre d'une émission de télévision d'une heure, préparée par le PT, et diffusée par tous les réseaux de télévision à l'échelle nationale. Elle était également annoncée à l'occasion de rassemblements de masse convoqués conjointement par le PT et le PDT (Parti démocratique travailliste, affilié à l'Internationale socialiste) à Sao Paulo le 13 décembre et à Rio de Janeiro le 18 décembre, avec l'appui de la CUT (Centrale unique des travailleurs) et de l’UNE (Union nationale des étudiants). Pour appeler au rassemblement du 13, la CUT a envahi le centre ville de Sao Paolo dans la journée du 10 décembre avec une caravane de véhicules munis de hauts-parleurs ultrapuissants diffusant le discours de clôture de Lula au 5e Congrès et distribuant des tracts.
DES DÉVELOPPEMENTS
D'UNE GRANDE IMPORTANCE
Pour l'observateur étranger, la participation au 5e Congrès du PT et la constatation sur place de la situation politique et [5] sociale du pays pendant quelques jours n'ouvrent certes qu'une lucarne sur cette réalité. Si partielles soient ces observations, elles permettent néanmoins de constater l'extrême importance des développements politiques en cours présentement au Brésil, la place de premier plan déjà occupée dans ces développements par le PT dont le rôle est appelé à devenir de plus en plus significatif parce que son existence et sa construction procèdent de la lutte contre l'exploitation, parce que son programme incarne les aspirations de dizaines de millions de Brésiliens, aspirations qui sont exprimées avec une clarté, une honnêteté et un charisme extraordinaires, par le principal leader du parti, Lula, ouvrier de la métallurgie, dirigeant des grandes grèves de São Bernardo do Campo en l978...
L'importance des événements en cours au Brésil déborde largement les frontières du Brésil. D'abord, parce que des développements politiques significatifs dans ce pays économiquement le plus important de l'Amérique latine en raison de la grande industrie qui y est développée, ne pourraient manquer d'avoir une incidence sur toute l'Amérique latine. Ensuite et surtout, parce que ces développements sont le fruit d'une activité politique au sein d'un parti construit dans la plus complète démocratie, exclusivement par et pour les travailleurs, en totale indépendance face au patronat, à l'État, à l'Eglise, au stalinisme, à la social-démocratie, en un mot en totale indépendance face aux forces qui historiquement se sont opposées aux intérêts des travailleurs ou les ont trahis dans la collaboration de classe et cela, même si toutes ces forces sont présentes et actives à l'intérieur du PT.
Le discours de clôture de Lula, au 1er congrès du PT en 1981 se termine par la phrase suivante, bien connue des lecteurs de Tribune ouvrière : « L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes » (Documentos Basicos do Partido dos Trabalhadores - São Paulo 1987, p. 43). La construction au Brésil d'un véritable parti de masse des travailleurs, indépendant et démocratique, ne peut manquer d'exercer une influence déterminante dans toute une série d'autres pays, tant dans le monde industrialisé que dans les pays du « Tiers-Monde ».
Note de l'auteur
La préparation de ce dossier a été rendue possible grâce à l'accueil chaleureux et à la générosité de mes hôtes brésiliens qui ont eu la patience de répondre à mes questions et la gentillesse de me fournir la documentation sur la situation économique, politique, sociale et syndicale du Brésil, sur le PT, la CUT, etc..
Je remercie sincèrement toutes ces personnes :
- militant-es du PT - du comité d'accueil des délégations étrangères au 5e Congrès à Brasilia, du secrétariat des relations internationales et du secrétariat de formation à São Paulo, du syndicat des économistes à Rio de Janeiro ;
- militant-es de la CUT - du secrétariat national à São Paulo, de l'Institut de formation de Cajamar ;
- militant-es du Syndicat des métallurgistes de São Bemardo do Campo e Diadema.
Les données utilisées dans ce dossier proviennent de diverses sources dont voici les principales :
- Documentation du « 5e Encontro Nacional do PT », Brasilia, 4, 5, 6 décembre 1987.
- Documentos Basicos do Partido dos Trabalhadores - Manifesto, Programma, Estatuto, São Paulo, 1987, 48 pages.
- O que è o partido dos trabalhadores, Cadernos do PT, 3e Edião.
- PT - Boletim Nacional, divers numéros
- PT - Na luta da constituinte, divers numéros.
- PT - Folha do Trabalhador, organe du PT du Rio Grande do Sul, divers numéros
- PT - São Paulo, organe du PT de l'État de São Paulo, divers numéros.
- Teoria - Debate, revue théorique du PT de São Paulo, Vol. l. No.l, déc. 87.
- Correspondência, Vol. 1, No. 1 et 2, 1987, revue d'information et d'analyse de la conjoncture internationale.
- CUT, I Congresso Nacional da classe trabalhadora, 1983, 214 pages.
- CUT, Almanaque, Agosto 1986, 35 pages.
- CUT, Boletim Nacional, Divers numéros.
- O que è um syndicato operario, Centro de estudos, pesquisas et assessoria sindical, Salvador-Ba, 12 pages.
- Imagens da Luta, Sindicato dos trabalhadores nas industrias metalurgicas, mecanicas e de material electrico de São Bemardo do Campo e Diadema, 1987, 272 pages.
- Trocando em miudos, Cahiers de formation de la DIEESE, Syndicat des métallurgistes de São Bemardo, divers numéros.
- Articles de journaux et revues.
Louis Gill
[6]
In TRIBUNE OUVRIÈRE, no 190, février-mars 1988, pp. 6-7.
Pays de 140 millions d'habitants dont 40 millions vivent dans la misère, le Brésil fait partie de la catégorie de pays du « Tiers-Monde » que les experts désignent comme « nouveau pays industriel ». Le contenu véritable de cette expression est celui d'un pays qui, sans doute plus que tout autre, incarne ce que les marxistes appellent « le développement inégal et combiné ». A côté de la grande industrie moderne qui place le Brésil au 10e rang mondial quant au PIB (après les « 7 Grands de l'OCDE », l'URSS et la Chine), la réalité quotidienne de la majorité de la population brésilienne est celle du sous-développement, de la faim, de la mortalité infantile, de la misère.
À côté des grandes concentrations de capital et des immenses accumulations de richesse d'une petite minorité de la population, 65% de la population active brésilienne reçoit l'équivalent de moins de 70$ dollars américains par mois. À côté de la surabondance de biens de consommation courants et de grand luxe, étalés dans les gigantesques supermarchés mais inaccessibles à la majorité, une fraction importante de la population est acculée à la mendicité, au vol, aux emplois parasitaires, à vivre sans toit (c'est le cas notamment de centaines de milliers d'enfants abandonnés). À côté des habitations luxueuses, munies de tous les raffinements du confort nord-américain ou européen, des millions de Brésiliens sont confinés aux habitations insalubres des quartiers populaires et des favelas. 20% de la population au haut de l'échelle des revenus reçoit annuellement 33 fois plus que les 20% les plus défavorisés. Ce degré d'inégalité est énorme, même lorsqu'on le compare à celui qui est en vigueur dans d'autres « nouveaux pays industriels » comme Taiwan, Hong Kong et la Corée du Sud où le rapport demeure inférieur à 5.
