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Collection « Les auteur(e)s classiques »
Écrits politiques. Textes réunis et présentés par Marcel Fournier.
Introduction
Une édition électronique réalisée à partir du livre de Marcel Mauss, Écrits politiques. Textes réunis et présentés par Marcel Fournier. Paris : Fayard, Éditeur, 1997, 814 pages. Introduction
par Marcel Fournier
Remarque: Pour des raisons évidentes, nous ne pouvons reproduire qu'une petitre partie de la présentation de l'introduction du professeur Fournier de l'Université du Québec à Montréal, celle-ci étant protégée par la loi canadienne sur le droit d'auteur. Nous en reproduisons toutefois une petite partie, soit moins de 10% comme le permet la loi canadienne.
a) - Marcel Mauss, le savant et le citoyen
Cette partie de l'Introduction de M. Marcel Mauss correspond aux pages 7 à 10 du livre.
Lorsque nous avons entrepris l'inventaire des écrits politiques de Marcel Mauss, nous n'imaginions pas l'ampleur de la tâche. Mauss a beaucoup écrit dans ce domaine : près de deux cents textes, une uvre considérable, sans compter deux ouvrages sur la nation et sur le bolchevisme qu'il a laissés inachevés (1). De cet ensemble, deux essais seulement ont été réédités : « The Problem of Nationality » et « La nation ». « Regrettons, écrivait Denis Hollier en 1972, que le public ne puisse encore lire les textes politiques [de Mauss] qui, indéniablement, forment un tout avec ses écrits ethnologiques (2). »
En comparaison, et pour des raisons évidentes, l'uvre scientifique de Mauss est aujourd'hui bien connue. En 1950, l'année de sa mort, paraissait Sociologie et anthropologie, qui réunit une demi-douzaine de ses textes (3). Vint ensuite, à la fin des années 60, la publication d'un Mauss (textes choisis) aux Presses universitaires de France (4) et, plus important, l'édition des Oeuvres en trois volumes aux Éditions de Minuit (5).
La distinction entre texte scientifique et écrit politique est souvent difficile à faire. Le seul fait, au tournant du siècle, de prendre la religion comme objet d'étude est un acte politique : la question religieuse est alors au cur des débats (laïcité de l'école publique en 1882-1886, liberté des cultes à nouveau garantie en 1905 avec la séparation des Églises et de l'État), et déclarer, comme le fait Mauss en 1901, qu' « il n'existe pas de peuples dits non civilisés », qu' « il n'existe que des peuples de civilisations différentes (6) », c'est aussi s'attaquer à des préjugés communément partagés, y compris dans les milieux cultivés. Enfin, que dire de ses travaux sur le bolchevisme ? Mauss publie son « Appréciation sociologique du bolchevisme » dans une revue savante, la Revue de métaphysique et de morale, Mais s'agit-il d'un texte scientifique ou d'un écrit politique ?
Lorsqu'il présente ses titres et travaux au Collège de France, Mauss soulève lui-même la question: « Je ne crois pas que mes publications et même mon action scientifique et didactique dans le monde coopératif [...], que les extraits que j'ai publiés [d'] un ouvrage manuscrit sur le bolchevisme [...], mes communications sur la notion de nation et d'internationalisme aient été dénués d'intérêt scientifique et philosophique (7). » Cependant, il maintient la distinction et Prend le parti de ne « rien dire de [ses] articles politiques (8) », qui relèvent de ce qu'il appelle ses « incursions dans le domaine du normatif » : ce sont des textes qui portent sur des questions d'actualité et qui, pour la plupart, sont publiés dans des journaux et des revues politico-intellectuelles.
Marcel Mauss est d'abord un savant. Sa vie est celle d'un scholar et, si l'on en croit Henri Lévy-Bruhl, elle ne présente guère en tant que telle de « traits saillants (9) ». Il y a les études : licence ès lettres à la faculté des lettres de Bordeaux (1893), agrégation de philosophie (1895), diplôme de l'École pratique des hautes études, séjours d'études en Hollande et en Angleterre. Puis se déroule la carrière : l'enseignement (à partir de 1901 et pendant plus de trente ans) à l'École pratique des hautes études, section des sciences religieuses (Histoire des religions des peuples non civilisés), et enfin, en 1930, l'élection au Collège de France (chaire de sociologie).
