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Collection « Les auteur(e)s classiques »

NOTES ADDITIONNELLES sur les TOU-KIUE (TURCS) OCCIDENTAUX (1903)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte d'Édouard CHAVANNES (1865-1918), NOTES ADDITIONNELLES sur les TOU-KIUE (TURCS) OCCIDENTAUX. Paris: Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien Maisonneuve, 1903, 110 pages. Une édition numérique réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris.

Introduction

638

La douzième année tcheng-koan (638), le neuvième mois, un décret impérial fut rendu en ces termes :

« Les bienfaits du Ciel et de la Terre se répartissent avec égalité entre les quatre saisons ; la sage conduite du roi souverain s’exerce sans partialité envers les dix mille sortes d’êtres ; c’est ainsi qu’on peut soutenir et nourrir la foule du peuple, couvrir et protéger le p.6 territoire des Hia ; les ordres et les instructions (de ce souverain parfait) atteignent tous les êtres jusque dans les contrées reculées ; les titres et les dignités qu’il confère ne sont pas omises lorsqu’il s’agit d’hommes aux mœurs étrangères. Le (chef des) Sie-yen-t’o (Syr Tardouch) Tchen-tchou p’i-kia (bilgä) kagan, sa personne est profondément brave, sa sagesse est brillamment réelle ; depuis longtemps il a vu les vicissitudes des temps ; de bonne heure il a reçu notre calendrier. Sa sincérité loyale et sa haute vertu ont réussi à se manifester au-delà de notre frontière. Ses tributs et ses offrandes n’ont jamais cessé de venir au palais impérial ; de plus il a parfaitement instruit ses descendants et maintenu l’harmonie dans son peuple ; tous à sa suite s’acquittent des devoirs de protection qui leur incombent et tous aiment et admirent l’influence de la cour. Ses fils Cha-tan-mi che-hou (jabgou) Pa-tcheou et Ta-tou (tardou) mo-ho-tou (bagatour) cho (chad) Hie-li-pi, ont tous deux une volonté portée sur ce qui est réellement bon, une énergie pleine d’effective vaillance. L’un, épuisant ses sentiments de loyalisme, chérit dans son cœur la cour impériale ; l’autre venant de loin pour assister aux audiences de l’empereur, s’est prosterné devant son trône. Si nous réfléchissons à leur absolue sincérité, nous avons bien motif de les louer ; il convient donc que nous leur conférions des titres excellents afin d’étendre sur eux nos récompenses et nos faveurs. Que Pa-tcheou devienne Se che-hou (jabgou) k’o-han (kagan) ; en outre je lui fais présent de quatre drapeaux à tête de loup et de quatre tambours. A Hie-li-pi kagan ta(-tou) mo-ho-tou (bagatour) che-hou (jabgou), je confère deux drapeaux à tête de loup et deux tambours. En outre j’ordonne que le grand général du tso-ling-kiun, Leang Fang-che, prenne un insigne de commandement pour exécuter ce décret d’investiture.

 

639

Sous le règne de T’ai-tsong, la treizième année tcheng-koan (639), (le chef des) Sie-yen-t’o (Syr-Tardouch) envoya un ambassadeur dire à l’empereur :

« Quoique (le roi de) Kao-tch’ang (Tourfan) ait l’air de servir le Très-vénérable, dans son inconstance il ne se conduit pas réellement ainsi. Il s’est permis de mettre en campagne des soldats qui, avec Yu-kou chad ont attaqué les royaumes institués par le Fils du Ciel. Moi, votre esclave, ayant reçu de grands bienfaits de l’empire, et désireux de témoigner ma reconnaissance, je vous demande de mettre en campagne les hommes auxquels je commande comme avant-coureurs de l’armée régulière, pour le châtier.

L’empereur loua sa sincérité et sa rectitude ; il chargea le président du ministère du Cens, T’ang Kien, et le grand général du yeou ling kiun, Tche-che-se-li, de lui apporter des soies brodées et des soies unies pour lui en faire présent.

 

640

Récit de l’attaque de la capitale du royaume de Kao-tch’ang (Yar khoto près de Tourfan) par Heou Kiun-tsi. On y relève le passage suivant : « Auparavant, au moment du départ de la grande armée, l’empereur avait appelé du pays à l’est des montagnes des gens habiles à construire des machines de siège et les avait tous adjoints à l’armée. (Heou). Kiun-tsi coupa alors des arbres pour combler les fossés ; il fit avancer en foule les béliers montés sur char afin d’en heurter les remparts qui furent éventrés sur une longueur de plusieurs dizaines de pieds ; les pierres des balistes montées sur char frappaient dans la ville et tout ce qu’elles atteignaient était réduit en miettes ; quelques uns (des assiégés) étendirent des couvertures de feutre pour s’abriter contre les pierres lancées. Ceux qui sur le rempart gardaient les créneaux ne purent plus y rester et alors on prit la ville.

