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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Étienne De Greeff, AMOUR ET CRIME D'AMOUR. (1942) [1973]
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre d'Étienne De Greeff, AMOUR ET CRIME D'AMOUR. (1942) [1973]. Bruxelles: Charles Dessart, Éditeur, 1973, 323 pp. Collection: Psychologie et sciences humaines. Une édition réalisée par Réjeanne Toussaint, bénévole, Chomedey, Ville Laval, Québec.

[11]

Amour et crimes d’amour


Introduction


Le crime passionnel, pour des motifs que l'on devine confusément, n'est pas placé, dans l'opinion publique, sur le même plan que l'homicide banal. Sans doute, les facteurs essentiels mis en jeu en cette occasion, amour, jalousie, fidélité, passion, mort, possèdent-ils devant la mentalité collective un prestige spécial. Avec quelque raison, l'homme du jury se représente que dans un tel domaine, agissent d'obscures et implacables puissances et que l'homme, plus que dans tout autre cas, y apparaît comme le jouet de forces qui le dépassent. L'amour et la mort sont depuis toujours associés dans les régions mystérieuses du subconscient humain.

Cependant l'intérêt porté à la criminalité passionnelle n'apparaît pas comme relevant principalement du problème posé en cette occasion ; il relève plutôt d'une secrète bienveillance envers le criminel, sans qu'on puisse dire si cette bienveillance s'adresse au coupable ou si elle n'est que la [12] traduction d'une sourde malveillance pour la victime. Et ceci nous laisse croire qu'un crime passionnel est toujours susceptible de servir de sujet à un drame collectif. Qu'un bandit, l'arme au poing, pénètre dans une banque et se fasse remettre un million, il est unanimement qualifié de bandit. La minorité qui l'admire et l'envie n'a pas voix au chapitre. Qu'un homme abatte, fut-ce dans un paroxysme d'épouvante, la victime qu'il était uniquement venu voler et qui eut le tort de s'éveiller au plus mauvais moment, nous avons le criminel odieux dont on exige le châtiment, sans restriction mentale. Il n'y a pas ici de place pour une vraie tragédie collective. L'assassin est sans excuse, la victime est sans tort ; ce fait divers n'a qu'un seul sens. Mais qu'un homme tue la femme qui ne s'est pas montrée digne de son amour, le tableau change. Des milliers et des milliers d'hommes ont entrevu leurs propres traits à travers l'image du meurtrier tandis que des milliers de femmes se sont identifiées, un instant du moins, à la victime. Pour les uns et les autres, le drame a pris un sens spécial, admissible ou inadmissible, odieux ou nécessaire, selon leur situation du moment ; et leur attitude envers le criminel en découle. Ces milliers d'attitudes, semblables ou contradictoires, finissent par donner une tendance collective variable selon les cas. Le plus souvent, il faut l'avouer, cette tendance est favorable à l'assassin. Cette faveur se traduit, soit par l'acquittement, dont quelques-uns atteignent à l'ignominie, soit par la modicité de la peine, soit par une sorte de sollicitude tendre pour le condamné. Et l'on entend couramment des fonctionnaires des prisons, des membres du comité de patronage, parfois des magistrats et jusqu'à des aumôniers en service s'exclamer, chacun selon le ton professionnel :

— « Cet homme a eu raison ; tout le monde à sa place eut fait la même chose... »

Cette sorte de complicité est d'autant plus suspecte que [13] la personnalité des criminels passionnels ne peut l'expliquer ; ces criminels ne sont généralement que des êtres vils et durs, souvent dégénérés ou névrosés et la sollicitude dont ils sont l'objet s'adresse certainement moins à eux-mêmes qu'au symbole qu'ils représentent.

