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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

La décroissance. Entropie - Écologie - Économie (1995)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Nicholas Georgescu-Roegen (1906-1994). La décroissance. Entropie - Écologie - Économie. Présentation et traduction de MM. Jacques Grinevald et Ivo Rens. Nouvelle édition, 1995. [Première édition, 1979]. Paris: Éditions Sang de la terre, 1995, 254 pp. [Autorisation accordée par les ayant-droit et les traducteurs, MM. Jacques Grinevald et Ivo Rens, Université de Genève, le 17 février 2004] Une éditions numérique réalisée par Gemma Paquet, bénévole, professeure retraitée du Cégep de Chicoutimi.

Fiches des auteurs cités par Georgescu-Roegen
Extraits du livre, La décroissance, Annexe II, pp. 203-231.

ALFVEN, Hannes (1908 - 1995)
BECKERMAN, Wilfred (1925)
BERGSON, Henri (1859-1941)
BOLTZMANN, Ludwig (1844-1906)
BORLAUG, Norman E. (1914)
BOULDING, Kenneth E. (1910-1993)
BRIDGMAN, Percy Williams (1882-1961)
BROWN, Harrison (1917-1986)

CARNOT, Sadi (1796-1832)
CARSON, Rachel L. (1907-1964)
CLARK, Colin (1905-1989)
CLAUSIUS, Rudolf (1822-1888)
COMMONER, Barry (1917)
DALY, Herman E. (1938-)
DUHEM, Pierre (1861-1916)

EDDINGTON, (Sir) Arthur (1882-1944)
EINSTEIN, Albert (1879-1955)
ENGELS, Friedrich (1820-1895)
GALILÉE Galileo Galilei - (1564-1642)
GIBBS, Josiah Willard (1839-1903)
HALDANE, John Burdon Sanderson (1892-1964)
HELM, Georg (1851-1923)
HUYGENS, Christiaan (1629-1695)
JEVONS, William Stanley (1835-1882)
KELVIN, Lord - William THOMSON (1824-1907)

LAPLACE, Pierre Simon (1749-1827)
LEONTIEF, Vassili (1906)
LIEBIG, Justus von (1803-1873)
LOTKA, Alfred J. (1880-1949)
MACH, Ernst (1838-1916)
MADDOX, John (1925)
MALTHUS, Robert (1766-1834)
MARSHALL, Alfred (1824-1942)

MARX, Karl (1818-1883)
MILL, John Stuart (1818-1873)
MISHAN, Ezra J. (1917)
NERNST, Walter (1864-1941)
NEWCOMEN, Thomas (1663-1729)
ODUM, Howard T. (1924)
ONSAGER, Lars (1903-1976)
OSBORN, Fairfield (1887-1969)
OSTWALD, Wilhelm (18 53-1932)
PEARSON, Karl (1857-1936)
PETTY, William (1623-1687)
PIGOU, Arthur Cecil (1877-1959)
PLANCK, Max (1858-1947)
PRIGOGINE, Ilya (1917)

QUESNAY, François (1694-1774)
RANKINE, William J. Macquorn (1820-1872)
RAYLEIGH, Lord - John William STRUTT (1842-1919)
RICARDO, David (1772-1823)
SAMUELSON, Paul A. (1915)
SAVERY, Thomas (1650-1715)
SEABORG, Glenn T. (1912)
SCHRÖDINGER, Erwin (1887-1961)

SCHUMPETER, Joseph A. (1883-1950)
SMITH, Adam (1723-1790)
SOLOW, Robert M. (1924)
VAN'T HOFF, Jacobus Henricus (1852-1911)
VEBLEN, Thorstein (1857-1929)
Von NEUMANN, John (1903-1957)

ALFVEN, Hannes (1908 - 1995)

Physicien et cosmologue suédois. Professeur à l'Institut royal de technologie de Stockholm (1940-1973), et depuis 1967, à l'Université de Californie. Spécialiste du système solaire, de la magnétosphère et des plasmas. Prix Nobel de physique en 1970 pour ses travaux théoriques sur la magnétohydrodynamique. M6daille Bowie en 1988 de I'American Geophysical Union.

BECKERMAN, Wilfred (1925)

Économiste anglais néo-classique. Professeur d'économie politique à Londres (1969-75) puis à Oxford (1978-92). Consultant pour la Banque mondiale, l'OCDE et le BIT. Membre, de 1970 à 1973, de la Royal Commission on Environmental Pollution. Dans le débat sur Les Limites à la croissance (le rapport Meadows pour le Club de Rome), il critiqua, au nom de la science économique, les prophètes de l'apocalypse écologique, notamment dans « Economists, scientists, and environmental catastrophe »(Oxford Economic Papers, 1972, 24, pp. 237-244) et « The myth of "finite" resources» (Business and Society Review, 1974, 12; pp. 21-25) ; critique qu'il développa dans un livre intitulé In Defense of Economic Growth (1974). Il soutient le dogme du marché, capable de résoudre « le problème de la pollution de l'environnement », qui n'est « qu'une simple question de correction d'un léger défaut d'allocation de ressources, au moyen de redevances de pollution ».

BERGSON, Henri (1859-1941)

Philosophe français. Prix Nobel de littérature en 1928. Président de la Commission de Coopération Intellectuelle de la Société des Nations. Célèbre dès sa thèse de 1889, Essai sur les données immédiates de la conscience. Titulaire de 1900 à 1921 de la chaire de philosophie au Collège de France, qu'il confia dès 1914 à Edouard Le Roy (1870-1954), lequel lui succédera également à l'Académie française. En 1907, il publie L'Évolution créatrice, profonde critique de l'épistémologie mécaniste de la science moderne et annonce un « évolutionnisme vrai » (radicalement différent de celui de Spencer qui ignore la durée irréversible) dont l'influence sera considérable sur la philosophie du devenir d'un certain nombre de grands savants du XXe siècle. Sa vision holistique du monde vivant a marqué la pensée écologique de pionniers comme Smuts, Vernadsky et Lotka. Pionnier de la compréhension philosophique de la « révolution carnotienne », Bergson déclare que la loi de l'entropie (le principe de Carnot) est « la plus métaphysique des lois de la physique, en ce qu'elle nous montre du doigt, (...) la direction où marche le monde » (L'Évolution créatrice, rééd. PUF, « Quadrige », 1981, p. 244.) À la charnière de la science classique (issue de la révolution galiléenne) et de la double révolution scientifique de Carnot et des sciences du vivant (Darwin, Bernard), l'épistémologie bergsonienne exprime un néo-vitalisme qui prend acte de la durée créatrice du vivant imprévisible et irrévocable, apparemment opposée à la croissance de l'entropie du monde de la matière inerte. Contemporain de la controverse entre l'énergétisme (Ostwald) et l'atomisme néo-mécaniste (Boltzmann), Bergson soulignait la valeur heuristique du paradigme énergétique alors que Lénine, comme on sait, prenait position - contre les énergétistes disciples de Mach - pour le mécanisme des atomistes. Ce conflit qu'on croit de nos jours terminé par la victoire posthume de Boltzmann (et de la mécanique statistique) a récemment été ranimé, notamment par Georgescu-Roegen, grand admirateur de Bergson.

BOLTZMANN, Ludwig (1844-1906)

Physicien théoricien autrichien, l'un des plus brillants représentants de « l'esprit viennois » de la fin du XIXe, siècle. Son suicide à Duino, près de Trieste, au bord de la mer Adriatique - associé sans doute aux critiques et à l'incompréhension de ses contemporains - a fait couler beaucoup d'encre. La fortune de Boltzmann ne dépasse cependant pas, jusqu'à présent le cercle des spécialistes de l'épistémologie. Célèbre pour ses contributions fondamentales à la théorie cinétique des gaz (Leçons sur la théorie des gaz, trad. fr. 1902-5) et à la création de la mécanique statistique, il est aux origines de la nouvelle microphysique du XXe siècle, dont le paradigme mécaniste et le formalisme statistique sont critiqués par The Entropy Law and the Economic Process de Georgescu-Roegen. Comme bien d'autres savants de son époque, Boltzmann s'intéresse aussi à la philosophie des sciences et il est l'un des premiers à souligner l'importance de la notion de modèle dans la « connaissance approchée » (G. Bachelard) de l'activité scientifique. Boltzmann se retrouva en rivalité avec l'énergétisme (dérivé de la thermodynamique phénoménologique) qui dominait alors, notamment avec W. Ostwald et E. Mach. Au centre de l'œuvre de Boltzmann, la fameuse définition statistique de l'entropie, associée aux notions de désordre et de probabilité, est à l'origine du paradoxe soulevé par ses premiers critiques, Josef Loschmidt (1821-1895) et Ernst Zermelo (1871-1953), et repris, dans une autre perspective, par Georgescu-Roegen. Dans sa célèbre conférence de 1886 sur « le second principe de la théorie mécanique de la chaleur », Boltzmann a défini « la lutte générale pour l'existence » dans l'évolution biologique (Darwin) comme « une lutte pour l'entropie » : Lotka traduira pour l'énergie libre et Schrödinger pour l'entropie négative. Georgescu-Roegen s'inspire de ce courant de pensée qu'il fait à juste titre, remonter à Boltzmann, tout en critiquant la conception probabiliste de l'irréversibilité du temps du grand physicien viennois. Georgescu-Roegen est l'un des grands critiques de l'équivalence formelle (à une constante près), entre le concept mathématique d'information de Claude Shannon (1948) et la formule statistique de l'entropie de Boltzmann : S = k log W. L'ironie de l'histoire est que l'utilisation du mot entropie par Shannon a été suggérée par von Neumann avec la plaisanterie que cela lui donnerait un argument imparable dans les débats car en fait personne ne sait au juste ce qu'est l'entropie!

BORLAUG, Norman E. (1914)

Chercheur américain spécialisé en agrobiologie. Prix Nobel de la paix en 1970 pour son rôle de pionnier dans la « révolution verte » souvent présentée comme la solution miracle au problème de la faim dans le monde. C'est à partir de 1944, au Mexique, avec le soutien de la Fondation Rockefeller, que Borlaug développa, par hybridation, de nouvelles variétés de céréales à haut rendement. Ses recherches au Centro Internacional de Mejoramiento de Maiz y Trigo à Mexico seront imitées ailleurs, notamment à l'Institut international de la recherche rizicole aux Phillippines. De récentes analyses éco-énergétiques ont montré les limites thermodynamiques de ce type d'approche des « rendements » agricoles. Des tiers-mondistes et des écologistes ont exprimé de vives critiques sur les conséquences sociales et environnementales de ladite « révolution verte », une révolution techno-scientifique qui ne résout nullement, bien au contraire, selon Georgescu-Roegen, le problème entropique du développement bioéconomique de l'humanité.,

BOULDING, Kenneth E. (1910-1993)

Éminent économiste et social scientist américain d'origine anglaise. Né à Liverpool, il émigra en 1937 aux États-Unis où il deviendra professeur d'économie. Quaker, il s'engagea avec sa femme dans de nombreuses activités religieuses et pacifistes. Il protesta contre les essais nucléaires et la guerre du Vietnam. Il partage la vision évolutionniste de la Noosphère de Teilhard de Chardin. Son manuel d'analyse économique, assez classique, a connu de nombreuses éditions depuis 1941. Dès 1950, il publia A Reconstruction of Economics, ouvrage qui déclarait que la science économique n'était que la science sociale appliquée aux problèmes économiques et dont le premier chapitre s'intitulait « une introduction écologique ». Il fut un pionnier du thème de la réconciliation entre l'économie et l'écologie dans les années 60 et son influence, assez faible au sein de l'establishment économique, fut très étendue au delà. Son article de 1966 intitulé « The economics of the coming spaceship Earth » (republié dans son livre Beyond Economics: Essays on Society, Religion and Ethics, 1970) fait partie de nombreuses anthologies environnementalistes, mais Georgescu-Roegen y a relevé une grave erreur, car Boulding se trompe lorsqu'il déclare: il n'y a, heureusement, aucune loi de l'entropie matérielle croissante ». Cette erreur largement partagée prouve, selon Georgescu-Roegen, que le rapprochement entre l'économie et l'écologie doit passer par un examen approfondi de la thermodynamique qui relie ces deux domaines. Les derniers livres de Boulding, Ecodynamics: A New Theory of Societal Evolution (1978), Evolutionary Economics (1981) et TheWorld as a Total System (1985), l'associent à l'essor du courant évolutionniste en économie. L'entropie n'y joue manifestement pas le même rôle que chez Georgescu-Roegen! En 1954, il s'installa au nouveau Center for Advanced Study of the Behavioral Sciences de Palo Alto, en Californie, où il fonda avec Ludwig von Bertalanffy (1901-1972) et d'autres chercheurs la Society for Ceneral Systems Research. Il contribua ainsi à la série General Systems Yearbook commencée en 1956. En même temps, il développa la « Peace Research » et contribua à réactiver la tradition américaine de l'institutionnalisme (cf. Veblen). En 1968, il fut élu président de l'American Economic Association. Il fut également président de la prestigieuse AAAS (American Association for the Advancement of Science). Daly* revendique le double héritage de ses professeurs Boulding et Georgescu-Roegen.

