Actualisation
(JUIN 2009)
Quand j’ai rédigé l’étude sur le VIe Chapitre j’avais la sensation que j’opérais une actualisation [1] de la théorie marxiste en tant que théorie du prolétariat. Ceci s’imposait à moi du fait de l’investigation opérée précédemment sur l’origine et la fonction du parti, sur la démocratie et sur le mouvement ouvrier. L’actualisation portait sur le fait de mettre en évidence l’essentialité de la communauté. Je pensais que c’était la question fondamentale, présente dans l’œuvre de K. Marx, mais qui avait été escamotée. Selon moi, cette actualisation venait se greffer sur l’œuvre de restauration du marxisme effectuée par A. Bordiga. Je ne reviens pas sur l’œuvre de celui-ci [2], mais je désire seulement insister sur le fait qu’il avait fait une rupture avec l’approche classique « marxiste »au sujet du développement des forces productives comme fondement pour l’accession au communisme, ce qui était cohérent avec son affirmation que celui-ci était possible depuis 1848 et à sa considération que désormais, à l’heure actuelle (début des années cinquante du siècle dernier), ces forces étaient même trop développées. Ainsi à la réunion de Forli, 1952, il exposa un plan de mesures à prendre tout de suite après la prise du pouvoir.
« 1. Désinvestissement des capitaux, c’est-à-dire destination d’une partie plus réduite du produit aux biens instrumentaux.
2. Élévation des coûts de production pour pouvoir donner, jusqu’à la disparition du salariat, du marché et de la monnaie, de plus fortes payes, pour un temps de travail inférieur.
3. Rigoureuse réduction de la journée de travail, au moins à la moitié des heures actuelles en absorbant le chômage et les activités antisociales.
4. Réduction du volume de la production à l’aide d’un plan de sous-production qui la concentre dans les domaines les plus nécessaires ; contrôle autoritaire des consommations, en combattant la mode publicitaire pour ceux qui sont inutiles et néfastes ; abolition des activités assurant la propagande d’une psychologie réactionnaire.
5. Rupture rapide des limites de l’entreprise.
6. Abolition rapide des systèmes d’assurance de type mercantile, pour substituer l’alimentation sociale des non-travailleurs à partir d’un revenu minimum.
7. Arrêt des constructions de maison et de lieux de travail autour des grandes villes et même autour des petites, comme point de départ vers la distribution uniforme de la population dans les campagnes. Réduction de la vitesse et du volume du trafic, en interdisant celui qui est inutile.
8. Ferme lutte pour l’abolition des carrières et des titres, contre la spécialisation professionnelle et la division sociale du travail.
9. Premières mesures immédiates pour soumettre au contrôle de l’État communiste l’école, la presse, tous les moyens de diffusion, d’information, et les réseaux de spectacles et des divertissements ».
Personnellement, en 1953, j’ai accepté pleinement une telle démarche théorique et je citai ces mesures dans un petit article de 1957 : L’accumulation phénomène capitaliste et non socialiste ou violence et réformisme [3], visant à insister sur le fait que, comme l’affirma souverainement A. Bordiga : on ne construit pas le socialisme. De nos jours une telle formulation reste profondément juste, même s’il ne s’agit plus de socialisme, mais de la communauté humano-féminine, et l’on doit rechercher ce qui la fonde dans toute sa puissance, hors de la spéciose.
Enfin cette actualisation je la mettais en rapport avec la prévision au sujet de la révolution prévue par A. Bordiga pour les alentours de 1975, qui imposait de penser les événements à venir afin de leur être contemporain et non de retarder de plusieurs années en restant englués dans les vieilles approches théoriques.
Les événements ultérieurs en rapport au mouvement de mai-juin 1968 m’amenèrent à abandonner la théorie du prolétariat et la nécessité de la révolution, dès le début des années 70. En conséquence Capital et Gemeinwesen doit être en quelque sorte délesté de ce qui est en rapport avec le prolétariat, le parti, la révolution, mais aussi de la dimension polémique qui pactise avec la dynamique rackettiste et qui témoigne du besoin spéciosique d’avoir un ennemi afin de s’affirmer.
