Marie-Andrée Bertrand
École de criminologie, Université de Montréal
“Place au respect de soi, à la culture démocratique,
aux valeurs laïques et égalitaires”.
Débat sur « Les accommodements raisonnables »,
Monastère des Dominicains, 24 octobre 2006.
[Autorisation formelle accordée par Mme Marie-Andrée Bertrand de diffuser cet article,
le 24 mai 2007, dans Les Classiques des sciences sociales.]
Courriel: [email protected]
- Avertissement de l’auteure, 24 mai 2007.
“Place au respect de soi, à la culture démocratique,
aux valeurs laïques et égalitaires.”
- Le problème et la question comme je choisis de les comprendre
- La démocratie
- L’égalité entre les deux sexes
- Une culture laïque
- Ma position et une conclusion
- Des faits
- Seize alternatives aux accommodements raisonnables
Avertissement de l’auteure
"Ce texte est à peu de choses près celui d'une conférence prononcée le 24 octobre 2006 dans le cadre des activités du Centre communautaire culturel lors d'un débat auquel participait par ailleurs Me Julius Grey, connu pour ses plaidoyers en faveur de plusieurs accommodements, jusque devant la Cour suprême.
Le propos de l'auteure était alors le fruit de réflexions personnelles et de quelques échanges avec des collègues de l'Université de Montréal, juristes, philosophes et autres, sur un sujet trop peu connu.
L'auteure entreprend maintenant, à l'été 2007, d'étudier sérieusement les AR sous deux angles :
- 1) quelle a été au Québec depuis 2000, la réaction sociale à trois sortes d'accommodements : ceux reconnus juridiquement, ceux que concèdent volontairement les Québécois au nom de la "tolérance", mais aussi ceux qu'imposent des groupes religieux extrémistes?
-
- 2) Autre question: devrait-on s'intéresser aux flux migratoires en provenance de pays dirigés par des chefs religieux, notamment islamistes ? Non pas bien sûr pour les tarir, mais pour apprendre à en mesurer l'ampleur en fonction des possibilités d'accueil des communautés locales et d'ailleurs pour prévoir les mesures d'éducation aux normes sociales et politiques du pays d'accueil."
Marie-Andrée Bertrand
24 mai 2007-06-03
Monastère des Dominicains
24 octobre 2006
Débat sur « Les accommodements raisonnables »
“Place au respect de soi, à la culture démocratique,
aux valeurs laïques et égalitaires”
Le problème et la question
comme je choisis de les comprendre
Depuis 1985 en particulier, des personnes et des groupes religieux minoritaires imposent ou tentent d’imposer dans l’espace public et dans les institutions privées et publiques au Québec et au Canada des comportements et des pratiques qui viennent contredire les valeurs démocratiques, laïques et égalitaires autour desquelles s’est construit le consensus social. Des accommodements allant à l’encontre de ces valeurs ont été consentis par des tribunaux à des groupes minoritaires religieux extrémistes, comme le port du kirpan et du voile à l’école, le port de la kipa, l’installation d’érouvs autour des demeures des Juifs hassidiques et de tentes sur les balcons du Sanctuaire, l’autorisation d’absence du travail et des études pour raison religieuse, etc. Ce sont là des faits singuliers qu’on peut analyser dans leurs conséquences, mais qu’il faut prendre pour ce qu’ils sont réellement : de petits signes qui ne doivent pas nous distraire de l’étude d’un phénomène beaucoup plus large et d’un fait social important : tous les jours, dans toutes les institutions publiques et privées, sur la rue, dans les commerces, au Québec et au Canada, des personnes appartenant à des groupes religieux minoritaires intransigeants et extrémistes posent des gestes, adoptent des comportements, imposent des façons de faire qui viennent heurter trois des valeurs les plus chères aux Québécois et des Canadiens, la démocratie, la laïcité et l’égalité.