BRIDGMAN, Percy Williams (1882-1961)

Physicien et épistémologue américain. Il fit d'importantes expériences dans le domaine des propriétés de la matière soumise aux hautes pressions, ce qui lui valut le Prix Nobel de physique en 1946. En 1939, il ferma son laboratoire d'Harvard aux visiteurs des pays totalitaires : un geste qui provoqua une vive controverse dans le monde académique. Il est célèbre en philosophie des sciences pour son « opérationalisme » qui, tirant les leçons méthodologiques de la révolution relativiste d'Einstein, réclame qu'on s'en tienne a un principe épistémologique fondamental, à savoir qu'un concept physique n'a de sens qu'à partir du moment où il est opératoire, mesurable dans le cadre d'une procédure expérimentale évitant toute ambiguïté. Ainsi, «le concept est synonyme avec l'ensemble d'opérations correspondant» (The Logic of Modern Physics, 1927). Cette philosophie de la théorie physique est aussi illustrée dans son livre - admiré par Georgescu-Roegen - sur The Nature of Thermodynamics (1941, 21 éd. 1961). Dans ses Reflections of a Physicist (1950, 21 éd. 1955), il critique l'interprétation statistique, c'est-à-dire purement mathématique («only using a paper and pencil model»), du second principe de la thermodynamique, introduisant l'expression de «contrebande d'entropie» reprise par Georgescu-Roegen.

BROWN, Harrison (1917-1986)

Chimiste et géochimiste américain. Pendant la deuxième guerre mondiale, il travaille (avec Seaborg*) sur la chimie du plutonium à Chicago et à Oak Ridge dans le cadre du Projet Manhattan (pour la fabrication de la bombe atomique). Professeur de chimie à Chicago (depuis 1946), puis, de 1951 à 1977, au California Institute of Technology (Cal Tech), à Pasadena, où il est également professeur de « Science and Govermnent ». Associé au programme atomique des USA, il fut directeur du célèbre Laboratoire national de Livermore, au cœur de la course aux armements nucléaires, qui fournit de nombreux responsables scientifiques au gouvernement des États-Unis. Il fut rédacteur en chef du Bulletin of the Atomic Scientists. Il participa au volume The Atmospheres of the Earth and Planets, édité par G.P. Kuiper en 1949, soulignant la nature secondaire (en fait biogéochimique) de l'atmosphère terrestre actuelle. Spécialiste des ressources naturelles, il publia plusieurs livres de prospective: Must Destruction Be Our Destiny ? (1946); The Challenge of Mans Future (1954); Human Future Revisited (1978); et en collaboration, The Next Hundred Years (1957); Resources in America’s Future : Patterns of Requirements and Availabilities 1960-2000 (1963). Voir son article de 1970 dans le no spécial du Scientific American sur « La Biosphère » cité par Georgescu-Roegen (chap. II).

CARNOT, Sadi (1796-1832)

Le fils aîné du Général Lazare Carnot (1753-1823), appartient comme son illustre père à la tradition militaire française des ingénieurs du Génie fondée par Vauban. La tradition de « la science des ingénieurs », dont B. Bélidor (1698-1761) fut le premier instituteur, marque la physique de la puissance de Carnot père et fils. Formé à l'École Polytechnique de Paris et à l'École d'application de l'artillerie et du génie de Metz, Sadi fut officier du Génie, lieutenant dans le Corps d'État-major, mais il demanda souvent à être mis en disponibilité pour s'occuper de ses recherches personnelles. Il voua sa vie solitaire, romantique, à ses recherches dans les sciences et les arts. Sans avenir sous la Restauration, il quitta finalement l'armée pour se consacrer à la physique, à la technologie industrielle et à l'économie politique. Véritable discours préliminaire de la « révolution industrielle », son unique ouvrage, Réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines propres à développer cette puissance, publié à compte d'auteur en 1824, resta longtemps incompris. Sauvé de l'oubli par l'ingénieur saint-simonien Emile Clapeyron en 1834 et surtout par le grand physicien anglais William Thomson (Lord Kelvin)* en 1848, le travail pionnier de Sadi Carnot sera considéré, rétrospectivement, comme l'acte de naissance de la Thermodynamique, dont le développement scientifique ne prend son essor qu'au milieu du XIXe, siècle. La fortune du « principe de Carnot «, qui deviendra le deuxième principe de la thermodynamique, la loi de l'entropie, avec Clausius*, constitue une véritable « révolution carnotienne », que la philosophie et 1'histoire des sciences commencent à peine à découvrir. Ses notes posthumes publiées par son frère cadet Hippolyte en 1878 prouvent qu'il abandonna la doctrine du calorique (substance qui se conserve) pour adopter l'équivalence de la chaleur et du travail mécanique, c'est-à-dire le premier principe de la thermodynamique (formulé par Mayer, Joule, Helmholtz et d'autres dans les années 1840). La découverte de « la conservation de l'énergie », dont le retentissement fut considérable, occulta longtemps l'importance de la loi de l'entropie dégagée par Clausius de « la théorie de Carnot ». Longtemps négligée, la figure historique de Sadi Carnot fait depuis peu l'objet d'une attention grandissante, comme en témoignent le colloque Sadi Carnot et l'essor de la thermodynamique de 1974, l'édition critique par Robert Fox (1978) et le numéro consacré à Carnot dans la collection « Les pères fondateurs de la science » des Cahiers de Science & Vie (no 20, avril 1994). Sadi Carnot, et non plus Newton, est le héros de la pensée économique de Georgescu-Roegen.

CARSON, Rachel L. (1907-1964)

Biologiste et « naturaliste » américaine, auteur de plusieurs ouvrages à grand succès sur la mer et l'océanographie: Under the Sea Wind (1941), The Sea around us (1951) (trad. fr. : Cette mer qui nous entoure, Stock, 1958), The Edges of the Sea (1955). Après avoir fait une carrière scientifique dans l'administration publique, au Bureau fédéral des pêcheries devenu Service fédéral des pêcheries et des eaux et forêts, elle. travailla plusieurs années à un ouvrage dénonçant les conséquences néfastes pour la, santé publique et l'environnement de l'utilisation indiscriminée et abusive des pesticides, qu'elle nomma des « biocides ». Cet ouvrage qu'elle intitula finalement Silent Spring (1962) connut un succès de scandale considérable et fut traduit dans plusieurs langues (trad. fr. : Printemps silencieux, Plon, 1963; Le Livre de Poche, 1968). Dès la parution des « bonnes feuilles » de Silent Spring dans la revue The New Yorker au printemps de 1962, et faute d'avoir réussi à convaincre l'éditeur de renoncer à publier ce livre en le menaçant de procès en dommages-intérêts estimés en millions de dollars, les grandes firmes chimiques américaines orchestrèrent une controverse scientifico-politique. De nombreux professeurs d'universités, surtout en médecine, se prêtèrent à cette campagne de diffamation et dénoncèrent les prétendues inexactitudes de l'auteur et le caractère émotionnel de son discours parfois explicitement attribué à son sexe. Certains critiques insinuèrent même que son opposition aux pesticides pourrait bien conduire le monde à la famine et le livrer au communisme. L'édition originale de Silent Spring comporte 48 pages de références scientifiques soigneusement sélectionnées par l'auteur. Lors de cette controverse à bien des égards exemplaire d'une certaine mutation des rapports entre science et politique, due à l'entrée en lice de l'écologie, Rachel Carson bénéficia de l'appui de plusieurs grands biologistes indépendants américains et étrangers, de l'appui de plusieurs hommes politiques, surtout des juristes, rendus prudents à la suite du scandale de la thalidomide. Elle fut « blanchie » par le Comité consultatif pour la science du Président Kennedy en mai 1963 sans que pour autant la controverse s'éteignît. Cette controverse contribua à faire entrer Rachel Carson dans le panthéon des pionniers de l'environnement. Elle reçut la Schweitzer Medal of Animal Welfare Institute; fut élue Conservationist of the Year par la National Wildlife Federation; fut également honorée par la National Audubon Society et l'American Geographical Society. Élue à l'American Academy of Arts and Letters. En 1980, le Président Jimmy Carter lui décerna à titre posthume la Presidential Medal of Freedom, la plus haute distinction civile du gouvernement américain.

CLARK, Colin (1905-1989)

Économiste et statisticien australien né à Londres. Il a contribué au livre de G. Meier et D. Seers, Les Pionniers du développement (trad. fr., Paris, Economica, 1984). Formé à Oxford, il enseigna d'abord à Cambridge. Il se fit connaître par ses nombreuses études quantitatives sur le produit national (le fameux PNB). Ses études statistiques comparatives mettent pour la première fois en évidence l'ampleur du fossé qui sépare les niveaux de vie matérielle des pays riches et des pays pauvres. De 1938 à 1952, il occupe en Australie divers postes dans l'administration publique et le monde universitaire. De 1953 à 1969, il est directeur de l'Institute for Research in Agricultural Economics à Oxford. Ensuite il retourne en Australie. Catholique et membre influent de la commission sur la population réunie par le pape (1964-66), il professa une vision « chrétienne » très optimiste de la croissance démographique et de la capacité de charge de la Terre, contribuant au refoulement de l'inquiétude suscitée par les premiers cris d'alarme des écologistes, comme William Vogt (1902-1968) avec son livre Road to Survival (1948; trad. fr. : La Faim du monde, 1950) ou F. Osbom*. Pour lui, la « propagande malthusienne » n'était que de la propagande! Growthmanship (1961) et The Myth of Overpopulation (1975) sont des titres éloquents! Il publia aussi (avec M.R. Haswell) Economics of Subsistence Agriculture (1964) et Population Growth and Land Use (1967). Également connu pour sa quantification de la doctrine de l'évolution relative des trois secteurs (répartition des emplois de la population active) : le primaire (agriculture), le secondaire (industrie) et le tertiaire (les services), qu'il présente comme une théorie des stades du « progrès économique ». Héritier lointain de l'arithmétique politique de W. Petty*, Clark se fonde sur la mesure de la productivité des différents secteurs économiques et voit l'apogée du progrès dans « l'économie de services », préfiguration du concept de société post-industrielle (développé ultérieurement par Daniel Bell et d'autres). Clark a exposé sa conception du développement économique dans Les conditions du progrès économique (1940; 2e éd. 1951 ; 31éd., 1957; trad. fr., 1960), un livre monumental qui exerça une grande influence sur la théorie du développement, de la croissance et de ladite « société post-industrielle ». Georgescu-Roegen n'a jamais accepté cette vision linéaire simpliste de l'histoire économique : l'économie des communautés paysannes n'est pas une phase primitive du progrès ! L'évolution économique de l'Occident n'est qu'une occurrence historique, pas une norme de l'histoire universelle! Clark illustre bien l'amalgame entre les notions de progrès, de croissance économique et de développement dans la nouvelle « économie du développement » des années 50-60. Cette conception économique du développement typiquement occidentalo-centrique, ignore les « discontinuités culturelles » (Claude Lévi-Strauss).