Né à Épinal, dans les Vosges, neveu et proche collaborateur d'Émile Durkheim, Marcel Mauss (1872-1950) est, très tôt, étroitement associé à la fondation de la sociologie et de l'anthropologie en France (10). C'est ainsi que sa vie scientifique s'organise, avant la Première Guerre, autour de la revue L'Année sociologique, fondée en 1898 par son oncle avec pour objectif de procéder, année après année, à l'inventaire des ouvrages récents en sciences sociales, non seulement français mais étrangers. Une tâche lourde, quelque peu ingrate, qui immobilise Durkheim et ses jeunes collaborateurs dans le travail bibliographique. Pour une large part, la production scientifique de Mauss à cette époque prend la forme de notes et de notices : plus de 460 comptes rendus d'ouvrages dans L'Année sociologique de 1898 à 1913.
Mauss s'intéresse à tout : à l'histoire des religions, à l'étude des langues orientales, à la philologie, à l'anthropologie, à la sociologie, aux statistiques. Ses principaux travaux, souvent réalisés en collaboration, se présentent comme des « essais » et des « esquisses (11) », dont le plus justement célèbre, selon Claude Lévi-Strauss, est l' « Essai sur le don (12) ». Les Mélanges d'histoire des religions est le seul ouvrage qu'il publie en 1909 : on y trouve quelques-uns des textes qu'il a écrits en collaboration avec Henri Hubert (13). Sa thèse, qui porte sur la prière, demeurera inachevée. Difficulté d'écrire, trop grande dispersion ou manque de temps ? À moins que Mauss n'ait été trop distrait par la politique...
Très tôt, Mauss s'engage dans l'action politique. Mais sans l'affaire Dreyfus, puis la Grande Guerre 1914-1918, que serait-il devenu ? Peutêtre, suivant l'exemple de Durkheim, se serait-il tenu à distance de la politique. Rien n'est moins sûr pourtant. L'oncle sensibilise son neveu aux questions sociales et l'initie à la sociologie ; la vie et l'époque feront le reste, de cet étudiant révolutionnaire un militant et un intellectuel, en d'autres mots un citoyen. « Citoyen Mauss » : c'est ainsi qu'on interpelle Marcel Mauss dans les assemblées politiques et lors des réunions du mouvement coopératif.
En politique, Mauss apparaît comme l'homme de la fidélité et du changement (14), acceptant de mettre ses convictions à l'épreuve du temps et d'infléchir sa pensée en fonction des événements, de la conjoncture et des influences nouvelles. L'âge aussi joue son rôle : le « vieux » Mauss apparaît moins révolutionnaire que le « jeune », et, devenu plus modéré, il saura éviter, à sa gauche, les tentations du communisme et, à sa droite, la dérive du néosocialisme.
b) - Intellectuel et militant.
[ ... ]
c) - Pacifiste et internationaliste.
[ ... ]
d) - Le savant et le politique.
[ ... ]
d) - Le « Père Mauss ».
[ ... ]
f) - Présentation de l'édition.
Cette partie de l'Introduction de M. Marcel Mauss correspond aux pages 56 à 58 du livre.
Les Écrits politiques de Marcel Mauss constituent en quelque sorte le quatrième tome de ses Oeuvres. À la suite d'un long travail d'inventaire (15), nous avons réuni tous les articles, y compris quelques comptes rendus d'ouvrages, que Mauss a publiés entre 1895 et 1939 dans des revues et des journaux politiques (Le Mouvement socialiste, Le Devenir social, L'Humanité, Le Populaire, La Vie socialiste, etc.).
A cette première catégorie de textes s'ajoutent les articles qui, portant sur des questions politiques d'actualité, de politique de la recherche ou d'intérêt général, ont paru dans des revues savantes, universitaires ou professionnelles (Revue de métaphysique et de morale, Le Monde slave, La Revue de Paris, Revue de l'enseignement primaire et primaire supérieur, Lyon universitaire, etc.).
