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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Numéro 20 de la revue Culture technique, “Les jeunes et la culture scientifique et technique”, 1989.
André Giordan et Christian Souchon,
“Les jeunes et la culture scientifique
et technique pour les années 2000.”


Une édition électronique réalisée à partir du Numéro 20 de la revue Culture technique, “Les jeunes et la culture scientifique et technique”, 1989, pp 115-123. [Autorisation accordée par le directeur général, Jocelyn De Noblet, de diffuser cette revue en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales. M. à Thierry Gaudin pour toutes ses démarches auprès du directeur général de la revue afin que nous puissions reprendre la diffusion de tous les numéros de cette revue.]

[115]

André Giordan et Christian Souchon

Les jeunes et la culture scientifique
pour les années 2000.”

Un article publié dans la revue CULTURE TECHNIQUE, no 20, 1989, pp. 115-123. Numéro intitulé : “Les jeunes et la culture scientifique”. Neuilly-sur-Seine, France : Centre de recherche sur la culture technique.


Des études réalisées sur la culture scientifique et technique, il ressort nettement la nécessité et l'importance d'une politique incitative dans le domaine, pour répondre aux mutations sociales actuelles. Si une telle entreprise ne peut se développer de façon optimale sur tous les plans, les jeunes peuvent être considérés comme la « cible » privilégiée.

Or on constate aujourd'hui que les efforts entrepris ne touchent qu'une minorité de jeunes pour des raisons qui tiennent en partie au contexte social, à l'histoire et aux structures en place. De plus, les activités, les produits existants demandent à être réorientés, une efficacité optimale n'est pas encore atteinte, malgré l'enthousiasme des concepteurs ou des animateurs. Certes si on regarde le chemin parcouru au cours de ces dix dernières années, celui-ci est formidable, surtout en regard de la faiblesse des moyens.

De l'étude que nous avons réalisée, il est possible de dégager quelques orientations. Les milieux de la CST constituent un système multiple, constitué de réseaux complexes ayant des histoires extrêmement diverses. C'est un domaine en totale transformation, ... en mutation même. Un développement de l'ensemble harmonieux s'inscrit dans la durée.

C'est un lieu de l'action, de l'efficacité immédiate, où interviennent beaucoup de bénévoles, de jeunes et de militants. Le [116] plaisir du « dire », du « montrer », du « faire » ensemble, de la rencontre, présente toujours une place considérable.

C'est seulement en tenant compte de ses spécificités que des propositions pragmatiques doivent être avancées. On peut les schématiser dans trois directions principales :

  • - promouvoir le domaine en faisant connaître son existence et son intérêt auprès des jeunes (et de leurs parents),

  • - favoriser les initiatives et améliorer la qualité des produits et des activités par le biais d'un double processus d'innovation et d'évaluation.

  • - développer parallèlement la réflexion de fond sur les visées et la nature de la culture scientifique, technique et industrielle.

D'autres orientations de soutien en découlent obligatoirement pour en favoriser la mise en place. Elles se situent au niveau : de l'indispensable formation des personnels impliqués, même si elle doit s'avérer souple et appropriée ; des outils et des idées à promouvoir et à fonder par des recherches appliquées en communication, en médiation et en didactique ; des supports institutionnels facilitateurs, notamment en ce qui concerne les coordinations, les coproductions, les parrainages indispensables au développement du domaine.

Enfin la liaison nécessaire et prioritaire avec l'école ne peut être éludée plus longtemps. Cette articulation apparaît comme une nécessité incontournable dont il faut établir quelques préalables moteurs.

À des fins opérationnelles, huit idées-force peuvent être mises en avant.

UNE PREMIÈRE IDÉE-FORCE :
FAIRE SAVOIR L'EXISTENCE
ET L'INTÉRÊT DU DOMAINE


Les activités de culture scientifique, technique quand elles sont de qualité, apparaissent aux yeux des jeunes qui les fréquentent comme un loisir attrayant, ayant des retombées intellectuellement intéressantes et utiles. Pour pallier cette méconnaissance criante du domaine par les jeunes, une campagne directe d'information auprès d'eux s'impose prioritairement. Les activités de culture scientifique, technique et industrielle peuvent intéresser plusieurs millions de jeunes mais encore faut-il le leur faire savoir : cette idée ne vient pas spontanément à l'esprit de la grande majorité d'entre eux, ni de leurs parents, contrairement aux activités culturelles dites « classiques » (musique, danse).

