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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

“ Bretton Woods et l’ordre économique international d’après-guerre  (1994)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Christian Deblock et Bruno Hamel, “ Bretton Woods et l’ordre économique international d’après-guerre ”. Un article publié dans la revue Interventions économiques. Pour une alternative sociale, no 26, automne 1994 - hiver 1995 (Dossier : De l’ordre des nations à l’ordre des marchés. Bretton Woods, cinquante ans plus tard.) (pp.9 à 42). [Autorisation accordée lundi le 23 juin 2003]

Introduction


Les problèmes concrets, je le sais par expérience, ne sont jamais insolubles à partir du moment où ils sont abordés du point de vue d'une grande idée.

Jean Monnet
(1)

En préparant cet atelier sur les cinquante ans de Bretton Woods, nous nous étions donnés trois objectifs : le premier de nous pencher sur la nature et le contenu de l'ordre économique international qui a vu le jour à la faveur de la Seconde Guerre mondiale ; le second de prendre la mesure de la distance qui nous sépare aujourd'hui du projet qui en a été à l'origine ; et le troisième, sans doute le plus ambitieux et le plus difficile aussi, de voir quelles sont les avenues possibles qui s'offrent actuellement à nous en matière de coopération économique internationale.

Le moment est particulièrement propice pour ouvrir la discussion dans ces trois directions, d'autant qu'avec la signature officielle, le 15 avril dernier à Marrakech, de l'Acte final de la ronde Uruguay, la boucle s'est en quelque sorte nouée. Pièce maîtresse de l'ordre économique international d'après-guerre, le GATT rejoint ainsi le Fonds monétaire international (FMI) au rang des grandes institutions économiques internationales. Certains y verront là le point de départ véritable de ce nouvel ordre
10 L'ordre économique international d'après-guerre

économique international que le président Bush, on s'en souviendra, appelait de ses voeux au moment de la Guerre du Golfe. Un ordre économique qui se voulait plus libéral, un ordre commercial plus ouvert et, dans les deux cas, des ordres économiques qui se prétendaient les garants et les promoteurs d'un ordre politique mondial plus démocratique, fondé sur les droits de l'Homme et la règle de droit. Dans quelle mesure convient-il de partager un tel optimisme, la question reste sans doute ouverte mais toujours est-il, que la conclusion tant de fois repoussée de la ronde Uruguay constitue à n'en pas douter un point tournant dans les relations économiques internationales, du moins dans le sens où, pour la première fois depuis la Guerre, on assiste à une sorte de découplage entre les institutions économiques internationales chargées d'assurer le bon fonctionnement des marchés internationaux d'un côté et le système de l'ONU, de l'autre.

Certes, le divorce entre les deux grands réseaux d'institutions n'est pas consommé. Les institutions à vocation économiques demeurent des institutions spécialisées de l'ONU (2), mais ce qui est nouveau, ce n'est pas tant que les accords de Marrakech viennent créer une nouvelle organisation, en l'occurrence l'Organisation mondiale du commerce, que le fait que, désormais, l'ensemble des institutions économiques internationales converge vers le même objectif, à savoir la mise en place d'un marché mondial ouvert et intégré (3). On connaît l'importance et le rôle joué à cet égard par l'OCDE, et plus récemment par le FMI. Profitant de la faiblesse et des carences de l'ONU, et tout particulièrement de son Conseil économique et social, «un organe à l'utilité contestable qui se maintient surtout à cause de la rigidité de la Charte» (Bodineau, 1994, p. 116), ces deux institutions ont été, depuis deux décennies, de plus en plus présentes sur la scène économique internationale. En effet, autant l'OCDE que le FMI ont joué un rôle de plus en plus actif, contribuant, pour la première, à faire converger les différentes politiques nationales vers un modèle unique et, pour la seconde, à donner une certaine unité d'action aux différentes institutions impliquées dans la mise en place de ce modèle. La fracture Nord-Sud des années soixante-dix et la crise de la dette internationale des années quatre-vingt n'ont pas été étrangères à ce phénomène. Tant l'OCDE que le FMI ont acquis à ces deux occasions une nouvelle légitimité, avec le résultat que ce qui pouvait apparaître alors comme une nécessité, soit mieux coordonner la ligne de conduite des États et des institutions, est venu dans la pratique créer un état de fait, à savoir que les questions de sécurité sont désormais découplées, voire largement occultées par les considérations économiques.