UN DÉVELOPPEMENT
EN FONCTION DE L'IMPÉRIALISME
La « modernisation » économique du Brésil a connu une première accélération dans les années '50 avec l'ouverture du pays au capital étranger à la recherche des meilleures conditions d'accumulation. La main-d'oeuvre surabondante et à bon prix, gonflée par l'arrivée dans les villes d'immenses contingents de population paysanne expulsés des campagnes par les grands latifundiaires recourant à la mécanisation de l'agriculture, de même que l'accès aux ressources naturelles abondantes et les incitations financières offertes par l'État, ont fourni au capital étranger ces conditions qu'il recherchait.
Le coup d'État de 1964 avec l'immense appareil de répression qu'il a mis en place, a donné une nouvelle impulsion à ce type de « développement » qui se nourrit de la misère de la masse de la population. La bourgeoisie nationale a pu s'enorgueillir du « miracle économique » réalisé dans ces conditions : un taux de croissance annuel moyen de plus de 10% de 1968 à 1973, une production automobile dépassant un million de véhicules en 1979 et plaçant le Brésil au 10e rang mondial, etc. en même temps que se détériorait systématiquement d'année en année le salaire réel moyen.
Si impressionnante que soit, en chiffres bruts, la production industrielle du Brésil dans les secteurs de pointe comme l'automobile, les produits chimiques, l'aéronautique, l'informatique, etc., celle-ci n'en demeure pas moins une production organisée d'abord en fonction des besoins d'accumulation du capital à l'échelle internationale et non en fonction du marché intérieur, c'est-à-dire des besoins de consommation des 140 millions de Brésiliens. À titre d'exemple, le Brésil est le principal exportateur d'armes parmi les pays du « Tiers-Monde ». Il est également l'un des premiers exportateurs de produits alimentaires au monde alors [7] qu'une fraction importante de la population souffre de malnutrition. L'accumulation du capital ne se reflète pas dans une amélioration des conditions de vie de la population. C'est le contraire qui se produit.
LES CHIFFRES DE LA MISÈRE
Selon les chiffres de la FAO (Organisation de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture), il meurt au Brésil près de 1 000 jeunes enfants par jour ; 28 millions de Brésiliens adultes sont analphabètes ; 8.5 millions d'enfants d'âge scolaire ne fréquentent pas l'école ; le salaire mensuel minimum est de 33$ américains et en raison d'une inflation galopante qui a dépassé les 13% par mois en décembre (rythme annuel de 433%), sa valeur réelle comme celle de tous les autres salaires a été diminuée de moitié au cours des derniers mois ; on évalue à 8 millions d'unités le déficit actuel du nombre de logements, pourtant 38,000 nouvelles unités seulement ont été construites au cours des 8 premiers mois de 1987 (chiffres tirés d'un article de Clovis Ilgenfriu da Silva intitulé « Os problemas de Habitacão no Brasil, Revue Correspondência No. 2, décembre 1987).
LA DETTE EXTÉRIEURE
Ce formidable « développement » réalisé parla bourgeoisie brésilienne appuyée par la dictature militaire, est également à l'origine de l'accumulation d'une dette extérieure de 110$ milliards, la dette la plus élevée de tous les pays sous-développés ; de 3.2$ milliards qu'elle était en 1964, date du coup d'État militaire, celle-ci a donc été multipliée par 35 en 23 ans. Aujourd'hui, sous la pression du FMI, le gouvernement Sarney voudrait payer cette dette en en imposant le fardeau à la population brésilienne qui non seulement n'en a pas la responsabilité, mais qui par surcroît n'en a reçu aucun avantage. Sous la pression populaire, Sarney était forcé le 20 février 1987 de déclarer un moratoire sur le paiement de la dette due aux banques privées. Neuf mois plus tard, le 29 décembre dernier, il mettait fin à ce moratoire et procédait à un premier versement de 350$ millions, recherchant simultanément un nouvel accord de refinancement avec les quelque 800 grandes banques auprès desquelles le Brésil est endetté.
DES SUPERPROFITS BIEN SUPÉRIEURS
À LA DETTE
Il s'agit là d'une mesure de soumission au capital étranger et à son représentant le FMI qui ne peut se traduire que par de nouvelles compressions imposées à la population. Cela est d'autant plus inacceptable que le capital international qui, par banques interposées, réclame aujourd'hui ce remboursement, a déjà reçu au fil des années des milliards de dollars en superprofits accumulés à partir de ses investissements au Brésil, que ce soit grâce aux salaires dérisoirement bas payés à la main-d'oeuvre brésilienne, ou grâce aux matières premières acquises à des prix inférieurs au coût de production comme c'est le cas par exemple de l'acier utilisé dans la production automobile, ou encore grâce aux généreuses subventions ou exemptions fiscales que leur a consenties le gouvernement brésilien. Cette « dette » qui a déjà été payée plusieurs fois n'a pas à être repayée. En mettant fin au moratoire, le gouvernement Sarney ne peut que rencontrer l'opposition généralisée de la grande majorité de la population.
LE PLAN ALTERNATIF DU PT
Face à ces problèmes économiques et à l'aggravation de la crise, l'accroissement de l'inflation, la chute de la croissance du PIB, les prévisions de récession pour 1988, etc., le PT met de l'avant un « Plan alternatif de Politique économique », fondé sur la « décentralisation de la politique économique et la démocratisation des organes qui la formulent et la décident, avec la participation des travailleurs à tous [8] les niveaux » (Boletim Nacional, No. 31, sept. 1987, p. 31.
La réduction de l'inflation, qui doit nécessairement impliquer des conflits distributifs, devra être le résultat d'une fixation simultanée des prix et des salaires à la suite de négociation, au niveau local, secteur par secteur, de contrats collectifs déterminant salaires réels et marges de profit. Un Conseil national des prix et salaires, composé de représentants des travailleurs salariés et autonomes, des employeurs et du gouvernement aurait la responsabilité de fixer des plafonds nationaux aux augmentations. La lutte contre l'inflation devra être menée en tenant compte simultanément de la nécessité de redistribuer le revenu par l'augmentation du salaire minimum réel et du salaire familial réel, et la récupération du salaire réel perdu à cause de l'inflation des 5 dernières années, en priorité pour les bas salaires.