1. télévision

La télévision peut être un support privilégié pour une telle campagne. Le rôle de l'image est essentiel pour populariser les activités scientifiques et techniques, sa séduction est très importante pour le public considéré.

Des « clips » télévisés peuvent être envisagés. Ils devraient en particulier sensibiliser au fait que ces loisirs peuvent déboucher sur des retombées professionnelles.

Des émissions plus longues ou des interventions dans les émissions habituelles envers la jeunesse sont à prévoir, un véritable magazine télévisé peut être envisagé. Ces espaces devraient présenter d'une manière régulière des reportages sur des recherches, des inventions, des aventures, des nouvelles techniques et des produits nouveaux, (y compris quotidiens), tout en les mettant en perspective par rapport aux mutations de la société. Elles devraient commenter des réalisations de clubs, des conseils pratiques, des informations sur les manifestations jeunes-entreprises. Elles devraient susciter des débats en rapport avec les questions des jeunes.

La conception de ces émissions demanderait bien sûr un minimum d'innovation dans la formule et devrait être confiée à des équipes de scientifiques et de jeunes journalistes formés.

2. radio

La radio, par le biais des stations FM peut offrir un intérêt complémentaire réel, par sa souplesse et son audience auprès des jeunes. Elle peut compléter l'action télévisée pour faire connaître d'autres actions ou des commentaires rapides sur elles.

3. presse-jeunes

La presse-jeunes qui fait une grande place aux images en couleurs est également un atout indéniable. Elle est en expansion et à la recherche de thèmes concernant les loisirs scientifiques, techniques et industriels. Les thèmes définis pour la télévision et présentés par cette dernière pourraient être repris et commentés par ce média.

DEUXIÈME IDÉE-FORCE :
CONCEVOIR AUTREMENT


Le recul et l'analyse des succès et des échecs des entreprises antérieures peuvent aider à reformuler la conception des activités et des produits culturels. Dans la majorité des cas observés, on constate que ce qui est premier reste la « science », éventuellement, le scientifique, la recherche, l'industrie ou l'entreprise. La relation entre les sciences, les techniques, les scientifiques et les publics reste définie de façon uniquement linéaire, univoque et frontale. Le scientifique, le médiateur scientifique ou technique (à l'image de l'enseignant en classe) définit - ou tente de le faire - des savoirs qu'il cherche à « transmettre », « à montrer », à « exporter vers le public ».

En d'autres termes, tout est centré sur une « offre » plutôt que sur des demandes - qui ne peuvent qu'être multiples - de publics tout aussi multiples Le scientifique, l'ingénieur, se fait « plaisir » en traitant ses propres questions, celles pour lesquelles il maîtrise quelques éléments de réponses alors que les jeunes qui ont d'autres questions « en tête », aimeraient obtenir des éléments de réponses, ou tout simplement des repères, à leurs propres préoccupations.

Une transformation radicale doit être introduite dans la relation habituellement pratiquée : culture scientifique, technique -----» public indéfini. La solution la plus naturelle et la plus efficace est d'essayer de renverser celle-ci dans le sens publics -----» culture scientifique, technique et industrielle.

Cette politique pourrait favoriser des produits culturels s'articulant sur les questions, les préoccupations quotidiennes des jeunes dans la mesure où ils sont repérés, ou sur des situations permettant de les faire émerger. On peut également envisager des activités de questionnement, d'exploration, de mobilisation (et pas seulement des activités de transmission), en s'appuyant sur des situations de production. On peut promouvoir des situations de réflexion sur les réponses multiples pouvant exister par rapport à un même problème technique ou d'environnement (dans une civilisation donnée ou dans des civilisations différentes) ; sur des questions sur lesquelles les sciences n'ont pas de réponses ou sur lesquelles les sciences ont eu des réponses erronées.