CLAUSIUS, Rudolf (1822-1888)

Physicien prussien, professeur à l'école d'artillerie de Berlin, puis au Polytechnicum et à l'Université de Zurich, et finalement à l'Université de Bonn. En 1850, il réconcilia le principe de Carnot avec celui de la conservation de l'énergie et fonda la nouvelle «Théorie mécanique de la chaleur» sur ces deux principes fondamentaux. Gibbs* verra dans ce travail de Clausius l'acte de naissance de la Thermodynamique en tant que science théorique. Clausius rassembla ses travaux de thermodynamique dans un traité en deux volumes intitulé Théorie mécanique de la chaleur (éd. all. 1864-67; trad. fr. 1868-69). Il contribua également à la théorie cinétique des gaz et à l'essor de l'électrodynamique. Vers la fin de sa vie, il s'intéressa, comme Jevons*, à l'avenir des ressources énergétiques indispensables à l'économie industrielle. En 1865 - après le mémoire de Thomson* (1852) sur la dissipation de l'énergie mécanique et les travaux de Rankine* sur l'énergétique, Clausius énonça les deux principes fondamentaux de la thermodynamique (désormais appelée classique) sous la forme vite célèbre : « L'énergie de l'univers est constante. L'entropie de l'univers tend vers un maximum. » Critiquant les conceptions cycliques de l'univers, il contribua à répandre la vision pessimiste très « fin-de-siècle » de « la mort thermique de l'univers ».

COMMONER, Barry (1917)

Biologiste américain. Le plus à gauche des écologistes de « la révolution de l'environnement ». Professeur de physiologie végétale, il créa (1966) et dirigea le Centre d'études biologiques des systèmes naturels à la Washington University de Saint-Louis. Il enseignera ensuite à New York. Scientifique militant dès l'après-guerre pour le contrôle civil de l'énergie atomique, il critiquera ensuite la politique de la U.S. Atomic Energy Commission et contribuera à promouvoir le débat public sur la science, la technologie et la société, notamment au sein du Saint Louis Committe for Nuclear Information (CNI)., du Scientists' Institute for Public Information et de l’Arnerican Association for the Advancement of Science (AAAS). Avec René Dubos et Margaret Mead notamment, il plaida pour la défense de l'environnement, l'éducation écologique, la démocratisation de la science et la responsabilité sociale des scientifiques. En 1966, son livre polémique Science and Survival (trad. fr. : Quelle terre laisserons-nous à nos enfants ?, Seuil, 1969) marque la naissance de la « science critique » J. Ravetz). Il critiqua le réductionnisme et le triomphalisme scientiste de la biologie moléculaire du gène, prophétisa (bien avant la théorie de l'hiver nucléaire) le péril écologique global d'une guerre nucléaire. Il dénonça le complexe militaro-industriel et son influence sur l'intégrité de la science, la démocratie et la sauvegarde de la biosphère (écosphère). En 1971, son-grand livre The Closing Circle: Nature, Man and Technology (trad. fr. : L'encerclement: problèmes de survie en milieu terrestre, Seuil, 1972), analyse les causes de la crise écologique en mettant l'accent sur la technologie américaine de l'après-guerre et non sur la démographie («la bombe P» de son rival Paul Ehrlich). Il est traduit dans de nombreux pays et son influence a été manifeste sur le mouvement environnementaliste dans le monde entier. Il a également publié The Poverty of Power : Energy and the Economic Crisis en 1976 (tract. fr. : La pauvreté du pouvoir: l'énergie et la crise économique, PUF, 1980), qui cite Georgescu Roegen; The Politics of Energy (1979); Making Peace with the Planet (1990). Promoteur d'une écologie politique démocratique radicale, il fut candidat du Citizens Party à la Présidence américaine en 1980.

DALY, Herman E. (1938 -)

Économiste américain, ancien élève de Georgescu-Roegen à l'Université Vanderbilt. Professeur à la Luisiana State University. Son premier article d'économiste hérétique, revendiquant l'héritage de Lotka, Georgescu-Roegen et Boulding, date de 1968. En 1972, il fit connaître les idées de Georgescu-Roegen à Edward Goldsmith, l'éditeur de The Ecologist, qui les publia. De 1988 à 1993, Daly travaille au nouveau département « Environnement;» de la Banque Mondiale à Washington. Il est aussi et surtout cofondateur de l'International Society for Ecological Economics (1988) et coéditeur de son journal académique Ecological Economics. Membre du Bureau des Directeurs du Beijer Institute for Ecological Econornics de la Royal Academy of Sciences de Suède. Auteur d'une remarquable anthologie environnementaliste intitulée Toward A Steady-State Economy (1973), rééditée sous le titre Economics, Ecology, Ethics (1980) et récemment révisée : Valuing the Earth (MIT Press, 1993). Il a également publié Steady-State Economics (1977; 2nd éd., Island Press, 1991). Avec le théologien protestant John B. Cobb, jr., il a publié For the Common Good : Redirecting the Economy Toward Community, the Environment, and a Sustainable Future (Beacon Press, 1989, 21 ed. 1994). Il a également participé à Ecologically Sustainable Economic Development : Building on Brundtland (World Bank, Environment Working Paper 46, 1991, et Paris, Unesco, 1991).

DUHEM, Pierre (1861-1916)

Physicien français d'une grande originalité dont le génie resta incompris de ses contemporains. Sa place dans l'histoire de la thermodynamique est mieux appréciée depuis les travaux de Prigogine*, comme l'a récemment mis en évidence Paul Brouzeng. Son oeuvre de philosophe et d'historien des sciences, tout aussi importante, fut plus vite reconnue, mais s'apprécie mieux depuis la « révolution » de Thomas Kuhn. Il fut professeur à Lille, à Rennes et à Bordeaux, mais jamais à Paris. Parmi ses livres: Thermodynamique et chimie (1902); Le mixte et la combinaison chimique : essai sur l'évolution d'une idée (1902); Traité d’Énergétique ou de Thermodynamique générale (1911); L'évolution de la mécanique (1903) ; La Théorie physique, son objet, sa structure (1905, 2e éd. 1914); La science allemande (1915). Ses Études sur Léonard de Vinci (1906, 1909, 1913) inaugurèrent dans l'historiographie la réévaluation de la science de la Chrétienté médiévale, ce qui n'allait pas sans intentions apologétiques pour ce Catholique très croyant. Son monumental Système du monde. Histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic a été publié entre 1913 et 1959. Depuis quelques années, en France et à l'étranger, la fortune critique de Duhem connaît un essor remarquable. Depuis sa reprise par Quine en 1951, « la thèse [de l'irréfutabilité] de Duhem », selon laquelle il n'y a pas « d'expérience cruciale », assez gênante pour la doctrine de la falsification de Popper (lequel a admis qu'en réalité « aucune réfutation décisive d'une théorie ne peut jamais être fournie »), est bien connue des spécialistes de la méthodologie en science économique, qui cependant connaissent mieux leur Popper que leur Duhem. Georgescu-Roegen a lu durant ses études parisiennes les principales œuvres de Duhem.

EDDINGTON, (Sir) Arthur (1882-1944)

Astrophysicien, physicien théoricien et philosophe anglais, issu d'une famille traditionnellement fidèle à la Société des Amis (les Quakers). Directeur de l'Observatoire de Greenwich et professeur à l'université de Cambridge. Il devint très vite un spécialiste de la théorie de la Relativité et de ses implications épistémologiques, philosophiques et cosmologiques : « Nous avons découvert que c'est effectivement une aide dans la recherche du savoir que de comprendre la nature du savoir que nous recherchons » (Philosophy of Physical Science, Cambridge University Press, 1939, p. 5). Il fait partie du petit groupe de savants (De Sitter et Weyl en Europe, Friedmann en Russie, Robertson aux USA), qui fondèrent la Cosmologie relativiste, marquée à la fin des années 20 par la théorie de « l'atome primitif » (le Big Bang) de l'abbé Georges Lemaître (1894-16) et la découverte de l'expansion de l'Univers grâce aux observations de l'Américain Edwin P. Hubble (1889-1953). Les principaux livres d'Eddington ont été traduits en français : Espace, Temps, Gravitation (Hermann, 1921); L'Univers en expansion (Hermann); Étoiles et Atomes (Hermann); La Nature du Monde Physique (Payot 1929); Nouveaux sentiers de la science (Hermann, 1936). Pour Eddington, le Devenir, le Temps de l'irréversibilité du deuxième principe de la thermodynamique, s'impose à notre conscience psychologique comme l'absurdité du renversement de la flèche du temps s'impose à notre raison et à notre observation du monde extérieur. Ainsi, l'association entre le Temps, la conscience et l'esprit ne fait aucun doute (cf. J. Merleau-Ponty, Philosophie et théorie physique chez Eddington, Paris, Les Belles Lettres, 1965). Une source d'inspiration scientifique majeure pour Georgescu-Roegen.

EINSTEIN, Albert (1879-1955)

Physicien d'origine allemande. Génie créateur et rebelle dont la popularité fait oublier les longues années d'obscurité en Suisse, Prix Nobel de physique en 1921, mais non pas pour sa théorie de la relativité. Ses premiers travaux concernent la thermodynamique statistique et la physique des quanta. Dans ses Notes autobiographiques (1949), il écrivit: « Newton, accepte mes excuses! La voie que tu as ouverte était la seule qu'un homme, doué d'une intelligence brillante et d'un esprit créateur, pouvait trouver à l'époque. ( ... ) Une théorie est d'autant plus compréhensive que ses prémisses sont simples, que le nombre d'éléments différents qu'elle met en relation est grand, et que son domaine d'application est étendu. Ceci explique1'impression profonde que me fit la théorie de la thermodynamique classique. Je suis convaincu que c'est la seule théorie physique qui, pour ce qui concerne ses concepts fondamentaux, ne sera jamais renversée (ceci à l'intention de ceux qui sont sceptiques par principe). » (Autoportrait, trad. par F. Lab, Paris, InterÉditions, 1980, pp. 34-35.) Peu avant sa mort, il écrivit à son vieil ami genevois Michel Besso, grand admirateur des Réflexions de Sadi Carnot et qui aimait lui rappeler l'irréversibilité du temps associée au deuxième principe de la thermodynamique : « Tout le problème de la flèche du temps n'a rien à voir avec le problème de la relativité. » Aux origines du renouveau de « la cosmologie du XXe, siècle » (J. Merleau-Ponty), Einstein semble être resté au seuil de la nouvelle vision du devenir cosmique qui fait de la loi de l'entropie, suivant l'intuition de Bergson, l'axe de la très longue durée astrophysique d'une évolution créatrice qui n'ignore pas les catastrophes. La rencontre entre Georgescu-Roegen et Einstein à Princeton n'a malheureusement pas laissé de traces.

ENGELS, Friedrich (1820-1895)

Intellectuel allemand influencé par la « Gauche hégélienne » qui émigre en 1842 en Angleterre pour travailler dans l'usine textile de son père à Manchester, jusqu'en 1869. Il s'intéressa très tôt à la critique de l'économie politique. La situation de la classe laborieuse en Angleterre (1845) est un classique de l'histoire économique et sociale de la Révolution industrielle. Sa rencontre avec Marx, dans le Paris de 1844, fut décisive et noua leur longue et étroite collaboration intellectuelle. Avec Marx, il écrivit notamment L'idéologie allemande et le fameux Manifeste communiste (I848) Son travail sur La Dialectique de la Nature, resté inachevé, fut publié pour la première fois en Russie en 1925. Il y traite beaucoup de la théorie mécanique de la chaleur, refusant l'interprétation pessimiste de la doctrine thermodynamique de la « mort thermique » de l'univers, opposition qui deviendra un véritable dogme épistémologique dans l'idéologie progressiste de l'URSS. L'influence des oeuvres de Marx et Engels sur la pensée communiste au XXe siècle fut considérable.