En ce qui concerne le problème de la dette extérieure, le Plan alternatif du PT propose d'appuyer la suspension du paiement par les mesures suivantes : 1) limiter toute sortie de capital du pays de manière à renflouer les réserves à un niveau équivalent à un semestre d'exportations (7$ milliards) ; 2) mettre en œuvre un plan d'urgence de substitution des importations par la production interne, accordant la priorité aux investissements nécessaires ; 3) conclure des accords commerciaux avec tous les pays qui acceptent des échanges bilatéraux ou multilatéraux sans l'utilisation de « monnaies fortes » pour le règlement des soldes ; 4) décourager l'exportation de produits essentiels à la population et décourager la dépense de devises destinées à l'achat de produits non essentiels.
En ce qui concerne la dette elle-même, elle devrait être examinée par une Commission de Haut Niveau composée de représentants du Congrès et d'organismes internationaux auxquels le Brésil participe tels la CEPAC et l'Accord de Carthagène. Cette commission aurait à évaluer le montant réel de cette dette, déduction faite des montants reçus par ce biais par les subsidiaires de multinationales, des pertes subies par le Brésil en raison de baisses des prix à l'exportation, etc.. Le Congrès aurait ensuite à décider, à partir de cette évaluation, de la portion de la dette qui doit être répudiée.
Le Plan alternatif propose également une réforme fiscale, réduisant les taxes indirectes, sauf celles qui frappent les biens de luxe, et augmentant les impôts directs, surtout sur les plus hauts revenus, les gains extraordinaires, les grandes fortunes et les héritages. Un impôt d'urgence frappant les grandes fortunes et les 5% les plus riches (qui reçoivent annuellement près de 40% du revenu national) permettrait de réduire d'un seul coup le montant de la dette extérieure (Boletim Nacional, No. 31, sept. 1987, p. 4).
[9]
L'histoire de la construction du mouvement ouvrier brésilien est une histoire de luttes extrêmement dures menées pour l'essentiel dans des conditions de violence politique institutionnalisée, de dictature militaire, de répression ouverte contre la classe ouvrière et ses organisations syndicales et politiques.
LES PREMIÈRES
ORGANISATIONS OUVRIÈRES
Jusqu'à la fin du siècle dernier, l'économie brésilienne était essentiellement agricole et la production de café, de sucre, et de coton dirigée vers l'exportation était fondée sur le travail esclave. C'est avec le début de l'industrialisation, au tournant du siècle, que naissent les premiers syndicats. La COB (Confédération ouvrière brésilienne) est fondée en 1908 ; 30 syndicats y adhèrent. Elle mène la lutte notamment pour la journée de 8 heures. Au nom de l'internationalisme prolétarien, elle organise en 1915 une conférence internationale pour dégager des moyens de combattre contre la guerre « européenne ». En 1917, une grève générale, la première de l'histoire du Brésil, paralyse la ville de São Paulo, qui connaît par ailleurs quelque 156 grèves entre 1917 et 1920.
Au niveau politique cependant, la scène demeure essentiellement dominée par les partis des classes possédantes. Un parti communiste, fondé en 1922, ne réunit qu'un faible nombre d'adhérents. Il impulse néanmoins en 1929 la création d'une centrale syndicale distincte, la CGTB (Confédération générale des travailleurs du Brésil).
VARGAS ET LES INSTITUTIONS CORPORATISTES
Avec la crise de 1929 et la décennie des années '30, de profonds changements vont marquer la société brésilienne : d'abord, au plan économique, une intensification de l'industrialisation, mais surtout, au plan politique, la mise en place par le dictateur Getulio Vargas, d'institutions inspirées du fascisme italien, c'est-à-dire d'un État fort, corporatiste, dont la fonction est de dominer totalement les rapports entre capital et travail dans un contexte où le prolétariat se développe en force comme un résultat de l'industrialisation croissante. La législation syndicale imposée par Vargas, législation qui place les syndicats sous la tutelle de l'État et supprime toute liberté et autonomie syndicale, tout droit de constituer des syndicats libres, est toujours en vigueur aujourd'hui. Elle n'a été modifiée d'aucune manière par les gouvernements suivants, tant « démocratiques » qu'autoritaires. C'est contre cette législation que s'est construit notamment le puissant mouvement gréviste à partir de la fin des années '70 et qui a conduit d'abord à la création du PT en 1980 puis à la création de la CUT (Centrale unique des travailleurs) en 1983.
L'union sacrée entre le pouvoir civil et les militaires.
Il faut préciser également que sous la dictature de Vargas, c'est-à-dire jusqu'en [10] 1945, régnait l'interdiction de tout parti politique et que toute tentative de déroger à cette interdiction était sévèrement réprimée.
« L'OUVERTURE DÉMOCRATIQUE » :
1945-1964
Après la chute de Vargas en 1945, le Brésil connait un intermède « d'ouverture démocratique » d'une vingtaine d'années jusqu'au coup d'État militaire de 1964. « L'ouverture démocratique » en question doit, il va sans dire, être appréciée à partir des faits. La CGTB qui renaît en 1946 est interdite l'année suivante et le maire communiste élu dans la ville de Santo André en 1947 est emprisonné peu avant d'entrer en exercice alors que sous le gouvernement du Maréchal Dutra, quelque 400 syndicats sont victimes d'interventions gouvernementales ; plusieurs d'entre eux voient leurs dirigeants destitués par le ministère du Travail et emprisonnés.
Pendant cette période, qui est également marquée par le retour au pouvoir de Vargas de 1950 à 1954, divers partis politiques renaissent ou sont créés, la plupart comme instruments directs de la bourgeoisie, d'autres se disant travaillistes mais essentiellement en vue d'obtenir les votes des travailleurs en faveur de leurs candidats. Cette période d'industrialisation accélérée, en particulier avec l'implantation au Brésil des grandes entreprises multinationales dans l'industrie automobile sous l'impulsion du président Juscelino Kubitschek à partir de 1956, est marquée par une nouvelle forme de domination de classe fondée sur le populisme. Comme l'explique le syndicat des métallurgistes de São Bernardo do Campo et Diadema dans un ouvrage intitulé Imagens da Lutta 1905-1985 : « Les gouvernements populistes ont développé d'innombrables mécanismes de cooptation, d'affaiblissement et de désorganisation de la lutte syndicale et populaire. La classe travailleuse est entrée comme une associée de deuxième ordre dans le pacte de pouvoir qui s'est établi à partir de 1945 et une part de cette orientation politique de conciliation de classe et de modération des luttes syndicales est attribuable au PCB (Parti communiste brésilien) lui-même. Le mouvement syndical a été amené à porter le drapeau des grandes réalisations nationales, laissant de côté les revendications populaires et se transformant en base sociale et électorale au service des gouvernements populistes. La classe ouvrière a perdu sa capacité d'organisation et d'intervention politique autonome greffée sur la défense de ses intérêts immédiats et historiques. Cette période fut, sans aucun doute, une étape de grandes mobilisations et de conquêtes importantes, mais elle finit par conduire le mouvement ouvrier à la plus grande défaite politique de son histoire : le coup d'État militaire de 1964 ». (p. 79).