L’étude théorique du mouvement du capital réalisée par K. Marx n’est pas obsolète. Sa justesse a été confirmée ; ce qui s’impose c’est la mise en évidence de la mort de celui-ci qu’A. Bordiga avait déjà proclamée. Avant d’aborder celle-ci il convient de revenir sur le mouvement antérieur du capital. Dans le chapitre Le capital de Émergence de Homo Gemeinwesen je reviendrai sur la question de la genèse du capital et du salariat. Pour le moment je repars de ce qui est affirmé, à partir de l’œuvre de K. Marx, dans Capital et Gemeinwesen. Le capital naît en tant que rapport social, et ceci est particulièrement affirmé à partir de la comparaison avec le mouvement de la valeur. « Dans le mouvement Μ-A-Μ c’est l’élément matériel qui apparaît dans le contenu propre (eigentlίche) du mouvement ; le mouvement social, lui, comme simple médiation fugitive afin de satisfaire les besoins individuels. » (Version primitive. p. 233.) (cf. chapitre Les formes de la valeur et définition du capital) J’ai mis une note signalant l’importance centrale de ce passage, afin de préparer le lecteur au fait que j’allais revenir sur cette question et tenter de conduire une approche plus exhaustive, car ce n’était pas encore le moment de traiter la question, étant donné que ce n’est qu’au moment où le capital s’instaure en tant que communauté que cela s’impose dans toute son essentialité. Ainsi je fus amené à reproduire cette citation dans le chapitre « Capital et communauté matérielle » quand j’ai abordé le thème « Prédominance de l’élément social sur l’élément matériel » mais j’ai omis de rappeler le contenu de la note de telle sorte qu’il put y avoir comme un escamotage de ce fondement. C’est alors que je complète l’investigation en faisant la citation suivante : « Dans la circulation simple, le contenu de la valeur d’usage n’avait pas d’importance, l’aspect du rapport économique lui restait extérieur. Ici, ce contenu est un moment économique essentiel de celle-ci. En effet, la valeur d’échange n’est déterminée dans sa propriété de rester elle-même dans l’échange que parce qu’elle s’échange contre la valeur d’usage qui lui fait face dans sa propre détermination formelle ». (p. 252). Je la complète par une autre pour mieux faire ressortir l’importance du mouvement social. « C’est donc uniquement par l’échange de l’argent contre le travail que peut se produire sa transformation en capital. La valeur d’usage contre laquelle l’argent en tant que possibilité de devenir capital [4] peut s’échanger, ne peut être que celle de laquelle naît la valeur d’échange elle-même, à partir de laquelle elle s’engendre et s’accroît ». (Version primitive, Ed. Sociales, p. 252)
J’ai insisté sur ce moment où : « La valeur d’échange s’est assujetti le mouvement social. Les hommes entrent dans des rapports de production dont le but n’est plus la valeur d’usage, mais la valeur d’échange. Celle-ci peut maintenant fonder une communauté matérielle stable, c’est-à-dire ne résultant plus uniquement de rapports accidentels. » (Capital et Gemeinwesen) parce que c’est à partir de la réalisation de cette communauté que peut se déployer l’autonomisation du capital où, formellement, il se manifeste de la même façon que le mouvement de la valeur avec l’argent dans sa troisième fonction dont parla K. Marx, celle où il est monnaie universelle et où s’impose un rejouement. L’espèce, en Occident, avait voulu échapper à un tel mouvement apparaissant comme irrationnel, magique et escamoteur du réel et pourtant, avec le capital, elle se retrouve au sein de celui-ci. « Le procès de production apparaît comme un intermédiaire inévitable, un mal nécessaire pour faire de l’argent. C’est pourquoi les nations adonnées au mode de production capitaliste sont prises périodiquement du vertige de vouloir faire de l’argent sans l’intermédiaire du procès de production ». (Le Capital, Livre II, t. 4, p. 54). (Cf. chapitre Importance de la définition du capital valeur en procès et conséquences qu’elle implique). C’est la réaffirmation de la spéculation mais à une échelle plus vaste, spéculation qui va devenir en quelque sorte le comportement de l’espèce capitalisée. Dès lors s’impose une question jamais explicitée : qu’est-ce que l’espèce cherche, en fait et depuis longtemps, à escamoter ? À noter que dans cet escamotage se loge l’obsolescence des hommes et des femmes. C’est aussi de façon mystifiée l’affirmation du désir de l’espèce d’échapper à la malédiction du travail et, peut-être celui de retourner à la cueillette.