La démocratie
Il y a maintenant près de deux cents ans que le Québec, alors le Bas Canada, s’est donné un gouvernement démocratique. Dans De la démocratie en Amérique, de Tocqueville raconte qu’à l’occasion de son passage dans la ville de Québec en 1821, le Bas Canada lui est apparu comme une démocratie à l’instar de celle qu’il venait d’observer aux États-Unis et dont il souhaitait que la France se rapproche en s’éloignant du modèle républicain. Quarante ans plus tard, un nouveau pays, le Canada se dotait d’une démocratie parlementaire représentative. L’apprentissage d’une démocratie réelle plutôt que formelle s’est fait lentement, comme partout ailleurs. Mais les observateurs étrangers et l’opinion mondiale sont d’avis que les institutions démocratiques fonctionnent assez bien au Canada et au Québec, sans pour cela nier ce qui reste à faire. Chose plus importante puisque je parle ici de culture, de valeurs et d’aspirations: l’idéal démocratique occupe la première place dans les valeurs des Canadiens et des Québécois. Ils y sont très attachés. Un sondage Gallup de 2005 montre que plus de 75% des Canadiens estiment que leur modèle de gouvernance, la démocratie parlementaire est « le meilleur régime politique » (Léger Marketing, L’opinion du monde 2006, la population mondiale se prononce sur les grands enjeux de l’heure, Les Éditions Transcontinental Inc., 2006) ). Le pourcentage est sensiblement plus élevé au Québec (86%). Et ni les uns ni les autres ne confondent leurs aspirations avec la démocratie réelle : 36%, seulement, des Canadiens croient que leur pays est gouverné selon la volonté de la majorité (contre 30% au Royaume Uni et 25% en France) (ibid). Ce chiffre est important pour deux raisons : il parle de la lucidité de nos compatriotes et de la vigueur de leur aspiration à se donner une démocratie réelle. Quant à l’activité démocratique, voici quelques faits : trois fois plus de Canadiens et de Québécois qu’en 1985 s’intéressent à la chose publique, militent dans les partis politiques, acceptent de se présenter aux élections, présentent leurs vues et celles de leurs groupes de référence devant les commissions parlementaires, prennent la parole dans les médias sur tout les sujets d’intérêts communs. Le taux de syndicalisation au Québec et l’un des plus élevés des pays occidentaux au monde. Les Québécois par ailleurs occupent le premier rang quant au pourcentage des personnes qui s’engagent comme bénévoles, un indice de solidarité sociale. Nous vivons dans un état démocratique sans croire que l’idéal est atteint, et nous pratiquons une démocratie active.
Quel lien cela a-t-il avec le problème que posent les accommodements raisonnables et surtout les revendications des groupes religieux extrémistes ? Un lien essentiel. Dans ce régime de gouvernement qu’est la démocratie parlementaire, contrairement à ce que pensent et disent les représentants de certains groupes religieux minoritaires, seuls les représentants élus sont autorisés à faire des lois et des règlements. Ni les juges, ni les chefs religieux, ni les policiers, ni les directeurs d’institution ni un ministre seul ne peuvent inventer de nouvelles normes contraignantes bien qu’on le fasse parfois par la voie de règlements. Tous les résidents, immigrants ou sujets nés au Canada et au Québec, et à plus forte raison tous les citoyens quelles que soient leur religion et leur origine nationale sont soumis à la force contraignante des lois canadiennes et québécoises. Il faut rappeler cela aux nouveaux Canadiens, le plus souvent possible.
Pourquoi rappeler ces faits? Parce qu’ils constituent la toile de fond à partir de laquelle on peut tenter de comprendre les réactions aux réclamations de groupes religieux extrémistes. C’est en regard de ces faits (et de deux autres caractéristiques dont il sera question plus loin) que la majorité des dérogations réclamées sont à mon avis déraisonnables. Rien n’est plus opposé aux valeurs démocratiques que les dérogations réclamées par les groupes religieux intégristes. Aussi est-il normal que l’expression quotidienne d’aspirations contraires au consensus social, et de comportements en violation des valeurs démocratiques nous choque et nous inquiète. Il n’est pas normal que nous cédions aux pressions des groupes religieux minoritaires qui veulent imposer leur culture non démocratique.