LA DICTATURE MILITAIRE
À partir de 1964, avec le renversement du gouvernement Joao Goulart par les militaires, s'installent une répression violente, la persécution et la torture. Des milliers de militants, syndicalistes, ouvriers, sont emprisonnés, menacés et assassinés par les bandes militaires et paramilitaires, réduits à l'exil. Les gouvernements militaires successifs de Castelo Branco, Costa e Silva, Medici, Geisel et Figueiredo, adoptent sur le plan économique des mesures destinées à augmenter la participation du capital étranger et à réduire les salaires. Selon les chiffres du DIEESE (Departamento Intersindical de Estadistia e Estudos Socio-Economicos), de l'indice 100 en 1959, le salaire réel se déprécie d'année en année pour atteindre l'indice 31 en 1976. Pendant la même période, la part des revenus perçue par les couches les plus pauvres, soit 50% de la population, passe de 18% en 1960 à 12% en 1976 alors que les plus riches, soit 5% de la population, voient leur part augmenter de 28% à 39%. Alors qu'il faut 65 heures de travail pour acheter la ration alimentaire mensuelle minimale en 1959, il en faut 137 en 1978. Les pourcentages du [11] budget national alloués à la santé et à l'éducation chutent de 4,3% et 11% respectivement en 1965-66 à 1% et 5% en 1974. Simultanément de fortes subventions gouvernementales au capital étranger permettent à celui-ci de doubler entre 1968 et 1973 alors que triple la dette extérieure pendant la même période.
La dictature militaire crée son propre parti politique, l'ARENA (Alliance rénovatrice nationale), et autorise l'existence d'un seul parti « d'opposition », le MDB (Mouvement démocratique brésilien). Toute manifestation ouvrière est interdite et en vertu de la Loi de sécurité nationale, la peine de mort est instituée pour les « crimes politiques ». Toute possibilité d'opposition réelle se trouve de facto éliminée. L'opposition est réduite à la clandestinité, à la lutte armée, à la guérilla urbaine et rurale.
Le régime institué par les militaires, en raison des mesures d'attaque aux conditions de vie et de travail qu'il impose par la force, permet le « miracle économique » brésilien, une croissance annuelle moyenne de plus de 10% de 1969 à 1973.
La crise économique qui éclate au niveau mondial à partir de 1973 vient mettre un frein au « miracle ». Malgré la répression, la résistance des travailleurs s'affirme de plus en plus et finit par obliger le gouvernement à lâcher du lest. Celui-ci est poussé à pratiquer une « ouverture politique » pour empêcher l'explosion sociale. Il est contraint à déclarer l'Amnistie, à adoucir l'application de la Loi de Sécurité nationale et de la censure politique. C'est dans ce cadre de « libéralisation forcée » du régime militaire et de croissance des luttes du mouvement ouvrier, notamment avec le formidable mouvement gréviste du triangle ABC (ainsi nommé parce qu'il est délimité par les villes industrielles de Santo André, São Bernardo do Campo et São Caetano) au sud de São Paulo à partir de 1977, que se recompose le mouvement ouvrier sur ses propres bases, de manière autonome, et que sont fondés le PT en 1980 et la CUT en 1983. Le gouvernement militaire est également amené à autoriser l'existence légale de partis politiques et à permettre, à partir de 1982, la tenue d'élections directes au niveau des municipalités, des États (Gouverneurs et assemblées législatives) et du Congrès national (Sénat et Chambre des députés) ; ce dernier reçoit par ailleurs le mandat d'agir comme Assemblée constituante et d'élaborer une nouvelle Constitution pour remplacer la constitution élaborée en 1967 par les militaires.
Au niveau de la présidence de la république cependant, les militaires autorisent en 1985 une élection non pas directe, mais par un collège électoral de 680 membres, procédure anti-démocratique combattue par le PT qui mène campagne sur cette question avec le mot d'ordre Fora Sarney! Diretas ja ! (Dehors Sarney ! Élections directes maintenant !).
La Constituante, dont la fin des travaux est prévue pour mars 1988, prévoit l'élection du président de la république au suffrage universel. En principe, la date prévue pour cette élection est le 15 novembre 1988.
La période initiée en 1985 avec la désignation d'un président « civil » porte le nom de « Nouvelle république ». L'enjeu pour les anciens dirigeants militaires est de préserver la continuité des institutions de la dictature sous des apparences « démocratiques » avec le maintien en place, en particulier, des personnages qui y ont présidé. Le choc avec la masse de la population est inévitable.
[11]
“LA LÉGISLATION SYNDICALE AU BRÉSIL
ET LA LUTTE POUR DES SYNDICATS LIBRES.”
La législation syndicale encore en vigueur aujourd'hui au Brésil est celle qui a été imposée à la classe ouvrière brésilienne dans les années '30 par la dictature de Getulio Vargas. Inspirée du modèle alors en vigueur dans l'Italie fasciste de Mussolini, cette législation n'autorise que des syndicats étatiques dont toute la vie est soumise à la tutelle du ministère du Travail. Les principales caractéristiques de ce « syndicalisme » voué au contrôle et à la paralysie du mouvement ouvrier sont les suivantes :
- Interdiction de constituer des fonds de grève. Tous les fonds syndicaux doivent être déposés à la Banque du Brésil par le ministère du Travail qui contrôle les dépenses.
- Imposition du « Statut-cadre ». Interdiction de fait aux syndicats de constituer une forme d'organisation permettant la participation directe et démocratique des membres à la prise des décisions. Les « dirigeants » syndicaux sont des fonctionnaires nommés par l'État, appelés « pelegos », qui décident de tout bureaucratiquement.
- Interdiction de constituer des syndicats d'envergure régionale ou nationale et a fortiori, interdiction de constituer des centrales syndicales. La « Commission d'encadrement » du ministère du Travail décide de l'envergure d'un syndicat qui, le plus souvent, ne peut exister au-delà des frontières d'une municipalité. En conséquence, aucune action concertée n'est légalement possible pour les syndicats d'une même industrie à l'échelle du pays ou même d'un État. L'action syndicale légale est réduite au niveau local.
- Le gouvernement a le droit d'intervenir dans les syndicats, pour démettre par exemple des directions démocratiquement élues et « administrer » le syndicat à leur place.
- L'État prélève à la source un « impôt syndical » sur le salaire de chaque travailleur. Cet argent, dont une partie seulement revient au syndicat, sert notamment à payer les salaires des administrateurs gouvernementaux des syndicats (les « pelegos »).