On aurait cependant tort de croire que l'homme seul est responsable de cet état de choses. Certes en se souvenant de germes d'actions qu'il n'a lui-même jamais admis dans sa conscience, mais qu'il a cependant perçus, il tend à se justifier à travers l'autre, comme il tend à se condamner en condamnant l'autre. Mais ce processus n'est pas exclusif, car il y a Ève. Ou plus exactement une certaine classe d'Ève. Celles-ci loin d'éprouver de la sympathie pour le coupable, n'ont pas beaucoup d'estime pour l'homme en général. Mais elles haïssent la victime : cette femme qui avait pris deux hommes, peut-être trois ; cette femme qui faisait beaucoup trop de toilette jusqu'à humilier le quartier ; cette femme qui connaissait la « passion folle », dont elles ne rêvent pas certes et qu'elles rejettent bien loin, non sans en éprouver pourtant une intolérable jalousie ; cette femme qui insultait par sa conduite la vertu des honnêtes femmes. Et c'est alors le flot des lettres anonymes, les dénonciations au mari, par sympathie pour ce « brave et honnête homme » (lire dans les dossiers les dépositions des tenancières de café) ce brave et honnête homme chez lequel elles surveillent perfidement l'effet des souffrances qu'elles lui suggèrent, comme un homme de laboratoire regarde un cancer se développer sur la peau d'un cobaye. Tout le voisinage s'ingénie à soulager ce malheureux en lui dépeignant sous les traits les plus vifs toute l'étendue de son malheur et se ligue pour atteindre coûte que coûte la coupable à travers l'exaspération, la rage et le respect humain du pauvre type. C'est pourquoi ceux qui tuent dans de telles conditions sont si souvent des faibles et des suggestibles.

[14]

Tout cœur bien né approuve avec élan cette maxime de La Rochefoucauld : On pardonne tant qu'on aime.

Chose curieuse, celui qui tue un être aimé est également de cet avis. Non pas certes, pour ce qui est de l'acte précis qu'il a lui-même commis, mais d'une façon générale. Il estimait notamment que la victime aurait dû lui pardonner certaines choses qu'elle lui reprochait et d'une manière très consciente, il considère qu'elle aurait dû lui en pardonner au moins autant que lui-même ne le faisait. Mais c'était toujours lui qui était bon, c'était toujours lui qui oubliait, et finalement il a été victime de sa bonté. La première résolution qu'il a prise en entrant en prison c'est de ne plus être si bon. Car c'est à cause de cela que l'amour l'a mené aussi loin.

En réalité, cette phrase du célèbre moraliste a deux sens, à l'instar de tous les préceptes moraux. Elle a un sens clair, un caractère d'évidence et de nécessitée pour autant que nous l'envisagions comme devant régir la conduite des autres. Elle a un sens complexe et ambigu pour ce qui concerne notre propre comportement. Et comme nous changeons de point de vue sans nous en rendre compte et que nous passons constamment du prochain à nous-mêmes, nous avons aussi deux manières de réagir, contradictoires et cependant perçues comme parfaitement légitimes. C'est la raison pour laquelle bien que les hommes soient, en général, peu honnêtes et résistent de toutes leurs forces à le devenir, les idées politiques les plus susceptibles de les convaincre sont les systèmes qui supprimeront le mal. Tout le monde sait qu'il s'agit d'autrui. En effet, nous jugeons les autres d'une manière intuitive, unilatérale, définitive, nous en rapportant à la conduite qu'ils devraient avoir pour que tout aille au mieux dans le monde et par conséquent pour nous, conduite dont la ligne se confondrait, approximativement, avec les lois morales les plus simples. Notre jugement se confond de la [15] sorte avec ces lois morales et notre intérêt se sublimise dans la notion d'intérêt général. Nous perdons de vue que notre prochain n'est ramenable à ce schéma de perfection automatique que pour autant que nous le dépouillions au préalable des mille contradictions internes qui constituent son moi, et que lorsque nous le jugeons trop sommairement nous le ramenons à une pure notion abstraite, dépourvue de toute vérité objective. Mais qu'il s'agisse de nous, nous exigeons qu'il soit tenu compte des difficultés, de la complication du cas, des distinctions à faire et nous nous dérobons aux conclusions qui s'imposeraient sil s'agissait d'un autre, en disant :

— « Oui, mais dans mon cas, ce n'est pas la même chose ». On peut penser que la plupart des gens qui ont à parler des crimes passionnels ou à les juger en sont à ce stade de leur vie morale, ce qui explique le niveau extrêmement bas où en reste indéfiniment la question.