Que l'OCDE, le FMI et la future OMC se trouvent maintenant placés en position de concurrence quant à la définition même de cette ligne de conduite, ou quant au rôle respectif que chacune de ces organisations voudra jouer dans l'encadrement d'une économie désormais mondialisée, n'enlève rien au fait que chacune d'elles a acquis suffisamment d'autonomie et de légitimité pour apparaître à la fois comme les garants d'un ordre économique libéral universel et comme la voie incontournable par laquelle doit désormais passer la coopération économique internationale.

Il faudra bien entendu prendre, avec le temps, la mesure du changement qui vient de s'opérer à la faveur de ce que d'aucuns appellent « l'heureuse conclusion » de la ronde de l'Uruguay, d'autant que, comme nous le préciserons plus loin, ce découplage auquel nous assistons ne va pas sans entraîner de profondes remises en question quant au rôle que les États, à commencer par les plus importants d'entre eux, prétendent eux-mêmes jouer sur la scène internationale. Par ailleurs, confrontés aux contraintes nouvelles qu'impose la globalisation des marchés, si ces mêmes États ont peut-être modifié en conséquence les paramètres de leurs politiques, ils ne sont pas pour autant restés passifs face à ces contraintes. Au contraire, des formes nouvelles d'intervention, orientées sur la reconstruction des avantages compétitifs des nations, pour reprendre l'expression utilisée par Porter, ont vu le jour, des formes nouvelles d'intervention qui sont venues, ce qui n'est pas le moindre des paradoxes de la situation actuelle, donner au régionalisme économique un tour nouveau. Toujours est-il, et c'est le sens que nous avons voulu donner aux débats sur le cinquantenaire des accords de Bretton Woods dont est issu ce numéro d'Interventions, s'il convient de prendre en considération les changements qui ont pu être introduits au fil des ans dans le mode de fonctionnement des deux grandes institutions qui en sont sorties, soit le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), aujourd'hui la Banque mondiale (BM), il nous paraît indispensable de replacer ces accords dans le contexte plus large dans lequel on entrevoyait à l'époque la coopération économique internationale et la reconstruction de l'économie mondiale sur des bases nouvelles. Partant de là, et c'est la question qui est posée en filigrane dans cette présentation, le problème est de savoir s'il s'agit de revenir aux principes fondateurs de ce que fut le projet sécuritaire d'après-guerre, ce qui implique, comme le suggère André Donneur dans son texte, un retour sur le Conseil économique et social et son renforcement dans le cadre d'une ONU renouvelée, ou bien s'il s'agit au contraire de laisser les choses aller dans le sens où elles vont actuellement, c'est-à-dire dans la direction prise par les institutions économiques internationales elles-mêmes, ce qui ne peut que soulever à un moment ou à un autre le problème du sens à donner à la notion d'ordre économique international d'une part et celui du rôle que peuvent jouer ces institutions une fois celui-ci redéfini, d'autre part.

Notes:

1. Jean Monnet (1976), Mémoires, Paris, Librairie Arthème Fayard, p. 366.

2. Conscient de ce problème, le secrétariat général de l'ONU a pris récemment l'initiative de regrouper les activités économiques de l'institution en trois départements, chacun d'eux ayant à sa tête un secrétaire général adjoint : le premier pour la coordination des politiques et le développement durable, le second pour les services d'appui et de gestion pour le développement, et le troisième pour l'information économique et sociale et l'analyse des politiques. James G. Speth, responsable du PNUD, en assure, depuis l'été, la coordination. Toute la question reste de savoir si une telle initiative ne vient pas un peu trop tard, voire même si elle va recevoir l'appui effectif des pays membres, ce qui semble pour le moment fort incertain.

3. Le problème avait déjà été bien identifié par Brigitte Stern (1983) dans l'historique qu'elle fait des débats entourant le Nouvel ordre économique international, en particulier durant les années soixante-dix. Pour des raisons qui tiennent en grande partie à la date de parution de l'ouvrage, l'auteure n'a toutefois pas jugé bon d'approfondir davantage cette question qui nous paraît pourtant essentielle. La même piste est ouverte par Richard E. Feinberg (1988) dans l'article qu'il consacre aux changements intervenus au cours des années quatre-vingt dans les relations entre le FMI et la Banque mondiale.

Retour au texte de l'auteur: Christian Deblock, économiste, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 3 février 2007 8:48
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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