La mise en place de telles activités nécessite un travail d'innovation, de recherche et de formation des personnels. Elle devrait faire l'objet de coordination avec l'école, de coproductions entre les structures culturelles.

[117]

TROISIÈME IDÉE-FORCE :
INNOVER ET ÉVALUER


L'importance de l'évaluation en tant que système d'objectivation d'un processus culturel apparaît capitale. Encore trop d'actions, d'animations se limitent à n'être que des discours, des présentations frontales ou du « faire pour faire ».

L'évaluation permet d'avoir un retour sur la pratique, elle introduit d'abord l'idée d'une certaine rentabilité de la communication, elle permet une optimisation dans l'utilisation des ressources. Mais surtout, l'évaluation fournit aux concepteurs, aux animateurs des « feedbacks » sur ce qui est fait pour éviter le renouvellement des dysfonctionnements actuels. Elle leur propose même des instruments pour la conception, en leur permettant de mieux connaître les publics et l'efficacité des moyens envisagés.

L'évaluation ne doit pas cependant être pensée en termes de panacée, tout au plus peut-elle être un stimulant en montrant la réussite relative de la production actuelle, ou en insufflant une nouvelle démarche : des innovations assistées par « diagnostic-pronostic » didactique.

Dans un premier temps, l'évaluation devrait surtout être valorisée au niveau de la formation des divers personnels, l'auto-évaluation n'est pas à négliger. Elle gagnerait à être progressivement mise en place dans les organismes institutionnels et progressivement intégrée dans les cellules de production et d'animation.

Conception et réalisation de produits de culture scientifique
par un processus d’innovation-évaluation
.

[118]

QUATRIÈME IDÉE-FORCE :
MIEUX FORMER LES CONCEPTEURS
ET DES ANIMATEURS


L'enthousiasme et l'esprit pionnier manifeste des personnels chargés de produire la culture scientifique et technique pour les jeunes gagneraient à s'appuyer sur des compétences plus professionnelles. Ce point apparaît même d'une importance stratégique pour le développement du domaine et pour la production de produits de qualité. La conception, la réalisation, l'animation en la matière requièrent des savoirs et des démarches multiples et interdisciplinaires.

Le tableau ci-après définit d'une manière générale, les principales caractéristiques d'un programme de formation :

Il est à l'écoute du (des) public

«-------

Connaissance des publics (Questions, cadres de références, procédures de pensée.)

Il a des objectifs culturels

«-------

Connaissance des savoirs « utiles » (Attitudes, démarches, connaissances.)

Il a besoin de ressources de communication

«-------

Connaissance des techniques possibles de médiation. (Situations, aides didactiques, stratégies.)

Il a des contraintes

«-------

Connaissance des environnements des actions de médiation. (Contextes, moyens, contraintes).


À partir de ce cadre général, des formations différenciées suivant les spécificités professionnelles peuvent être mises en place ou resituées, tant en formation continue qu'en formation initiale.

Il va de soi que les formateurs de ces formations devraient être, eux-mêmes, spécialistes des dernières techniques issues de la recherche en communication, en didactique et épistémologie des sciences.

L'autoformation actuelle, le plus souvent sur le terrain, au coup par coup, ne permet pas de suivre l'évolution des différents secteurs qui sous-tendent la culture scientifique et technique.

À court terme, cette formation des formateurs peut être renforcée de façon substantielle par des opérations ponctuelles organisées autour d'activités de recherche ou de « personnalités » ayant à la fois une expérience pratique et une vision approfondie du domaine. Des services de conseils issus de la recherche, en liaison avec des procédures d'évaluation et les structures de formation, pourraient être mis en place pour assurer une sensibilisation et proposer les outils pertinents pour la conception, la production, l'animation.

Les lieux de formation devraient être envisagés en relation avec les activités de recherche et vice versa, afin de s'autoféconder. Une structure pilote de formation et de recherche devrait cependant être envisagée à titre de référence pour accélérer le processus.

CINQUIÈME IDÉE-FORCE :
PROMOUVOIR DES RECHERCHES
APPLIQUÉES


Les études qui prennent un certain recul par rapport aux activités de culture scientifique et technique ou les équipes qui produisent des outils à l'usage de la conception ou de l'animation sont encore rares, comme le montre la bibliographie.