Les Chartes des droits viennent compliquer le débat de ce soir entre Me Julius Grey et moi. Centrées sur la protection des droits et des libertés individuels et dans certains cas, communautaires, elles font peu ou pas de cas des droits collectifs; leurs dispositions interdisant toute forme de discrimination. C’est en leur nom que des mesures d’exception ont été consenties à des petits groupes religieux. Il est vrai que les mêmes chartes ont permis l’accès à l’égalité formelle de trois groupes minoritaires au Canada, les femmes, les gays et les Autochtones. Mais ici, différence fondamentale. Pour faire reconnaître leurs droits à l’égalité, les femmes, les gays et les Autochtones n’ont pas pris la voie des accommodements raisonnables, ni la seule voie judiciaire, ils ont utilisé, souvent, la voie parlementaire, en somme, ils ont obtenu des amendements aux lois. C’est la voie démocratique (Lajoie, Quand les minorités font la loi. PUF 2002).
Revenons aux accommodements pour motifs religieux exigés par des groupes minoritaires intégristes.
Écartons résolument ce qui n’est pas en débat ici. Personne ne conteste le droit à la liberté d’expression et d’appartenance religieuse en privé et dans les lieux de culte de qui que ce soit, cette liberté est reconnue par tous. Parlons maintenant du passé récent. Les dérogations et les accommodements accordés en vertu de l’un ou l’autre article sur le droit à la liberté de religion et à l’égalité sont-ils tous raisonnables? Non, car ils sont venus compliquer sérieusement le fonctionnement des institutions publiques ; non, car ils leurs effets pseudo ‘libérateurs’ et ‘inclusifs’ sur les ‘exemptés s’avèrent nocifs, par exemple dans le cas de plusieurs enfants de parents ‘minoritaires’ placés ainsi en situation concrète d’exclusion dans les programmes d’enseignement par le refus de parents musulmans par exemple de se plier au programme d’enseignement en sports et culture physique, et dans le cas des filles, de la privation d’activités normales dans les cours de récréation. Non, quand ils dérangent gravement le fonctionnement des établissements de santé; les exemples abondent de cas concrets allant dans ce sens, comportements et pratiques des patients qui exigent des exemptions, mais aussi conduites de personnel soignant professant des religions dont les rituels sont peu compatibles avec les heures et les jours normaux de travail. Non, quand ils constituent des offenses, des injures aux valeurs d’égalité et de laïcité de l’ensemble de la population. Non, quand ils ont pour effet de nuire à l’ordre public et à l’intérêt général.
Par ailleurs, comme je le disais plus tôt, il ne faut pas nous laisser distraire des enjeux importants par les petits signes ‘visibles’ que constituent les dérogations accordées, car la grande majorité des dérogations « agies » n’ont jamais fait l’objet de requêtes formelles. Le directeur du service de loisir et de sports d’u quartier décide de rendre les piscines ‘unisexes’ pour satisfaire à de groupes religieux minoritaires qui l’entendent ainsi. Aucune consultation de la population, pas même un ordre d’en haut.
Ne nous leurrons pas. Les choses sont plus graves qu’il n’y paraît, car les accommodements « accordés » (par opposition à ceux qu’imposent de fait les minoritaires intégristes) ne représentent qu’une infime partie des dérogations réelles. Mais les premiers, les « accommodements accordés », ont un effet pervers, ils viennent conforter dans leur volonté d’auto exclusion des milliers de nouveaux résidents qui imposent leur déviance.