Lorsque, dans la vie de tous les jours, un conflit survient entre deux personnes, On est communément d'accord que 1’un des deux doit pardonner. La difficulté est de savoir lequel des deux doit le faire. Les uns trouvent que c’est évidemment à Paul de passer l'éponge, mais d'autres sont d'avis que ce geste revient à pierre. Quant à Paul il affirme qu'il pardonnerait volontiers s'il n'estimait que, sans le moindre doute c’est à Pierre de le faire. Pierre, de son côté, ne présente pas de moins bonnes dispositions et comme, ainsi qu'il le dit, il n'est ni méchant ni rancunier, il accorderait ce pardon de grand cœur, comme il le fait d'habitude, si, dans ce cas particulier, il ne se mêlait à la chose une question de justice élémentaire tellement criante que pardonner serait de l'enfantillage. (En langage abstrait : il ne pourrait pardonner sans que les fondements de la société en fussent ébranlés). Si bien que là où le pardon n'intervient pas d'une [16] manière immédiate et sans conditions, ce que l'amour permet, il survient aussitôt un processus d'évaluation des motifs, et le besoin de justice entre en jeu. Et ceci devient grave.

Sans doute, est-il clair que, objectivement parlant, le fait qu'on refuse le pardon reste le même si on le justifie par le ressentiment ou si on le légitime par la nécessité de ne pas céder à l'injustice. Mais, subjectivement, ce n'est pas du tout la même chose.

Aussi longtemps qu'on refuse ce pardon parce que l'irritation est encore trop vive et qu'on emploie la formule « non c'est trop fort, je ne saurais pas pardonner », ce n'est pas inquiétant. On fera sans doute demain le geste généreux qu'on ne veut pas envisager aujourd'hui. On est en dessous de soi, on va certainement se ressaisir. Mais si l'on ne pardonne pas parce que l'injure qu'on a subie est considérée comme telle, que ne pas exiger réparation serait de la faiblesse, les chances de voir les choses s'arranger diminuent. A partir de ce moment l'offensé sent vaguement que son cas individuel et mesquin engage nettement l'histoire de tous. Il peut faire entrer dans son système de justification, les justifications qu'utilise une bonne partie des autres hommes ; son attitude à un caractère général et par là même sérieux. Il ne peut plus pardonner, sans offenser une part du genre humain.

Sans qu'il se rende exactement compte de ce qui se passe, l'homme qui ne va pas pardonner, avec une habileté et une bonne foi toutes instinctives, raccroche son cas à l'ensemble des principes et des préjugés et consolide ainsi ses positions. C'est pourquoi les questions de justice, de droit, les questions de principe même se trouvent souvent et' inextricablement  mêlées à une certaine mauvaise foi, à une sourde volonté de s'endurcir. Dans un conflit de ce genre c'est celui qui aime le moins et pardonnera le moins facilement [17] qui en arrive le premier à considérer la cause de la discorde sous l'angle de la justice. C'est lui qui occupera le premier la position la plus forte et jouera le rôle d'arbitre ou de justicier. Éventuellement c'est lui qui tuera. Et l'opinion arrivera difficilement à retrouver, dans la confusion des mots, les phénomènes sous-jacents réels. Ainsi, le processus de justification du criminel tend à rejoindre, par l'intermédiaire des grandes idées (qui ne vivent chez l'homme moyen que sous forme de grandes nébuleuses affectives) le processus d'envie, de ressentiment, les obscurs complexes de l'entourage. Lorsque les circonstances du crime ne sont pas trop odieuses ou quand la victime s'est trouvée vraiment par trop inférieure, les jurés viennent confirmer que les vues de l'assassin correspondent à celles qu'ils portent en eux et qu'ils appellent l'ordre social ; l'acquittement est inévitable.

L'étude du crime passionnel est difficile ; nous nous en rendrons compte au cours de ces pages. Rien, en effet, ne s'y passe selon le schéma des plaidoyers de cours d'assises ou suivant les formules de l'acte d'accusation.

