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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article d'Alain G. Gagnon, “Trois voies pour l'habilitation: le régionalisme, le nationalisme et le fédéralisme.” Conférence donnée à l’Université St-Francis Xavier, Antigonish, Nova Scotia, Canada, le 21 mars 2012, pp. 67-95. 34 pp.

[67]

Alain-G. Gagnon

Chaire de recherche du Canada en études québécoises et canadiennes
Directeur, Centre d’analyse politique : constitution – fédéralisme
Professeur titulaire, Département de science politique, UQAM, Montréal

Trois voies pour l'habilitation :
le régionalisme, le nationalisme
et le fédéralisme
.”

Conférence donnée à l’Université St-Francis Xavier, Antigonish, Nova Scotia, Canada, le 21 mars 2012, 34 pp.

Biographie
Résumé

Conférence [67]
Introduction [68]
Un lauréat Trudeau [69]
L'habilitation par la mobilisation régionale [71]
L'habilitation par la mobilisation nationaliste [77]
L'habilitation par la mobilisation fédéraliste multinationale [82]
L'âge des incertitudes [85]
Vers de nouvelles politiques dans les polités multinationales — modération, dignité et hospitalité [88]
En guise de conclusion [93]

BIOGRAPHIE

Alain-G. Gagnon est professeur titulaire au Département de science politique de l'Université du Québec à Montréal (UQAM) et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études québécoises et canadiennes depuis 2003. De 1982 à 2003, il a enseigné aux universités Queen's, Carleton et McGill. Il est le directeur-fondateur du Centre de recherche interdisciplinaire sur la diversité (CRIDAQ) et directeur du Groupe de recherche sur les sociétés plurinationales (GRSP).

Chercheur de réputation internationale et politologue réputé, Alain-G. Gagnon contribue de façon assidue au débat sur l'organisation et le devenir des sociétés occidentales. Ses travaux recoupent divers champs d'analyse allant du développement régional à la sociologie des intellectuels, de l'économie politique aux questions de fédéralisme et de nationalisme. Son engagement, lui, se traduit tout autant par l'accompagnement de jeunes chercheurs que par une participation active au débat public. Ses études ont une influence marquante dans les recherches sur le fédéralisme tant en Belgique, en Espagne, en Suisse, au Royaume-Uni qu'au Canada.

Précurseur de l'étude comparée des petites nations et des sociétés plurinationales, champ d'analyse aujourd'hui en pleine expansion, il est devenu l'un des plus influents experts de ces questions. L'ouvrage collectif qu'il a codirigé avec James Tully, Multinational Democracies, est devenu un incontournable en science politique. On y évalue la capacité de différents États multinationaux à jumeler justice et stabilité dans la gestion de leur diversité nationale et culturelle. Ses travaux sur la multination lui ont valu en 2007 le prix Josep Maria Vilaseca i Marcet, remis par la Generalitat de Catalogne, pour son livre Au-delà de la nation unificatrice. Plaidoyer pour le fédéralisme multinational. Récemment, il a dirigé l'ouvrage clé Le fédéralisme canadien contemporain. Ce livre donne forme à ce que l'on peut désigner l'école québécoise du fédéralisme. Avec Michael Burgess de l'Université Kent (Canterbury, Angleterre), il vient de publier Fédéral Democracies, un ouvrage clé appelé à être au centre des travaux des spécialistes sur le fédéralisme comparé. Il prépare présentement avec le professeur James Bickerton (St. Francis Xavier University) la 6e édition de Canadian Politics. Cet ouvrage est devenu un ouvrage incontournable en politique canadienne. Son plus récent ouvrage L'âge des incertitudes : essais sur la diversité nationale et le fédéralisme (Presses de l'Université Laval, 2011) est en traduction dans une dizaine de langues.

Alain-G. Gagnon a été élu membre de la Société royale du Canada en 2008. La même année, il a reçu le Prix d'excellence de la Société québécoise de science politique. L'Université Carlos III de Madrid lui a décerné le Prix Santander d'excellence en recherche pour l'année 2010. Il s'est mérité le prix Trudeau en 2010.

RÉSUMÉ

Né dans le Bas-Saint-Laurent au milieu des années 1950, Alain-G. Gagnon a rapidement senti l'obligation morale de faire progresser les moyens d'affirmation pour les communautés en mal de dignité. Grâce à ses premiers travaux sur le développement local et régional ainsi qu'à ses recherches plus récentes sur le fédéralisme multinational, le professeur Gagnon a constamment milité pour l'émergence d'une démocratie qui rime avec justice. La mouvance pour la décolonisation en Afrique et en Asie, les mouvements pour les droits dans les provinces de l'Atlantique et, plus récemment, le mouvement nationaliste québécois et les revendications des autochtones pour la reconnaissance de leurs droits, sont quelques manifestations de la préoccupation d'Alain-G. Gagnon pour les réalités culturelles et régionales. Que signifie l'affirmation dans un monde de plus en plus globalisé et englobant ? Comment cette affirmation peut-elle s'incarner et se concrétiser ? Dans ce texte Alain-G. Gagnon explorera trois moyens différents d'affirmation : la mobilisation régionale, l'expression nationaliste et la quête fédérale.

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Dans ce texte, j'aborde l'idée centrale de ma conférence — le concept d'habilitation — sous trois angles [1]. De façon plus générale, j'expliquerai comment ma conception de l'habilitation découle de mon rapport intellectuel avec deux thèmes récurrents dans la pensée et le legs de Pierre Trudeau. D'un point de vue plus personnel et émotionnel, je tenterai d'expliquer l'importance du concept d'habilitation pendant mon adolescence au Québec et au cours de mes années de jeune universitaire en Colombie-Britannique. Pour terminer, et afin de camper ces notions dans le XXIe siècle, je parlerai de mes travaux universitaires dans un Québec nouvellement préoccupé par un processus continuel d'émancipation et par son engagement pour instaurer un modèle interculturel de nationalité dans un milieu politique multinational.

Je suis profondément convaincu qu'il faut constamment repenser le Canada. C'est ce qui motive ma recherche et mon engagement [68] social à titre d'intellectuel de la scène publique. Ma conception du Canada repose principalement sur la présence de trois sociétés qui doivent se redéfinir au jour le jour. J'avancerais même que cela ne peut fonctionner que par un projet politique qui s'articule autour de trois piliers : la modération, la dignité et l'hospitalité.

Introduction

Les objectifs d'habilitation sont, la plupart du temps, la force motrice de mon engagement social et de ma démarche intellectuelle. C'est une notion qui a donné un sens et de l'espoir à tant de communautés et de groupes marginalisés dans le monde. Le Mouvement des droits des Maritimes des années 1920 et 1930 est un excellent exemple d'aspiration à l'habilitation [2]. Le sont aussi les mouvements de décolonisation en Afrique et en Asie de même que, plus récemment, les mouvements d'émancipation des femmes et les revendications des peuples autochtones auxquels on a trop longtemps fait la sourde oreille.

Mon intérêt pour la politique de l'habilitation vient directement de la période de bouleversements politiques qui régnait pendant mon enfance et mon adolescence. Je suis né à la fin du régime de Maurice Duplessis au Québec et j'ai grandi pendant la Révolution tranquille. J'ai été directement témoin de l'arrivée d'une génération d'acteurs politiques qui ont amorcé une série de réformes majeures, lesquelles ont profondément transformé la scène politique et sociale du Québec. Même s'il n'y avait pas de consensus clair sur la voie à suivre, pratiquement tous étaient d'accord sur le fait qu'il fallait changer les choses pour que les gens puissent avoir accès à une éducation adéquate, à des soins de santé appropriés et à un emploi décent pour avoir une vie convenable.