Avec la spéculation hommes et femmes expriment également, de façon inconsciente, un autre désir, celui de ne pas dépendre, d’échapper (spéculer c’est s’échapper) à la dépendance, qui a des racines fort anciennes, puisqu’on le trouve déjà dans le récit de la création ex-nihilo. En même temps qu’il y a affirmation de la volonté de donner forme (intervenir, construire) et celui d’opérer une substitution, ce qui implique, à quelque niveau que ce soit, le recours à la magie et à la répression. Le lecteur comprendra, en conséquence, l’essentialité du refus de la volonté de construire le socialisme, dont j’ai fait mention précédemment.
La formation de la communauté matérielle s’effectue en même temps que le rapport social se réifie et que s’impose une socialisation de la production qui doit être remise en cause afin d’éviter l’inhibition du mouvement du capital équivalent à une dévalorisation-décapitalisation et le déploiement de l’autonomisation (de l’échappement) et, en conséquence, l’anthropomorphose du capital devenant sujet tandis que les hommes et les femmes deviennent objets réifiés. Ceci s’effectue au travers de la réalisation de ce que nous avons transitoirement nommé la classe universelle, et le développement du gaspillage. À ce sujet j’ai commencé une investigation au début des années soixante dont je reporte deux citations. «… le capitalisme sort de la satisfaction des besoins matériels, de la vie matérielle de l’homme. Il y a satisfaction de la vie du capital et donc création de besoins artificiels chez l’homme, de ce fait elle provoque chez lui insatisfaction, inquiétude, désir de possession de nouveaux produits ; c’est lui qui est dévoré par le capital. »
« Les jouets de l’enfant correspondent aux loisirs des adultes. Gaspillage que toute cette industrie fondée sur une vision absolument fausse de ce qu’est l’enfant. Celui-ci, en fait, ne veut pas qu’on le distraie, il veut devenir un homme. Le droit à l’existence “autonome” de l’enfant, c’est-à-dire à ce que l’enfant ne soit plus totalement assujetti aux difficultés de l’adulte, la reconnaissance de sa “personnalité” a été traduite par le capital de la façon suivante : créer chez l’enfant des besoins en jouets capitalistes ; développer chez lui l’individualisme, c’est-à-dire en faire une maison de commerce autonome devant acheter et vendre. » (Plan au sujet de capitalisme et communisme, 1962) [5].
Depuis, le gaspillage a pris une dimension universelle et l’on peut considérer qu’une grande partie de l’humanité est dédiée à cette fonction, comme cela apparaît dans l’étude sur le travail productif et improductif, et à la nécessité de la généralisation de la forme salariale pour contrôler l’activité des hommes et des femmes. Mais ce n’est pas tout : en rapport au phénomène capital autonomisé, l’activité de celles-ci et de ceux-ci se manifeste comme un gaspillage, dès lors s’impose leur obsolescence ce qui rejoint l’escamotage exposé plus haut. En conséquence à nouveau qu’est-ce qui se rejoue ? La menace d’extinction. Or celle-ci se réaffirme, également, au travers de l’activité de l’espèce et de son pullulement. La nature est désormais quasiment détruite. Il n’en reste que quelques lambeaux au sein de la combinatoire environnementale. De ce fait l’ensemble des êtres vivants ne peut plus opérer de façon à maintenir les conditions pour que le procès de vie puisse perdurer en sa totalité.
La sortie de la sphère de « satisfaction des besoins matériels »de l’espèce, qui s’accompagne de la persistance de la pénurie pour la grande majorité des hommes et des femmes, conduit au gaspillage généralisé dès lors cette notion perd de sa consistance puisqu’il n’y a plus de référent. Ce qui s’actualise c’est la destruction généralisée.
L’humanité a connu originellement une menace énorme. Elle est en train de la réactualiser de telle sorte que le risque d’extinction est vraiment possible [6]. Depuis le début elle a tenté de le conjurer et de sortir du blocage induit par celui-ci. Avec le mouvement du capital, elle en sort, entreprenant une dynamique de libération, mais à travers un recouvrement énorme et une sortie totale de la nature, vécue et rejouée comme une sortie de blocage et de dépendance [7] Nous parvenons au bout du phénomène de substitution une composante fondamentale de la spéciose [8] devant mettre l’espèce en sécurité mais, en fait, la menace se réaffirme au travers même de ce qu’elle a produit : le capital, dont la mort ne signifie pas l’évanescence de la menace mais au contraire, la puissance de sa réalisation possible et proximale.