GALILÉE Galileo Galilei - (1564-1642)

La figure éponyme de la Révolution scientifique occidentale : la « révolution galiléenne » (G. Gusdorf). Né à Pise, d'un père musicien, il commença des études de médecine avant de découvrir sa passion pour la mécanique, les mathématiques et l'astronomie. Professeur de mathématiques à Pise, à Padoue, à Venise et à Florence. En 1610, il publie un livre intitulé Sidereus Nuncius, « Le Message céleste » (cf. Le Messager des étoiles, Seuil, coll. Sources du savoir, 1992), « qui contient et explique des observations récentes effectuées à l'aide d'une nouvelle Lunette, sur la face de la Lune, dans la Voie Lactée et les Nébuleuses, sur d'innombrables Étoiles fixes, ainsi que sur quatre Planètes, ignorées jusqu'à nos jours ». Il y confirme l'héliocentrisme du système de Copernic. Rarement un livre scientifique a marqué une ère nouvelle comme celui-ci : la naissance de la science instrumentale moderne. En 1632, il publie Dialogue sur les deux grands systèmes du monde (Seuil, coll. Source du savoir, 1992). La réaction des théologiens du pouvoir de l'Église fera de la vie de Galilée un drame, hélas, exemplaire de ladite modernité. Ses idées hérétiques furent condamnées par le Saint-Office de Rome lors de deux procès retentissants, en 1616 et en 1633. En 1623, sous les auspices de l'Académie des Lynx, il publia Il Saggiatore (« L'Essayeur ») dans lequel il défend la philosophie mécaniste qui sera le fondement de la science moderne. Son livre Discours concernant deux sciences nouvelles, publié par le célèbre imprimeur Elzevier en Hollande (pays protestant) en 1638, qui traite des lois de la Dynamique et de la résistance des matériaux, annonce la « science mécaniste » qui précède la révolution industrielle.

GIBBS, Josiah Willard (1839-1903)

Ingénieur et physicien mathématicien américain. Il enseigna à l'Université de Yale de 1871 à 1900. Il contribua à l'étude de l'Équilibre des substances chimiques (trad, fr., 1899) et au développement méthodologique de la chimie physique. Son traducteur et disciple français, Henri Le Châtelier (1850-1936), compara son influence sur la chimie à celle de Lavoisier. Ses travaux ne seront pas immédiatement reconnus, mais son livre Elementary Principles in Statistical Mechanics with Special Reference to the Rational Foundation of Thermodynamics (1902; trad. fr., 1926), qui faisait de la thermodynamique une branche de la mécanique statistique, aura une profonde influence sur l'enseignement de la physique au XXe siècle. Il fit du concept d'entropie, encore discuté en son temps, une notion essentielle de la détermination des équilibres physico-chimiques. Toutefois, ces multiples définitions probabilistes de l'entropie ne sont pas identiques à celles de Boltzmann, ce qui ne contribua pas à clarifier cette notion, « prodigieusement abstraite » (H. Poincaré).

HALDANE, John Burdon Sanderson (1892-1964)

Biologiste et généticien anglais, encyclopédiste et anticonformiste. Formé à Oxford et Cambridge. Il fit d'importantes contributions, notamment de caractère mathématique, à la génétique et à la théorie de l'évolution, rassemblées dans The Causes of Evolution (1932). Il publia beaucoup et fut un excellent vulgarisateur des problèmes de l'évolution biologique. Au University College de Londres, il prit la relève de Karl Pearson. Son influence sur Georgescu-Roegen reste à étudier. Il fit partie, aux côtés de J. Needham et J.D. Bernal, du fameux « Collège visible » (G. Werskey) des scientifiques socialistes anglais vivement impressionnés par le développement de l'URSS et du matérialisme dialectique. En 1929, il publia un article désormais historique sur « l'origine de la vie », associé rétrospectivement au premier livre (1924) du biochimiste russe A.I. Oparin (1894-1980), à la base de la recherche contemporaine. En 1957, il émigra définitivement en Inde. Désormais habillé à l'indienne, il installa son laboratoire de biométrie et de génétique à Calcutta. Dissident de l'Occident, protestant contre les essais nucléaires et adoptant la non-violence de la philosophie hindoue, il peut être considéré, à l'instar de son ami Aldous Huxley (1894-1963), comme un précurseur de la «contre-culture» et du mouvement écologiste.

HELM, Georg (1851-1923)

Physicien allemand injustement négligé par les historiens des sciences. Professeur à l'École polytechnique de Dresden. Il était avec OstwaId*, l'un des théoriciens de la grande école énergétique germanique de la fin du XIXe siècle. Auteur de Die Lehre von der Energie historisch-kritisch entwickelt (Leipzig, 1887) ; Grundzüge der mathematische Chemie : Energetik der chemischen Erscheinungen (Leipzig, 1894); Die Energetik nach ihrer geschichtlichen Entwickelung (Leipzig, 1898).

HUYGENS, Christiaan (1629-1695)

Issu d'une riche famille hollandaise, il étudia le droit puis les sciences mathématiques. Il devient membre de la Royal Society de Londres, nouvellement fondée. En 1656, il invente l'horloge à pendule. On l'appelle la nouvelle Académie royale des sciences de Paris, où il s'installe de 1666 à 1681. En 1673, alors que la France et son pays sont en guerre, il dédie au roi de France son ouvrage Horologium Oscillatorium. Après Newton, il fut le savant le plus influent de la fin du XVIIe siècle. Il s'occupa beaucoup des lois de la mécanique et de la construction des machines et de divers instruments scientifiques. Il développa la théorie ondulatoire de la lumière. Il s'intéressa aux fontaines, comme Pierre Perrault qui lui dédia, en 1674, son traité De l'origine des fontaines. Avec son jeune assistant, Denis Papin (1647-1712), il reprend les essais, déjà anciens, sur «une nouvelle force mouvante par le moyen de la poudre à canon», une étape encore embryonnaire dans l'histoire de la machine à vapeur. Papin lui dédie en 1674 ses Nouvelles expériences du vide. Il partage de nombreux intérêts intellectuels avec Leibniz, comme celui de l'élaboration du calcul infinitésimal ou de l'exhaure de l'eau dans les mines au moyen de machines à feu expérimentales. Cosmotheoros, sa « Science de la constitution générale de l'Univers » admirée par Kant, est un livre posthume de 1698.

JEVONS, William Stanley (1835-1882)

L'un des pères de la prétendue révolution marginaliste en économie, illustrée également par les noms du français Léon Walras et de l'autrichien Carl Menger dans les années 1870. La pensée marginaliste fonde la valeur sur l'utilité et non plus sur le travail comme chez les classiques de l'économie, politique et dans la doctrine marxiste. Fils d'un commerçant de Liverpool. Il devint professeur à l'université de Manchester puis de Londres. La première réputation de ce célèbre économiste de l'Angleterre victorienne est celle d'un logicien, pionnier dans l'application des méthodes statistiques en économie, philosophe des sciences, qui faisait l'éloge de la méthode hypothético-déductive. Dans son ouvrage majeur, La théorie de l'économie politique (1871; trad. fr.: 1909), il fonde « la science économique » dans un cadre mathématique qui lui permet de présenter les lois du monde économique comme rigoureusement analogues à celles du monde physique qui, soulignait-il, «ont leur base plus ou moins directement dans les principes généraux de la mécanique rationnelle». Ainsi, disait-il, si l'économique veut être une science, elle doit être une science mathématique, analogue à la mécanique rationnelle. Il publia aussi The Coal Question : an Inquiry concerning the Progress of Nation and the Probable Exhaustion of our Coal-Mines (1865), qui préfigure le débat lancé par le Club de Rome sur les ressources; mais sa vision des rapports entre la prospérité économique et les ressources naturelles, qu'il n'approfondit pas, reposait sur une conception encore très lacunaire du « métabolisme industriel » et des données statistiques insuffisantes. Georgescu-Roegen voit en Jevons le brillant représentant de l'arithmomorphisme et de l'épistémologie mécaniste de l'économie standard contemporaine.

KELVIN, Lord - William THOMSON (1824-1907)

L'un des plus éminents physiciens de l'Angleterre victorienne. Né en Irlande, d'un père mathématicien, il fit ses études à Glasgow puis à Cambridge et Paris. Sa vocation scientifique prit naissance à la lecture de la Théorie analytique de la chaleur de Fourier et de la Mécanique céleste de Laplace. A Paris, il découvrit avec enthousiasme l'article d'Emile Clapeyron sur la théorie de Carnot mais il chercha en vain l'œuvre de Sadi Carnot, qu'un ingénieur écossais, Lewis Gordon, lui procura en 1848, date à laquelle il publia un exposé de la théorie de Carnot sur la puissance motrice de la chaleur. En 1846, à propos de l'approche de Carnot il déclara que « rien dans toute la Philosophie Naturelle n'est plus remarquable que l'établissement de lois générales par un tel mode de raisonnement ». À partir de la théorie de Carnot il introduisit en 1848, l'échelle thermométrique absolue. À cette époque, il fit la connaissance de James Joule, qui démontrait l'équivalence du travail et de la chaleur (à l'origine du principe de la conservation de l'énergie) et qui contestait Carnot. Thomson en était très troublé : il mit quelques années à réaliser la réconciliation de Joule et de Carnot, réconciliation effectuée en Allemagne par Clausius*.

LAPLACE, Pierre Simon (1749-1827)

Mathématicien, astronome et physicien français. Figure dominante de la vie .scientifique parisienne à la fin du siècle des Lumières, à l'époque où Paris était la capitale scientifique de l'Europe. Dans son Exposition du système du monde (1796) et dans son monumental Traité de mécanique céleste (1799-1825), il établit définitivement le paradigme newtonien de la vision mécanique du monde: un univers régit par des lois mathématiques, mécaniste, *déterministe, stable et cyclique. Dans son Essai philosophique sur les probabilités, qui sert d'introduction à la 21 édition (1814) de sa Théorie analytique des probabilités, Laplace porte à la perfection l'idée rationaliste du déterminisme universel, inséparable du postulat de l'objectivité de la connaissance qui est en fait celle de l'intelligence divine. Avec Lavoisier, il publia un célèbre Mémoire sur la chaleur (1780), qui illustre bien la préhistoire de la thermodynamique; il commençait ainsi - « Dans l'ignorance où nous sommes sur la nature de la chaleur, il ne nous reste qu'à bien observer ses effets... » Comme Condorcet et sa « mathématique sociale », il contribua à l'application du calcul des probabilités dans les sciences sociales. « Héros de la science normale » (J. Merleau-Ponty), Laplace symbolise le dogme newtonien dont Georgescu-Roegen a analysé l'immense influence sur la formation épistémologique de la science économique dominante.

LEONTIEF, Vassili (1906)

Prix Nobel d'économie en 1973. Économiste américain d'origine russe, né à Saint-Petersbourg. Il quitta la jeune Union soviétique en 1925 pour Berlin, où il présenta sa thèse de doctorat intitulée Die Wirtschaft als Kreislauf - l'économie comme flux circulaire (1928). En 1929-1930, fait la connaissance du monde asiatique, des pays dits sous-développés, en devenant conseiller du gouvernement chinois pour les chemins de fer. Au début des années 30, il émigre définitivement aux États-Unis, où il est accueilli au National Bureau of Economic Research par Simon Kuznets (1901-1985), prix Nobel d'économie en 1971, et très vite intégré au département d'économie de l'Université d'Harvard. Il y sera professeur jusqu'en 1976. Léontief est connu des statisticiens et de tous les étudiants en économie pour ses tableaux « input-output » des interrelations entre les différents secteurs de l'activité économique. Se préoccupant de la pollution de l'environnement dès le début des années 70, il chercha à intégrer cet aspect de la production dans son analyse input-output. Ce modèle n'est toutefois pas un changement de paradigme car il représente une application empirique de la théorie de l'équilibre général fondée par Walras. Parmi ses livres -La Structure de l'économie américaine, 1919-1939 (1941 ; trad. fr., 1958); Input-Output Economics (1966). L'expertise de Wassily Leontief (1977; trad. fr., 1977), étude menée pour le compte de l'ONU sur l'avenir de l'économie mondiale, envisageait des taux de croissance surprenants! Dans une lettre publiée dans la revue américaine Science du 9 juillet 1982, Léontief lança une cinglante critique de « l'économique académique ».