L’égalité entre les deux sexes
Une deuxième caractéristique de notre culture normative est celle de l’égalité. Je parlerai ici d’égalité entre les sexes parce que cette valeur est directement mise en cause par les coutumes religieuses des intégristes musulmans, celles des juifs hassidiques et celle de quelques hindouistes. Les seconds, les Juifs hassidiques, pratiquent une forme d’enfermement géographique et social, et imposent cependant à leur voisin le spectacle constant de leurs coutumes sexistes, de leur volonté expresse d’afficher les signes extérieurs de leur foi sur leurs balcons, autour de leur propriété, sur la chaussée, dans leurs commerces et leur souci d’auto - exclusion et de non communication avec leurs voisins et même avec les clients de leurs commerces. Concernant les hommes musulmans de la stricte observance, ils expriment ouvertement leur volonté de dominer complètement la vie de leurs femmes et de leurs filles dans les lieux publics, dans les institutions d’état, les établissements de santé; ils traitent leurs femmes comme des mineures incapables de dire quels soins leur conviennent et quels cours elles entendent suivre.
Après vingt-cinq ans de travail, les Canadiens et les Québécois ont fait advenir une culture sexuelle égalitaire au Canada et sur ce chapitre, le Québec a souvent fait mieux encore. Les obstacles à l’égalité formelle sont franchis ou en bonne voie de l’être. Ce progrès profite à tous, y compris aux immigrantes de plusieurs origines ethniques dont les membres d’ailleurs disent être venus vivre au Canada et au Québec pour cette raison. Pour arriver à cette égalité formelle et souvent de fait, non seulement les femmes ont tout mis en oeuvre, mais les états, national et provincial, ont investi des efforts et des sommes d’argent considérables, par exemple dans les politiques d’accès à l’égalité, dans les recours judiciaires, etc. Ce mouvement et ses résultats témoignent de la valeur attachée au principe et à la pratique de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Dans notre culture, le respect des femmes est devenu une valeur essentielle. Or cette norme et cette valeur sont niées, offensées, contredites quotidiennement par les comportements de groupes religieux, les Juifs hassidiques et les Musulmans intégristes, et par certains Boudhistes - au travail, sur la rue, dans les établissements d’enseignement et de santé, dans les commerces.
Alors que la majorité des Juifs, même pratiquants, et une bonne part des Islamistes se conforment aux normes d’égalité entre les sexes sinon en privé en tout cas dans l’espace public, les chefs religieux de certains groupes minoritaires incitent leurs fidèles à la résistance aux normes égalitaires et les pressent de maintenir en public des comportements et de signes d’exclusion des femmes de plusieurs activités, ils incitent les directeurs de services publics municipaux par exemple (les piscines publiques qui deviennent unisexes en réponse aux revendications des islamistes) à se rendre à leurs visées sexistes . Pire, existent ici même au Québec des cas de mutilation génitale contre lesquels nous ne savons même pas sévir. Il faut que cela cesse. Par « cela » j’entends non seulement les mutilations du corps des femmes, mais les ordres donnés par les maris à leurs femmes de ne pas se laisser toucher par un homme médecin, de ne pas se laisser dévêtir pour un examen médical et pour les soins d’urgence, les menées souterraines de séparation des sexes et de domination masculine auxquelles se prêtent des directeurs de services municipaux, de YMCA , sous la pression de groupes religieux extrémistes. Il faut que cela cesse.
Une culture laïque
Au cours des 40 dernières années, en somme depuis 1965 environ, au Canada et au Québec, les établissements d’enseignement et de santé et les instances délibératives comme les parlements et les conseils municipaux ont sécularisé leurs coutumes, fait disparaître les signes d’appartenance à une religion, ou parfois les ont conservés mais au nom de leur portée historique. L’enseignement obligatoire de la religion a fait place à plusieurs formes d’instruction sur les religions, de morale religieuse, voire à des cours d’histoire des religions. Les membres du clergé et des communautés religieuses se sont fait discrets dans leur costume puis ont adopté les habits laïcs sauf dans les lieux de prière et de culte, et encore. Ils ont aussi adopté des rôles conformes à leur nouvelle place dans une société laïque évitant d’imposer leur autorité intellectuelle et morale alors qu’auparavant ils détenaient un pouvoir considérable dans l’enseignement, le soin des malades, en somme dans presque toutes les institutions privées et même publiques. Nous vivons maintenant dans des sociétés laïques ou sécularisées. C’est notre culture, c’est le résultat de choix consensuels (je n’ai pas dit unanimes). La ‘tolérance’ ici a mauvais goût. Notre devoir civique est le respect, de nous-mêmes, de nos choix plutôt que la concession de privilèges déplacés qui viennent en nier le fondement et la réalité.