En rapport avec la mort du capital, comment se pose la question du communisme qui, selon le courant marxiste lui était lié, puisque d’après ses théoriciens le second était engendré par le premier, ce qui n’empêchait pas l’affirmation d’une dynamique conflictuelle : les prolétaires, porteurs du nouveau mode de production, devaient détruire le capitalisme ? Cette perspective antagonique s’est maintenue jusque dans les années quatre-vingt du siècle dernier [9]. Depuis, elle a subi une évanescence de plus en plus poussée. Divers facteurs ont contribué à cela qu’on ne peut aborder ici.
J’ai traité du rapport capitalisme communisme dans le chapitre La mystification du capital. L’actualisation impose d’indiquer que tout cela ressort maintenant pleinement du passé et ne peut être considéré que comme un moment dans l’accession au posé fondamental de l’instauration d’une communauté des hommes et des femmes en symbiose avec tous les êtres vivants. Mais cela ne se manifeste pas immédiatement pour le moment car, au contraire, on assiste à la dynamique que l’on peut en première approximation désigner avec les termes de K. Marx : la contre-révolution réalise les tâches de la révolution. Cela apparaît clairement, par exemple, avec le dépassement des nations et la mondialisation qui est une réalisation mystificatrice de l’internationalisme prolétarien.
La réalisation de la communauté matérielle a constitué le support de la théorisation de la production du communisme au sein du capitalisme. En fait, on l’a vu, cette réalisation, correspondant d’ailleurs à celle de la socialisation, a été dépassée par le mouvement du capital avec une fragmentation de celle-ci, voire une destruction (homicide des morts), et la production d’une universalisation comme cela s’impose avec la déclaration universelle des droits de l’homme, des droits de l’enfant, etc. La communauté matérielle fragmentée, dissociée, se complète d’une multitude d’abstractions (envahissement du droit) où tout contenu humain, féminin, s’est évanoui. L’universalité implique non seulement des individus, mais des individus dissociés terrain de développement du phénomène des personnalités multiples et supports pour le déploiement de la comparaison (euphémisme de l’antagonisme) et de la combinatoire.
La mort de ce qui apparaissait comme étant le communisme au sein du capitalisme implique non de rechercher sur quoi fonder, ou construire, la communauté humano-féminine, mais de s’ouvrir pleinement à l’investigation de comment cheminer pour qu’elle se réalise.
La mort du capital contemporaine de l’évanescence de la production perdant son caractère d’activité paradigmatique par excellence, il en résulte que l’utilisation de la représentation du déroulement de son procès n’est plus opérationnel pour exposer celle de l’activité des hommes et des femmes, et le mode selon lequel ceux-ci se comportent de façon antagonique (dynamique de l’exploitation). En effet, nous l’avons déjà signalé, désormais, il serait possible d’attribuer à chacun, chacune, un quantum de monnaie (prépondérance du « capital financier ») pour effectuer son procès de vie. Cela tend amplement à se réaliser de façon mystifiée en conservant et en renforçant toujours plus la dimension répressive grâce à divers organismes internationaux intégrant l’action des divers États (Fonds monétaire international, Banque mondiale, Organisation mondiale du commerce, etc.).
L’investigation au sujet de l’instauration d’une communauté des hommes et des femmes a été ma préoccupation constante et, depuis 1968 elle a été soumise à diverses actualisations dont la plus importante est celle effectuée avec Émergence de Homo Gemeinwesen. Bien qu’elle ne soit pas achevée, une autre s’est amorcée, qui est en cours d’effectuation, avec la mise en évidence que tout le développement de l’espèce est déterminé par la répression. Mais une autre encore s’impose [10]. concernant la dynamique tant individuelle que “collective” de la libération-émergence (ce qu’en jargon ancien on pouvait concevoir comme la praxis) grâce à laquelle la communauté des hommes et des femmes pourra advenir.
En ne rejouant plus la menace d’extinction et en abandonnant de façon plénière, intégrale, la dynamique de répression, nous parvenons à une fin et à un commencement se manifestant comme l’accès à une discontinuité transitoire et à une continuité fondamentale définitive, le phénomène constitutif de Homo sapiens, c’est-à-dire la mise en place d’une communauté sans laquelle son procès de vie ne pouvait pas se réaliser : intégration du caractère prématuré du bébé, renforcement de la relation géniteurs enfants et de celles entre les membres de la communauté avec l’essentialité de la relation sexuelle pour la mise en continuité, et la réalisation de la connaissance, déploiement de la réflexivité [11].