LIEBIG, Justus von (1803-1873)

Chimiste allemand. Il fit une partie de ses études à Paris, avec Gay-Lussac. Nommé en 1824 professeur de chimie à l'Université de Giessen, où il installa un laboratoire exemplaire de renommée internationale. A partir de 1851, il enseigna à Munich. Il est souvent considéré comme le fondateur de la chimie organique et de l'agronomie moderne. Ses études systématiques des relations entre la chimie organique, la physiologie et l'agriculture sont contemporaines de celles du grand agronomiste français Jean-Baptiste Boussingault (1802-1887). Son célèbre ouvrage Lettres sur la Chimie et sur ses applications à l'industrie, à la physiologie et à l'agriculture (1ère éd all. 1840; nombreuses éditions et traductions, y compris en français dès 1844) exerça une profonde influence sur tout le développement de la civilisation industrielle occidentale dans ses rapports avec la nature. Son oeuvre, qui souligne les cycles des éléments chimiques nécessaires au métabolisme des organismes vivants, appartient pour une bonne part à l'histoire de l'écologie, plus précisément à la préhistoire de la bio-géochimie et de l'écologie.

LOTKA, Alfred J. (1880-1949)

Statisticien et démographe américain né à Lemberg (Empire Austro-Hongrois avant d'être annexé sous le nom de Lvov à l'Ukraine). Après une éducation internationale en France, en Angleterre et en Allemagne (à Leipzig, il fut enthousiasmé par l'enseignement d'Ostwald, le pape de l'énergétique), il s'installa au début du XXe siècle à New York, poursuivant des études universitaires et gagnant sa vie en faisant différents métiers. Il publia une série d'articles, notamment sur la thermodynamique de l'évolution, avant d'écrire son grand livre Elements of Physical Biology (1925), réédité en 1956 sous le titre Elements of Mathematical Biology, et considéré alors comme un classique de l'écologie théorique. Dès 1925, il fit partie de l'Ecological Society of America. Contemporain des travaux biogéochimiques de l'Académicien russe Vladimir Vernadsky (1863-1945), qu'il apprécia immédiatement, Lotka développa une approche globale du « système du monde » (la Biosphère de Vernadsky) qui ouvrit la voie ' à l'écologie des écosystèmes, développée après la deuxième guerre mondiale par les élèves du professeur G.E. Hutchinson (1903-1991) à Yale University, et notamment les frères Eugene et Howard Odum. Lotka précède aussi la théorie générale des systèmes de Ludwig von Bertalanffy (1901-1972). Il est reconnu de nos jours comme un pionnier dans l'application de la thermodynamique à la biologie, à la sélection naturelle et au processus irréversible de l'évolution. L'une des sources majeures de Georgescu-Roegen, il est un pionnier dans l'approche biophysique de l'économie, introduisant en 1945 le terme exosomatique pour désigner l'évolution technique (accélérée) de l'espèce humaine qui fait selon lui, intimement partie de la Biosphère.

MACH, Ernst (1838-1916)

Il lutta contre les prétentions métaphysiques du mécanisme. Il n'existe pas d'autres réalités que nos propres sensations. Toutes les sciences exactes ne sont en dernière analyse, qu'une tentative d'adaptation de nos pensées à nos sensations, selon un point de vue purement économique déterminé par la pression de la lutte pour la vie. Le principe d'économie de Mach, qui postule que le plus grand nombre possible de faits observables doit être organisé en accord avec le plus petit nombre possible de principes a été revendiqué par Einstein. Georgescu-Roegen en fait également grand cas.

Die Principien der Wärmelehre, historisch-kritisch entwickelt (Leipzig, 1896).
La Mécanique, exposé historique et critique de son développement (trad. par E. Bertrand, Paris, Hermann, 1925).

MADDOX, John (1925)

Journaliste scientifique anglais. Célèbre pour sa polémique contre le catastrophisme du Club de Rome et du mouvement écologiste. Physicien de formation. En 1972, rédacteur en chef de la prestigieuse revue scientifique anglaise Nature, il critiqua violemment le rapport Meadows, The Limits to Growth, et professa un optimisme très scientiste (proche de celui de son compatriote W. Beckerman) dans un livre significativement intitulé The Doomsday Syndrome (1972), où il attaquait les arguments des écologistes et tentait de minimiser les menaces de l'expansion de la technoscience occidentale.

MALTHUS, Robert (1766-1834)

Clergyman anglais qui n'aimait ni l'optimisme historique de la philosophie des Lumières ni la prolifération des pauvres. Professeur d'économie à l'université fondée par la Compagnie des Indes occidentales. Après sa rencontre avec Ricardo, il écrira ses Principes d'économie politique (1820). Il relia l'économie, la démographie et la nature (l'environnement) dans une célèbre théorie qui postule une contradiction entre une loi d'accroissement géométrique de la population et une loi d'accroissement arithmétique de la nourriture. Ainsi, la cause qui fait obstacle au progrès de l'humanité vers le bonheur est « la tendance constante de tous les êtres vivants à accroître leur espèce au delà des ressources de nourriture dont ils peuvent disposer». Sa vision naturaliste de « la lutte pour la vie », qui fit une forte impression sur Darwin et Wallace, fut énoncée pour la première fois en 1798 (1ère - trad. fr. : I.N.E.D. 1980!) dans un retentissant Essai sur le Principe de population et son influence sur le progrès futur de la société. La deuxième édition de 1803, la plus connue, intitulée Essai sur le Principe de population, ou exposé de ses effets sur le bonheur humain, dans le passé et le présent, avec des recherches sur nos perspectives de supprimer ou de diminuer à l'avenir les maux qu'il occasionne, constitue en fait un nouvel ouvrage, qui connaîtra plusieurs éditions et traductions (voir la récente édition de J-P. Maréchal, GF-Flammarion, 1992). La controverse suscitée par ce livre à scandale n'a jamais cessé, elle a été renouvelée par le débat sur la crise écologique et les « limites à la croissance ». Des auteurs écologistes, comme P. Ehrlich ou R. Dumont, n'hésitent pas à contredire l'opinion courante et à affirmer, avec Georgescu-Roegen: « Malthus avait fondamentalement raison ».

MARSHALL, Alfred (1824-1942)

Économiste anglais, représentant par excellence l'orthodoxie de la pensée économique de la société industrielle occidentale. Titulaire, à partir de 1884, de la chaire d'économie politique de l'Université de Cambridge, où il exerça une fantastique influence. John Maynard Keynes (1883-1946), qui fut son élève, écrira : « nous sommes tous les élèves d'A. Marshall ». Avec ses Principles of Economics (1890; 8e éd. 1948 ; trad. fr. : Principes d'économie politique, Paris, Giard et Brière, 2 vols., 1961), Marshall assura une immense autorité à l'école néo-classique de l'Économique. Significativement, le terme economics prendra dans le monde anglo-saxon de plus en plus la place de celui d'économie politique. Dans une étude bien connue intitulée «Physical and biological analogies in political economy» (1898), et dans ses Principes d'économie politique, Marshall soulignait déjà que la science économique avait trouvé sa «Mecque» dans la physique et plus particulièrement dans la mécanique (les notions d'équilibre, de statique et de dynamique sont clairement issues de la mécanique classique), alors que l'économie, disait-il, est «une science de la vie, voisine de la biologie plutôt que de la mécanique».

MARX, Karl (1818-1883)

Une bonne partie de sa vie d'intellectuel socialiste allemand sera consacrée à la critique de l'économie politique et à l'analyse historique et théorique du mode de production capitaliste. À Paris, dans les milieux socialistes, il collabore avec Friedrich Engels (1820-1895). Tous deux écrivent L'Idéologie allemande (inédit avant 1932) et le Manifeste communiste (1848). Son œuvre majeure Le Capital (Livre I., 1867), qui décrit le caractère dynamique et circulaire du processus économique, devint une bible aussi influente et controversée que L'Origine des espèces de Darwin. Observateur de l'industrialisation et de l'expansion du machinisme, sa critique, qui conserve toutefois l'idéologie du progrès des Lumières et l'ethnocentrisme de son temps, aura une immense influence sur le mouvement socialiste, dont l'essor marque tout le XIXe siècle et plus encore, avec le marxisme officiel de l'Union soviétique, le XXe siècle. Sa philosophie des rapports entre l'homme et la nature, marquée par les sciences naturelles de son temps, reste enracinée dans le saint-simonisme, autrement dit l'humanisme prométhéen de la culture judéo-chrétienne occidentale. Sa conception historique de « la transformation du monde » est bien contemporaine du développement de la thermodynamique mais, pour une raison chronologique assez évidente, elle ne prend pas en compte les aspects bioéconomiques de l'entropie. Sans naturellement imaginer les conséquences de leur position, Marx et Engels (Lettres sur les sciences de la nature, Paris, Éditions sociales, 1973) s'opposeront à l'énergétisme et à la doctrine de la «mort thermique» de l'univers, position qui deviendra l'un des dogmes de la doctrine soviétique officielle.

MILL, John Stuart (1818-1873)

Fils du philosophe écossais James Mill, John suivra son père à Londres et sera également employé par la Compagnie des Indes et l'une des figures marquantes de l'économique politique dite classique. Il adopta l'utilitarisme de son père et s'enthousiasma pour le positivisme d'Auguste Comte. A l'âge de 24 ans, il commença son traité System of Logic, qu'il publia en 1843. Dans ses Principes d'économie politique, (1848; trad. fr., 1873), le livre IV contient un célèbre chapitre VI sur «l'état stationnaire», où l'auteur fait voir que l'accroissement de la richesse n'est pas illimité, qu'à la fin de ce qu'on appelle l'état progressif, se trouve l'état stationnaire. Ce chapitre a été remis à l'honneur pas certains critiques de la croissance: «Il n'est pas nécessaire de faire observer, précise Mill, que l'état stationnaire de la population et de la richesse n'implique pas l'immobilité du progrès humain. Il resterait autant d'espace que jamais pour toute sorte de culture morale et de progrès moraux et sociaux; autant de place pour améliorer l'art de vivre et plus de probabilité de le voir amélioré lorsque les âmes cesseraient d'être remplies du soin d'acquérir des richesses. Les arts industriels eux-mêmes pourraient être cultivés aussi sérieusement et avec autant de succès, avec cette seule différence, qu'au lieu de n'avoir d'autre but que l'acquisition de la richesse, les perfectionnements atteindraient leur but, qui est la diminution du travail.» Mill ne perçoit manifestement pas toutes les conséquences du développement scientifique et technologique de la société industrielle! Ainsi, tout en admettant comme inflexibles les lois de la production des richesses définies par Ricardo et toute l'école classique à laquelle il appartient, il insistait sur l'aspect moral de leur répartition. Son libéralisme n'est pas le « laissez-faire».

MISHAN, Ezra J. (1917)

Économiste anglais spécialiste de l'économie du bien-être (welfare economics) et donc du problème des externalités, dont il a donné une remarquable synthèse en 1971: «The postwar literature on externalities: an interpretative essay» (Journal of Economic Literature, 9, pp. 1-28). Professeur à la London School of Economicss puis à l'Université du Maryland. Auteur en 1967 d'un ouvrage iconoclaste qui fit scandale : The Costs of Economic Growth, et dont le premier chapitre s'intitulait « Growthmania», autrement dit la manie ou l'obsession de la croissance. Selon Mishan, en Angleterre, le dogme officiel de la croissance remonte à l'établissement du National Economic Development Council en 1962. En 1977, il a publié The Economic Growth Debate: An Assessment, livre qui ne fait malheureusement aucune mention des contributions de Georgescu-Roegen à ce grand débat. Son plus récent livre s'intitule Economic Myths and the Mythology of Economics (1986).