[69]

Au cours des années i960, le taux de chômage dans ma région natale, le Bas-Saint-Laurent, était aussi élevé que celui prévalant dans les provinces de l'Atlantique. Heureusement, mes parents possédaient une ferme — héritée de leurs parents — qui pouvait facilement subvenir aux besoins d'une famille de six enfants. Nos grands-parents vivaient avec nous, de même qu'un oncle qui avait été gravement blessé en Italie pendant la guerre. Il était membre du 22e régiment de l'armée canadienne. Il n'avait pas été enrôlé durant la conscription ; il s'était engagé volontairement. Comme beaucoup de Québécois, il avait voulu connaître le monde et agir comme redresseur de torts.

L'empathie que mon oncle ressentait pour les autres a laissé une marque indélébile chez moi. Il a été enterré le 24 juin 1968. Je me souviens parfaitement de cette journée, qui était la veille de l'arrivée au pouvoir de Pierre Trudeau et du Parti libéral fédéral après une écrasante victoire électorale. Ces deux événements non reliés représentent des moments marquants pour moi et sont à la source des idées que je vais présenter ici.

Je procéderai en trois étapes afin d'explorer les concepts d'habilitation et de conciliation dans trois domaines : le régionalisme, le nationalisme et le fédéralisme. Mais avant tout, permettez-moi d'aborder un thème un peu plus personnel quant à mes liens avec la communauté Trudeau.

Un lauréat Trudeau

Les principaux objectifs de la Fondation Trudeau — l'accroissement du sens de la responsabilité citoyenne, la place du Canada dans un monde marqué par la mondialisation et l'avancement des droits de la personne et de la justice sociale — s'harmonisent bien avec mes propres valeurs. J'ai eu la chance d'entretenir des relations avec d'autres lauréats Trudeau qui se sont brillamment penchés sur ces objectifs. James Tully, Roderick A. Macdonald, Donald Savoie, Will Kymlicka, Jane Jenson, Joseph Yvon Thériault et Constance [70] Backhouse sont reconnus pour leurs contributions à l'avancement d'une démocratie juste dans des domaines touchant aux droits des peuples autochtones, au respect de la diversité culturelle, au développement régional, à la notion de la citoyenneté, aux politiques identitaires et aux droits des femmes. En plus d'être des figures innovatrices du milieu de la recherche au Canada, ces personnes ont mis au point des outils conceptuels dont on s'est servi dans plusieurs pays. Chacune d'elles apporte une contribution unique à la Fondation.

Le legs de Pierre Trudeau ne laisse personne indifférent au pays. Il est connu, entre autres, pour sa lutte en faveur de la Charte des droits et libertés, un instrument qui protège principalement les droits de la personne, ainsi que pour sa contribution au développement d'une identité collective canadienne qui résiste face à l'influence des États-Unis et du Royaume-Uni. Il est aussi connu pour le rapatriement de la Constitution, il y a trente ans, bien que contre la volonté de l'Assemblée nationale du Québec. Dans le Canada atlantique, l'image de Trudeau comme philosophe roi engagé est habituellement bien perçue et contraste avec celle du premier ministre actuel considéré comme un économiste froid. Dans l'Ouest canadien, la réputation de Trudeau repose sur une autre base. Dans l'Ouest, Trudeau est associé au Programme énergétique national, à la perception de taxes élevées et à l'appropriation de redevances sur l'exploitation pétrolière. Par exemple, l'ancien premier ministre de l'Alberta, Peter Lougheed, accusait Trudeau d'avoir abandonné l'Ouest au profit de l'Ontario, du Québec et des provinces de l'Atlantique. Au Québec, le nom de Pierre Trudeau revêt des connotations contradictoires. D'un côté, on reconnaît sa détermination à accorder, aux Franco-canadiens et aux Anglo-canadiens, un accès égal aux services publics fédéraux — dans la langue de leur choix là où le nombre le justifie —, à créer et maintenir des institutions pancanadiennes telles que CBC/Radio-Canada et à implanter la Charte des droits et libertés. De l'autre, on se souvient de la Loi sur les mesures de guerre, de son [71] opposition à un statut spécial pour le Québec au sein du Canada et du rapatriement de la Constitution en 1982. Plus que tout autre aspect, ces deux derniers événements ont laissé une marque profonde chez les Québécois.

En tant qu'universitaire québécois, j'ai eu des difficultés à m'identifier pleinement à Trudeau comme leader politique, malgré qu'il ait été profondément inspirant pour moi pendant le congrès d'investiture de 1968. J'avais passé la journée entière du 6 avril dans notre salon, rivé à l'écran de la télévision, complètement absorbé, étudiant chaque mouvement des candidats, notamment le ministre de la Santé Allan McEachen qui, bénéficiant d'un solide appui de sa Nouvelle-Ecosse natale, s'était allié à Trudeau au second tour, donnant ainsi une indication claire du clan auquel il appartenait. Les négociations entre les candidats s'étaient poursuivies toute la journée, dans la mire du grand public. C'était un moment vraiment captivant. Avec le recul, je me rends compte qu'à 14 ans je me passionnais pour ce processus politique encore plus que les jeunes d'aujourd'hui le font pour « Call of Duty » ou autre jeu vidéo sur leur PlayStation. Il semble bien que j'ai toujours été un nerd quand il s'agit de politique.

L'habilitation par la mobilisation régionale

Le Bas-Saint-Laurent et les régions de l'Atlantique ont beaucoup en commun pour ce qui est de la géographie et du capital social. Les gens y valorisent le dur labeur et sont profondément attachés à la terre de leurs ancêtres. De façon générale, on peut regrouper les résidents de ces régions en trois grands groupes : ceux qui vivent de la navigation et de la pêche ; ceux qui cultivent la terre et font de l'élevage ; et ceux qui risquent leur vie dans les mines de charbon et de cuivre. Naturellement, le secteur manufacturier et les services se sont installés dans ces régions, mais la mer, la foresterie et les mines continuent de former la majeure partie de la personnalité de ces lieux. Dans divers contextes, les gens de ces régions se sont mobilisés [72] pour améliorer leurs conditions de travail, pour accroître la sécurité dans les mines et avoir le respect des employeurs.

Au début des années 1960, l'Est du Québec a été le théâtre d'un projet pilote connu sous le nom de Bureau d'aménagement de l'Est du Québec (BAEQ). C'était une époque de grande agitation politique et sociale au Québec. Ma région a été choisie pour la simple raison qu'il s'agissait d'un des coins du pays où l'économie était parmi les plus précaires. Les temps étaient durs pour l'agriculture, la pêche et la foresterie. Il fallait choisir entre survivre dans ces terres éloignées ou abandonner la communauté pour s'approcher des centres de services urbains. Évidemment, si un grand nombre de gens décidaient de quitter la région, il serait difficile, voire impossible, pour les autres d'y gagner leur vie. On pouvait sentir la tension dans les assemblées municipales où les résidents exprimaient ouvertement leurs préoccupations.

Pour avoir une meilleure idée des transformations qui ont eu lieu dans la région, il suffit de rappeler qu'en 1931, le premier recensement des régions rurales dénombrait 135 000 fermes. Vingt ans plus tard, ce nombre avait chuté à 100 000. De nos jours, il y en a moins de 28 000 [3].

