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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

François Chesnais, La mondialisation du Capital. (1997)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du livre de François Chesnais, La mondialisation du Capital. Nouvelle édition actualisée. Paris: Les Éditions Syros, 1997, 333 pp. Une édition numérique réalisée avec le concours de Pierre Patenaude, bénévole, professeur de français à la retraite et écrivain, Chambord, Lac—St-Jean. [Livre diffusé dans Les Classiques des sciences sociales en libre accès à tous avec l'autorisation de l'auteur accordée le 14 février 2020.]

[17]

Avant-propos

La première édition française de ce livre a attiré deux groupes de lecteurs. Les premiers sont des enseignants et des jeunes chercheurs qui y ont trouvé une interprétation de la mondialisation, ainsi que l’ébauche d’une « économie industrielle internationale » propre à cette phase du capitalisme. Les seconds sont des militants politiques, syndicaux ou associatifs qui ont apprécié que je m’adresse « à ceux dont le réflexe premier n’est pas de s’adapter à l’ordre “tel qu’il est”, mais de chercher à le comprendre de façon à en débattre pour esquisser éventuellement d’autres voies que celles qui nous sont proposées » (première édition, page 31).

Ce débat a-t-il progressé comme il aurait dû ? Je ne le pense pas. Force est de reconnaître avec Viviane Forrester que nous souffrons d’une cruelle « absence, non pas tant de toute lutte, mais de toute concertation critique, de toute réaction intellectuelle organisée » {L’Horreur économique, p. 164). Les grandes grèves et manifestations de novembre et décembre 1995 contre la politique du gouvernement d’Alain Juppé, dont on a dit qu’elles étaient une « première révolte contre la mondialisation », auraient pu - et dû - en être le point de départ. Pour de multiples raisons d’ordre politique et sociologique, cela n’a pas été le cas. Il faudra donc attendre des mouvements plus forts que ceux de 1995, ou des événements plus graves. En attendant, il faut continuer à nourrir la réflexion.

En 1994, le livre a été écrit en partant de l’idée que la mondialisation du capital constituait, pour l’essentiel, une étape de plus [18] dans le mouvement d’internationalisation du capital productif, auquel j’avais ajouté deux chapitres qui montraient la montée en force de la finance. Mais, bien qu’il soit question du rôle joué par l’instabilité financière et les taux d’intérêt réels positifs, l’interprétation du mouvement d’ensemble du capitalisme mondial ainsi que l’analyse de l’atonie des années quatre-vingt-dix, reposaient alors sur les opérations du capital industriel plus que sur celles du capital financier. Il n’en va plus de même aujourd’hui.

Deux idées commandent cette réédition. D’abord, c’est de la sphère financière qu’il faut partir si l’on veut comprendre le mouvement contemporain du capitalisme mondial, et non des seules opérations du capital industriel. Ensuite, nous sommes confrontés à un mode de fonctionnement du capitalisme - ou à un « régime d’accumulation » - nouveau. Dans ce régime, le mouvement de création de richesse est nettement ralenti, alors que les prétentions des classes possédantes sur le partage du revenu n’ont jamais été aussi grandes, et leurs moyens de les imposer aussi forts. Les porteurs d’action et d’obligations (ceux qui relèvent de la figure du « capital-argent porteur d’intérêt » dans le livre III du Capital de Marx) sont particulièrement pressants dans leurs exigences.

Un capitalisme mené par le capital « rentier », fustigé par Keynes, est-il viable à moyen ou peut-être même à court terme ? Lui ne le pensait pas. Pour des raisons qui ne relevaient pas seulement du contexte politique des années trente, il était aussi très pessimiste sur ses effets politiques et sociaux. À l’orée du xxie siècle, en irait-il autrement ? Rien ne permet de le supposer. La question qui se pose alors est de savoir s’il faut attendre d’avoir confirmation des impasses auxquelles le système conduit ou rechercher sans plus tarder une issue construite sur d’autres fondements politiques et sociaux et une priorité de besoins différente. Ceux qui subissent le poids le plus lourd du nouveau régime d’accumulation - les chômeurs à vie, les jeunes parqués parmi les plus défavorisés de l’armée de réserve industrielle que le capitalisme a reconstituée partout, les sans-papiers, les sans-toit, les sans-droits - ne peuvent manifestement pas attendre. Mais la classe ouvrière employée et organisée le peut-elle ? Une partie des salariés du secteur public a exprimé dans les assemblées de grève en 1995 de sérieux doutes que ce soit possible. Mais ils n’ont pas réussi à ébranler leurs dirigeants.

[19]

Si nos hypothèses sont exactes, ce n’est pas la « révolution technologique » qui est en cause, mais les ressorts de l’accumulation. Dans ce cas, la question n’est pas celle de la « fin du travail », mais celle des fondements sociaux et politiques d’un système qui ne crée et ne répartit plus la richesse d’une façon qui permette la satisfaction des besoins élémentaires de millions de personnes, voir de dizaines de millions. Chercher à partager le travail parce qu’il n’y en aurait « pas assez », plutôt que rechercher les causes de la création insuffisante de richesses, pourrait n’être qu’une autre forme, plus subtile, de Inadaptation nécessaire » à un système en expansion insuffisante, sinon en contraction relative. Dès que l’on se place dans un cadre mondial, cette interrogation devient encore plus pressante.

Dans cette seconde édition, le chapitre introductif a été réécrit pour tenir compte du développement du débat sur la mondialisation. Conformément à l’hypothèse du rôle pivot joué par la sphère financière, le chapitre 10 de l’édition antérieure devient ici le chapitre 2 et reçoit bien sûr des modifications substantielles. Le dernier chapitre est totalement réécrit et présente une vue d’ensemble du nouveau régime.

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Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 29 mai 2020 6:32
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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