Viennent enfin quelques textes manuscrits qui, pour la plupart, ont été retrouvés dans le Fonds Hubert-Mauss aux Archives du Collège de France. La sélection s'est parfois révélée difficile : certains textes ne sont que la version préliminaire d'un article ou l'esquisse d'un projet plus vaste. Tel est le cas de « Les Idées socialistes. Le principe de la nationalisation » qui constitue un chapitre inédit de l'ouvrage sur la nation. Fallait-il tout publier ? Nous avons pris le parti de l'exhaustivité, n'excluant que les textes manuscrits difficilement lisibles ou manifestement incomplets (16), (17).
Comment organiser ce volume ? Il était concevable de regrouper les textes par grands thèmes : la coopération, le bolchevisme, les formes nouvelles du socialisme, la nation, etc. Nous avons, à l'organisation thématique, préféré l'ordre chronologique. Le lecteur peut ainsi suivre Mauss à la trace, année par année, et mieux saisir l'impact des événements et de la conjoncture sur l'évolution de sa pensée. Quant au chercheur, il dispose d'un instrument de travail plus facilement maniable, un index thématique en fin de volume lui permettant d'opérer les coupes transversales de son choix. Les cinq grandes parties, de longueur inégale, au sein desquelles nous avons regroupé les textes, correspondent aux différentes sections de notre introduction : « Premiers engagements » (1896-1903) », « Intellectuel et militant (1904-1912) », « Pacifiste et internationaliste (1913-1914) », « Le savant et le politique (1920-1925) », et « Le "Père Mauss" (1925-1942) ».
Signalons enfin que toutes les notes numérotées en chiffres arabes ont été rédigées par Marcel Mauss lui-même. Celles qui sont appelées par un astérisque ont été rédigées par nos soins afin de fournir au lecteur les références bibliographiques d'usage.
Notes
1. En plus des fragments de « La nation », le fonds Hubert-Mauss des Archives du Collège de France comprend quelques autres textes manuscrits, dont nous ignorons les modalités de publication : les comptes rendus de deux ouvrages, le premier sur La Démocratie et les partis politiques de Moisei Ostrogorskii, et le second sur l'ouvrage d'Agathon, Les Jeunes Gens d'aujourd'hui, un texte sur « L'action directe », une longue « Note préliminaire sur le mouvement coopératif », une série de petites notes que nous avons intitulées « Portraits » et une notice biographique de Paul Fauconnet.
2. Denis Hollier, « Ethnologie et sociologie. Sociologie et socialisme », L'Arc, 48 (Marcel Mauss), 1972, p. 1. Responsable de l'édition des Oeuvres, Victor Karady avait songé à inclure dans le troisième volume le long essai de Mauss, « Appréciation sociologique du bolchevisme ». Mais la publication de ce texte tenant à la fois de l'analyse et de la polémique risquait de « donner une image par trop partielle de la sociologie politique de Mauss », et il y a finalement renoncé. (Victor Karady, « Présentation de l'édition », in Marcel Mauss, Oeuvres, tome 1, Paris, Éditions de Minuit, 1968, p. XV, note 22.)
3. Paris, P.U.F., 1950. Le cur de l'ouvrage est précédé d'une « Introduction à l'uvre de Marcel Mauss » par Claude Lévi-Strauss et d'un « Avertissement » par Georges Gurvitch.
4. Jean Cazeneuve, Mauss, Paris, P.U.F., 1968.
5. Marcel Mauss, Oeuvres, Paris, Éditions de Minuit, tome 1, 1968, tome 2 et 3, 1969. En 1971 paraissent encore, en poche, une sélection des textes publiés dans ces trois tomes, sous le titre Essais de sociologie (Paris, Éditions du Seuil, collection « Point », 1971).
6. Marcel Mauss, « L'enseignement de l'histoire des religions des peuples non civilisés à l'École des hautes études », Revue de l'histoire des religions, 1902, in Marcel Mauss, Oeuvres, tome 2, Paris, Éditions de Minuit, 1969, p. 229.