À partir d’une autre approche nous pouvons dire : étant donné l’augmentation de la population, avec les conséquences qui en découlent, en particulier au niveau des variations climatiques (augmentation globale de la température avec perturbations diverses au niveau local) et celui de la destruction des autres espèces, hommes et femmes ne peuvent maintenir le phylum Homo qu’en engendrant Homo Gemeinwesen, qu’en se constituant en une nouvelle communauté non séparée du reste de la nature, constituée de l’intégrale d’une multitude de communautés « basales » dont la diversité sera liée au devenir antérieur, aux conditions ambiantales, etc.
La remise en continuité avec la totalité signifie la fin de l’errance se manifestant à la fois par son rejet et sa perte, et la recherche effrénée de la retrouver à travers des substitutions l’aptitude à vivre pleinement dans la sérénité (dans l’affirmation) et dans l’éternité, modalité d’être, de jouissance, du cosmos.
Juin 2009
[1] Les mots sont le plus souvent lestés de sens qui ne conviennent pas à ce qu’on veut désigner. Ainsi actualisation est en rapport à actualité avec toute sa charge immédiatiste.
[2] Un certain nombre de textes d’A. Bordiga ont été publiés dans Invariance et beaucoup dans la revue de F. Bochet (Dis)continuité (cf.franç[email protected]).
[3] Dans Communauté et devenir il y a quelques indications concernant cet article ainsi que d’autres, rédigés entre 1957 et 1965 (cf. à la fin de la liste des publications de 1989 à 1993).
[4] J’ai traduit ainsi : « das Geld als Möglichkeit nach Kapital » (Grundrisse, p. 944), qui signifie littéralement : "l’argent en tant que possibilité d’aller (de tendre) au capital", ce qui exprime de façon percutante le devenir. Les traducteurs des Éditions Sociales ont écrit : «… l’argent, capital virtuel,…», ce qui me semble faux du point de vue théorique, et rigidifie un procès. Parler de capital virtuel implique qu’il eut été nécessaire pour le faire advenir capital une intervention extérieure, comme celle du sculpteur pour faire advenir la statue, virtuelle dans le marbre. Il eut mieux valu mettre potentiel car, dans ce cas, le devenir est bien interne, comme le chêne existe potentiellement dans le gland. Mais cela ne traduirait pas encore rigoureusement la pensée de K. Marx qui raisonne au niveau de la possibilité, laquelle n’implique pas une potentialité totale, pour ainsi dire absolue. Ce n’est que lorsque le capital est advenu que toute somme de valeur est potentiellement capital.
[6] La menace originelle fut celle du risque d’extinction. L’espèce tend à réactualiser ce risque, à le rejouer. Ce rejouement englobe et conditionne tous les autres que nous avons évoqués (cf., par exemple, ce qui a été dit au sujet du capital dans sa dimension financière et l’argent dans sa troisième fonction).
[7] Cf. « G. Mouvement du capital Fixation des hommes »dans le chapitre Travail productif et travail improductif de Capital et Gemeinwesen.
[8] “On peut aborder l’étude de la spéciose à partir de huit composantes déterminités qui, certaines, ne sont présentes dès le début que potentiellement, et ne seront opérationnelles que bien plus tard : il faut un procès de révélation en quelque sorte ; tandis que d’autres, au contraire, vont tendre à être masquées au cours du temps. Elles ne sont pas indépendantes et n’opèrent pas séparément ; elles se présupposent et s’impliquent mutuellement, ainsi que la totalité, c’est-à-dire l’espèce se spéciosant, se domestiquant, tendant par auto-obsolescence à un vaste suicide. Ce sont : Affectation, Menace, Refus et Séparation, Surnature, Répression, Compensation et autonomisation, Déversement, Substitution ».
[9] En conséquence ce que j’écrivis en 1970 dans Remarques n’est plus valable. « Ainsi, à l’heure actuelle, la société du capital domine au nom du travail et non au nom de la valeur ».
[10] Pour moi les diverses actualisations permettent aussi de maintenir la continuité avec le cheminement antérieur des hommes et des femmes.
[11] Cf. à ce propos Tragling dans glossaire.html et Données à Intégrer dans Émergence de Homo Gemeinwesen
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