Or les évaluations ont montré qu'une analyse réflexive et de nouveaux moyens de conception apparaissent indispensables à l'évolution du domaine.

À court terme, il est souhaitable d'encourager les universités, les instituts qui ont des secteurs didactiques des sciences, médiation, communication ou muséologie, à prendre en charge ces questions, en élargissant leurs champs de recherche traditionnels. Pour cela, il est utile d'envisager quelques opérations de recherches appliquées pour orienter le domaine et stimuler le secteur :

  • investigations pour cerner les publics jeunes (leurs questions, leurs préoccupations, leurs cadres de références, leurs façons de comprendre, leurs façons de se situer par rapport aux savoirs scientifiques, techniques et aux activités industrielles).

  • études sur les mécanismes de compréhension d'un savoir, ainsi que sur les processus de mobilisation (décodage de schéma ou d'image par un public donné, appropriation de panneaux, etc.).

  • des travaux très concrets applicables à la production, la conception ou la médiation de produits opérationnels (réalisation d'objets ou de matériels permettant une approche à plusieurs niveaux, etc.).

Ces aspects peuvent également se comprendre comme une systématisation d'évaluations, bien faites. Ces recherches ne doivent pas être envisagées comme une fin en soi. Elles doivent, dès le départ, être conçues pour la production d'outils opérationnels, directement utilisables par les professionnels de la conception, de la médiation ou de l'animation (notamment par le biais de la formation). Ces études devraient déboucher sur une meilleure connaissance des thèmes porteurs, par rapport aux caractéristiques particulières de ces publics. Elles devraient également fournir des informations plus fondées sur les façons de lire, de s'approprier le savoir, de comprendre les produits culturels et sur les objectifs possibles en fonction des publics.

À moyen terme, il serait souhaitable de mettre en place des recherches fondamentales, en intéressant les organismes de recherche (CNRS, INRP) ou les universités à des programmes axés : sur l'appropriation d'attitudes et de démarches scientifiques ou sur la connaissance des mécanismes d'argumentation, de signification propres à faciliter une compréhension chez les jeunes.

Une structure pilote de formation et de recherche avec des structures souples, devrait être envisagée à titre de référence.

SIXIÈME IDÉE-FORCE :
APPROFONDIR LA RÉFLEXION
ET COORDONNER LES ACTIONS


Les caractéristiques, les composantes, les contenus même de la culture scientifique et technique sont à expliciter et à mettre en débat. Une discussion de fond avec la participation des divers partenaires doit se dérouler en même temps que se développent les initiatives à la base.

Cette réflexion d'ensemble pourrait être envisagée par la mise en place d'un comité de réflexion. Ce comité, constitué sur la base d'une petite équipe de 5 à 10 membres au plus, devrait n'avoir aucun rôle décisionnel ou d'organisation dans un premier temps. Pour élargir son champ d'expérience, il s'appuierait sur une concertation nationale en consultant, en dehors de toute préoccupation corporatiste, des scientifiques, des ingénieurs, des concepteurs et des animateurs d'activités culturelles, des enseignants, des décideurs, des didacticiens et des spécialistes de la communication, des scénographes et des graphistes, mais également [119] des industriels, des syndicalistes et divers professionnels (techniciens, infirmiers, contrôleurs, etc.)

Il se consacrerait uniquement à préciser et à situer les modalités et les caractéristiques d'une culture scientifique, technique et industrielle optimale pour la période actuelle ; à identifier les éléments culturels « porteurs » par rapport aux préoccupations des jeunes et aux nécessités actuelles ; à répertorier les savoirs structurants ; à réfléchir sur les problèmes posés par l'approche de savoirs complexes ou concernant la « science qui se fait ».

Il devrait débattre des aspects qui ne peuvent recevoir de réponses que dans la durée ou qui dépassent le domaine au sens strict :

  • la culture scientifique et technique s'appuie sur l'utilisation de documents, fait-on un effort suffisant pour encourager la culture scientifique et technique dans les bibliothèques ? Les livres scientifiques et techniques destinés aux jeunes couvrent-ils tous les besoins explicités ou faut-il encourager une politique d'édition suivant certaines orientations ?