 

642

La seizième année tcheng-koan (642), le neuvième mois, le (chef des) Yen-t’o (Tardouch), Tchen-tchou p’i-kia (bilgä) kagan envoya son oncle Cha-po-lo ni-chou se-kin demander à contracter un mariage et offrir trois mille chevaux, trente huit mille peaux de martre et un miroir en agate. L’empereur consentit à lui donner une fille (de la maison impériale) en mariage ; il invita le kagan à faire des préparatifs pour accomplir la cérémonie de venir en personne à sa rencontre. L’empereur était résolu à chérir les hommes lointains ; aussi annonça-t-il par un décret qu’il se rendrait à Ling tcheou pour avoir une entrevue avec (le kagan des Yen-t’o) ; le kagan fut très joyeux et il publia dans son royaume les paroles que voici :

« J’étais à l’origine un petit chef des T’ie-le (Tölös) ; j’ai obtenu la faveur que l’Homme saint du grand empire m’établisse comme kagan ; maintenant, en outre il me donne une princesse en mariage et lui-même viendra à Ling tcheou ; il y a bien là de quoi être satisfait.

Alors il imposa des taxes en moutons et en chevaux à ses tribus pour les offrir (à l’empereur) en présents de fiançailles. Mais certaines personnes dirent au kagan :

— Le kagan de nous, les Sie yen-t’o (Syr-Tardouch), et le Fils du Ciel de la grande dynastie T’ang sont chacun souverain d’un empire ; pourquoi iriez-vous en personne rendre hommage (à l’empereur) ? si d’aventure il vous retenait (prisonnier), les regrets seraient inutiles.

Le kagan répondit :

— J’ai entendu dire que le Fils du Ciel de la grande dynastie T’ang a une vertu sainte qui s’étend au loin ; dans tous les lieux qu’éclairent le soleil et la lune, tous les hommes viennent lui obéir. Je confie en lui mon cœur et je lui remets ma personne ; j’espère obtenir de voir une fois son visage céleste et alors je n’aurai plus rien à regretter. D’ailleurs, dans les régions qui sont au nord du désert, il faut nécessairement qu’il y ait un souverain ; m’abandonner pour chercher quelque autre (à mettre à ma place), cela n’est pas dans les plans du grand empire. Ma résolution est bien prise ; n’ajoutez plus de longs discours.

A partir de ce moment ceux qui avaient parlé se turent. L’empereur envoya donc des émissaires par trois chemins pour prendre livraison de ces moutons et de ces chevaux ; cependant le (kagan des) Yen-t’o (Tardouch) n’avait pas de réserves accumulées ; il réquisitionna (des moutons et des chevaux) dans son royaume ; le voyage d’aller et de retour était de près de dix mille li, et comme, dans le désert de sable, il n’y avait pas de pâturages, les moutons et les chevaux s’échappèrent ou moururent ; ils n’arrivèrent donc pas à l’époque fixée. L’empereur alors renonça à se rendre à Ling tcheou et il rappela les émissaires qu’il avait envoyés par trois chemins. Puis, quand les présents de fiançailles arrivèrent, il y en avait près de la moitié qui était en mauvais état. Dans une délibération (instituée par l’empereur), il fut décidé qu’on ne pouvait pas traiter les barbares en leur appliquant les rites et la justice ; si leurs présents de fiançailles n’étaient pas au complet, et qu’on leur accordât le mariage, ils mépriseraient peut-être l’Empire du Milieu ; il fallait leur ordonner d’observer entièrement les rites afin de redoubler l’importance (de la Chine à leurs yeux). Puis on renvoya leurs ambassadeurs. Cependant, parmi les ministres, il s’en trouva quelques uns pour exhorter l’empereur en disant :

- Puisque vous avez accordé une princesse en mariage au (kagan des) Yen-t’o (Tardouch), la frontière se trouvera ainsi jouir du calme ; acceptez tranquillement les présents de fiançailles qu’il vous offre et gardez-vous de manquer de parole aux barbares. L’important est que cette affaire aboutisse promptement.

L’empereur répliqua :

—    L’avis que vous proposez est mauvais de tous points. Vous connaissez l’antiquité, mais vous ne connaissez pas les temps modernes. Autrefois, sous la dynastie des Han, les Hiong-nou étaient puissants et l’Empire du Milieu était faible ; c’est pourquoi on para richement une infante pour la donner en mariage au chen-yu. Actuellement, l’Empire du Milieu est puissant et les barbares du nord sont faibles ; un millier de soldats chinois seraient capables de combattre contre plusieurs myriades d’entre eux. Si le (kagan des) Yen-t’o (Tardouch) témoigne de l’empressement, se prosterne le front contre terre et nous laisse agir à notre gré, et s’il n’ose pas se montrer arrogant envers nous, c’est parce qu’il a obtenu d’être nommé chef depuis peu. Les diverses tribus (auxquelles il commande) ne dépendaient pas de lui à l’origine ; il veut donc s’appuyer sur notre grand empire et s’en servir pour soumettre son propre peuple. Ces autres tribus qui sont au nombre de plus de dix, à savoir les T’ong-lo, les Pou-kou, etc., ont plusieurs myriades de soldats ; si elles réunissaient leurs forces, elles seraient capables de dominer les Yen-t’o (Tardouch) ; or si elles n’osent pas partir en guerre, c’est parce que le (kagan des) Yen-t’o (Tardouch) a été nommé par moi et qu’elles craignent l’Empire du Milieu. Si maintenant je donne une de mes filles (au kagan des Yen-t’o) et que j’en fasse le gendre du grand empereur, j’augmenterai par là ses hommes et je lierai étroitement à lui ses partisans ; alors les tribus qui lui sont étrangères plieront les genoux et abaisseront les sourcils ; elles lui obéiront derechef et lui seront soumises. Les hommes qui sont du nombre des barbares, comment connaîtraient-ils les rites et la justice ? Au moindre mécontentement, ils ouvrent les hostilités et descendent vers le Sud. Ce que vous proposez, seigneurs, équivaut à nourrir une bête féroce pour s’en faire dévorer. Si maintenant je ne donne pas cette infante (au kagan des Yen-t’o) et que je traite ses ambassadeur avec beaucoup de négligence, les tribus qui appartiennent à d’autres clans que lui sauront que je l’ai rejeté, et il est certain qu’ils attaqueront à l’envi les Yen-t’o (Tardouch).