L'idée maîtresse derrière le projet pilote était qu'il semblait possible de provoquer une transformation économique d'envergure grâce aux progrès techniques et scientifiques. L'intervention de l'État était de plus en plus populaire dans la province où les gouvernements avaient de loin été les moins interventionnistes au pays. Il devenait cependant évident que les changements proposés pouvaient avoir des répercussions néfastes sur le tissu social de la région, puisqu'ils visaient l'industrialisation, l'urbanisation et la technocratisation. Ces processus allaient davantage aliéner et enrager les résidents des villages qui formaient l'épine dorsale de la région.

[73]

Il est à noter que ce qui semblait importer le plus pour les décideurs était le besoin d'alerter la population sur l'urgence d'être plus actif, plutôt que de mettre en œuvre des mesures concrètes qui permettraient aux personnes de demeurer dans la région. Le sociologue Edward Smith rappelle que « la participation était savamment conçue, laborieusement structurée, généreusement appuyée et dotée de personnel ; le BAEQ dépensait plus de la moitié du budget de presque 4 millions de dollars (en fonds de contrepartie fédéral-provincial) pour l'information et la consultation publique [4] ». Pour le moins, le BAEQ aura sans doute aidé à sensibiliser les gens au fait qu'ils appartenaient à une communauté régionale et que leurs actions pouvaient changer le cours de l'histoire.

Les gouvernements d'Ottawa et de Québec tentaient aussi de gagner du capital politique de ces interventions, mais souvent ils se livraient des batailles de compétence. À la fin, en 1966, le BAEQ a produit dix volumes abondamment documentés, dont un important inventaire du potentiel économique de la région. Ces volumes versaient dans le langage de l'efficacité des programmes et formulaient des recommandations pour la consolidation des vocations économiques, pour la spécialisation des secteurs d'intervention, pour le choix des gagnants et des perdants économiques et pour le transfert des populations de régions éloignées et peu peuplées vers les centres urbains.

Malgré le fait d'avoir été choisie pour la mise en œuvre d'un projet pilote conçu de façon à favoriser le développement et la stabilité économique, la région a connu de fortes tensions politiques et sociales.

Je remonte à cette période, et particulièrement à l'année 1970, pour plusieurs raisons. Entre autres, 1970 est l'année de l'élection de [74] Robert Bourassa (1933-1996) comme premier ministre du Québec. Bourassa est l'expression même de l'esprit de l'époque. À 36 ans, il était le plus jeune premier ministre de la province. Sa stratégie pour affirmer son pouvoir était simple et étrangement similaire, du moins par le nom, à un projet politique actuel : Un plan pour le Nord. Pendant la campagne électorale du printemps 1970, Bourassa lance l'initiative avec la promesse de créer 100 000 emplois. Le Bas-Saint-Laurent avait trouvé son sauveur et, en réponse, les libéraux qui avaient perdu le pouvoir depuis 1966, ont remporté huit des dix circonscriptions de la région, y compris la mienne, Matapédia (où a été élu l'Acadien Bona Arsenault), et Bonaventure (où a été élu Gérard D. Lévesque).

L'année 1970 a aussi été celle de mon entrée au cégep [5] de Rimouski. Je me souviens des cours de littérature, de géographie, de psychologie, d'études religieuses et de sociologie du Québec, celui-ci étant le plus stimulant. Il était donné par Alain Marcoux, fraîchement diplômé de l'Université Laval, qui sera élu à l'Assemblée nationale lors de l'élection historique du Parti québécois le 15 novembre 1976.

En plus de mon entrée au cégep à l'automne 1970, deux autres événements restent présents à mon esprit. Le premier, dont tout le monde a entendu parler, est celui de la Crise d'octobre. Plusieurs livres, documentaires et films ont relaté cet événement. Dans tout le Québec et dans plusieurs cégeps, la science politique et la sociologie gagnaient du terrain à titre de domaines de recherche dignes de ce nom. Rappelons-nous que, peu avant, les domaines d'étude les plus prisés par les francophones étaient le droit, la médecine, les sciences religieuses et la théologie. Le Québec devenait un laboratoire pour la recherche en sciences sociales ; la province était un véritable projet pilote de planification sociale, de modernisation économique et d'innovations sociales et politiques.

[75]

Pendant la Crise d'octobre, les Forces armées canadiennes se sont déployées dans les centres urbains et sur les routes rurales. Je me souviens d'avoir vu des soldats dans mon village de Saint-Gabriel et je me demandais ce qu'ils faisaient là. Dans la région, les rumeurs et la suspicion allaient bon train. Richard Amyot, Gilles Gauvin, Pierre Jobin et Rodrigue Lévesque étaient bien connus pour leurs fréquentations avec les mouvements progressistes. On les soupçonnait de fomenter l'agitation politique et de distribuer de la documentation à caractère politique : ils ont tous été emprisonnés. Il y a eu plus de 50 arrestations à Rimouski seulement [6]. Québec et Ottawa s'étaient unis pour éradiquer ce que les politiciens décrivaient comme les forces du mal. Cependant, les autorités politiques de l'époque n'ont pas toutes fait preuve de jugement — des centaines de personnes ont été incarcérées sans autre raison que d'avoir en leur possession des documents anti-impérialistes, anti-colonialistes, séparatistes ou anarchistes, ou simplement parce qu'elles s'étaient exprimées contre l'ordre établi. Lors des élections de novembre 1976, parmi les huit circonscriptions que comptaient la région, Bonaventure a été la seule à ne pas tomber entre les mains du Parti québécois.

Je me souviens d'octobre 1970 pour un autre événement qui a hanté encore plus l'esprit des gens du Bas-Saint-Laurent, un événement qui a été déterminant pendant mes années de formation comme étudiant à la maîtrise (Université Simon Fraser, 1976-1978) et au doctorat (Université Carleton, 1978-1983). Il s'agit du mouvement mené par les « curés en colère.  » Pour synthétiser, 19 curés ont publié un manifeste qui qualifiait d'improductives les initiatives du gouvernement, lesquelles allaient mener à la fermeture de plusieurs municipalités dans toute la région. Ces curés en colère dénonçaient les initiatives pour leur effet d'effritement du tissu social. Ce mouvement social, connu comme les Opérations-Dignité I, II et III, a incité [76] plusieurs personnes à s'impliquer dans la politique locale, régionale, québécoise et fédérale. Seuls 10 des 85 villages que le gouvernement du Québec prévoyait fermer l'ont été effectivement. Néanmoins, ces fermetures ont laissé un arrière-goût très amer chez les gens de la région.

Les technocrates agissaient toujours de la même façon. Après avoir acheté les propriétés pour une bouchée de pain, l'État mettait en branle son plan d'action. Premièrement, on coupait l'électricité. Puis on brûlait les maisons et les granges sous la supervision des agents du gouvernement pour s'assurer que les résidents ne retournent pas dans leur village. Le courrier était livré dans des centres de services voisins, les écoles étaient fermées et on cessait le déneigement des rues et des routes. Plusieurs personnes ont déménagé dans des habitations à loyer modique dans les centres urbains ; certains ont acheté un lopin de terre en banlieue dans l'espoir d'une vie nouvelle qui ne s'est jamais vraiment concrétisée, car leur manque de formation rendait très difficile la recherche d'emploi.

Cela rappelait le grand dérangement — la déportation des Acadiens —, mais au lieu d'exiler les habitants de leurs terres, le plan visait la destruction de leurs habitations par le feu. Il n'y avait plus d'autre choix que de quitter la région.

Cette situation m'a grandement marqué et m'a convaincu de consacrer mes études supérieures aux enjeux liés au développement régional. En cours de route, j'ai rencontré plusieurs collègues qui partageaient mes préoccupations pour les gens qui vivent en régions éloignées et plus faiblement développées.