  • Dans quelle mesure, la télévision et la radio ont-elles une efficacité culturelle, en particulier chez les jeunes ? Peut-on identifier des besoins par d'autres pratiques que la recherche des taux d'écoute ? Au lieu de concevoir une 6e chaîne centrée sur le show-business, peut-on faciliter la création d'une chaîne spécialement adaptée aux jeunes et qui laisse une place suffisante à des activités culturelles authentiques mais formulées dans leur langage, proches de leurs intérêts et de leurs besoins ?

  • Peut-on favoriser l'introduction d'une dimension de culture scientifique en particulier dans le temps des vacances (centres de quartier pour ceux qui ne partent pas, colonies, centres de loisirs) ?

  • La répartition des dépenses culturelles des communes (qui assument 50% des dépenses culturelles) est-elle rationnelle, compte tenu des besoins (2% du total des dépenses pour la culture scientifique et technique d'après mes estimations) ou faut-il intervenir pour donner plus de place à cette dernière ? Faut-il encourager le mécénat dans ce domaine et par quelles procédures ?

  • Comment utiliser au mieux le support logistique constitué par les grands centres : CCSTI, Palais de la découverte, Cité des sciences et de l'industrie de la Villette, Centre Pompidou, CNAM ? Répondent-ils à tous les aspects dominants de la culture scientifique et technique d'aujourd'hui ? Comment faciliter leurs impacts, notamment en région ? Quels services généraux peuvent-ils rendre pour aider les centres culturels régionaux, les associations de quartier ou les clubs de jeunes : formation des animateurs, recherches sur le terrain ? Etc.

Parmi toutes les questions relatives à l'organisation, l'importance de la coordination semble prioritaire. Un nombre élevé d'organismes divers contribuent à la culture scientifique et technique à travers des finalités spécifiques. Les organismes de soutien sont également multiples : ministères chargés de la culture, de la recherche, de l'éducation nationale et de la jeunesse, de l'industrie, de l'agriculture, de l'environnement et des armées... sans oublier les interventions de plus en plus fréquentes des régions, des conseils généraux, des municipalités ou encore des sponsors privés.

Il en résulte une certaine dispersion des possibilités et des compétences, un éparpillement des initiatives et des ressources.

D'où la nécessité d'un dispositif interministériel coordonnant les grandes questions d'organisation, de gestion et d'orientation.

La coordination présente aussi un aspect matériel et économique significatif. Il serait important de mieux utiliser l'effort considérable déployé à l'occasion d'une exposition ou d'une autre manifestation pour produire d'autres documents ou pour réaliser des expositions itinérantes. On pourrait, de la même façon, envisager dès la conception, une utilisation couplée entre

[120]





[121]

De la construction au lancement de fusées expérimentales
dans des clubs Espace. Cl. J. Bouvier/ANSTJ.

[122]

plusieurs vecteurs : expositions, animation mais aussi production de livres, d'audiovisuels en liaison avec le secteur scolaire. Enfin la coordination commence à la base lors de la conception et l'animation. Les produits, les activités gagneraient en efficacité par la mise en place d'équipes de conception interdisciplinaires et réellement « opérationnelles ». Par exemple pour les expositions, il apparaît nécessaire de regrouper autour du maître d'œuvre, une équipe interdisciplinaire. Cette dernière devrait comprendre plusieurs groupes de compétence :

  • scientifiques ou ingénieurs,
  • didacticiens, spécialistes de la communication ou médiateurs
  • graphistes, architectes ou scénographes.

Une répartition fonctionnelle des compétences pourrait être la suivante : (voir page précédente)

SEPTIÈME IDÉE-FORCE :
RÉALISER UNE SYNERGIE
CULTURE-ÉCOLE


La mise en place d'une culture scientifique et technique opératoire ne peut être envisagée hors de l'intervention de l'école. L'école est le passage obligé de tous les jeunes, elle est un réservoir considérable de temps, de personnels et de moyens. L'école devrait être un des partenaires déterminants en la matière.