LA MOBILISATION POUR LES SYNDICATS LIBRES
La résistance du mouvement ouvrier brésilien contre ce « syndicalisme » d'État, d'abord isolée au niveau des diverses entreprises, a pris une ampleur considérable à partir de 1977. Le puissant mouvement de mobilisation et de grève des années 1978-80 a permis d'imposer des syndicats libres malgré le maintien de la législation héritée des années '30. Des « commissions d'entreprises » et des « oppositions syndicales » se sont constituées pour mener la lutte aux directions syndicales officielles et pour la formation de syndicats libres et démocratiques. Le mouvement des métallurgistes de la région de l'ABC de São Paulo et en particulier l'action du Syndicat des métallurgistes de São Bernardo do Campo dont Lula était le président, ont été le point de départ d'une action qui s'est généralisée dans le pays et qui a conduit à la formation de la CUT (Centrale unique des travailleurs) en 1983. La CUT qui compte aujourd'hui 15 millions de membres, est toujours illégale par rapport à la législation syndicale encore en vigueur, de même que tous les syndicats libres, créés par les luttes des travailleurs contre la législation réactionnaire. La CGT, qui compte également une quinzaine de millions de membres est aussi, il va sans dire, illégale.
Mais le gouvernement n'est plus capable de s'opposer frontalement au mouvement qui pour l'instant jouit d'une reconnaissance de fait, même si celle-ci demeure partielle. Cette formidable avancée sociale, résultat de la détermination des travailleurs dans tout le pays, devra se traduire dans une modification de la législation et plus précisément, dans un 1er temps, via le processus d'élaboration de la Constitution. C'est la force de ces luttes concrètes qui permet à la minorité d'élus du PT à la Constituante d'avoir une influence sur le processus en cours. Comme mesure de cette mobilisation, mentionnons en particulier que l'année 1985 a été marquée de quelque 900 grèves impliquant près de 7 millions de grévistes dans l'ensemble du pays.
Pour intensifier cette mobilisation au moment où s'amorce une période cruciale avec la précipitation des échéances, la quasi totalité des organisations syndicales et populaires du pays se sont réunies à Brasilia le 3 décembre dernier et ont constitué un Front national des organisations syndicales et populaires en défense des droits du peuple dans la Constitution. Ce Front réunit la CGT, la CUT, l'UNE, les Confédérations nationales de médecins, de psychologues, d'ingénieurs, d'économistes, de travailleurs des entreprises de crédit, de télécommunications, organismes populaires, associations professionnelles, etc.. La CUT a également décidé de faire de cette lutte l'un des deux grands axes de sa mobilisation pour 1988 ; une « campagne de défense des revendications des travailleurs à la Constituante, contre l'offensive patronale qui vise à imposer la légalisation d'un recul social et politique dans le pays » (CUT, Boletim Nacional, No. 17, déc. 1987, p. 7). L'autre axe de la campagne de la CUT pour 1988 est le rattrapage salarial complet suite à la dégradation provoquée par une inflation galopante.
[13]
En tout, trente partis politiques existent aujourd'hui au Brésil. Parmi ces 30 partis, il y en a 6 qui disposent d'une reconnaissance légale complète et définitive qui leur confère le droit de présenter des candidats à tous les niveaux (municipalités, États, Congrès national, présidence) et de disposer de divers avantages comme l'accès à une publicité gratuite télévisée. Ces partis sont :
LES SIX PRINCIPAUX PARTIS
∆ Le PMDB [Parti du Mouvement démocratique brésilien], principal parti bourgeois, dont l'origine est le MDB, seul parti d'opposition autorisé sous la dictature militaire jusqu'en 1979. Le PMDB a ainsi été le seul parti à participer aux élections en 1966, 1970, 1974 et 1978 face au parti de la dictature, l'ARENA. Il est aujourd'hui le parti du gouvernement, détenant plus de 60% des sièges au Congrès national et la quasi totalité des postes de gouverneurs d'État. À l'origine, parti traversé par divers courants dont certains authentiquement populaires, le PMDB regroupe aujourd'hui de nombreux ex-collaborateurs de la dictature et de nombreux représentants du grand patronat.
∆ Le PDS [Parti démocratique social], parti de la dictature militaire, successeur du parti ARENA. Le président actuel du Brésil, José Sarney, a été membre actif, puis président de ce parti avant d'adhérer au PMDB.
∆ Le PFL [Parti du Front libéral], parti des secteurs les plus conservateurs de la bourgeoisie, successeur véritable du parti ARENA et de sa version PDS, qui défend les mêmes intérêts politiques dans un nouveau cadre moins identifié à la dictature. Le poids de sa représentation politique actuelle dans le pays est d'environ 10%. Il a constitué avec le PMDB une coalition appelée « l'Alliance démocratique » - alliance rompue en 1987.
∆ Le PTB [Parti travailliste brésilien], constitué à partir des éléments de droite du parti populiste fondé par Vargas dans les années '30 et qui réunit aujourd'hui de très nombreux anciens collaborateurs de la dictature militaire.
∆ Le PDT [Parti démocratique travailliste], également issu du PTB de Vargas, mais à partir de ses éléments progressistes. Le PDT se réclame du socialisme ; il est membre de l'Internationale socialiste, mais détient de très faibles bases ouvrières et populaires. Il est essentiellement un parti parlementaire à gauche de l'« Alliance démocratique ». Son principal dirigeant, Brizola, jouit par contre d'un certain appui populaire. Le PT a organisé des actions communes avec le PDT.
∆ Le PT [Parti des travailleurs], fondé en 1980.
LES AUTRES PARTIS
Douze autres partis ont présentement une reconnaissance provisoire et attendent une confirmation définitive. Il s'agit des partis suivants : PL (Parti libéral), PSP (Parti social progressiste), PDC (Parti démocrate chrétien), PSD (Parti social démocrate), PMB (Parti municipaliste brésilien), PSC (Parti social chrétien), PTR (Parti travailliste rénovateur), PPB (Parti du peuple brésilien), PJ (Parti de la jeunesse), partis qui, indépendamment de leur nom, sont voués à la défense de l'ordre bourgeois. À ces partis s'en ajoutent trois qui se réclament de la classe ouvrière :
- le PSB (Parti socialiste brésilien), parti minuscule, d'orientation social-démocrate, qui se présente comme une alternative au PDT de Brizola ;
- le PCB (Parti communiste brésilien) d'allégeance soviétique. Le PCB s'est [14] surtout fait remarquer par son appui d'abord au PMDB dont il a été une partie constituante, puis au gouvernement d'Alliance démocratique ;
- le PC do B (Parti communiste du Brésil). Né d'une scission à partir du PCB, le PC do B, ex-maoïste, se réclame aujourd'hui de l'Albanie. Mise à part cette différence, sa politique d'appui au PMDB et au gouvernement est la même que celle du PCB.
Enfin, douze autres partis œuvrant surtout au niveau municipal revendiquent une reconnaissance officielle.