C'est la principale raison pour laquelle je souhaitais donner cette conférence Trudeau à l'Université St. Francis Xavier. La famille Bickerton-MacNeil, qui m'héberge ce soir, m'a sensibilisé au fait que les gens des villages dispersés de la Nouvelle-Ecosse et de l'île du Cap-Breton font face à des défis similaires à ceux de ma région. Mes relations d'amitié avec la famille remontent à 1979.

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Je suis souvent retourné dans ma région natale. Un des moments les plus émouvants a eu lieu le 15 octobre 1981 quand je suis allé à Sainte-Paule avec Claude Morin, un journaliste et ami de longue date, pour le lancement de mon premier livre [7]. Ce travail de collaboration, qui relate le courage et la détermination des gens de la région, a réuni des acteurs sociaux et des spécialistes en sciences sociales. L'événement a eu lieu dans l'église où avait commencé le 25 septembre 1970 la première Opération-Dignité. Grâce à leur résistance assidue, et contre toute attente, les résidents avaient réussi à garder leur village ouvert. Cela me faisait clairement voir que l'habilitation est un puissant concept dont la force provient d'abord et avant tout de l'esprit et de la détermination de la population.

L'habilitation par la mobilisation nationaliste

J'ai grandi dans une famille où la politique était primordiale. Mon père était très engagé dans la politique municipale et provinciale. Il se montrait très critique envers le clergé et s'identifiait fortement aux libéraux. Il espérait que la défaite des forces de l'Union nationale mènerait à une amélioration des conditions de sa famille. La victoire de Lesage, en i960, a donné lieu à des emplois plus que nécessaires alors qu'il y avait un urgent besoin de construire des routes, des hôpitaux et des écoles. Ma famille a d'ailleurs bénéficié de ces réformes : en effet, après l'élection, mon père a été engagé comme contremaître en remplacement d'un voisin connu pour son allégeance à l'Union nationale.

Le sociologue Marc Renaud a décrit les conditions sociales et économiques qui prévalaient au Québec au cours des années i960. À l'époque, les Québécois francophones représentaient 80 % de la population de la province et possédaient 50 % des compagnies, mais ne contrôlaient que 15 % de la valeur ajoutée dans le secteur industriel [8]. [78] En somme, les francophones contrôlaient les secteurs économiques les moins rentables, principalement l'agriculture et, dans une moindre mesure, la vente au détail, les services et la construction. Voici un extrait du compte rendu de Renaud :

Quelques Canadiens français avaient une formation qui leur permettait d'occuper des postes administratifs, professionnels ou techniques dans l'économie et, après les réformes de l'éducation au milieu des années i960, leur nombre a augmenté considérablement. En réalité, une nouvelle classe moyenne faisait son apparition [...]. Cette nouvelle classe moyenne était essentiellement différente de l'ancienne classe moyenne et de l'élite traditionnelle québécoise, dont le pouvoir et le statut reposaient avant tout sur leurs rapports avec l'ordre religieux.

Au début des années 1960, cette nouvelle classe moyenne faisait face à une économie privée plutôt inefficace pour créer de nouveaux emplois et peu accueillante envers les Canadiens français diplômés. Dans ce contexte, l'avancement de l'État tient du miracle. Il a su créer des débouchés d'emploi dans les universités et pour les Canadiens français qui avaient une formation technique, assurant ainsi la survie de cette classe au Québec [9] [traduction].

La mise en œuvre de tels changements a donné aux acteurs politiques une forte légitimité en raison de leur rôle déterminant dans la mobilité ascendante des Québécois francophones. D'autre part, le nationalisme d'État a été proposé comme le principal instrument de la transformation des conditions économiques et politiques ainsi que de l'égalité d'accès à l'emploi pour les Québécois francophones. La tâche était gigantesque puisque, en 1959, le gouvernement du Québec comptait dans ses rangs moins d'une cinquantaine de spécialistes en sciences humaines et sociales (notamment des économistes, des urbanistes et des travailleurs sociaux) et que près d'un [79] tiers de tous les fonctionnaires avaient moins de cinq années de scolarité. À cette époque, plus de la moitié des fonctionnaires travaillaient pour le ministère de la Justice, la voierie, Hydro-Québec ou la Commission des liqueurs [10]. C'est dans ce contexte qu'on a créé la commission Parent afin de procéder à une profonde réforme du secteur de l'éducation.

La commission Parent a été mise sur pied en 1961 pour que l'éducation relève dorénavant de l'État. Le rapport, déposé en 1966, établit qu'il incombe à l'État « d'assurer le progrès économique et social, de pourvoir au bien-être général, de protéger la collectivité, de corriger les injustices, d'assister les faibles. Dans cette perspective, on peut dire que l'État moderne ne peut plus laisser dans l'ignorance une partie de la population sans mettre en danger le progrès et la paix de la société et sans se faire le complice des injustices qu'il a mission de corriger. Il a donc l'obligation de pourvoir, directement ou indirectement, à l'éducation de tous : c'est là une de ses fonctions essentielles, qu'il ne pourra plus jamais se dispenser de remplir [11] ».

Le travail de la commission Parent coïncide avec une période politique où le nationalisme d'État était de plus en plus présent dans la conscience collective. Pour plusieurs Québécois francophones, la seule façon d'inverser les structures du pouvoir était de compter sur l'État pour contenir les forces du capital privé.

La plupart des Québécois francophones considéraient le nationalisme d'État comme un puissant outil pour faire progresser la démocratie, consolider la solidarité et la cohésion sociale, atténuer [80] les discriminations, favoriser l'inclusion sociale, stimuler l'investissement public, favoriser la nationalisation et modérer les pratiques économiques libérales. Dans ce contexte, j'avancerais qu'à partir de 1960, et pour quelques décennies, tous les partis politiques présents à l'Assemblée nationale du Québec ont défendu une forme ou une autre de nationalisme d'État.

Les Québécois francophones ont su éviter la face obscure du nationalisme ; ils ont plutôt mis de l'avant son potentiel pour des politiques de transformation et d'émancipation. Je me souviens très bien de l'excitation fébrile de la jeunesse québécoise quand René Lévesque a été élu premier ministre pour la première fois le 15 novembre 1976. On sentait que les choses commençaient à changer pour le mieux. Un sentiment de confiance s'installait dans la conscience collective.

À cette époque, je préparais une maîtrise en science politique à l'Université Simon Fraser. Je me souviens parfaitement de ce lundi de novembre. Des étudiants du Québec se sont réunis en soirée sur la principale place de l'université pour y brandir le drapeau québécois, tout comme le font les Italo-québécois quand leur équipe gagne une partie à la Coupe du monde de soccer. Certains étudiants étaient si enthousiasmés par la victoire du Parti québécois, qu'emportés par l'euphorie, ils ont pris leur voiture pour filer vers l'est.

À ma connaissance, aucun ne s'est rendu plus loin que Kamloops.

Quelques mois plus tard, Lévesque s'est rendu à New York pour prononcer un discours devant le prestigieux Economie Club. Bien qu'il y ait reçu un accueil plutôt froid, j'étais néanmoins exalté par ce geste sans précédent. Naturellement, mes collègues universitaires anglophones n'étaient pas aussi emballés, mais ils convenaient que personne ne pouvait plus considérer le Québec comme une province dirigée par le clergé, marquée par une main-d'œuvre bon marché ou encore une province où l'anglais pouvait continuer de dominer les secteurs commercial, financier et industriel.

