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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Une édition électronique réalisée à partir de l'article d'Élisabeth Campos et Jean-Guy Vaillancourt, “La régulation de la diversité et de l'extrémisme religieux au Canada”. Un article publié dans la revue Sociologie et sociétés, vol. 38, no 1, printemps 2006, pp. 113-137. Montréal: Les Presses de l'Université de Montréal. [Les auteurs, Mme Campos et M. Vaillancourt nous ont donné, le 5 décembre 2006, de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales à la condition que Les Presses de l’Université de Montréal donnent leur accord. La direction des PUM nous a accordé le 11 décembre cette permission.] Introduction DEPUIS QUELQUES DÉCENNIES, le thème de la violence au sein et de la part de mouvements religieux extrémistes a émergé progressivement à la suite de la multiplication d'actes de violence ou de terrorisme, appuyés par des justifications religieuses (Larsson, 2004 ; Bromley et Melton, 2002). Ce phénomène semble être encore plus fréquent depuis les années 1990. La question des liens entre la violence et la religion West toutefois pas nouvelle (Meyer, 2002). Mais la résurgence du facteur religieux, que l'on a pu constater depuis la fin des années 1960, a suscité aussi un autre type de réflexion, celui de la régulation du religieux par le politique et plus particulièrement celle des groupes religieux radicaux ou extrémistes. En effet, la question de la violence dite religieuse s'est principalement posée à travers l'extrémisme religieux (Hoffman, 1999 ; Juergensmeyer, 2003). Cependant, tous les groupes religieux extrémistes ou radicaux ne sont pas violents et ne s'engagent pas dans cette voie pour faire entendre leurs requêtes, ou ils peuvent choisir de l'abandonner après avoir réussi à s'adapter à la société (fils de la Liberté). Mais leurs revendications provoquent presque toujours des tensions avec l'État qui doit composer avec ces demandes nouvelles, issues du pluralisme religieux des sociétés modernes occidentales. Rigal-Cellard (2005, p. 12) a posé que « l'extrémiste est celui qui pousse ses convictions jusqu'à leurs limites les plus excessives afin que les conséquences dans le monde matériel ou spirituel en soient radicales, sans appel ». C'est en nous appuyant notamment sur cette définition que nous avons choisi de traiter de la régulation des groupes religieux radicaux par l'État moderne. Nous illustrerons notre analyse par des exemples de régulation relevés dans l'histoire du Canada. La question nécessite un certain nombre d'analyses qui permettent d'éclairer plus largement le contexte dans lequel elles s'inscrivent. Une réponse unique ne saurait être apportée ici. Au contraire, une étude sur la régulation du religieux par l'État en cas de tensions vives, voire violentes, avec certains groupes religieux, commande une réflexion plus générale sur le pluralisme religieux. L'apparition de nouveaux groupes religieux, ou l'exportation d'autres, dans les pays occidentaux, ne peut effectivement se comprendre sans référence à l'éclatement du champ religieux contemporain. Pour saisir pleinement la problématique, il faut donc la resituer dans l'émergence du pluralisme religieux, qui pose de nouveaux défis aux États, plus spécifiquement en ce qui concerne les demandes et le fonctionnement de groupes de conviction extrémistes. L'étude du pluralisme religieux fournit ainsi une toile de fond nécessaire et précieuse aux études sur le phénomène des sectes et des groupes religieux radicaux (Hervieu-Léger, 2001). C'est par ce biais que nous traiterons de la régulation du religieux dans ses formes extrêmes. Notre démarche nous portera ensuite à examiner le contexte canadien en nous appuyant sur quelques exemples précis illustrant les modes de régulation pratiqués et les difficultés soulevées. Les solutions et les réponses apportées par chaque pays dépendent naturellement de leur histoire, de leur tradition et de leur culture politique. Si notre étude traite surtout de la situation du Canada, elle nous conduira aussi à discuter des modalités de régulation de la diversité religieuse qui ont lieu dans d'autres États d'une part, afin de souligner les spécificités du cas canadien, d'autre part, pour faire ressortir ce qui est commun à différents pays. Cette façon de procéder nous permettra d'éclairer les enjeux et les questionnements théoriques actuels liés à la régulation de la diversité religieuse et qui traversent un certain nombre de nations occidentales (dont liberté de conscience versus liberté de religion, traitement des minorités et défense des identités). L'analyse comparative sera utilisée pour détailler les principes qui sous-tendent les politiques nationales et, en même temps, mettre en évidence l'internationalisation de certaines interrogations. En effet, au-delà des enjeux géostratégiques internationaux et des circonstances nationales propres à chaque pays, les tensions entre la religion et la société réactivent les fondements identitaires d'un grand nombre de nations (Mayer, 2005) et provoquent des heurts au sein même de ces sociétés (Huntington, 2005). En retour, les sociétés sont amenées à s'interroger sur les valeurs communes qu'elles veulent promouvoir et défendre, et sur la place à accorder à l'expression des particularismes religieux ou ethniques, voire des deux types dans certains cas. Ces considérations affectent aussi les rapports, parfois encore ambigus, que les pays entretiennent avec la religion et la place qu'ils veulent accorder à celle-ci dans la société.
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