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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Capital et gemeinvesen.
VIe chapitre inédit du Capital et l'oeuvre économique de Marx
.
[1978] (2009)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Jacques Camatte, Capital et gemeinvesen. VIe chapitre inédit du Capital et l'oeuvre économique de Marx. Livre édité en 1978 par René Leveuvre aux Éditions Spartacus, série B, no 98, 270 pp. Version numérique parue en 2009 révisée par l’auteur. Une éditioin numérique réalisée par un bénévole qui souhaite conserver l'anonymat sous le nom “Anonyme 2, retraité”. [L’auteur nous a accordé, le 3 octobre 2021, l’autorisation de diffuser en libre accès à tous ce livre dans Les Classiques des sciences sociales. L’autorisation nous a été confirmée par le bénévole “anonyme 2” ce même jour.]

Capital et gemeinvesen.
VIe chapitre inédit du Capital et l’œuvre économique de Marx.

Introduction

Pour comprendre l’importance de ce chapitre inédit du Capital de K. Marx, il est nécessaire de faire une chronologie de l’œuvre économique de celui-ci. C’est d’autant plus nécessaire qu’il n’a pas pu, en fait, la terminer. Ιl serait important de trouver la charpente commune, la préoccupation centrale autour de laquelle s’ordonnent tous les travaux.

K. Marx a lui-même indiqué le déroulement de ceux-ci. Dans la préface de la Contribution à l’économie politique 1859, il parle du point de départ donné par l’esquisse géniale de F. Engels sur la critique des catégories de l’économie politique. Cela venait, pour ainsi dire, à point. En effet, K. Marx avait démontré que les divers développements de l’activité humaine avaient une même base : la production économique ; que du mode de produire dépendaient toutes les autres manifestations de l’activité humaine, en particulier la pensée. Au lieu d’étudier la conscience de l’homme comme un produit indépendant, il fallait comprendre le processus de vie réel de celui-ci. Ce renversement est donné sous forme extraordinairement condensée dans les fameuses Thèses sur Feuerbach. C’est dans l’Idéologie Allemande que devait être élaborée la méthode qui sera définie de façon nette et limpide dans la préface à la Contribution : le matérialisme historique. Dans cet ouvrage, il y a une tentative de donner une démonstration de la nouvelle théorie : prouver que ce sont les facteurs économiques et sociaux qui sont déterminants. C’est pourquoi nous y trouvons à la fois une première esquisse de ce qui sera, plus tard, l’Introduction à la Critique de l’Économie Politique – exposé de la méthode et plan de l’œuvre intégrale – et une ébauche des Formes qui ont précédé la forme de production capitaliste : périodisation de l’histoire humaine. C’était en complète cohérence avec la doctrine : l’histoire est la seule science véritable. Cet ouvrage ne devait pas, en définitive, voir le jour (il fut abandonné à la critique rongeuse des souris !), K. Marx et F. Engels n’y tenaient pas outre mesure. Son élaboration leur avait permis surtout d’y voir clair dans la nouvelle conception et de se rendre maîtres de la nouvelle doctrine. En revanche, K. Marx travaillait activement à un ouvrage économique dont parle F. Engels dans une lettre du 20.01.1845 : « Arrange-toi pour terminer ton livre d’Économie Politique, peu importe que beaucoup de pages ne te satisfassent pas toi-même ». K Marx en fait aussi mention dans une lettre à Leske du 01.08.1846 : « Par un ami de ces messieurs, on m’avait en outre pratiquement assuré l’édition de ma critique de l’Économe ». Ce livre ne devait pas non plus paraître du vivant de son auteur. Ιl fut publié après la mort des deux amis et traduit en français sous le titre de Manuscrits Parisiens de 1844.

K. Marx n’abandonne pas pour autant l’étude économique et, en 1847, il publie, en réponse à un ouvrage de P.J. Proudhon, Misère de la Philosophie. C’est en quelque sorte un résumé de toute l’œuvre. Ιl conclut la critique de la philosophie telle qu’elle avait été conduite dans la Critique à la Philosophie du Droit de Hegel et dans la Question Juive : le prolétariat est l’émancipateur de la société humaine. D’autre part, le véritable mouvement de cette émancipation y est exposé : la constitution de la classe en parti. Ceci implique une caractérisation précise de cette société et la délimitation de celle future. 1847 est aussi l’année du Manifeste du Parti Communiste. Au mouvement ouvrier qui prend une ampleur de plus en plus grande (tel qu’il a été décrit dans Misère de la Philosophie) il faut donner un programme. Le Manifeste condense l’apport de toutes les luttes prolétariennes passées, tant sur le plan pratique que théorique et l’illumine de la claire et évidente affirmation du Communisme, dépouillé de tout utopisme parce que présenté tel qu’il est : le mouvement réel de la société, du prolétariat vers son émancipation.