[81]

Permettez-moi de clarifier un point au sujet de l'enthousiasme des Québécois pour le nationalisme d'État. Pour être précis, il faut savoir que le nationalisme est un concept polysémique. Pour certaines personnes, il s'agit d'un mouvement réactionnaire qui vise l'avancement d'un projet ethnique fondé sur certains liens primordiaux et en opposition aux valeurs libérales. Pour d'autres, c'est l'expression d'un mouvement social qui vise la transformation des rapports de pouvoir et le redressement des injustices du passé. Pour d'autres encore, il s'agit d'une quête d'identité dans un monde pris entre les forces de l'intégration et celles de la désintégration [12]. Ainsi, les nationalismes de la majorité canadienne et de la minorité québécoise ont adopté, selon les époques, des points de vue contrastés quant à la culture, à l'économie et aux politiques identitaires. Cela dit, ma compréhension globale de ces deux formes de nationalismes au Canada est qu'au cours des trente dernières années, la tendance a été de favoriser les valeurs libérales au sein des projets nationalistes.

Le nationalisme n'est pas toujours une mauvaise chose. Le politologue américain Craig Calhoun nous invite à éviter de parler du nationalisme simplement en termes :

d'excès passionnés ou de savantes manipulations par les démagogues. Car le nationalisme est également un type de formation discursive qui permet la reconnaissance mutuelle entre polités qui doivent concilier diverses histoires, arrangements institutionnels, conditions matérielles, cultures et projets politiques dans le contexte d'une mondialisation de plus en plus présente. Le nationalisme offre à la fois un mode d'accès aux affaires mondiales et un mode de résistance aux aspects de la mondialisation. Souhaiter sa disparition équivaut à laisser place à la dominance du capitalisme néolibéral plutôt que d'accueillir l'arrivée d'une nouvelle ère de citoyenneté mondiale [13].

[82]

Je tiens simplement à souligner qu'il faut éviter de tirer des conclusions trop hâtives quand on aborde le nationalisme sous sa forme sociopolitique. L'importance de la solidarité nationale a été particulièrement bien illustrée par des pacifiques tels que Mohandas Gandhi (1869-1948) en Inde, Martin Buber (1878-1948) en Israël, le théologien protestant Paul Tillich en Europe et le théologien catholique Jacques Grand'Maison au Québec [14].

Comme dans le cas du régionalisme, le nationalisme peut donc clairement favoriser l'habilitation de communautés qui ont été laissées pour compte, négligées ou prises à la légère. Cela m'amène au thème du fédéralisme comme puissant outil pour la reconnaissance et l'habilitation de communautés ou cultures sociétales dans un contexte de pluralisme.

L'habilitation
par la mobilisation fédéraliste multinationale


À l'exemple du régionalisme et du nationalisme, on peut concevoir le fédéralisme comme un instrument favorisant l'habilitation des communautés. Le fédéralisme facilite les relations inter-étatiques, les liens intra-étatiques et les relations intercommunautaires. J'ai décrit, ailleurs, cinq principaux usages du fédéralisme dans des contextes de fragmentation politique [15] : le fédéralisme comme mécanisme de gestion de conflits, le fédéralisme comme bouclier pour les minorités et les intérêts territoriaux, le fédéralisme comme dispositif permettant d'atteindre un équilibre entre les forces de l'unité et celles de la diversité, le fédéralisme comme système de représentation [83] dans le cadre des démocraties dualistes ou multiples et le fédéralisme comme laboratoire social propice au développement de projets sociopolitiques novateurs. Ce qui manque dans la plupart des écrits portant sur le fédéralisme est l'évocation du fait qu'il peut aussi servir de mécanisme pour l'habilitation de cultures ou de nations minoritaires évoluant dans des cadres politiques complexes. J'ai tenté de corriger cette lacune dans de récents écrits, notamment Multinational Democracies ; La raison du plus fort : plaidoyer pour le fédéralisme multinational et, plus récemment, L'âge des incertitudes : essais sur le fédéralisme et la diversité nationale.

Dans Multinational Democracies, mon collègue James Tully présente de la façon suivante ce type particulier d'association politique :

D'abord et avant tout, les démocraties multinationales, par opposition aux démocraties mononationales (qu'on considère souvent comme étant la norme), sont des associations constitutionnelles qui comprennent deux ou plusieurs nations ou peuples. [...] Puisque les nations d'une démocratie multinationale sont effectivement des nations, leurs membres aspirent à la reconnaissance non seulement dans le contexte de l'association multinationale dont elles font partie, mais aussi d'une certaine façon dans le contexte du droit international ou autres régimes juridiques supranationaux (comme par exemple les quatre nations qui constituent le Royaume-Uni). Par conséquent, les démocraties multinationales ne sont pas des démocraties traditionnelles à nation unique où se trouvent des minorités sub-nationales internes qui aspirent à des droits collectifs ; elles sont plutôt des sociétés regroupant deux ou plusieurs nations qui souvent se chevauchent et qui ont plus ou moins un statut égal.

Deuxièmement, les démocraties multinationales ne sont pas des confédérations d'États-nations indépendants, ni des sociétés plurielles de peuples séparés, ni des empires multinationaux. [...] Les autorités, les modes de participation et de représentation ainsi que les identités nationales et multinationales des citoyens se chevauchent et sont sujets à négociations. [...]

Troisièmement, les nations et les multinations composites sont des démocraties constitutionnelles. C'est-à-dire que la légitimité des [84] nations et des associations multinationales repose sur leur adhésion aux valeurs juridiques et politiques, aux principes et droits de la démocratie constitutionnelle et au droit international. [...]

Quatrièmement, les démocraties multinationales sont aussi multiculturelles. Les nations et les associations multinationales sont composées, dans l'ensemble, d'individus et de minorités culturelles, linguistiques, religieuses et ethniques qui luttent pour ou contre diverses formes de représentation et d'accommodation de leur diversité culturelle. En réponse, les nations et les associations multinationales mettent au point des procédures et des institutions pour un dialogue démocratique et pour une réconciliation de ces formes de diversités [...] [16].

Tully décrit de façon claire ce type particulier d'association politique et fait voir son potentiel pour l'avancement d'une stabilité juridique et politique dans les démocraties libérales avancées.

Les écrits de Pierre Trudeau avant son arrivée dans la politique fédérale sont très similaires à la perception de Tully sur les démocraties multinationales. En fait, Trudeau a déjà plaidé en faveur d'un projet politique, connu comme Y option multinationale, dans lequel le fédéralisme et la démocratie peuvent progresser simultanément. Pour ce jeune Trudeau, le modèle d'État westphalien classique n'apportait pas de réponse satisfaisante aux revendications des minorités et ne contribuait pas à l'avancement des communautés plurielles. Récemment, Tully s'est penché sur les écrits de jeunesse de Trudeau au sujet du fédéralisme multinational et leur a découvert un grand intérêt puisque qu'ils se fondent « sur une démocratisation de la masse, sur des expériences de socialisme local et régional ainsi que sur une pluralité d'associations nationales, ethniques, démocratiques, régionales et économiques ». Ses écrits envisagent la coexistence « de nationalismes anglo-canadiens et franco-canadiens [...] [85] au sein de la fédération, lesquels seraient civiques et pluriels plutôt qu'homogènes du point de vue ethnique [17] ».

Toutefois, après son entrée dans la vie politique fédérale, Trudeau a choisi de ne pas donner suite à son propre concept d'option multinationale. Il s'est également montré opposé à l'idée d'un Canada en tant que « communauté de communautés [18] ». Il a plutôt défendu l'idée selon laquelle tous les Canadiens sont sujets à une reconnaissance indifférenciée et selon laquelle les droits de l'individu ont préséance sur toute autre forme de reconnaissance politique. En d'autres mots, les institutions, la culture, l'identité, l'appartenance, l'histoire, le genre et le statut d'autochtone ne devraient par interférer dans la vie politique concrète.