LA PLACE DU PT
Le PT est donc l'un des six partis officiellement reconnus à ce jour comme partis ayant une existence à l'échelle nationale. Face à lui, quatre partis bourgeois, et à côté de lui, comme allié naturel, le PDT.
En fait, même s'il n'existe que depuis moins de 8 ans, le PT se présente, et est ainsi perçu par les autres partis « de la gauche », comme la principale (sinon l'unique) force politique capable de canaliser les aspirations de dizaines de millions de Brésiliens contre le régime d'exploitation qui domine le pays.
Actuellement le PT a 16 élus à la Chambre fédérale des députés (et à la Constituante), une quarantaine de députés dans les Assemblées législatives des États et quelque 150 conseillers municipaux. Il détient de plus la préfecture (mairie) dans trois municipalités du pays : Fortaleza, ville de 750,000 habitants, capitale de l'État du Cearà dans le Nord-est du pays, Diadema, ville ouvrière du triangle ABC à proximité de Sao Paulo (500,000 habitants) et Vila Velha dans l'État d'Espirito Santo dans le Sud-est (100,000 habitants).
Le poids politique du PT, tel qu'exprimé par le pourcentage du vote populaire qu'il a obtenu à l'occasion des élections depuis 1982 s'élève à environ 7% (13% dans l'État de São Paulo, 9% dans l'État de Rio de Janeiro). Mais ces chiffres, tout comme la représentation parlementaire actuelle du PT ne sont qu'un indice qui sous-estime considérablement une force réelle qui grandit de jour en jour. Il y est de la plus grande importance par exemple, de souligner le fait que, quelques jours avant Noël, les journaux révélaient que d'après les sondages, le PT est aujourd'hui le parti qui recueille le plus grand nombre de voix, devant tous les autres partis, dans l'État de Minas Gerais, l'un des trois États les plus importants du point de vue économique, après ceux de São Paulo et Rio de Janeiro.
Il faut préciser par ailleurs que l'implantation du PT s'affirme de plus en plus, non seulement dans les puissants secteurs industriels de la métallurgie, de la construction automobile, de la chimie, des pétroles, etc.. qui sont à l'origine de sa formation, mais aussi chez les autres catégories de salariés, employés des banques, du commerce, du transport urbain, de l'enseignement, de la santé, de la fonction publique, de même que chez les étudiants, dans la population rurale (mouvement des paysans sans terre, travailleurs agricoles salariés) et dans la population urbaine la plus défavorisée (associations de « voisins », mouvement des sans toit, des favelas), en un mot au sein de toutes les composantes de la population ouvrière et populaire à la recherche d'une alternative politique et d'un instrument de lutte pour la réaliser.
[15]
LA CRISE POLITIQUE DE LA BOURGEOISIE
Ces développements sont d'une extrême importance au moment où s'intensifie la crise économique et sociale et, à travers cela, la crise de domination politique de la bourgeoisie. Incapable de défendre ouvertement son projet politique propre dans un parti authentiquement à elle, la bourgeoisie brésilienne a été amenée à jouer la carte du populisme, à se présenter comme progressiste, favorable aux réformes sociales. Elle a utilisé, pour ce faire, le véhicule politique qui lui semblait le mieux adapté à ces contraintes, en l'occurrence le PMDB.
Dans les premières années de « l'ouverture démocratique » à laquelle le régime militaire a été acculé, le PMDB a largement bénéficié du fait qu’il était connu et identifié par la population comme « parti d'opposition » canalisant ainsi la majorité du vote populaire. Mais désormais il est connu comme parti de gouvernement, à la défense des intérêts de la minorité dominante. La « crédibilité » artificielle dont il était investi comme seule expression autorisée de l'opposition à la dictature, ne peut aller dorénavant qu'en diminuant. Des secteurs de plus en plus significatifs de la population seront amenés à chercher une alternative ailleurs et l'alternative réelle, aux yeux d'un nombre croissant de Brésiliens, est celle qu'offre le PT.
[15]
EXTRAITS DU PROGRAMME DU P.T.
1. LIBERTÉ D'ORGANISATION POLITIQUE ET SYNDICALE
- Liberté totale d'organisation politique ;
- Liberté et autonomie syndicale ;
- Centrale unique des travailleurs, élue démocratiquement par les travailleurs et indépendante de l'État ;
- Droit de grève sans restriction.
2. DÉMANTELEMENT DES ORGANES DE RÉPRESSION POLITIQUE ET FIN DES LOIS D'EXCEPTION
- Révocation de la Loi de Sécurité nationale ;
- Amnistie générale ;
- Restitution des droits politiques et syndicaux aux dirigeants et militants emprisonnés ;
- Élections libres et directes à tous les niveaux.
3. POLITIQUE SALARIALE
- Garantie d'emploi ;
- Salaire minimum réel permettant de rencontrer les besoins fondamentaux des travailleurs et de leur famille ;
- Échelle mobile des salaires ;
- Réduction de la journée de travail sans réduction des salaires.
4. POUR DE MEILLEURES CONDITIONS DE VIE
- Contre la privatisation de la médecine ;
- Amélioration des services de santé ;
- Services urbains de base dans les quartiers populaires et les favelas ;
- Enseignement public et gratuit à tous les niveaux.
5. LA QUESTION AGRAIRE
- Réforme agraire générale sous le contrôle des travailleurs ;
- La terre à qui la travaille ou à qui en fut expulsé ;
- Égalité des droits pour tous les travailleurs ruraux sans distinction de sexe et d'âge ;
- Garantie de revenu minimum pour les petits producteurs.
6. INDÉPENDANCE NATIONALE
- Contre la domination impérialiste ;
- Contre le pillage par le capital international ;
- Respect de l'autodétermination des peuples et solidarité avec les peuples opprimés.
7. DÉFENSE DES DROITS
- Appui aux mouvements de défense des droits des femmes, des Noirs et des Indiens.
[16]
Compagnons et compagnes,
Il n'est pas facile pour moi (...), ...dans un moment comme celui-ci, de prononcer un discours. En premier lieu, parce que ma trajectoire politique est très courte si on la compare à celle de tant de compagnons. En deuxième lieu parce que, à l'intérieur du PT, il y a probablement quelques centaines, pour ne pas dire des milliers de compagnons qui ont beaucoup plus de compétence, soit du point de vue de la formation intellectuelle, soit du point de vue de la formation politique, pour être candidats à la Présidence de la République, beaucoup mieux préparés que Lula.
En 1978 j'ai commencé à faire les manchettes des journaux, pour dire les choses comme elles sont, en disant quelques bêtises. C'était moi qui disais que la classe travailleuse ne devrait pas s'engager en politique. C'était moi qui disais que je n'adhérerais jamais à quelque parti politique parce que la politique ne résout pas les problèmes de la classe travailleuse. (...) Je me souviens qu'en 1974, je n'aurais jamais imaginé être dirigeant ou président du Syndicat de São Bernardo do Campo. Je vous avoue que jamais, en 42 ans de vie, il ne m'était passé par la tête, même en rêve, ou encore dans des conversations avec ma compagne, qu'un jour je serais candidat à la Présidence de la République.