Les travaux économiques de K. Marx ne sont pas académiques mais destinés au prolétariat ; ils doivent lui servir d’armes pour sa lutte. Ainsi en 1849, il condense les résultats de ses recherches en une série de conférences tenues à Bruxelles : Travail Salarié et Capital. La vague révolutionnaire amortie, il reprend le grand ouvrage économique entrepris et qui, nous l’avons déjà indiqué, n’a pas pu paraître et, à fortiori, à temps voulu avant la révolution. Ιl fallait donner une assise inébranlable au programme qui avait été lancé en 1847.K. Marx continua donc ses travaux et publia en 1859 la Contribution à la critique de l’économie politique. Ce devait être le début d’une œuvre très vaste qu’il aurait voulu, en fait, publier d’un seul bloc. Il fut contraint, pourtant, d’en accélérer la publication à cause des inepties économiques débitées par un grand nombre de propagandistes socialistes, en particulier, F. Lassalle. L’ouvrage traitait surtout de la valeur en période de circulation simple des marchandises et au moment de la transformation de l’argent en capital. Seulement il était trop dense et synthétique. K Marx voulait donner, à la fois, la critique de la base et celle des superstructures ; une explication des phénomènes réels et des théories qu’ils avaient engendrées (ce qui devait devenir l’histoire des théories sur la plus-value) : « C’est en même temps l’exposé de ce système et sa critique au travers de son exposé. » (K. Marx à F. Lassalle. 27.11.1858). De là le double plan de l’ouvrage : exposé des phénomènes économiques et critique des différentes conceptions qui eurent cours au sujet du phénomène étudié [1]. Cette exposition trop dialectique (flirt avec G.W.F. Hegel !) fit peut-être que la contribution n’eut aucun succès.

Le Capital paraît en pleine période d’ascension du mouvement ouvrier dans deux des plus grands centres de l’époque : l’Allemagne et la France. L’exposé est plus didactique et est, en réalité, le véritable programme du prolétariat pour son émancipation. On peut dire que l’ouvrage était réclamé par la classe ouvrière. Celle-ci avait besoin d’une arme critique et constructive pour sa lutte quotidienne contre le capital et pour celle, de plus grande ampleur, qui doit conduire à la destruction de celui-ci. Tel est le sens de l’exposé que fit K. Marx sur le thème : Salaire, Prix et profit, à l’A.I.T. à peu près à la même époque.

Comme on sait, seul le l° livre du Capital parut du vivant de son auteur. Les deux autres livres furent publiés par F. Engels. Celui-ci ne put parvenir non plus jusqu’au bout de l’œuvre. Ιl restait encore une grande quantité de manuscrits. K. Kautsky ne publia que l’équivalent du IVe livre : théories sur la plus-value. Ιl restait encore les Grundrisse, publiés en allemand avant la seconde guerre mondiale seulement, le VIe chapitre du Capital et, certainement, beaucoup d’autres matériaux, en particulier sur la question agraire.

L’étude de toutes ces œuvres fait apparaître que K. Marx a abordé la critique de l’économie politique du quatre façons qui se complètent. La première est celle des Manuscrits de 1844 : le fondement de la société capitaliste, c’est le travail salarié, le capital lui-même n’étant que du travail objectivé. Marx explique l’aliénation dont parlait Hegel : toute l’histoire est le produit du travail de l’homme, non pas seulement du travail théorique, intellectuel, mais de tout le travail, de toute l’activité réelle de l’homme. L’aliénation réside dans la vie pratique, la vie réelle. Elle dérive du fait que l’homme en société bourgeoise, est devenu une marchandise. Seulement Marx est encore trop sur le terrain de l’adversaire en ce sens qu’il aborde, à la façon des philosophes et donc de Hegel, la question par l’homme, par le sujet, alors qu’il fallait expliquer comment le sujet était produit. C’est d’ailleurs pourquoi il parle d’abord du salariat, puis du capital et dé la propriété foncière pour analyser ensuite la propriété en société bourgeoise et en société communiste. C’est donc en partie le contraire de ce qu’il fera plus tard : «.,.que ma méthode analytique, ne partant pas de l’homme, mais de la période sociale économiquement donnée, n’a rien de commun…, etc. » (Le traité d’économie politique d’Adolphe Wagner, in Le capital Ed. Soc. t. 3. p. 249). La démarche est donc encore subjective. Ιl est vrai l’homme est bien au centre de la question (non pas l’homme individuel, mais l’homme social, l’espèce humaine : c’est déjà la réfutation de la position bourgeoise) mais encore faut-il indiquer quelles sont les conditions économiques qui le produisent. C’était trop une simple réfutation de G.W.F. Hegel. Or l’homme ne peut être sujet que dans la société communiste. Dans les sociétés de classe, il est aliéné et donc objet. On a affaire au prolétaire et au bourgeois, mais cela veut dire que le sujet c’est le capital. « Notre ancien homme aux écus prend les devants et, en qualité de capitaliste, marche le premier ; le possesseur de la force de travail le suit par son derrière comme travailleur à lui ; celui-là le regard narquois, l’air important et affairé ; celui-ci, timide, hésitant, rétif, comme quelqu’un qui a porté sa propre peau au marché, et ne peut plus s’attendre qu’à une chose : à être tanné. » (Le Capital. L. l. t. 1. p. 179).

