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Résumé
Cette étude, qui se situe dans la lignée des études en écologie humaine sur la région métropolitaine de Montréal, aborde la dimension ethnique de la localisation résidentielle des populations.
Dans la région métropolitaine de Montréal tout comme dans la plupart des grandes zones urbaines ailleurs dans le monde, on rencontre au moins trois grands facteurs qui structurent la distribution géographique des populations dans les secteurs de recensement : le statut socio-économique (la richesse ou la pauvreté), le cycle de vie (l'âge et le type de famille) et l'ethnie (lorsque pertinent). C'est ce dernier facteur qui est l'objet spécifique de la présente étude. Dans la région de Montréal, la dominance des populations de langue française à l'est de l'île et la dominance anglaise à l'ouest sont bien connues, ainsi que la présence, en sur-proportion, dans certains quartiers centraux de l'île des populations immigrées. Ces réalités sont en quelque sorte la base de cette étude. Les auteurs ont cependant voulu raffiner ces connaissances en dépassant ces grands traits pour mieux décrire et mieux comprendre comment la dimension ethnique structure l'espace urbain montréalais. La recherche utilise deux moyens pour étudier cette question plus à fond.
D'une part, les analyses sont effectuées à partir d'une base d'information qui permet d'identifier un grand nombre de communautés ethniques, linguistiques et religieuses (compilations spéciales pour le MRCI des données du recensement de 1991 - banque de données ethnoculturelles), ce contrairement aux études précédentes d'écologie humaine qui, faute de mieux, n'étudiaient que les plus importantes (et les plus anciennes) communautés ethniques et linguistiques. Cette limite empêchait de déceler des tendances découlant de la forte diversification de l'origine des immigrants au Québec depuis plus d'une vingtaine d'années.
D'autre part, une approche multi-factorielle permet de mieux isoler les aspects ethnoculturels des aspects socio-économiques et de cycle de vie. Certaines communautés peuvent apparaître très éclatées sur le plan spatial alors que ce fait n'est pas synonyme de dispersion de la communauté, mais reflète simplement l'hétérogénéité des statuts socio-économiques de ses membres et l'hétérogénéité du moment du cycle de vie où en sont ses familles. Une partie de la distribution spatiale de la communauté vient en effet de l'ajustement de ses membres aux conditions de vie ambiantes. Si on ignore ces sources de différenciation dans la localisation spatiale des communautés ethnoculturelles, on impute erronément à la dimension un effet qui ne lui appartient pas. Les variables ethnoculturelles ont donc été statistiquement épurées des dimensions socio-économique et cycle de vie. Les variables ethnoculturelles résiduelles ou « contrôlées » ainsi obtenues sont ensuite analysées à l'aide des méthodes habituelles d'écologie factorielle.
Les résultats de l'étude font ressortir sept grandes communautés ethnoculturelles de voisinage. Bien qu'elles n'occupent pas des territoires qui leur sont exclusifs, chacune de ces communautés a la particularité d'occuper plus spécifiquement ou plus fortement une ou des plages de l'espace montréalais, généralement autour des municipalités du centre de la région métropolitaine de [viii] Montréal. Il s'agit là, généralement, de grandes communautés souvent formées de populations issues de nombreux pays de naissance, ayant plusieurs origines ethniques et parlant plusieurs langues. Au-delà d'un éclatement apparent, que l'on perçoit lorsqu'on analyse les données brutes ou au cas à cas, il y a bel et bien, dans la région de Montréal, de grands regroupements ethnoculturels de voisinage.
La conclusion fait état qu'en arrière plan des facteurs majeurs de la distribution des populations que sont le statut socio-économique et le cycle de vie, il existe une structuration de la population de la région montréalaise qui est plus particulièrement basée sur les caractéristiques ethnoculturelles ; soit des communautés de voisinage fortement imbriquées les unes aux autres, mais qui, de façon modulée, teintent culturellement par leur présence toutes les parties du territoire.
L'objet de cette étude était de savoir si certains groupes tendent à cohabiter dans les mêmes quartiers et si cette « appropriation » de l'espace urbain se fait sur un mode de recherche d'exclusivité ethnoculturelle ou, au contraire, sur un mode de partage. D'une part, les sept communautés de voisinage obtenues décrivent les personnes qui, sur la base de leurs caractéristiques ethnoculturelles, partagent plus systématiquement certains quartiers de la région montréalaise, bien que ce voisinage ne soit pas exclusif. D'autre part, les résultats obtenus démontrent que l'occupation de l'espace montréalais se fait sur une base de partage, donc d'une cohabitation multiculturelle, plutôt que d'exclusivité.
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