Trente-cinq pour cent environ des criminels passionnels commencent par avoir, devant leurs déboires en amour, l'idée du suicide. Quinze pour cent environ mettent leur projet à exécution après avoir massacré leur victime. Ils se ratent d'ailleurs presque toujours. Ces idées de suicide, pourtant, sont infiniment rares chez les hommes qui perdent une femme aimée, par accident ou maladie. Lorsqu'on étudie le passé de ces criminels on voit que devant une maladie grave de cette femme ils restaient parfaitement calmes, sinon indifférents. Il s'est donc produit, chez ce criminel, concomitamment au processus criminogène et faisant corps avec lui, une revalorisation particulière de l'être aimé. C'est cette revalorisation que le criminel et le grand public, y compris quelques magistrats, prennent pour de l'amour.

[18]

Ce processus de revalorisation est un phénomène psychologique courant et fréquemment utilisé, bien que dépourvu de nom, dans le langage social. Une femme qui sent diminuer l'amour de l'homme aimé et qui veut le revivifier – croit-elle - se comporte comme si elle s'éprenait d'un autre. Elle suscite un mouvement de « jalousie ». Elle reprend dès lors son importance, redevient désirée, maîtresse au sens psychologique du mot et rétablit, quand tout va bien, sa royauté défaillante. La femme mesure la profondeur du revirement ainsi produit à la mauvaise humeur de l'homme, à ses manifestations plus tyranniques, à l'augmentation de son intérêt sexuel. Ce processus, quand il est cultivé, savamment dosé, peut n'être pas dangereux : il n'en constitue pas moins la mise en branle d'un mouvement affectif inférieur où l'amour comme tel n'a pas grand-chose à voir. L'amour-propre de l'homme est mis en jeu en même temps que sa vanité est excitée ; son orgueil, ses instincts de domination, de rivalité et de lutte entrent en action. Tout cela peut se traduire par une brusque revalorisation de la femme et être sincèrement perçu comme tel par l'homme. Mais en fait, ce n'est pas la valeur de la femme qui a changé, c'est la tonalité et l'intensité moyennes des états d'âme complexes par lesquels l'homme prend conscience de ce que cette femme est pour lui ; et dans l'ensemble de ces états d'âme, l'amour peut tout aussi bien faire place à la haine, sans que l'importance de ce que cette femme est pour lui soit le moins du monde diminuée. Cette revalorisation n'est donc nullement basée sur une appréciation plus juste des charmes ni des qualités de cette femme, mais bien sur la soudaine aggravation de tendances qui doivent être normalement refrénées.

Aussi ce processus de revalorisation n'est pas spécifique du crime d'amour. On le retrouve partout où surviennent des conflits passionnels dont le plus caractéristique est celui [19] qui surgit à l'occasion d'une terre, d'une maison, d'une borne, d'une gouttière ou d'un puits, conflits qui aboutissent aux coups, à l'incendie, aux crimes même ; et c'est pourquoi on ne saurait réserver exclusivement le nom de crimes passionnels aux crimes d'amour. C'est plutôt par convention qu'on le fait et sans doute est-ce bien ainsi.

Il n'en faut pas moins retenir qu'à la base du crime passionnel gît toujours un processus aigu de revalorisation soit d'un être vivant, soit d'une chose quelconque. Et cette revalorisation existe uniquement dans la tension affective du sujet, tension à laquelle collaborent de nombreux sentiments, généralement assez bas, souvent contradictoires, mais dont la résultante est perçue comme un tout et qualifiée selon les circonstances : amour, droit, justice, mots qui dans de tels cas n'ont qu'une valeur purement subjective.

Quand une femme se revalorise artificiellement en déclenchant un mouvement de jalousie chez l'homme, il lui suffit de se rejeter dans ses bras au moment propice. Les méfaits esquissés par la prévalence momentanée des instincts égoïstes se dissolvent dans la liquidation du malentendu.

