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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

“ L'herméneutique et l'idéologie ” (1984)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de MM. Alfred Dumais, “ L'herméneutique et l'idéologie ”. Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de M. Claude Panaccio et Claude Savary, L'idéologie et les stratégies de la raison. Approches théoriques, épistémologiques et anthropologiques, pp. 75-83. Montréal: Éditions Hurtubise HMH ltée, 1984, 236 pp. Collection Brèches. [Avec l’autorisation formelle accordée par M. Alfred Dumais, sociologue, professeur, département de sociologie, Université Laval, le 5 mai 2004.]

Introduction

Depuis l'avènement de la modernité, l'herméneutique a pris beaucoup d'ampleur: d'exégèse ou même simplement d'art de la lecture qu'elle était, elle est devenue épistémologie. Aussi lui demande-t-on, de nos jours, d'assumer des responsabilités décisives dans la fondation des sciences humaines. L'accomplissement de cette tâche engage l'herméneutique dans une démarche bien particulière: elle doit effectuer une véritable remontée au fondement, afin de découvrir, si possible, les racines des tensions et des problèmes qui tourmentent encore les disciplines de l'homme.

Or, dans cette tentative, la réflexion herméneutique s'est constamment heurtée à une difficulté majeure qui lui venait de l'idéologie. Il suffit de relire l'histoire de l'herméneutique pour se rendre bien vite compte que ses apories, son développement, même, résultent de controverses avec les formes les plus diverses de la pensée idéologique (1).

À titre d'illustrations, on pourrait rappeler les préoccupations de Schleiermacher pour la mé-compréhension, celles de Marx pour la conscience fausse et celles de Dilthey et de Weber pour l'objectivité historique. Tous reconnaissent, de diverses manières, que c'est précisément l'idéologie qui rend précaire toute recherche de certitude, bien plus, qui vient miner le fondement même sur lequel on voudrait enraciner les sciences humaines.

Rien d'étonnant alors que les herméneutes aient tourné leur attention du côté des propriétés essentielles de l'homme. Cette réflexion devait les conduire à prendre sérieusement en considération la nature compréhensive de l'existence humaine. C'est la compréhension comme mode d'être, comme l'élément constitutif du Dasein, qui prédomine dans la pensée de Heidegger en particulier et de tous ceux qui, par la suite, trouveront de l'inspiration dans ses intuitions (2). Que devient alors l'idéologie, si ce n'est qu'elle accède à un statut aussi ambigu que paradoxal, c'est-à-dire qu'elle est à la fois une forme spécifique de compréhension et un obstacle à la compréhension?

Il faut reprendre le débat à son point de départ. L'herméneutique pose comme préalable une expérience tout à fait fondamentale et élémentaire. C'est celle qui caractérise l'individu désireux de comprendre le monde dans lequel se déploie sa vie. La réflexion l'amène non seulement à se définir, mais à constituer l'univers qui lui est, de quelque manière, implicite. D'un certain point de vue, il doit se distancer de l'univers dans lequel il se trouve, s'il veut en prendre conscience. Par ailleurs, il découvre qu'il appartient à ce monde et qu'il ne saurait en sortir. Voilà un résumé très sommaire du mouvement dialectique de l'expérience herméneutique. Autrement le monde dans lequel nous vivons est composé d'idéologies diverses. Que nous le voulions ou non, nous appartenons à l'idéologie. C'est ce que j'appelle, dans la première partie, la reconnaissance de l'idéologie. Par contre, nous avons aussi le pouvoir de reconnaître cette appartenance et, en conséquence, de surmonter l'idéologie jusqu'à un certain point. C'est cette tentative de dépassement qui fait l'objet de la seconde partie.


Notes:

(1) J. WACH, Das Verstehen. Grundzüge einer Geschichte des hermeneutischen Theorie im 19. Jahrhundert, Hildesheim, Georg Olms Verlagsbuchhandlung, 1966, 3 tomes.

(2) M. HEIDEGGER, Sein und Zeit, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1957, pp. 150-151: «Warum eignet diese Struktur dem Verstehen, das wirals fundamentales Existenzial des Daseins kenntlich gemacht haben?»


Retour au texte de l'auteur: Alfred Dumais, sociologue. Dernière mise à jour de cette page le samedi 20 janvier 2007 7:12
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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