Pourtant l'école et les milieux culturels de par leur histoire, ont un certain nombre de résistances à collaborer pleinement. L'école reste encore pénétrée d'une culture générale de style littéraire et théorique, abstraite, coupée des réalités (dans laquelle s'insèrent grandement les mathématiques) aux dépens d'une culture expérimentale, technique et professionnelle.

L'école est axée sur les acquis de connaissances plutôt que sur l'émergence des intérêts, le développement des attitudes, des démarches, la formation critique ou encore la mobilisation du savoir.

Il en résulte que l'école ne fournit pas aujourd'hui le « bagage intellectuel » optimal adapté aux caractéristiques de la société actuelle et cela, pour plus de 90 % des jeunes. Elle introduit encore moins une mise en perspective des savoirs, elle délaisse les pratiques techniques et industrielles, dans le même temps qu'elle provoque un désintérêt progressif des jeunes pour les sciences.

Certes la scolarité est bien exigeante puisqu'il faudrait à la fois acquérir les instruments du travail intellectuel, en même temps qu'assimiler un ensemble de savoirs et une réflexion sur ces savoirs. Mais l'école gagnerait à reconsidérer ses finalités et ses programmes, à modifier ses pratiques d'enseignement, à s'ouvrir sur l'extérieur.

Un certain nombre d'activités d'animation ouvrent des perspectives nouvelles, elles mériteraient d'être plus largement généralisées. Les classes transplantées, les visites d'expositions, l'intervention d'animateurs de culture scientifique, technique et industrielle, le travail concerté avec des clubs, les PAE, les contrats de ville, chaque fois qu'ils ont été possibles, montrent très favorablement des possibilités nouvelles.

Les potentialités et les ressources diverses des musées, des laboratoires, des centres de culture scientifique, technique et industrielle peuvent être exploitées dans cette perspective.

Ces tentatives introduisent même des perspectives de rénovations pédagogiques, indispensables à l'école. Certains apprentissages de base peuvent même se trouver facilités par des approches plus concrètes, plus en liaison avec les préoccupations des jeunes.

Déjà l'école constitue le partenaire privilégié des activités existantes. Il serait indispensable d'établir un continuum, une complémentarité entre les deux domaines, dans le même temps que l'école repense ses programmes et ses stratégies éducatives. On pourrait même envisager des effets de synergie plutôt que d'opposition ou de concurrence. On pourrait chercher ainsi à favoriser l'utilisation plus systématique des structures et des produits de la culture scientifique et technique à l'intérieur de la classe, le développement des clubs, des stages intégrés à l'école et/ou en liaison avec les structures culturelles, la co-animation, dans le cadre d'activités dites « hors programme » : après-midi banalisé, classe transplantée (à la ferme, à l'usine, ou dans des structures d'accueil type CPIE), opérations Passeport pour la recherche.

En retour, l'école représente un potentiel considérable de surfaces et de matériels, mal utilisé après 16 heures 30. Des achats couplés, limitant d'ailleurs les coûts, permettraient une utilisation plus large de certains équipements coûteux mais stimulants. Les enseignants sont des relais indispensables et compétents si on leur fournit un minimum d'outils et de moyens (documentation, idées d'activités).

Une politique du personnel, permettant des transferts momentanés entre les deux types de structures serait bénéfique : elle éviterait une certaine lassitude chez les enseignants, elle augmenterait les compétences des milieux de la culture scientifique, technique et industrielle.

HUITIÈME IDÉE-FORCE :
VALORISER LA CULTURE
SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE


La culture, l'éducation sont de grandes questions nationales que redécouvrent périodiquement les hommes politiques, ce sont des enjeux majeurs des sociétés contemporaines. Nos sociétés ne peuvent plus accepter le gâchis que constitue un potentiel intellectuel inexploité ou mal exploité. La mise en place d'une politique culturelle n'est donc pas une opération strictement intellectuelle. Dans le domaine qui nous retient ici, celui de la culture scientifique, technique et industrielle, ces aspects sont primordiaux, vu l'importance immense que prennent les savoirs scientifiques, les pratiques techniques et industrielles dans le développement et les mutations actuelles.