En résumé : ici, maintenant, au Canada et au Québec, la pratique religieuse, les signes d’appartenance à une religion sont réservés à l’espace privé et aux lieux de culte. On a reconnu récemment qu’il ne convient plus de réserver dans les universités et collèges des lieux de culte et de prière aux frais de l’État. Le changement est particulièrement important au Québec où la présence de l’Église catholique a été si grande et son influence si totale dans tous les domaines. Ce choix collectif, la laïcité, est violemment contredit par l’apparition dans l’environnement social (la rue, les institutions publiques et privées, les marchés, les commerces) de comportements et d’attitudes cultuels et religieux de la part des Juifs hassidiques, des islamistes intégristes et d’hindouistes qui réclament des espaces de prière sur les lieux de travail ou d’étude, exigent de s’absenter sans conséquence pécuniaire et sans préavis lors de leurs fêtes religieuses, pratiquent un jeûne strict alors qu’ils sont employés dans les établissements de santé et visiblement incapables de la vigilance requise pour remplir leur tâche. Cela est inacceptable.
Ma position et une conclusion
À mon avis, dans une société démocratique, laïque et égalitaire, les dérogations réclamées par des extrémistes religieux sont les signes d’un refus de s’intégrer ; les accommodements consentis, comme le turban, le voile, le kirpan, la kippa, loin de faciliter l’intégration contribuent à la marginalisation des personnes qui les réclament. Que ces dérogations soient ou non des signes de rejet des valeurs du pays d’accueil dans l’intention de ceux qui les réclament, ils sont perçus comme tels par un grand nombre de Québécois et de Canadiens.
Les dérogations, loin de faire reculer la ghettoïsation des minoritaires radicaux comme le prétend Julius Grey, y contribuent. Il faut refuser les exceptions qui ont comme conséquences de rendre les institutions dysfonctionnelles, comme par exemple de priver les malades de soin pour aller prier à midi ‘pile’ sans préavis. Ou de décider la veille d’un examen universitaire que ‘notre’ appartenance religieuse ‘nous’ interdit de nous déplacer ce jour là à cette heure là. Les conséquences économiques de ces déviations improvisées sont considérables. Les dommages à autrui aux patients, aux personnes âgées dans les CHSLD, au corps enseignant qui doit multiplier les groupes, les séances d’examen, sont réels. Il est injuste de faire porter au corps social les effets de ces réclamations déraisonnables.
On ne peut écarter l’hypothèse la moins défavorable, celle de l’ignorance des normes nationales. Auquel cas, s’imposent alors de la part des membres de la société d’accueil et de ses dirigeants, non pas des « accommodements » et de la « tolérance » mais le devoir d’informer le nouvel arrivant des lois existantes et son devoir de les apprendre. Il lui faut suivre des cours de civisme et d’éducation politique. Il doit connaître les lois du pays d’accueil. Nul n’a le droit de les ignorer. Il doit savoir que la polygamie est un crime, que tout adulte vivant au pays a droit à l’intégrité corporelle, que le patient est le seul qui peut demander ou refuser un traitement. Existent des cas délibérés de déviance et de provocation de la part de résidents appartenant à des groupes minoritaires religieux et ethniques ; en cas de persistance de comportements en violation des règlements institutionnels dans les établissements d’enseignement et de santé, nous sommes régulièrement les témoins de telles violations - il ne suffit pas de rappeler doucement les règles, il faut sanctionner. Des motivations plus étranges et contradictoires sont aussi en jeu; elles m’ont été rapportées par des doctorantes marocaines et iraniennes : ces personnes retrouvent à Montréal des concitoyennes et amies d’enfance qui n’ont jamais porté le voile dans leur ville d’origine, mais ont décidé de le faire ici (comme d’ailleurs elles l’ont fait en France) « pour se distinguer, parce que ça fait différent, ça fait chic ». Dans notre naïveté nous nous sommes imposé un travail et des frais considérables pour ‘accommoder’ le port du voile dans les écoles… Pire, la même naïveté nous fait fermer les yeux sur ce que signifie le port du voile, la condition inférieure de la femme et sa soumission au mari, comme l’écrivent des musulmanes, non radicales.