NERNST, Walter (1864-1941)

Physico-chimiste allemand qui enseigna à Göttingen puis à Berlin. Prix Nobel de chimie en 1920. Utilisant une méthode électrique de détermination des chaleurs spécifiques, il fit des mesures à très basse température qui l'amenèrent, à comprendre qu'au voisinage du zéro absolu les chaleurs spécifiques et les coefficients de dilatation tendent vers zéro. En 1906, il formula ce qu'on appelle le « troisième principe de la thermodynamique », modifié en 1927 par F.E. Simon, qui constitue une remarquable contribution à la signification physique du concept d'entropie.

NEWCOMEN, Thomas (1663-1729)

Forgeron marchand de fer et mécanicien-inventeur de la province minière du Devon (Angleterre) qui fabriqua la première machine à piston atmosphérique dont l'usage dans les mines anglaises pour l'exhaure de l'eau se développa durant tout le XVIIIe siècle. De religion baptiste, il fait partie des non-conformistes qui préparèrent ce qu'on appellera bien plus tard la révolution industrielle. On connaît mal sa dette intellectuelle envers ses prédécesseurs et le milieu scientifique. En 1705, il se lia à Thomas Savery. Il combine un piston et le cylindre de Guerike avec la chaudière séparée de Savery pour mettre au point la première machine à vapeur utilisable. Le but est toujours de pomper l'eau, et d'abord dans les mines. La première mention de la fabrication de la machine de Newcomen date de 1712; la deuxième de 1714. La première machine Newcomen construite en France, à Passy, date de 1726, la deuxième se situe à Fresnes en 1732. Toute l'Europe des Lumières- s'intéressa à cette machine à feu dont Bélidor, dans sa célèbre Architecture hydraulique, dit: «Voilà la plus merveilleuse de toutes les Machines; le Mécanisme ressemble à celui des animaux, La chaleur est le principe de son mouvement.» Mais durant sa vie, Newcomen resta peu connu et il ne reçut aucun honneur. Sa machine, dont le fonctionnement peu rationnel, d'un rendement dérisoire, sera améliorée par John Smeaton (1724-1792), lequel inspirera les célèbres recherches de James Watt (1736-1819), connut un certain succès durant tout le XVIIIe (plus de 1500 machines), non seulement en Angleterre, mais encore sur le continent et en Amérique. Même durant les brevets de Watt (1769-1800), on construisit en Angleterre davantage de machine de Newcomen.

ODUM, Howard T. (1924)

Écologiste américain qui est devenu le principal théoricien du paradigme énergétique en écologie des systèmes. Son livre Environment, Power and Society (1971) fait de lui le père de l'ingénierie écologique ou écotechnologie. Avec sa femme Elisabeth, il a publié Energy Basis for Man and Nature (1976, 2e éd. 1981). Ancien élève du professeur George Evelyn Hutchinson (1903-1991) à l'Université de Yale, il contribua au grand traité de son frère aîné Eugene Odum (1913), Fundamentals of Ecology (1953, 1959, 1971), rédigeant le chapitre sur les concepts et les principes liés à l'énergie. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, sur les conseils d'Hutchinson, il consacra sa thèse (1950) à la biogéochimie du strontium. Poursuivant l'héritage de Lotka et de Vernadsky assimilé par Hutchinson, Odum développa une méthodologie écosystémique fondée sur les principes de la thermodynamique et le concept de cycle biogéochimique qui permet d'analyser la circulation des flux d'énergie et de matière dans les systèmes naturels, non seulement de la Biosphère mais encore de la technosphère créée par la société humaine. En 1983, il a publié un gros traité intitulé Systems Ecology: An Introduction. À partir d'analogies et de modèles tirés de l'ingénierie des circuits électriques, il a développé un vocabulaire de symboles proposé comme langage universel pour tous les experts de l'analyse éco-énergétique, désormais à la mode dans la «gestion de l'environnement». En français, on peut consulter: GonzaguePillet et Howard T. Odum, E3: Energie, Ecologie, Economie, Genève, Georg, 1987.

ONSAGER, Lars (1903-1976)

Ingénieur chimiste et physicien théoricien américain d'origine norvégienne. Il émigra aux États-Unis en 1928, poursuivant pratiquement toute sa carrière à l'Université de Yale où il occupa « la chaire J. Willard Gibbs pour la chimie théorique ». Durant la deuxième guerre mondiale, il travailla sur les bases théoriques de la diffusion gazeuse comme moyen de séparer l'uranium-235 de l'uranium-238, une étape essentielle dans la fabrication de la bombe atomique menée par le Projet Manhattan. Prix Nobel de chimie de en 1968 pour ses contributions (qui datent de 1929-1931) au développement de la thermodynamique des processus irréversibles. Cette nouvelle orientation de la thermodynamique loin de l'équilibre (contrairement donc à la thermodynamique classique) a été poursuivie et développée par « l'école de Bruxelles » animée depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale par Prigogine*.

OSBORN, Fairfield (1887-1969)

Naturaliste et « conservationniste « américain. Président de la New York Zoological Society et, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, de la Conservation Foundation. L'un des principaux fondateurs du mouvement international pour la conservation de la nature, définitivement institutionnalisé avec la création, lors de la Conférence de Fontainebleau, sous les auspices de l'Unesco, en 1948, de l'Union Internationale pour la Protection de la Nature, qui deviendra en 1956 l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources). A contre-courant de l'idéologie du progrès et du développement économique, il lança l'un des premiers cris d'alarme du catastrophisme écologique contemporain avec son livre Our Plundered Planet (1948, rééd. 1968), publié en français en 1949 : La Planète au pillage. En 1955, il développa sa vision écologique du développement démographique et économique de l'humanité dans The Limits of the Earth.

OSTWALD, Wilhelm (18 53-1932)

Éminent chimiste et physico-chimiste allemand. Professeur à l'Université de Leipzig. Fondateur et théoricien de l'École énergétiste germanique. Prix Nobel de chimie en 1909 « Pour ses travaux sur la catalyse et ses travaux préparatoires sur les conditions d'équilibre chimique et de vitesse de réaction ». Il fit également œuvre d'historien des sciences. En 1895, il prononça un discours retentissant et très controversé, Die Überwindung des wissenschaftlichen Materialismus (Le dépassement du matérialisme scientifique), qui fit de lui le pape d'une nouvelle école anti-mécaniste et anti-atomiste, l'énergétisme. Ce texte célèbre, publié en français sous le titre « La déroute de l'atomisme contemporain » dans la Revue générale des sciences pures et appliquées (15 novembre 1895), condamnait la vision du monde de la Mécanique rationnelle incapable de reconnaître et d'expliquer l'irréversibilité des phénomènes de la vie dans la Nature réelle. Ostwald a édité en Allemagne Sadi Carnot dans sa collection des classiques de la science en 1892. Il était très lié à Mach, dont il se réclamait. Parmi ses livres traduits en français : L'Énergie (Paris, Alcan, 1910); Les Fondements énergétiques de la science de la civilisation (Paris, Baillière, 1910); Esquisse d'une Philosophie des Sciences (Paris, Alcan, 1911); L'Évolution d'une science: la chimie (Paris, Flammarion, 1909; tract. de la dernière éd. all. par M. Dufour, 1927). Die Energetische Imperativ, Leipzig, 1912.

PEARSON, Karl (1857-1936)

Statisticien anglais. Sa première formation est celle du droit, il se tourne ensuite vers les mathématiques. Il est nommé en 1884 professeur de mathématiques appliquées à l'University College de Londres. Membre de la Royal Society. Fondateur de, la statistique mathématique moderne et pionnier de son application dans les sciences biologiques et sociales. Très influencé par Francis Galton (1822-1911), le célèbre cousin de Darwin et inventeur de l'eugénique, il enseignera cette nouvelle science très controversée. Il publia beaucoup dans son propre journal, Biometrika, revue fondée en 1901 à laquelle contribua Georgescu-Roegen. Il marqua la philosophie des sciences de son, temps en publiant La Grammaire de la science. La physique (1892, tract. fr.: 1912), ouvrage qui aura une profonde influence sur la formation intellectuelle de Georgescu-Roegen.

PETTY, William (1623-1687)

Médecin anglais formé aux universités de Leideri, de Paris et d'Oxford. Après avoir exercé la médecine, il fut professeur d'anatomie à Oxford. Il fut aussi propriétaire terrien en Irlande. A Londres, il fut membre du Parlement, professeur de musique et membre fondateur de la Royal Society (1662). Tenant de l'épistémologie empiriste de Bacon et de la mode des mathématiques qui prédominaient à la nouvelle Société Royale de Londres, il a été considéré comme l'un des premiers économistes au sens moderne du terme, du fait de son Treatise of Taxes and Contributions (1662), de ses Essays in Political Arithmetick and Political Survey or Anatomy of Ireland (1672) et de plusieurs Essays in Political Arithmetick parus entre 1680 et 1690. En tant que fondateur de l'Arithmétique politique, on le considère dans l'actuelle histoire des idées comme le pionnier de cette «science économique» typiquement arithmomorphique (exprimant tout « en termes de nombres, poids et mesures») qui deviendra l'économie mathématique. C'est au début des années 1670 qu'il introduisit le concept d'arithmétique politique, désignant un genre de pensée politico-économique (suivi par Cantillon, Steuart Boisguilbert Vauban...) préoccupé par les rapports de la richesse nationale et de la puissance de l'État. Savant de l'Europe pré-industrielle, Georgescu-Roegen aime rappeler sa célèbre formule: «le travail est le père et le principe actif de la richesse, comme la terre en est la mère». (Oeuvres économiques de sir William Petty, tract. par H. Dussauz et M. Pasquier, Paris, Giard et Brière, 1905.)

PIGOU, Arthur Cecil (1877-1959)

Économiste britannique disciple d'Alfred Marshall, auquel il succéda (1908-43) à la chaire d'économie politique de l'Université de Cambridge. Il défendit l'orthodoxie néo-classique de son maître contre les attaques de Keynes et de ses disciples. Il est surtout l'auteur de The Economics of Welfare (1920, 4e éd. 1932 ; tract. fr. partielle dans G.H. Bousquet, Pigou, textes choisis, Dalloz, 1958), qui est à la source de l'intégration des problèmes de pollution et d'environnement dans le paradigme néo-classique de la science économique contemporaine. Il préconisait un interventionnisme étatique « léger » justifié au nom de «l'économie de bien-être», notamment afin de remédier au chômage mais aussi à la pollution. L'analyse néo-classique qui domine la nouvelle économie de l'environnement lui doit la notion de «déséconomie externe externalité négative) qui souligne la «défaillance du marché» à traduire la discordance entre le coût privé et le coût social d'une activité économique, et se trouve ainsi à l'origine des mesures d'intervention étatique sous forme de taxation de ces externalités sociales et environnementales Loin de mettre en cause le dogme du rôle régulateur du marché, cette approche cherche au contraire à l'utiliser au moyen de légères corrections de ses défaillances initiales. Il publia aussi The Economics of Stationary States (1935) et dirigea la publication des Memorials of Alfred Marshall (1925, rééd. 1956), où on peut retrouver le célèbre article de 1898 sur «les analogies physiques et biologiques en économie politique».