(...)
En 1982, quand ma candidature fut annoncée au poste de gouverneur de l'État de São Paulo, j'ai commis la plus grande gaffe de ma vie tout en croyant être le plus avisé de tous les candidats. Nous discutions de la présentation des candidats et vous vous souvenez du désastre de la propagande du PT cette année-là alors que le moindre risque était d'être condamné à quatre-vingt-dix ans de détention. Agissant comme si la classe travailleuse était déjà préparée, nous tenions le discours suivant : « Lula candidat au poste de gouverneur #13, ex aide-teinturier, ex mécanicien-tourneur, ex syndicaliste, ex détenu, et ex je ne sais quoi, un brésilien à peu près comme vous. » Je m'imaginais que l'ensemble de la classe travailleuse saisirait le message dans le sens suivant : ma foi ! cet individu n'est que cela et il est candidat, alors nous aussi nous pouvons être candidats. Mais les gens ont compris exactement le contraire, personne ne voulant être un brésilien semblable à moi. Ils voulaient être des brésiliens avec un diplôme universitaire, avec de meilleures conditions de vie, avec une meilleure formation intellectuelle, avec une meilleure qualité de vie.
(...)
Que représente une candidature du Parti des travailleurs à la présidence de la République ?
Vous pouvez ne pas avoir d'idée de ce que cette candidature créera comme soucis chez certains. Parce qu'ils auront à nous affronter sur la place publique. Ils auront à nous affronter au niveau des propositions. Ils devront nous garantir, s'ils le font pour eux, le droit de parler à la radio et à la télévision. C'est là que nous verrons s'ils dépensent ce qu'ils prétendent dépenser. Selon les prévisions d'une étude récente, les dépenses d'un candidat seront de l'ordre de $650 millions de dollars. Ils doivent savoir d'avance que le PT va faire un gros sacrifice pour récolter, lui, 650,000 cruzados. Mais, ils devront nous affronter sur un pied d'égalité, sinon au niveau de l'argent dont ils disposent pour leur campagne, au niveau des débats où ils devront expliquer plusieurs choses devant la population. Il n'est pas indifférent que le PT dispose d'à peine une minute d'antenne ou qu'il en ait trois. Mais nous allons pouvoir dire des choses que la population n'a pas réussi à dire probablement depuis 400 ans. Parler à nos retraités. Parler à nos « femmes-à-la-maison », à nos compagnes travailleuses. Parler à notre jeunesse, à la classe moyenne, aux employés de la fonction publique, aux professeurs, aux avocats.
(...)
Nous allons pouvoir dire, non pas dans une assemblée syndicale ou dans un congrès du PT, mais en même temps à 30 ou 40 millions de personnes, ce que cette dette extérieure représente comme préjudice et exposer la proposition du Parti des travailleurs pour apporter une solution à ce problème. Nous allons pouvoir dire que l'une des choses qui manquent en ce pays est un gouvernement compétent, pour ne pas dire un gouvernement disposant d'une détermination politique se fondant sur l'opinion publique, pour tenter de réunir tous les pays endettés du Tiers-Monde et dire aux États-Unis, au Japon, à l'Allemagne, aux pays créditeurs, mais de manière définitive, sans les détours utilisés par la Nouvelle République, que cette dette ne sera pas payée, en réalité, par les sacrifices imposés à la classe travailleuse brésilienne. Face au gouvernement américain qui nous menace de représailles et qui dit que le Brésil doit faire des concessions sinon nos produits seront l'objet de surtaxes, si nous avions un gouvernement compétent, à ce moment-ci, pas même un gouvernement révolutionnaire, seulement compétent, face à ce que font les États-Unis, nous nationaliserions une entreprise américaine parmi leurs plus grandes pour qu'ils sachent qu'on ne plaisante pas avec 140 millions de personnes.
Nous allons prendre une attitude ferme pour montrer qu'un peuple n'a pas à être soumis à un autre, que le gouvernement américain a été élu pour s'occuper des États-Unis et qu'en ce qui concerne notre terre c'est nous qui nous en occupons. Nous allons leur dire que nos ressources minières ne seront plus exportées à des prix de banane, pour qu'après nous leur achetions des produits manufacturés à prix d'or. Nous allons leur dire que nous voulons une relation commerciale égalitaire ; qu'ils devront payer pour nos produits ce que nous payons pour les leurs. Nous allons leur dire que le citoyen brésilien, si pauvre soit-il, si misérable soit-il, n'est pas un subalterne de l'impérialisme ni un citoyen de deuxième catégorie en cet univers. Nous allons leur dire que l'autonomie des peuples et leur autodétermination existeront dans la mesure où le peuple a un gouvernement qui parle minimalement le langage de ce peuple.
Nous allons leur dire que nous du PT allons résoudre cette question de la dette publique parce que nous n'allons pas gaspiller l'argent en escroqueries ; nous n'allons pas distribuer de pots de vin ; nous n'allons pas mettre des emplois aux enchères comme ils le font et nous n'offrirons pas comme eux des emplois comme récompense politique.
(...)
Nous allons leur dire comment on va résoudre les problèmes de notre cher nord-est ; nous n'allons pas résoudre le problème du nord-est en construisant des systèmes d'irrigation dans les domaines des riches ; nous n'allons pas résoudre le problème du nord-est en créant des fronts de travail pour irriguer les domaines des riches ou pour construire des routes, également dans les domaines des riches. Nous allons résoudre le problème du nord-est en en finissant avec l'industrie de la misère que la bourgeoisie créée pour se maintenir au pouvoir depuis quatre siècles.
(...)
L'irrigation sera faite pour la terre du pauvre ; l'irrigation sera faite conjointement avec le processus de la réforme agraire ; l'irrigation sera faite justement parce que nous croyons que l'énergie qu'il nous faut produire, en ce moment, n'est pas l'énergie nucléaire, mais l'énergie physique parce qu'il nous faut planter du riz, des haricots noirs, de la farine, du blé, pour que ce peuple ait l'estomac plein et qu'il soit en condition de lutter.
(...)
Il est important qu'une discussion ait lieu. Nous allons distribuer les revenus [17] dans le pays et nous allons les distribuer parce que nous savons comment le faire. Nous allons leur dire que nous ne nous offusquerons pas de vouloir imposer les 5% les plus riches de la nation. Nous allons leur dire que nous allons distribuer le revenu et imposer le profit. Nous allons leur dire que dans ce pays la spéculation va cesser. Celui qui spécule devra apprendre à dévoiler au peuple ce qui est produit pour le peuple.(...) Nous allons leur dire que pour nous du PT au gouvernement, le banquier ne frappe du pied ni ne donne de coup de poing sur la table, parce que les banques devront être étatisées et la classe travailleuse et le gouvernement devront en prendre le contrôle.