L’importance des Manuscrits est de signer l’acte de naissance du communisme. Dans la polémique avec les économistes. Marx découvre la forme future ; de même qu’il l’avait vue, intuitionnée, dans sa lutte contre la philosophie de Hegel et dans la Question juive. Ιl va plus loin, ici, car il donne le substrat économique.

La deuxième est celle de la Contribution et du Capital. K. Marx part de ce qui est constatable : la marchandise (comme le fait remarquer V. Lénine) pour poser la question de la valeur, ses différentes formes et revenir ensuite à la circulation simple des marchandises et l’apparition du capital. Le travail salarié, producteur de plus-value, apparaît ensuite pour expliquer la genèse du capital ; c’est-à-dire la genèse de l’incrément de valeur sans laquelle il ne peut y avoir de formation de capital, et ce, au travers de l’analyse du procès de production immédiat. « Ce dont je pars, c’est de la forme sociale la plus simple, sous laquelle se présente dans la société actuelle, le produit du travail, et c’est la marchandise. C’est elle que j’analyse, et, je le fais d’abord sous la forme sous laquelle elle apparaît. » (Le traité d’économie politique d’Adolphe Wagner. p. 246).

La troisième façon nous est fournie par le Fragment de la Version primitive (Urtext) de la Contribution à la Critique de l’Économie Politique. K. Marx aborde le problème selon le mode le plus général qui puisse être : la naissance de la valeur, et pose la question : comment la valeur peut-elle parvenir à l’autonomie (ce qui est une donnée constatable de la société bourgeoise), à ne pas être étroitement dépendante des conditions qui l’ont engendrée ?

La dernière et quatrième manière, nous la trouvons dans les Formes qui précèdent la production capitaliste (chapitre des Grundrisse). Le capitalisme ne peut se développer qu’à la condition de libérer l’homme et d’en faire une marchandise. Pour cela il faut que les diverses communautés qui l’englobaient et qui, d’une façon plus οu moins dégradée, étaient régies par une économie où l’homme était le but de la production, soient détruites. C’est en quelque sorte l’étude des obstacles au développement capitaliste ; l’étude de l’inertie sociale formée par les diverses communautés dont la plus persistante se trouve dans le mode de production asiatique qui perdure encore en Inde, par exemple, et rend si difficile le développement économique de ce pays.

Le VI? chapitre se trouve au point de convergence de ces différentes façons d’exposer, c’est pourquoi il permet de comprendre l’ensemble de l’œuvre. Ιl se présente, à de certains égards comme une clef, non pour comprendre le Capital qui se suffit à lui-même, mais l’œuvre entière qui englobe ce dernier. Ιl permet de relier entre eux des travaux qui paraissaient n’avoir aucun rapport ; il montre la cohérence absolue de toute la théorie.

Tous les ouvrages que nous avons mentionnés sont, en fait, autant de fragments d’une œuvre unique. C’est pourquoi s’il semble que K. Marx ait pu avoir différentes préoccupations, différentes manières d’aborder un seul et même problème, c’est parce que l’œuvre ne put pas voir le jour en sa totalité. Ses différents plans nous éclairent à ce sujet. Dans la Contribution, K. Marx en donne un qui est une simple modification de celui des Manuscrits de 1844, modification liée aux remarques que nous avons faites au sujet de cet ouvrage. Dans la préface à la Contribution, il écrit : « J’examine le système de l’économie bourgeoise dans l’ordre suivant : capital, propriété foncière, travail salarié, État, commerce extérieur, marché mondial. Sous les trois premières rubriques, j’étudie les conditions d’existence économiques des trois grandes classes en lesquelles se divise la société bourgeoise moderne ; la liaison des trois autres rubriques saute aux yeux. » Ce plan est le même que celui qu’il avait envoyé à F. Engels le 02.04.1858. En 1862, dans son 18° cahier, il en donne un plus détaillé, mais les grands points (subdivision de l’ouvrage) sont identiques. Dans le point 5 de l’étude du procès de production, il indique : « La combinaison de la plus-value absolue et relative, travail productif et improductif. » D’autre part, dans un projet de plan de 1859, il subdivise l’étude de ce même procès de production de la façon suivante : « 1. Transformation de l’argent en capital. a) transition (passage) ; b) échange entre le capital et la puissance de travail, c) le procès de travail, d) le procès de valorisation. » (Grundrisse, p. 969) Les points e et d sont les deux premiers que traite le VIe chapitre. En conséquence pour situer correctement cette œuvre, il faut en faire une analyse en liaison avec tous les travaux que nous avons mentionnés.

Deux grandes questions émergent de toutes ces œuvres totalement rédigées, à l’état de plan οu d’esquisse : l° Origine de la valeur, ses déterminations et ses formes ; 2° Origine du travailleur libre, le travailleur salarié. Nous les aborderons dans l’ordre et analyserons les conséquences qu’elles impliquent.



[1]       C’est la méthode même de G.W.F. Hegel dans La Science de la logique (note de mai 1972).



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 15 octobre 2021 11:07
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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