7. Marcel Mauss, « L'uvre de Mauss par lui-même » (1930), Revue française de sociologie, vol. XX, nº 1, janvier-mars 1979, p. 218.
8. Lettre de Marcel Mauss à « Mon cher Maître » (Antoine Meillet), 7 octobre 1929 (Fonds Hubert-Mauss, Archives du Collège de France).
9. Henri Lévy-Bruhl, « In Memoriam. Marcel Mauss », L'Année sociologique, 31 série (1948-1949), Paris, P.U.F., 195 1, p. 2.
10. Les événements (et leur contexte) évoqués dans cette introduction sont évidemment développés dans notre Marcel Mauss (Paris, Fayard, 1994). Le lecteur s'y reportera s'il le souhaite. Le propos n'est pas le même ici.
11. « Essai sur la nature et la fonction du sacrifice » (1899, en collaboration avec Henri Hubert), « Sociologie » (1901, en collaboration avec Paul Fauconnet), « De quelques formes de classification » (1903, en collaboration avec Émile Durkheim), « Esquisse d'une théorie générale de la magie » (1904, en collaboration avec Henri Hubert), « Essai sur les variations saisonnières des sociétés eskimo » (1906, en collaboration avec Henri Beuchat), « Introduction à l'analyse de quelques phénomènes religieux » (1908, en collaboration avec Henri Hubert), « Essai sur le don » (1925).
12. Claude Lévi-Strauss, « Introduction à l'uvre de Marcel Mauss » (1950), in Marcel Mauss, Sociologie et anthropologie, Paris, P.U.F., 2e édition, 1966, p. XXIV.
13. Mélanges d'histoire des religions, Paris, Alcan, 1909.
14. Mike Gane divise pour sa part la longue carrière politique de Mauss en « trois parties principales » : la période d'avant 1914, consacrée largement au travail dans le mouvement coopératif, la guerre, puis, après 1920, une nouvelle période marquée par l'engagement politique. (Mike Gane, « Institutional Socialism and the Sociological Critique of Communism », in Mike Gane (Ed.), The Radical Sociology of Durkheim and Mauss, Londres et New York, Routledge, 1992, p. 140.) En d'autres mots, un avant et un après (guerre) : c'est là une division facile, trop évidente, et qui ne veut pas dire grand-chose.
15. Depuis la publication de la biographie de Marcel Mauss, qui comprend en annexe la bibliographie de ses Oeuvres, nous avons identifié quelques autres textes qui avaient échappé à notre attention : un article dans L'Humanité et deux autres dans L'Avenir, parus au lendemain de la guerre.
16. Les mots (ou les passages) peu lisibles sont signalés dans le texte par des crochets [ ].
17. Cinq textes politiques ont été publiés dans les (Oeuvres aux Éditions de Minuit. Il s'agit de : « La nation » (1920), L'Année sociologique, troisième série, 1953-1954, in Marcel Mauss, Oeuvres, Paris, Éditions de Minuit, 1969, pp. 571-625 ; « The Problem of Nationality », communication à un colloque in Proceedings of the Aristotelian Society, 20, Londres, 1920, pp. 242-252, in Marcel Mauss, Oeuvres, tome 3, Paris, Éditions de Minuit, 1969, pp. 626-634 ; « Les fondements du socialisme », intervention à la suite de la communication de A. Aftalion, « Les fondements du socialisme », in Bulletin de la société française de philosophie, février 1924, pp. 8-12 et 13, in Oeuvres, tome 3, Paris, Éditions de Minuit, 1969, pp. 634-638 ; « La Société des Nations en tant qu'organe général, universel et permanent de la vie internationale », intervention à la suite d'une communication de J. Ray, Bulletin de l'Institut français de sociologie, 2, pp. 140-141, in Oeuvres, tome 3, Paris, Éditions de Minuit, 1969, pp. 638-639 ; « Introduction à Émile Durkheim », Le Socialisme, Alcan, p. V-XI, in uvres, tome 3, Paris, Éditions de Minuit, 1969, pp. 505-509. Nous ne les avons pas repris ici.
Dernière mise à jour de cette page le Mercredi 10 avril 2002 06:15 Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
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