Mais il n'en est pas de même si la femme est réellement infidèle. Dans ce cas, les processus de revalorisation vont continuer et continuer jusqu'à l'exaspération basse des instincts. C'est ici qu'un homme donne la mesure de son organisation morale, car il doit trouver en ses propres ressources de quoi vaincre cette marée affective qui tend à l'emporter dans le domaine de la violence aveugle et des actions démesurées. C'est ici aussi que l'on voit parfaitement que cette revalorisation brusque est indépendante de la personnalité même de la femme. Le futur criminel l'injurie, la menace, ternit sa réputation, la frappe, la fait saisir par la gendarmerie. Elle n'est plus que le point abstrait autour duquel prend forme son tumulte intérieur. Bientôt l'âme du futur assassin se trouve troublée jusque dans ses assises [20] mêmes et cet ébranlement - accompagné de processus justificateurs - de ses instincts de lutte et de violence lui font perdre la possibilité d'échapper à l'aveuglement du présent. Ses propres valeurs, sa propre personnalité passent à l'arrière-plan au profit de complexes devenus impérieux et tyranniques et sa folie de destruction se retourne contre sa propre personne. S'il ne fait pas de tentative de suicide, il échappe rarement à une période d'avilissement moral volontaire, véritable équivalent de suicide et lorsqu'il passe au meurtre, il essaie rarement d'échapper au châtiment. La peine qu'il encourra lui est indifférente, à ce moment-là.

Aussi longtemps qu'on reste dans l'abstrait, l'on peut discuter à perte de vue si, dans un paroxysme émotif ou au cours d'une longue souffrance injustement subie, un homme honnête, de formation morale suffisante, peut en arriver au crime passionnel. Cette question reste indéfiniment à l'ordre du jour. On ne s'en occupe vraiment qu'au prétoire, non pour la résoudre, mais pour l'exploiter au moyen de mensonges plus ou moins pieux et de lieux communs qui ont résisté à l'épreuve du temps et auxquels l'éloquence rétribuée donne un nouvel accent de vérité.

Mais dans la pratique, i1 est possible de donner une réponse précise à ce problème : il suffit d'étudier la personnalité de ceux qui commettent de tels actes. La réponse est claire et précise ; elle met fin aux échanges d'arguments. Le criminel passionnel n'a jamais rien d'un héros. C'est généralement un pauvre diable, chargé d'une hérédité morbide, en proie à un tempérament mal équilibré, souvent illettré, très rarement instruit, quelquefois infantile et dans l'ensemble inférieur. Nous le rencontrerons au cours de ces pages.

Il est cependant une variété de crimes passionnels dont nous n'avons pas tenu compte dans les réflexions précédentes [21] et qui relève plus directement du calcul froid et cynique. C'est le crime passionnel utilitaire : l'acte de celui qui supprime un être devenu gênant pour se rendre libre.

En fait le processus qui mène au crime dans de tels cas est fort différent de ceux auxquels nous avons fait allusion. Et ici l'opinion publique ne pardonne pas : le caractère odieux de ces actes n'est mis en doute par personne. La potentialité criminelle du coupable se montre à l'état pur. Pour lui, il n'est pas de rémission. Cependant on ne saurait généraliser. Le seul cas où nous ayons jamais trouvé le regret et le remords profonds concerne un homme de cette catégorie.

Voilà donc délimité le cadre général de notre étude. Le lecteur y trouvera cependant quelque chose de plus qu'un développement concernant le crime passionnel. Car si nous avons renoncé à présenter ce problème de criminologie sous l'angle de la biologie et de l'anthropométrie pures, sciences qui ne sont présentement pas à même de résoudre ces questions, nous nous sommes efforcé, par contre, de faire entrer dans l'interprétation du comportement humain les acquisitions importantes de la psychopathologie. Nous avons réalisé cet essai dans l'esprit qui caractérise nos tendances : ne comprendre un processus psychologique qu'en fonction de l'ensemble du psychisme ; envisager toujours le signe humain à travers le signe immédiat ; réaliser l'unité dans la conception de la personne humaine au-delà des poussées aveugles des tendances, au-delà de l'horizon étroit du raisonnement verbal.


Retour à l'auteur: Guillaume De Greef Dernière mise à jour de cette page le samedi 19 octobre 2013 9:42
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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