Alors donc on rompit ce (projet de) mariage.

 

646

La vingtième année tcheng-koan (646), le huitième mois, l’empereur se rendit à Ling tcheou ; il s’arrêta à Feou-yang toen. Treize tribus, à savoir les Pie-le (Tölös), les Hoei-ho (Ouïgours), les Pa-ye-kou (Bayirkou), les T’ong-lo, les Pou-kou, les To-lan-ko (Telangout), les Se-kie, les A-tie, les K’i-tan, les Hi, les Kie, les Hoen, les Ho-sa, envoyèrent toutes des ambassadeurs rendre hommage et apporter tribut. Elles adressèrent à l’empereur une requête où elles disaient :

« Le kagan des Yen-t’o (Tardouch) n’était pas dévoué à l’empire ; il était cruel et se conduisait sans raison ; il ne pouvait servir de suzerain à nous, vos esclaves. Depuis qu’il est mort et qu’il a été battu, ses tribus se sont dispersées comme des oiseaux et on ne sait où elles sont allées. Pour nous, vos esclaves, chacun (de nos groupes) a un territoire qui lui est assigné et nous ne pouvons poursuivre les Yen-t’o dans leur fuite. Nous confions notre destinée au Fils du Ciel ; nous désirons que vous nous accordiez votre compassion ; nous demandons que vous établissiez des fonctionnaires chinois pour nous donner leurs soins, à nous vos esclaves.

L’empereur pensait que, à cause de la victoire qu’ils avaient remportée sur les Yen-t’o (Tardouch), (ces peuples) auraient aussitôt déserté la cour de Chine ; en voyant venir leurs ambassadeurs, il fut donc très joyeux. Il chargea le hoang-men che-lang Tch’ou Soei-leang d’amener (les ambassadeurs) dans la résidence du sous-préfet ; on fit circuler les coupes de vin et on amoncela les viandes hachées pour les traiter avec honneur ; (ces réjouissances) ne prirent fin qu’au milieu de la nuit.

 

715

La troisième année k’ai-yuen (715), le deuxième mois, (les chefs des) Dix Tribus Tou-kiue, savoir) les tch’ouo (tchour) des cinq (tribus) Tou(-lou) de l’aile gauche, et les se-kin des cinq (tribus) Nou-che-pi de l’aile droite, ainsi que le roi du Kao-li, Mo-li-tche kao-wen-kien et le gouverneur des Hie-tie, Se-ta, chacun à la tête de ses gens, quittèrent les Tou-kiue, et, les uns après les autres, se rattachèrent à l’empire ; ils étaient, tant ceux qui vinrent d’abord que ceux qui vinrent ensuite, au nombre de plus de deux mille tentes. — Le quatrième mois, les Trois Tribus Ko-lo-lou (Karlouk), avec tous leurs gens, se livrèrent à l’empire. L’empereur leur adressa une lettre en ces termes pour les réconforter :

« O (chefs des) Trois Tribus Ko-lo-lou (Karlouk), San-lan se-kin et autres, bravant (le vent et la pluie) et franchissant (les montagnes et les cours d’eau), vous êtes venus de loin. Tous vous avez fait bon voyage et vous vous portez bien. Ensemble, vous subissiez des excitations et des directions et cela dura pendant de nombreuses années ; mais soudain vous avez tourné le dos aux rebelles et vous nous avez offert votre loyalisme ; par des chemins secrets, vous êtes venus vous soumettre à l’empire. Quand je réfléchis à votre sincérité et à votre rectitude, je les loue et y prends un fort grand plaisir. Comme ces tribus viennent d’arriver, j’ai donné l’ordre de les installer commodément ; vous, depuis le jour de votre arrivée, grands dignitaires, généraux, officiers et gens. de rangs inférieurs, n’avez-vous pas tous trouvé le repos ? Si vous avez quelque affaire ou quelque désir, préparez une requête pour m’en informer.


Retour au livre de l'auteur: Édouard Chavannes (1865-1918) Dernière mise à jour de cette page le samedi 13 janvier 2007 13:49
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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