Sur ces points, ma propre vision s'aligne plutôt sur la compréhension que le jeune Trudeau avait de la politique.

L'âge des incertitudes [19]

Je considérais important de faire ce lien avec les écrits de jeunesse de Trudeau, puisque nous sommes dans un âge de grande incertitude. Cet âge est caractérisé par la création d'un marché mondial et la normalisation économique, par la vague montante de l'américanisation culturelle, par le déclin du savoir politique et de l'engagement civique, par l'uniformisation croissante de sociétés et de cultures qui étaient distinctes et par une atomisation de plus en plus marquée chez les individus. Ensemble, ces phénomènes constituent [86] une menace sans précédent pour la survie des cultures, des identités et des nations minoritaires. Il y a donc urgence pour les groupes minoritaires de s'affirmer et de résister aux diktats homogénéisants qui ponctuent cette période d'incertitude.

Dans ce contexte, je souhaite illustrer comment les polités multinationales peuvent aborder la reconnaissance de la diversité et répondre aux revendications des nations minoritaires. Depuis sa création, le Canada a dû faire face à ces enjeux et, à ce titre, le cas du Canada permet d'illustrer comment les nations minoritaires et majoritaires ont amorcé un dialogue institutionnel et idéationnel. Je vais tenter de tirer, de ce contexte particulier, des leçons qui peuvent s'appliquer à d'autres polités fédérales ou à des États qui ont entrepris un processus de fédéralisation. Je ferai également le lien entre le cas du Canada et celui de l'Espagne. L'examen de ces deux polités fournit un point de départ pour définir un modèle de survie constante et de progression des minorités nationales. Ce faisant, je tenterai de dégager des principes qui, d'une part, sont essentiels pour assurer la coexistence de minorités nationales et de majorités nationales dans une relation intercommunautaire juste et équitable et qui, d'autre part, permettent aux nations minoritaires de concrétiser leurs aspirations légitimes et démocratiques.

Entre 1995 et 2005, il y a eu d'importantes transformations dans les relations entre les organisations internationales et les minorités nationales. Plutôt que de promouvoir les droits des minorités nationales, comme elles l'ont déjà fait, les organisations internationales tendent maintenant à insister davantage sur les droits de l'individu au sein des nations minoritaires. Il est vrai que les organisations internationales ont dénoncé l'affligeante situation des minorités nationales au Kosovo et au Timor oriental. Mais il s'agit d'exceptions par rapport aux tendances exprimées sur la scène supranationale, lesquelles privilégient plutôt un compromis entre la reconnaissance des minorités nationales et l'instauration d'une société mondiale constituée [87] de divers groupes culturellement distincts. Le rapport sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement, publié en 2004, intitulé La liberté culturelle dans un monde diversifié, est peut-être celui qui exemplifie le mieux cette tendance.

Pour assurer leur survie à long terme, les minorités nationales doivent surmonter un obstacle majeur. Les majorités nationales ont longtemps ignoré les revendications des minorités nationales sous prétexte que leur reconnaissance menacerait la position de l'État-nation au sein des organisations internationales et dans le contexte de la concurrence économique internationale. Face aux menaces provenant des groupes minoritaires, les représentants des États en question ont exigé d'eux une loyauté inconditionnelle. Cependant, dans le contexte effréné de la mondialisation culturelle et économique, les nations minoritaires font face à un milieu encore plus inquiétant devant la double menace de l'érosion culturelle et du déclin de leur pertinence internationale.

En d'autres mots, ces nations doivent non seulement contrecarrer les forces homogénéisantes de la mondialisation, mais aussi résister aux pressions d'uniformité culturelle qui proviennent de leur propre État. Au Canada, les peuples autochtones sont forcément les plus affectés par ces phénomènes mondiaux.

Les minorités nationales ne peuvent accorder la loyauté et l'unité demandées par la majorité, à moins qu'elles ne soient accompagnées de mesures qui protègent la liberté et la démocratie au sein de la polité multinationale. Il s'agit d'une question de confiance conditionnelle.

Les mots de Lord Acton résonnent jusqu'ici. Il affirmait que le fédéralisme multinational moderne impose un équilibre entre l'unité et la liberté ; empêcher la réconciliation de ces deux notions peut avoir des conséquences néfastes pour tout État. D'un côté, si les objectifs d'unité sont satisfaits au détriment de la liberté, on tombe logiquement dans le despotisme. De l'autre, la promotion d'une [88] liberté sans souci d'unité mène inévitablement à l'anarchie. Pour Lord Acton, l'institutionnalisation du fédéralisme multinational offre des moyens d'éviter ces deux issues. Il disait clairement que

l'existence de différentes nations au sein de la même souveraineté [...] permet d'éviter la servilité qui s'installe en présence d'une seule autorité, en équilibrant les intérêts, en multipliant les associations et en donnant au sujet la retenue et l'appui d'une opinion combinée. [...] La liberté mène à la diversité, et la diversité préserve la liberté en offrant des moyens d'organisation. [...] La coexistence de plusieurs nations dans le même État est un test, de même que la meilleure façon d'assurer sa liberté [20].

Pour la dernière partie de ma conférence, je présenterai mon point de vue sur la façon de réconcilier la liberté, la diversité et l'unité dans cet âge d'incertitude. Je proposerai également l'aperçu d'un nouveau projet politique pour les États multinationaux, lequel prend racine dans les idéaux de liberté, de reconnaissance et d'habilitation. Je soutiens qu'un projet politique fondé sur ces idéaux ouvrira de nouveaux horizons pour l'entrée des nations minoritaires et majoritaires dans un dialogue franc et honnête et permettra la coexistence mutuelle et compatible de la différence, de la confiance et du communautarisme libéral dans le contexte d'une démocratie moderne.

L'adoption de ce nouveau projet politique ne sera pas facile à réaliser. Il exige que les nations minoritaires suivent le chemin tracé par les peuples autochtones et qu'elles résistent vigoureusement à ceux qui tentent de maintenir ou de promouvoir le statu quo.

Vers de nouvelles politiques dans les polités multinationales
— modération, dignité et hospitalité


L'instauration d'un nouveau projet politique pour les polités multinationales se fonde sur trois principes : le principe de modération, [89] le principe de dignité et le principe d'hospitalité. Ces trois principes constituent les fibres qui, une fois entrelacées, créent la trame d'une politique qui repose sur la liberté, la reconnaissance et l'habilitation.

Le principe de modération

Le traité de Montesquieu sur l'équilibre dans les sociétés politiques forme la base théorique du premier principe. Au XVIIIe siècle, Montesquieu plaidait à la fois pour la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire et pour la recherche de la diversité. Le principe d'équilibre, qui sous-tend ces deux objectifs, est essentiel à l'instauration de nouvelles politiques dans le contexte de l'âge des incertitudes. Selon Montesquieu, l'équilibre est un rempart nécessaire contre le développement de systèmes gouvernementaux autocratiques, totalitaires et tyranniques. Ainsi, l'établissement de l'équilibre et d'un bon gouvernement, par la séparation des pouvoirs et la recherche de la diversité, nécessite la tempérance et la modération des intentions et des ambitions politiques.