PLANCK, Max (1858-1947)

Grand admirateur de l'œuvre de Clausius, il consacra sa thèse (1879) au deuxième principe de la théorie mécanique de la chaleur (la thermodynamique), soulignant son lien avec les phénomènes irréversibles de la nature. L'entropie sera le fil d'Ariane de ses recherches. En étudiant les processus irréversibles du rayonnement et en cherchant à répondre aux critiques de Boltzmann, Planck fut amené, en 1900, à inventer la physique quantique et à se voir obligé, la mort dans l'âme, de faire le deuil du déterminisme de la physique classique. Il ajouta la constante k (S = k log W) à la formule probabiliste de l'entropie de Boltzmann. Il sera Prix Nobel de physique en 1918. « Dans les années 89 et 90 du siècle dernier, note-t-il dans son Autobiographie scientifique, une expérience personnelle m'a appris ce qu'il en coûte à un chercheur, en possession d'une idée à laquelle il a mûrement réfléchi, de vouloir la propager. Il a constaté combien les meilleurs arguments qu'il produisait dans ce but pesaient peu, parce que sa voix n'avait pas l'autorité suffisante pour s'imposer au monde savant. À cette époque, il était vain d'essayer de contrecarrer les Wilhelm Ostwald, les Georg Helm, les Ernst Mach. » En français, on peut lire Leçons de Thermodynamique, trad. de la 3e éd. all., Paris, Hermann, 1913; L'Image du monde dans la physique moderne, Paris, Gonthier, 1963; Initiations à là Physique (Leipzig, 1934; Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1993).

PRIGOGINE, Ilya (1917)

Chimiste et théoricien belge d'origine russe. Né à Moscou, il émigra en Belgique à l'âge de douze ans. Professeur depuis 1947 à l'Université libre de Bruxelles, après une thèse sur l'Étude thermodynamique des phénomènes irréversibles (1945, publiée en 1947). Directeur de l'Institut Solvay depuis 1959. Depuis 1967, il est directeur du «Ilya Prigogine Center for Studies in Statistical Mechanics and Thermodynamics », Université du Texas, à Austin (USA); où il rencontra Georgescu-Roegen en 1979. Membre d'une trentaine d'académies. Il a reçu de très nombreuses distinctions, comme la Médaille d'or Arrhénius de l'Académie royale des sciences de Suède et la Médaille Rumford de la Royal Society en 1976. Prix Nobel de chimie en 1977 pour sa «contribution à la thermodynamique des phénomènes irréversibles, notamment à la théorie des structures dissipatives». En 1971, en collaboration avec Paul Glansdorff, il a publié Structure, stabilité et fluctuations, qui marque une étape importante dans la contribution de la théorie thermodynamique du non-équilibre à la problématique de l'évolution. En 1977, en collaboration avec Grégoire Nicolis, il a publié Self-Organization in Non-Equilibrium Systems: From Dissipative Structures to Order through Fluctuations. Ses idées révolutionnaires reçoivent des applications dans des domaines aussi variés que l'origine de la vie, l'évolution des écosystèmes, là théorie de l'auto-organisation, la dynamique urbaine, la psychothérapie familiale, l'anthropologie culturelle et la science économique. A propos de son optimisme scientiste, certains critiques parlent de « prigoginisme social » ! Par ses intérêts philosophiques, Prigogine exerce une influence souvent proche - et rivale - de celle de Georgescu-Roegen : une confrontation directe n'a cependant jamais eu lieu. En collaboration avec Isabelle Stengers, Prigogine a publié La Nouvelle Alliance : métamorphose de la science en 1979 (2eéd., « Folio Essais », 1986) et Entre le temps et l'éternité en 1988. Parmi les autres livres largement accessibles de Prigogine, Physique, temps et devenir (1980), explore un thème (dans l'héritage bergsonien) qui mériterait d'être rapproché de The Entropy Law and the Economic Process.

QUESNAY, François (1694-1774)

Médecin et « économiste », auteur du fameux Tableau économique, publié en 1758. Cette synthèse de la pensée physiocratique, qui considérait l'activité économique de la société comme un tout soumis à un ordre naturel, accrédita durablement la croyance dans le caractère prétendument naturel des lois économiques, gage d'un équilibre préétabli (par la Providence), et dans le caractère circulaire du processus économique. Le concept de « circuit », reconnu comme base de l'analyse économique, notamment par Marx, Schumpeter et Léontieff, s'inscrit chez Quesnay dans une vision du monde qui traduit l'immense impact philosophique, assez tardif, de la découverte de la circulation du sang d'Harvey et sa résonance avec la traditionnelle cosmologie du cerclé qui puisait ses racines chez Aristote tout en s'intégrant alors parfaitement au paradigme technologique de «l'architecture hydraulique» (Bélidor) de la civilisation européenne pré-industrielle (d'origine médiévale). Boisguilbert avait déjà parlé du «moulin de la richesse». Autrement dit la Physiocratie de Quesnay est contemporaine de l'Europe néolithique des moulins et à ce titre on peut dire qu'elle est pré-carnotienne. Quesnay est le plus illustre représentant de l'école des Physiocrates - on les appelait alors les économistes - représentée aussi par Mirabeau, Beaudeau, Mercier de la Rivière, Dupont de Nemours et Turgot. Adam Smith fit le voyage à Paris pour les rencontrer. Cette école de pensée s'est rendue célèbre par la formule «Laissez faire, laissez passer»; mais elle a aussi eu le mérite de souligner l'importance vitale de l'agriculture et le lien indissoluble qui relie la société humaine à l'économie de la nature. R. Grandamy (1973) a récemment fait une lecture écologique de la Physiocratie, théorie générale du développement économique. Par son approche physiologique du développement économique, Georgescu-Roegen ravive, à sa manière, la tradition physiocratique.

RANKINE, William J. Macquorn (1820-1872)

Ingénieur et physicien écossais qui succéda en 1855 à Lewis Gordon à la chaire d'ingénierie de l'Université de Glasgow (établie en 1840 pour honorer la mémoire de James Watt). Dès 1850, il publia d'importantes contributions à la constitution de la nouvelle théorie thermodynamique. Thomson lui fit connaître le travail de 1850 de Clausius. Il distingue l'énergie potentielle et l'énergie actuelle. Arguant contre l'idée de la dissipation universelle de l'énergie de Thomson, Rankine publia un article sur la reconcentration de l'énergie dans l'univers et la conservation de l'entropie ! En 1859, il publia un très influent Manuel de la machine à vapeur et des autres moteurs (trad. fr. sur la 8e éd. anglaise, 1878), atteignant sa 17,éd. en 1908. Il développa une théorie générale de la physique dénommée « énergétique » (« Outlines of the science of energetics » [1855], Miscellaneous Scientific Papers, Londres, 1888, pp. 209-228), fondée sur l'énergie et ses transformations, plutôt que sur le mouvement et la force, mais dans laquelle les processus réversibles abstraits masquent les phénomènes irréversibles du monde réel.

RAYLEIGH, Lord - John William STRUTT (1842-1919)

3e baron Rayleigh. Successeur de James Clerk Maxwell (1831-1879) à Cambridge jusqu'en 1887, puis de John Tyndall (1820-1893) à la Royal Institution de Londres. Comme la plupart des savants anglais de son temps, il s'occupa de physique expérimentale en même temps que de physique théorique. Il fit des recherches sur les ondes, en optique et en acoustique. Il appliqua la mécanique statistique au rayonnement thermique, mais n'accepta pas le modèle quantique de Planck. Sa contribution à la découverte de l'argon, annoncée par William Ramsay, (1852-1916) en 1895, lui valut le Prix Nobel de physique en 1904. Président de la Royal Society en 1905.

RICARDO, David (1772-1823)

Économiste classique par excellence. Dès l'âge de 14 ans, il travaille sous la direction de son père à la Bourse de Londres: il fit fortune puis se retira des affaires pour s'offrir le luxe de se consacrer à la théorie, en l'occurrence à la mise en forme logique de la nouvelle science de l'économie politique. Ses Principes de l'économie politique et de l'impôt, publiés en 1817, connurent plusieurs éditions corrigées et demeurent un classique pour les étudiants en science économique (coll. «Champs», Flammarion, 1977). Il y développe sa fameuse théorie de la rente foncière et prend parti pour le concept de la valeur-travail et les vertus du libre-échange dans le commerce international. L'économie politique de Ricardo fut vigoureusement prise à partie par Sismondi. À la fin de sa vie, Ricardo rendit visite à Genève à son principal critique. Malgré leur rivalité intellectuelle, Malthus et Ricardo s'estimaient hautement et furent d'excellents amis. C'est en grande partie à cause de Ricardo que l'économie politique recevra de Thomas Carlyle le surnom de dismal science (science lugubre).

SAMUELSON, Paul A. (1915)

Le plus connu des grands économistes américains; le premier Américain, en 1970, à recevoir le Nobel Mernorial Prize in Economic Science, après R. Frisch (Norvège) et J. Tinbergen (Pays-Bas) en 1969. Au milieu des années 30, il se retrouvait à Harvard, aux côtés de Georgescu-Roegen, dans les cours de Schumpeter, de W. Léontief, de E.B. Wilson. C'est en 1937, alors qu'il était un étudiant licencié de 22 ans, qu'il écrivit sa magistrale thèse sur Le fondements de l'analyse économique (1948, trad. fr.: 1965), qui témoigne d'un certain esprit scientifique! À partir de cette base scientifique classique centrée sur la théorie de l'équilibre économique et qui cherche à concilier le paradigme néo-classique (hérité de Léon Walras), et Keynes, il rédigea son célèbre manuel Economics, publié pour la première fois en 1949, et qui a connu de très nombreuses éditions révisées (la plus récente est la 14e !) et traductions (y compris en français), devenant la bible de l'enseignement en science économique et faisant de son auteur un homme riche. C'est en 1940 qu'il fut nommé professeur d'économie au prestigieux Massachusett Institute of Technology (MIT). Les Collected Scientific Papers of Paul A. Samuelson (MIT Press, 4 vols., 1966, 1972, 1977, 1986) sont impressionnants. Il a été conseiller des présidents J.F. Kennedy et L.B. Johnson.

SAVERY, Thomas (1650-1715)

Ingénieur militaire (?), on sait en fait peu de chose de cette figure d'inventeur anglais originaire d'une riche famille de marchants de la province du Devon, région minière qui vit naître également Newcomen*. Après 1700,Savery est connu comme le « Captain Savery » et c'est ainsi que le nomme en 1744 le professeur J.T. Desaguliers dans son Course of Experimental Philosophy. Il a obtenu le 25 juillet 1698 un brevet du Parlement pour une machine faisant monter l'eau au moyen de la force motrice du feu. Il fit de la réclame pour son projet de pompe à feu dans un livre de 1702 intitulé The Miners Friend. Il fut élu Membre de la Royal Society de Londres en 1705. Savery fit plusieurs améliorations sur sa machine à feu primitive (elle n'a pas encore de piston !). Ce fut après les recherches de Denis Papin et d'autres, une étape importante dont tira parti Newcomen. Dans l'historiographie de la machine à vapeur, on dit parfois qu'il marque la transition entre le laboratoire ou la recherche spéculative du savant et l'atelier de l'artisan et de l'ingénieur, mais les rapports entre science et technique (une distinction trop moderne pour cette époque) dans ce domaine sont très controversés.

SEABORG, Glenn T. (1912)

Chimiste américain aux origines du développement nucléaire militaro-industriel issu du Projet Manhattan. Il découvrit notamment - en collaboration avec E. Mac Millan (n. 1907), avec qui il reçut le Prix Nobel de chimie en 1951 - du plutonium en 1940, en bombardant de l'uranium avec des neutrons, puis d'autres éléments radioactifs transuraniens (plus lourds que l'uranium) qu'il considéra, en 1944, comme la série des actinides (nombre atomique de 89 à 103) dans le fameux Tableau périodique des éléments. Formé à l'Université de Californie, à Berkeley, il y devint professeur pour le reste de sa carrière. Il travailla, avec son cyclotron, à la fabrication de la bombe atomique et devint de 1961 à 1971, Président de la très puissante US Atomic Energy Commission (AEC). En 1970, son élection comme président de l'American Association for the Advancement of Science (AAAS) fut très controversée par les défenseurs de l'environnement.