Des faits
1.- Une préposée musulmane dans un CHSLD refuse de travailler, sans préavis et en violation d’un contrat de travail qu’elle a signé, et s’en va prier dans le corridor alors qu’il faut soulever des personnes impotentes pour l’heure du repas
2.- Des maris musulmans imposent à leurs femmes le choix de cours universitaires compatibles avec leur conception de la vie de leur femme, « pas de cours après 15 heures, elle ne doit pas sortir le soir ». Il a fallu chasser ce mari du bureau de la secrétaire aux inscriptions.
3.- Le mari islamiste d’une parturiente refuse qu’elle soit touchée par un médecin masculin, ce qui oblige la seule femme médecin de l’établissement à procéder elle-même mais la personne qui va accoucher est infibulée et mutilée. L’omnipraticienne est une jeune femme sans expérience qui est saisie de vomissement devant l’état de la parturiente. Quant à celle qui accouche, elle a 20 ans et est au pays depuis 12 ans. Le personnel de l’hôpital a signalé le cas car il semble que l’excision et l’infibulation aient été pratiquées au Canada. Yolande Geadah réclame pour toutes les femmes musulmanes dans Femmes voilées, intégrismes démasqués VLB, 2001) la libération des femmes musulmanes.
4.- Des résidents d’Outremont, canadiens et québécois d’origine, ou jeunes couples français d’origine, artistes et commerçants, sont pris en otage par les pratiques religieuses, les réclamations d’exceptionnalité comme les érouvs, les huttes sur les balcons, et surtout par les manifestations publiques quotidiennes de rapports patriarcaux et mâlistes des membres de la communauté hassidique d’Outremont avec leurs femmes et leurs filles. Le sentiment d’aliénation de ces Canadiens et Québécois encore majoritaires (à peine et pour combien de temps ?) est tel qu’ils préparent leur déménagement. L’enclave hassidique et l’enfermement grandissent de jour en jour.
5. La prise de possession d’un quartier par des Juifs intégristes, le spectacle quotidien de leurs coutumes patriarcales qui viennent frapper au cœur celles et ceux qui travaillent depuis 30 ans à faire respecter les femmes, à les traiter comme des personnes.
6.- Une étudiante arabe, inscrite au doctorat, 26 ans, mère d’un garçon et d’une fille, vivant à Montréal depuis 12 ans ; son mari en rentrant d’un voyage d’affaires dans son pays d’origine lui annonce qu’il y a épousé une 2e femme plus jeune et qu’elle arrive bientôt pour prendre la place de la première ; l’étudiante au doctorat doit faire ses bagages. Que font les services d’immigration ? Rien. Aucun officier d’immigration ne s’intéresse à cela. Au nom de quoi faut-il tolérer la polygamie évidente et l’absence de réaction sociale et pénale ? La bigamie est un crime au Canada.
Comme le répètent un grand nombre de Canadiens d’origine arabe et africaine, islamistes modérés, ces dérives les désolent autant que nous et, nous assurent-ils, rien de cela n’est ‘nécessaire’ au nom de l’islam. Même réflexion de la part de Juifs pratiquants non intégristes. Dans la Tribune juive du mois d’octobre 2006, on lit un appel aux femmes ‘Juives laïques’ ou aux Juives qui souhaitent entendre parler de laïcité, à se rencontrer. Concernant les islamistes même modérés, il faut cesser de nier la force de la culture religieuse, la signification du voile, symbole de l’instrumentalisation des femmes. Le voile, c’est une façon entre plusieurs de mettre les femmes à leur place, de leur rappeler l’exigence de soumission aux hommes et leur condition d’inférieures.