L'État doit se montrer explicitement volontariste en favorisant une large diffusion des idées, en stimulant la compréhension des problèmes, en imposant des décisions rapides. Les régions, les départements et les municipalités ont aussi un rôle primordial en ce domaine.

Dans le contexte d'une stimulation de la demande latente, un certain nombre d'entreprises apparaissent déjà assez sensibilisées et participent en liaison avec des financements publics à des actions de culture scientifique, technique et industrielle. Certes, leur but est de faire connaître l'entreprise, mais la volonté déclarée est aussi de dépasser le simple acte publicitaire et cette attitude peut être « récupérée » sans dommages ni contraintes.

Une mise de fonds importante déjà investie par les entreprises (parfois des PME au niveau des régions) dans l'art ou le sport trouve sa place dans ce domaine (« sponsorisation » d'activités diverses, livres, expositions permanentes ou tournantes, expo-sciences).

Les entreprises souhaitent valoriser leur image aux yeux des jeunes, l'idée de « qualité » fait son chemin dans l'entreprise.

Une telle politique peut aussi avoir en retour des effets [123] bénéfiques dans le cadre économique général. Elle peut stimuler des domaines dans lesquels les entreprises françaises peuvent trouver des nouveaux marchés, notamment dans le cadre européen de 1992. Ce peut être le cas d'un certain nombre de produits de culture scientifique, technique et industrielle, si la demande d'activités, d'actions dans ce domaine est encouragée.

La stimulation des besoins des jeunes en matière de savoirs scientifiques, techniques incitera d'importantes demandes en matière de jeux, de logiciels, d'interactifs, de micro-banques de données, de livres scientifiques ou techniques. Les nouveaux aspects développés au point 5 peuvent induire la réalisation de produits qui n'existent pas encore sur le marché. Une politique d'investissement en matériel peu coûteux (matériel type « kit », publications PAO) pourrait être une préfiguration pour des diffusions ultérieures plus larges et plus sophistiquées.

Autant de domaines où la production française peut répondre à une demande intérieure, les jeunes présentant un potentiel budgétaire non négligeable.

La production française peut trouver également sur ces plans, de nouveaux marchés à l'exportation, dans les pays francophones ou de cultures latines, et sur un plan européen à condition qu'elle démarre tôt et qu'elle se centre sur des productions de qualité, répondant bien aux préoccupations des jeunes. Elle a actuellement deux atouts favorables à la production de formes neuves, qui méritent d'être exploitées : une bonne place dans la production de logiciels ; des équipes de créateurs et des écoles de didactique et de communication reconnues sur le plan international.

Des formes nouvelles de loisirs (clubs de vacances, formules week-end) sont à envisager et à généraliser sur ce dernier point en intégrant divers types d'activités : sports et sciences ; sports et techniques ; arts, sports, sciences ou techniques ; modélisme, sciences et techniques ; bricolage, sciences, et techniques, etc. Ils pourraient obtenir des succès à l'exportation à l'image de certains clubs, aujourd'hui célèbres, auprès d'une clientèle jeune ou familiale qui souhaite trouver des loisirs multiples, diversifiés et « intelligents ».

Pour cela, on pourrait injecter dans les structures hôtelières existantes, ces nouvelles préoccupations. Les besoins nouveaux en personnel pourraient être comblés par le biais de la formation continue :

- au niveau des concepteurs, en recyclant des enseignants, par exemple.

- au niveau de l'animation, par des formations s'appuyant sur les structures d'emploi des jeunes.

La stimulation des besoins des jeunes en matière de culture scientifique et technique est susceptible d'avoir ainsi des retombées au niveau de l'emploi, en particulier si cette demande se généralise :

  • par le biais d'activités supplémentaires dans les maisons de quartier, les centres culturels, les centres de loisirs ou de vacances,

  • par la production de matériels nouveaux ou le développement des exportations.

Par ailleurs, un ensemble d'emplois d'animation et de conception créé également dans les clubs ou les associations, et surtout dans les zones de banlieues défavorisées, répondrait à la fois au besoin social et à la demande culturelle. À ce niveau également, des concepteurs et des animateurs ayant une formation interdisciplinaire de qualité pourraient trouver des emplois.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 18 juillet 2024 11:35
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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