SCHRÖDINGER, Erwin (1887-1961)

Physicien autrichien, né à Vienne, l'un des fondateurs de la mécanique quantique. L'influence de Boltzmann* fut décisive dans sa formation intellectuelle. Célèbre pour sa théorie -de la mécanique ondulatoire (« l'équation de Schrödinger » date de 1926) qui lui vaut le Prix Nobel de physique en 1933. Il a aussi contribué à la mécanique statistique, à la relativité et aux théories unitaires. Il s'intéressa aussi beaucoup aux sciences biologiques. Pendant la guerre, exilé en Irlande, à Dublin, il publia un petit ouvrage très original intitulé What is Life ? (Cambridge, 1944, 2éd., 1945; trad. fr.: Qu'est-ce que la vie?, 1950; rééd. 1986) qui exerça une influence considérable sur la pensée scientifique contemporaine, notamment sur la naissance de la biologie moléculaire, mais aussi sur N. Wiener, L. Brillouin, I. Prigogine, J. Lovelock et Georgescu-Roegen. C'est dans ce livre qu'il formule l'idée, inspirée de Boltzmann, que «la vie se nourrit d'entropie négative». Passionné toute sa vie par la philosophie, et notamment par Schopenhauer et les philosophies de l'Inde, il a aussi fait une oeuvre très originale, quoique longtemps méconnue, dans ce domaine, préfigurant sur bien des points la métaphysique moniste et mystique de «l'écologie profonde».

SCHUMPETER, Joseph A. (1883-1950)

Né à Triesch, en Moravie. Économiste, sociologue et historien d'origine autrichienne, représentant de « l'école autrichienne », dont il partageait l'immense culture. Après avoir enseigné en Allemagne de 1925 à 1932, il émigra aux ÉtatsUnis, où il devint professeur au département d'économie de l'Université Harvard. Prolongeant l'interprétation marxienne de la dynamique sociale du capitalisme industriel d'une part et l'économie pure de Walras d'autre part, il développa une analyse originale du changement technique, et plus largement des transformations structurelles du développement économique, en soulignant notamment le rôle de l'innovation et de l'entrepreneur dans ce « processus de destruction créatrice ». En 1935, Schumpeter, qui voulait écrire un livre avec Georgescu-Roegen, ne réussit pas à retenir notre économiste roumain qui lui répondit, avec une franchise frisant l'insolence, que son pays avait bien davantage besoin d'un économiste que Harvard! Lorsque Georgescu-Roegen rencontre Schumpeter, celui-ci est en train de travailler sur l'innovation et les cycles d'affaires (Business Cycles: A Theoretical, Historical and Statistical Analysis of the Capitalist Process, 2 vols., 1939). Il vient de publier The Theory of Economic Development (1934), traduction anglaise de son livre allemand de 1912. La traduction française: Théorie de l'évolution économique, introduite par François Perroux (1903-1987), date de 1935 (rééd. 1983). Schumpeter fut l'un des fondateurs de la Econometric Society, qu'il présida jusqu'en 1941. Son Histoire de l'analyse économique (livre posthume publié en 1954; trad. française en 1983) est une référence majeure, tant pour les économistes que pour les historiens de la pensée occidentale. Auteur prolifique, il a marqué l'ensemble des sciences économiques et sociales, quoique son influence n'ait pas été immédiate. La fortune de Schumpeter est actuellement spectaculaire, comme en témoignent la création de l'International Joseph A. Schumpeter Society ou les travaux de plus en plus nombreux consacrés aux aspects évolutifs du changement technologique et socio-économique.

SMITH, Adam (1723-1790)

Philosophe écossais, père putatif de l'économie politique. Après avoir étudié à Glasgow, où il subit l'influence de Francis Hutcheson puis à Oxford où il se lia d'amitié avec Hume, il rencontra à Genève Voltaire et à Paris François Quesnay, chef de l'École des physiocrates, auquel il emprunta l'idée de marché comme régulateur de la vie économique mais dont il rejeta le parti pris agraire. Nommé en 1751 professeur de logique et par la suite de philosophie morale à l'Université de Glasgow, il publia en 1751 une Théorie des sentiments moraux, où se trouve la célèbre allusion à la «Main invisible» sensée diriger les intérêts égoïstes à l'intérêt général. En 1776, il publia ses fameuses Recherches sur la nature et la cause de la richesse des nations, un classique de la civilisation occidentale dont on célébra avec faste le bicentenaire en 1976. Parmi les nombreuses idées éconoriiiques attribuées à Adam Smith qui n'enseigna jamais l'économie politique, l'une des plus tenaces dans l'histoire de cette discipline est sa conjecture d'un accroissement du capital, donc de la croissance, dont il ne conjectura pas les limites. Nommé Commissaire des droits de douanes et du sel pour l'Écosse en 1777, il s'établit à Edimbourg où il mourut en 1790. Il semble qu'il ait voué une portion considérable de ses appointements à la pratique secrète de la charité. En 1795 furent publiés à titre posthume, par ses amis J. Black et J. Hutton, ses Essais sur des sujets philosophiques, dans lesquels on trouve notamment une histoire de l'astronomie qui illustre son admiration pour Newton. Georgescu-Roegen admire beaucoup les économistes classiques, comme Adam Smith, qui observaient le monde de leur temps et ne pouvaient donc pas connaître la révolution thermodynamique et la loi de l'entropie!

SOLOW, Robert M. (1924)

Économiste américain formé à Harvard. Enseignant au Massachusetts Institute of Technology (MIT) dès 1950; il y fut nommé professeur en 1958. A l'image de son maître Paul Samuelson, il décrit son approche de la science économique comme une synthèse du modèle néo-classique et du courant keynesien. Sa notoriété remonte à deux publications de 1956 et 1957 consacrées à la théorie de la croissance économique et au « progrès technique ». Ses modèles mathématiques de la croissance économique, qui constituent une véritable apologie du capitalisme libéral, des vertus régulatrices du marché et du dynamisme de la technologie moderne, lui valurent le Prix Nobel d'économie en 1987. Rappelons ici que cette prestigieuse distinction n'est pas un véritable Prix Nobel mais simplement le Prix du MemorialNobel pour la science économique créé en 1968 par la Banque nationale de Suède. En 1970, il publie son livre sur la Théorie de la croissance économique (trad. fr., 1972); une année après, il publie un article très controversé: «The economist's approach to pollution control» (Science, 1971, 173, pp. 498-503). Sa critique du modèle Forrester-Meadows, «Is the end of the world at hand?», se retrouve dans A. Weintraub et al., eds., The Economic Growth Controversy (Londres, Macmillan, 1973,pp. 39-61). Selon Georgescu-Roegen et ses disciples, l'une des illustrations les plus flagrantes de l'ignorance des aspects bioéconomiques de la loi de l'entropie chez les économistes a été donnée par la « conférence Richard T. Ely » de R. Solow: «The economics of resources or the resources of economics», (American Economic Review, 1974,64, pp. 1-14).

VAN'T HOFF, Jacobus Henricus (1852-1911)

Physico-chimiste néerlandais qui compléta ses études supérieures en Allemagne (avec Kekulé) et en France (avec Wurtz) ; professeur à Utrecht, à Amsterdam, puis à Leipzig et enfin à Berlin. Il fit d'importants travaux sur la cinétique des réactions chimiques dans les systèmes homogènes et hétérogènes, la dissociation électrolytique et dans bien d'autres domaines qui intéressent l'industrie chimique. Il est considéré, après Pasteur* et avec Joseph-Achille Le Bel (1847-1930) et Alfred Werner (1866-1919), comme l'un des pères de la stéréochimie, avec sa théorie du « carbone asymétrique » exposée dès 1874 puis développée en français dans son ouvrage La chimie dans l'espace. (Cf. Louis Pasteur, J.H. Van'Hoff A. Werner, Sur la dissymétrie moléculaire, Paris, Christian Bourgois, 1986). En 1884, il publie Études de dynamique chimique, qui traite essentiellement de la théorie de l'équilibre en thermodynamique chimique. Avec Gibbs, Arrhénius, Ostwald, il fit de la chimie physique une nouvelle et puissante discipline. Il reçut le premier Prix Nobel de Chimie en 1901 « pour la découverte des lois de la chimie dynamique et de la pression osmotique dans les solutions ».

VEBLEN, Thorstein (1857-1929)

Économiste et sociologue anticonformiste américain, issu d'une famille de paysans norvégiens immigrés. L'un des plus remarquables critiques de la civilisation industrielle américaine. Il enseigna, sans éclat dans différentes universités sans jamais faire une véritable carrière universitaire. Doué d'une immense culture, il se fit connaître avec sa fameuse Théorie de la classe des loisirs (1899, trad. fr. 1970), qui analysait notamment le rôle de la « consommation ostentatoire » dans l'expression du besoin de différenciation sociale. Parmi ses principales publications, il faut encore mentionner Imperial Germany and the Industrial Revolution (1915) et The Place of Science in Modern Civilization (1921). Son livre sur Les Ingénieurs et le capitalisme (1921, trad. fr.: 1971) a souvent été considéré comme la charte de la Technocratie. Il critiqua l'économie politique au nom de l'évolutionnisme - «Why is economics not an evolutionary science?» (Quarterly Journal of Economics, juillet 1898) - mais aussi au nom d'une conception de la «nature humaine», irréductible au calcul utilitaire de la tradition des économistes qui en fait un précurseur de l'anthropologie culturelle américaine. Dans l'histoire des doctrines économiques, il est à juste titre considéré comme l'un des pères de l'institutionnalisme. Ses oeuvres ont été rééditées en tant que classiques en 1964 et son influence a été renouvelée par la création, en 1965, de l'Association for Evolutionary Economics, qui édite le Journal of Economic Issues.

Von NEUMANN, John (1903-1957)

Mathématicien américain d'origine hongroise. Il fit des études supérieures en Allemagne et au Polytechnicum de Zurich. Aux débuts des années 30, il émigra aux États-Unis, où il fit une brillante carrière à l'Institute for Advanced Study de Princeton. Enfant prodige, génie polyvalent, ingénieur autant que théoricien pur, il fut associé à pratiquement toutes les grandes percées de la science et de la technologie américaines pendant et après la deuxième guerre mondiale. Il est l'auteur d'un théorème célèbre sur l'irréversibilité de la mesure en mécanique quantique. Son livre sur Les Fondements mathématiques de la mécanique quantique, Berlin 1932; trad. fr., 1946) est un classique qui fait partie de l'immense culture scientifique de Georgescu-Roegen. Il a participé à Los Alamos au Projet Manhattan pour la construction de la bombe atomique, ainsi qu'à de nombreux autres programmes militaires. Après la guerre, il travailla pour la bombe thermonucléaire, collaborant avec l'Atomic Energy Commission (AEC), dont il devint membre en 1955. Il fut l'un des zélateurs les plus brillants du nouvel âge nucléaire. Pionnier de l'informatique, de l'ère des ordinateurs, on le considère comme l'un des pères des sciences cognitives et de l'intelligence artificielle. Créateur de la théorie des jeux (à la suite d'Emile Borel), von Neumann publia avec son collègue Oskar Morgenstern (1902-1977), économiste d'origine autrichienne, un livre fondamental sur la théorie des jeux et le comportement économique, Theory of Games and Economic Behavior (1944) «qui a fait date» (Georgescu-Roegen) : l'arsenal mathématique de la science économique se mêla avec celui de la stratégie, discipline qui proliféra avec la guerre froide. L'influence de von Neuman sur l'économie mathématique provient également de son fameux modèle de l'équilibre économique général (1945). Ses travaux sur les développements logiques de « la machine de Turing », l'ordinateur issu de l'imagination du mathématicien anglais Alan M. Turing (1912-1954) et surtout sur la théorie des automates auto-reproducteurs font de lui l'un des pionniers de la théorie de l'auto-organisation et de l'épistémologie de la complexité. Claude Shannon (1916), le père de la théorie mathématique de l'information, avoua que son utilisation du mot entropie lui fut suggérée par von Neumann qui lui donna comme argument que «personne ne sait ce qu'est réellement l'entropie, si bien que dans une discussion tu auras toujours le dernier mot» !

Retour au texte de Dernière mise à jour de cette page le lundi 12 octobre 2015 16:05
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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