Toutefois, l'histoire abonde d'exemples où les acteurs politiques ont méprisé le principe de modération et ont plutôt tenté d'imposer leur volonté aux composantes et aux sujets politiques. Les peuples autochtones du Nouveau Monde ont payé cher l'ambition effrénée des puissances coloniales. Certaines nations minoritaires ont aussi été soumises à la création de structures de domination. Dans le contexte canadien, ce phénomène a été mis au jour par les travaux d'Eugénie Brouillet, de John Conway, de Michel Seymour et de James Tully, qui documentent les processus d'homogénéisation culturelle, religieuse et linguistique contre lesquelles les Québécois et les Acadiens ont dû résister depuis la création du Canada.

Le principe de dignité

D'autres grands penseurs se sont penchés sur la nature humaine et sur les conditions nécessaires pour une société juste. David Hume (1748) et John Rawls (1971), en particulier, ont abordé le besoin de [90] concevoir des règles pour atteindre et consolider la justice. Alain Renaut a transposé ces préceptes dans le contexte contemporain. Ce faisant, Renaut a remplacé l'idée de « circonstances de la justice » de Hume par celle de « circonstances de la diversité. » Renaut s'exprime ainsi :

je désignerai ici comme des "circonstances de la diversité" l'ensemble des conditions qui ont imposé à nos sociétés contemporaines d'en venir à s'interroger sur les règles ou les principes qu'elles doivent s'imposer à elles-mêmes pour reconnaître que l'identité humaine est intrinsèquement différenciée et ne peut être traitée avec dignité abstraction faite d'une prise en compte de cette diversité [21].

Cette reconnaissance constitue la base du deuxième principe qui sous-tend les rapports entre nations dans les sociétés démocratiques modernes.

Bien que le discours sur la dignité ne soit plus au cœur des rapports entre majorités et minorités au Canada, il est présent dans le conflit international toujours présent au sein d'une autre polité multinationale. Au cours des dernières années, il y a eu en Espagne un conflit croissant entre les forces d'État nationalistes et les mouvements nationalistes sub-étatiques au Pays basque, en Catalogne et en Galice. La nature de ce conflit est présentée dans un éditorial détaillé (signé par douze journaux catalans) publié le 26 novembre 2009. L'article frappe au cœur du conflit entre les nationalistes bourboniens et les défenseurs du fédéralisme multinational. Pour le citer :

Les pactes fondamentaux qui ont rendu possible les trente meilleures années de prospérité de l'histoire de l'Espagne sont maintenant remis en question. Il est indispensable de rappeler un des principes à la base de notre système juridique, qui provient de la Rome antique : Pacta sunt servanda. Les pactes doivent être respectés. [91] La Catalogne est préoccupée et toute l'Espagne doit le savoir [...] Les Catalans pensent, avant tout, à leur dignité[22]

Ces extraits de citations révèlent que les rapports entre majorité et minorités se trouvent peut-être bien à un tournant décisif. Que ce soit en Catalogne, en Ecosse ou dans des contextes où les minorités nationales se sont engagées dans des projets politiques similaires, la notion de dignité est devenue un cri de ralliement pour le repositionnement de la démocratie.

En Espagne, les revendications pour le respect de la dignité ne sont pas tombées dans l'oreille de sourds. Bien que l'avenir du peuple catalan reste incertain, il y a toutefois un regain de la mobilisation nationale, semblable en poids et en nombre aux mouvements qui sont apparus pendant le déclin de l'empire soviétique. Dans ce contexte plus récent, la dignité est inextricablement liée à la reconnaissance de la diversité nationale.

Le principe d'hospitalité

Les deux premiers principes demandent que la majorité nationale fasse preuve de modération et respecte la dignité nationale. Le troisième principe — et le plus important — dicte aux minorités nationales de mettre en pratique l'éthique de l'hospitalité. Ce principe vise l'élargissement des contextes de choix et agit comme moyen de contrecarrer les effets fractionnant du libéralisme procédural.

Le philosophe Daniel Innerarity a récemment consacré un livre complet à l'éthique de l'hospitalité. Selon lui, la pratique de l'hospitalité comme impératif premier permet :

de s'approprier de façon interprétative la riche étrangeté de la vie, des autres, de la culture dans laquelle nous vivons, parfois opaque au point de frôler l'incompréhensible ou l'hostile, mais qui est à l'origine de cet apprentissage de quelque chose de nouveau, le contact [92] avec ce qui est différent et l'harmonisation de la disparité dont est faite notre vie [23].

Cette façon de voir la réalité donne un nouveau sens au monde politique et donne priorité à une vie saine ancrée dans la société et les relations intercommunautaires.

Le principe d'hospitalité mènera certainement à des débats et à des périodes d'incertitude. Cependant, toute société démocratique mature doit accepter un certain degré d'incertitude et, pour cette raison, doit laisser place à la possibilité du changement. C'est uniquement par une interaction intercommunautaire (ou par des tensions créatrices, pour employer les termes de Trudeau) qu'une société moderne peut mettre en place un projet politique qui prête l'oreille à toutes les voix et qui favorise la participation politique au sein des communautés et entre elles. Les nations minoritaires, encore plus que les nations majoritaires, doivent embrasser l'éthique de l'hospitalité. Elles doivent faire face à une série de défis qui donneront lieu, entre autres, à l'accommodement et à l'intégration des populations migrantes, en maintenant la prédominance des langues majoritaires, en traitant le problème de la disparition du sentiment d'appartenance communautaire, en contrecarrant le désengagement citoyen et en atténuant l'impact culturel et économique de la mondialisation. Confrontées à ces phénomènes, les nations minoritaires sont menacées. À ce titre, elles doivent trouver de nouvelles façons d'appuyer la mobilisation et le militantisme tant sur la scène intra-nationale qu'internationale.

Le principe de l'hospitalité demande l'adoption de véritables politiques d'interculturalisme. Le modèle interculturel donne lieu à un dialogue sain entre les membres d'une société diverse de même qu'à l'articulation d'un pacte authentique entre les communautés nationales. D'une part, ce modèle permet la diversification [93] culturelle et idéationnelle de la minorité nationale et, d'autre part, il lui donne la possibilité d'exister et de s'épanouir. Bien que le dialogue intercommunautaire puisse mener à de profonds désaccords idéologiques, l'interculturalisme est nécessaire pour assurer la survie et l'évolution démocratique des nations minoritaires. Tel que l'indique Daniel Innerarity : « la rénovation de la démocratie ne viendra pas d'une ferveur pour le consensus, mais bien de la culture du désaccord raisonnable. La démocratie est impossible sans un certain consensus, mais elle doit permettre aussi l'expression des différences et la constitution des identités collectives autour de positions différenciées [24] ».

En guise de conclusion

Dans cette conférence, j'ai présenté la politique de la reconnaissance et la politique de l'habilitation comme étant essentielles à l'avancement de la démocratie. En évoquant les notions du régionalisme, du nationalisme et du fédéralisme, j'ai voulu remettre en question les politiques qui ont mené au développement inégal et aux disparités régionales, mettre au défi les politiques insensibles aux minorités nationales et proposer un moyen de faire progresser l'autonomie politique en harmonie avec un principe de non-subordination des pouvoirs dans les régimes fédéraux.