(...)
Nous allons apprendre à ces gens qu'au Brésil quelque chose de nouveau est en train de naître. Nous allons leur dire que nous voulons gouverner ce pays parce que nous croyons en une perspective différente de la leur. Ils ont créé la Nouvelle République et elle est aussi pourrie que la Vieille ; nous allons créer une nouvelle société. Nous allons créer un pays de certitudes. Nous allons, à la télévision, dévoiler le mystère de cette bête dangereuse qu'on appelle le socialisme. Et, du même coup, montrer quelle est la véritable bête dangereuse en expliquant les rouages du capitalisme. Nous allons devoir utiliser la télévision pour converser avec la femme-à-la-maison ; avec elle qui croit que sous le socialisme personne ne peut se promener, personne ne peut acheter, personne ne peut rien du tout, qu'il n'a rien de valable, que ce qui est bon c'est New-York, l'avenue Paulista. Nous allons tenter de montrer cela à la télévision.
(...)
(...) Nous allons leur dire que le monde du travail ne peut continuer comme cela ; que Menegheli ne peut passer toute sa vie à appeler à la grève générale pour obtenir des augmentations salariales de 1%. Nous allons leur dire que nous allons lutter aussi pour beaucoup æd'autres choses. Parce qu'il nous faut garantir que lorsqu'un travailleur entre dans une usine les conditions de son travail soient bonnes. Nous allons faire en sorte que le Brésil cesse d'être le champion mondial des accidents de travail. Ou le pays des estropiés. Parce que je crois qu'il y a peu de pays sur terre où il manque autant de doigts aux mains des travailleurs qu'au Brésil.
Nous allons leur dire que la Prévoyance Sociale peut payer le salaire d'un retraité, intégralement. Ce avec quoi il faut en finir à la Prévoyance, c'est la mauvaise gestion et la corruption. Ce que nous allons leur dire c'est que le citoyen qui prend sa retraite, que ce soit un homme ou une femme, doit recevoir autant qu'il recevait quand il était actif. Je sais que ce qui trotte dans la tête de chacun à tout instant c'est l'idée d'un Brésil que le monde souhaite. Et nous allons être francs : ce pays peut être différent. Il n'est pas nécessaire que dans ce pays tant d'enfants meurent de faim avant d'avoir atteint l'âge d'un an, ou soient, à peine plus vieux, tués par la police dans la rue. Dans ce pays où il faut atteindre l'âge de 57 ans en moyenne avant de gagner trois fois le salaire minimum, on ne peut établir un régime de retraite pour les personnes âgées de 65 ans lorsqu'on sait que les gens meurent avant d'avoir atteint cet âge.
Je crois que ces choses toutes simples vont devoir être discutées à Porte Alegre, à Santa Catarina, à São Paulo, en Rondonia, au Maranho... Evidemment, j'aimerais aujourd'hui même pouvoir vous présenter un programme déjà prêt du PT, mais je ne le peux pas, parce qu'il est encore en train d'être élaboré. Et nous commençons aussi à structurer cette campagne : monter un comité électoral du Directoire National..., monter une commission des finances,... une commission de presse...
Il est maintenant clair pour vous tous qu'il ne s'agit pas d'une campagne du seul Lula, que ce n'est pas la candidature de Lula ; la campagne est celle du PT, la candidature est celle du PT. Il faut être clair que si nous ne réussissons pas à rassembler dans la rue tous nos militants, si cette campagne ne réussit pas à faire en sorte que chaque militant soit un candidat, nous allons nous casser le nez. Je connais ce militantisme du PT et je l'ai déjà dit dans plusieurs réunions : je crois que rarement dans l'histoire du pays un parti politique a eu dans ses rangs la qualité et la quantité de militants dont le PT dispose aujourd'hui.
(...) Ne croyez pas que j'ai accepté cette candidature dans la perspective de la disputer pour la disputer. Je ne souscris pas à cette théorie selon laquelle l'important est de présenter une opposition : cette théorie est celle des défaites. Le PT va devoir s'engager dans cette campagne sans penser à un deuxième tour, ou avec qui il devrait faire alliance lors d'un deuxième tour. Le PT va devoir s'engager dans cette campagne avec la perspective concrète de notre capacité de gagner la Présidence de la République en ce pays.
(...) Je ne prétends pas que par les seules élections, il est possible de résoudre tous les problèmes du Brésil. Par contre, je considère qu'on ne peut pas leur nier toute importance.
Il suffit de regarder les expériences parlementaires du PT dans les municipalités, les États, et au niveau fédéral. Il suffit de regarder les expériences du PT aux mairies de Fortaleza et Diadema, pour se rendre compte que des changements sont possibles, pour se rendre compte qu'il est possible de faire quelque chose de différent de ce qu'eux faisaient.
(...)
Et j'aimerais dire au compagnon Olivio Dutra qui vient d'être élu président du Parti que la présidence du Parti, qui au début m'apparaissait comme quelque chose d'anodin, a probablement été la chose la plus importante de ma vie. C'est à la présidence du Parti que j'ai appris à vivre avec des points de vue différents, à être malléable, à comprendre les angoisses et les craintes de ceux qui n'avaient pas les mêmes opinions que moi. Ta tâche comme président, mon cher Olivio Dutra, sera aussi importante sinon plus que la tâche de candidat à la Présidence. Tu vas devoir faire, à partir de maintenant, un jeu de patience, parce que tu ne représenteras pas un seul point de vue dans le PT : tu vas devoir représenter tout le Parti. Et pour représenter le Parti, il faut être disponible pour parler à tout le monde. Je sais que cette qualité ne te manque pas.
(...) Nous ne pouvons faire campagne sans être clairs quant à quelle couche sociale nous représentons. Nous ne cherchons pas à plaire à la classe moyenne supérieure, à la grande et à la moyenne entreprise. Nous devons faire une campagne qui parle des intérêts de la classe travailleuse. Nous devons établir clairement nos positions, provoquer les contradictions parce que si nous n'agissons pas ainsi, ceux à qui nous nous adressons n'entendront pas notre message.
Je termine en vous disant de tout cœur : allons à la bataille. Le Parti des travailleurs a devant lui une tâche splendide et à accomplir. C'est le moment pour nous de démontrer notre capacité. C'est le moment de démontrer notre habileté, notre courage. C'est le montant de montrer que nous pouvons tirer le pays du bourbier dans lequel il se trouve. Et je suis convaincu que nous pouvons y arriver.
Je voudrais, de tout cœur, vous remercier tous de la confiance que vous me témoignez ; vous n'en serez pas déçus.
Merci beaucoup à tous. Et à la victoire, si Dieu le veut. » |