L’argument voulant que les accommodements raisonnables constituent des moyens d’éviter que les radicaux se ghettoïsent est mis à mal par l’exemple de la communauté hassidique d’Outremont. Voilà un groupe qui a bénéficié depuis des décennies de la tolérance de toute la communauté montréalaise malgré ses excentricités de costume et de mœurs. Comme me l’écrit Jacques Boucher, juriste de formation et ex doyen de la faculté de l’Éducation permanente de l’Université de Montréal « aucun des accommodements antérieurs ne les a empêchés (Les Juifs de la communauté hassidique) de développer une culture séparatiste, d’avoir leurs écoles, et de vivre dans un monde à part qui n’a en pratique rien à voir avec la culture et les valeurs de la majorité ». (courriel adressé à MAB, le 19 octobre 2006). Les accommodements demandés par des groupes extrémistes qui n’ont aucune envie de s’intégrer à la communauté d’accueil contribuent à une dynamique d’enfermement communautaire, ils freinent l’acculturation aux valeurs publiques communes et à l’esprit des lois.
Seize alternatives
aux accommodements raisonnables
1.-Exiger des chefs politiques (éducation, santé, immigration, culture) qu’ils rencontrent régulièrement les représentants autorisés des Juifs et des Islamistes modérés. Insister auprès de ces derniers pour qu’ils exposent à leurs coreligionnaires extrémistes les conséquences sociales, économiques et politiques de leurs exigences.
2.- Nous informer nous-mêmes des pratiques culturelles différentes de la nôtre ou des nôtres et de leur histoire. Mettre l’histoire des religions au programme scolaire
3.- Enseigner à tout prix l’histoire et les lois du Canada et du Québec aux nouveaux arrivants, adultes et jeunes. Refuser le certificat de citoyenneté aux candidats qui ne connaissent pas les lois et ignorent tout des valeurs du pays d’accueil
4.- Rappeler les normes légales aux minoritaires religieux délinquants. Il ne s’agit pas d’entrer dans de longs dialogues pour « comprendre le point de vue de l’autre » dans ces cas, mais de stipulations claires. Quelles sont les règles, légales, sociales, politiques.
5.- Organiser des séances d’informations à l‘intention des couples islamistes; dire clairement qu’au Canada et au Québec, le droit d’intervention sur le corps des femmes appartient à ces dernières et non au mari. Il faut dire la loi, la norme et les règles.
6.- Entendre les réclamants en présence de représentants non extrémistes de leur culture et de leur religion.
7.- Une fois rappelées les règles, en cas de déviance les responsables des institutions publiques ont le devoir de sanctionner. Les patrons des établissements privés également.
6.- refuser les dérogations (refus des parents d’inscrire leurs enfants aux activités d’éducation sportive), au nom de la santé des enfants et de leur appartenance à un groupe scolaire. Même programme d’enseignement obligatoire pour tous les jeunes sauf les cas de handicaps physiques ou mentaux avérés.
8.- Fermeté et refus absolu de l’immixtion des maris s’agissant de la santé et du corps de leur femme.
9.- Refus net de l’intervention des maris dans les choix de cours de leurs femmes
10.- S’assurer que les cas de mutilation génitale sont rapportés par les médecins.
11.- S’assurer que les lois et règlements sur le travail et les contrats prévoient les mesures à prendre en cas de refus de travail pour raison religieuse
12.- Développer de la vigilance, de la lucidité plutôt que de la tolérance, un mot et surtout une attitude détestables. Le respect de la différence oui, mais pas au mépris du bien commun, du respect de soi et des normes.
13.- Moins de naïveté et plus de fermeté
14.- Multiplier les rencontres comme le débat de ce soir.
15.- Dans nos quartiers Côte des Neiges, NDG, Outremont, Ville St Luc, Ville St Laurent particulièrement concernés par les demandes d’exception, refuser les arrangements qui aliènent la majorité (les piscines publiques qui sont tout à coup unisexes).
16.- Provoquer des rencontres entre anciens et nouveaux Québécois autour d’exemples.
Marie Andrée Bertrand
Révisé le 24 mai 2007
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