Mon argumentation s'est articulée autour de quatre réflexions. La première visait à explorer la mobilisation régionale comme moyen d'habilitation pour les résidents de régions éloignées qui sont affectées par le développement inégal. La deuxième portait sur la mobilisation nationaliste dans un contexte politico-économique influencé par les forces de la mondialisation, des forces qui peuvent entraver l'existence des communautés nationales au sein de l'ordre mondial. La troisième réflexion traitait de modèles pour la gestion [94] des diversités linguistiques et nationales, avec un accent sur les modèles centrés sur les droits communautaires et sur les droits de l'individu. Dans cette réflexion, j'ai voulu examiner les États multinationaux en tant que nouvelles formes institutionnelles d'association constitutionnelle. J'ai soutenu que l'autonomie politique doit être considérée comme une forme d'émancipation volontaire et consensuelle et non comme une façon d'exclure l'Autre. La quatrième réflexion était une évaluation de diverses conceptualisations de la communauté, de l'autonomie et de l'habilitation au sein des États nationalement diversifiés. J'ai présenté le fédéralisme multinational comme le cadre le plus prometteur pour la gestion de la diversité au sein de ces États. Tout au long de cette réflexion, j'ai réévalué les parcours vers la réconciliation communautaire en concrétisant et en approfondissant trois instruments fédéraux hérités du passé : le besoin de trouver un juste équilibre entre les forces en tension ; l'urgence d'instaurer une politique de dignité qui s'appuie sur une confiance continuellement renouvelée et actualisée ; et le besoin de s'ouvrir à une politique d'hospitalité de sorte que personne ne se sente exclu du processus politique et du renouvellement démocratique.

Pour terminer, et pour aller au-delà des points abordés dans cette conférence, s'il y a un message que je souhaite transmettre, c'est qu'à titre de citoyens engagés, nous jouons tous un rôle important dans l'avancement des principes d'équité et de justice. L'empathie, qualité que j'ai évoquée au tout début de la conférence en parlant de mon oncle, est un élément essentiel dont on doit s'inspirer à tous les niveaux — que ce soit pour la politique municipale, comme on l'a vu avec dans le cas des Opérations-Dignité ; pour les affaires provinciales, comme dans le cas du Mouvement des droits des Maritimes ou de l'affirmation nationale du Québec ; ou pour les forums nationaux, comme je le préconise depuis quelque temps sur la scène internationale. L'avancement de ces causes ne peut que favoriser la [95] dignité des gens et faire en sorte que l'Autre se sensibilise à l'importance d'agir en toute bonne foi, tout en évitant que la confiance ne s'affaiblisse ou ne s'effrite.

Mon souhait le plus grand est qu'une nouvelle génération d'universitaires prenne la responsabilité de s'assurer que le redressement des injustices du passé n'est pas seulement un concept limité aux mouvements de revendication des droits de la dernière moitié du xxe siècle. J'aimerais non seulement voir ces jeunes universitaires reprendre les chemins balisés par des lauréats Trudeau tels que James Tully, Jane Jenson, Jeremy Webber, Will Kymlicka ou John McGarry, mais aussi nous faire savoir à quel point et pourquoi nous nous sommes trompés, nous de la vieille génération. Les anciens lauréats Trudeau n'ont pas esquivé leurs obligations de sensibiliser les Canadiens à l'importance de « repenser le Canada » sous divers angles sociétaux et à partir de différentes traditions politiques. Mon souhait est que la prochaine génération de boursiers Trudeau relève à son tour ce défi ambitieux, complexe, unique et noble.



[1] Tous mes remerciements à Arjun Tremblay (doctorant, Université de Toronto) et à Alex Schwartz (boursier Banting, Université Queen's, Kingston) pour leurs commentaires sur les premiers jets de ce texte. Je tiens également à remercier Éric Bergeron, le traducteur de ce texte, de même que Bettina Cenerelli pour ses commentaires et pour la correction finale de ce document.

[2] Pour un compte rendu détaillé de ce mouvement, voir James Bickerton, Nova Scotia, Ottawa, and the Politics of Regional Development (Toronto : University of Toronto Press, 1990).

[3] « Bernard Vachon : Un homme qui a la passion du rural », Horizon, 12 novembre 2011.

[4] Edward Smith, « Planning for People : The Gaspé Project », dans W. E. Mann (dir.), Social and Cultural Change in Canada, vol. 2 (Vancouver : Copp Clark, 1970), 21.

[5] Au Québec, les cégeps correspondent aux niveaux 12 et 13, ou au niveau 12 et à la première année universitaire, des autres provinces.

[6] Pierre Jobin (Rimouski) a confirmé les noms et le nombre de personnes arrêtées dans une entrevue téléphonique le 3 avril 2012.

[7] Alain-G. Gagnon (dir.). Les Opérations-Dignité : Naissance d'un mouvement social dans l'Est du Québec (Ottawa : Université Carleton, 1981).

[8] Marc Renaud, « Quebec New Middle Class in Search of SocialHegemony  », dans Alain-G. Gagnon (dir.), Québec : State and Society (Scarborough : Methuen, 1984), 160.

[9] Ibid., 169.

[10] Stephen Brooks et Alain-G. Gagnon, Les spécialistes des sciences sociales et la politique au Canada : entre l'ordre des clercs et l'avant-garde (Montréal : Boréal, 1994). Publié à l'origine en version anglaise chez McGill-Queen's University Press en 1988.

[11] Rapport de la Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de Québec, vol. 4, p. 30. Consulté le 18 mai 2012 sur Les Classiques des sciences sociales : http://dx.doi.org/doi:10.1522/cla.com.rap5

[12] Guy Laforest et Douglas Brown (dir.), Intégration and Fragmentation. The Paradox of the Late Twentieth Century (Kingston : Institute of Intergovernmental Relations, 1994).

[13] Craig Calhoun, Nations Matter : Culture, History, and the Cosmopolitan Dream (London et New York : Routledge, 2007), 166.

[14] Pour un compte rendu détaillé sur ces penseurs et ces personnalités et leur point de vue respectif sur le nationalisme, voir Gregory Baum, Le nationalisme : perspectives éthiques et religieuses (Montréal : Bellarmin, 1998).

[15] Alain-G. Gagnon, « The Political Uses of Federalism », dans Michael Burgess et Alain-G. Gagnon (dir.), Comparative Federalism and Federation : Competing Traditions and Future Directions (Toronto : University of Toronto Press, 1993), 15-44.

[16] James Tully, « Introduction  », dans Alain-G. Gagnon et James Tully (dir.), Multinational Democraties (Cambridge : Cambridge University Press, 2001), 3-4.

[17] James Tully, « Federations, Communities and their Transformations », dans André Lecours et Geneviève Nootens (dir.), Dominant Nationalisât, Dominant Ethnicity, Collection Diversitas (Bruxelles : Peter Lang, 2009), 196.

[18] Voir James Bickerton, Stephen Brooks et Alain-G. Gagnon, Six penseurs en quête de liberté, d'égalité et de communauté : Grant, Innis, Laurendeau, Rioux, Taylor et Trudeau (Québec : Les Presses de l'Université Laval, 2003).

[19] Cette section s'inspire de mon plus récent livre L'âge des incertitudes : Essais sur le fédéralisme et la diversité nationale (Québec : Les Presses de l'Université Laval, 2011).

[20] John Emerich Acton, « Nationality », dans Gertrude Himmelfarb (dir.), Essays on Freedom and Power (Glencoe : The Free Press, 1949), 185.

[21] Alain Renaut, Un humanisme de la diversité : Essai sur la décolonisation des identités (Paris : Flammarion, 2009), 73.

[22] « La dignidad de Catalunya », La Vanguardia, 26 novembre 2009 ; éditorial publié simultanément dans 12 quotidiens dont le siège est en Catalogne.

[23] Daniel Innenarity, Éthique de l'hospitalité (Québec : Les Presses de l'Université Laval, 2009), 4.

[24] Daniel Innerarity, La démocratie contre l'État. Essai sur le gouvernement des sociétés complexes (Paris : Flammarion, 2006), 129.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 7 décembre 2020 10:54
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue,
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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