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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu. (1864). (1988)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Maurice JOLY, Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu. (1864) Port-au-Prince, Haïti: Les Éditions Fardin, mai 1988, 268 pp. Collection: “Grands maîtres universels”. Une édition numérique réalisée par Wood-Mark PIERRE, bénévole, étudiant en sociologie à la Faculté des sciences humaines de l'Université d'État d'Haïti et membre du Réseau des bénévoles des Classiques des sciences sociales en Haïti.

[i]

Dialogue aux enfers
entre Machiavel et Montesquieu

Préface

de Jacquelin Dolcé

Si vous voulez être bon prince et comprendre l’exercice du pouvoir comme une mission, gardez-vous de lire « Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu » ; car il est encore temps pour refuser l’exploration des arcanes politiques qui débouchent sur la confiscation impudique et infernale des pouvoirs. Mais, pour qui veut se prémunir contre les dangers chaque jour menaçants de la dépersonnalisation et, conséquemment, de la zombification qui définit les rapports entre gouvernements et gouvernés, Maurice Joly dont les vérités-axiomes garantissent une jeunesse éternelle est une lecture indiquée. Et d’autant plus recommandée que, ayant suscité et entretenu la méfiance obligée vis-à-vis des Paladins du libéralisme, elle offre au bilan des techniques de la confiscation progressive des commandes du Pouvoir les moyens de retourner la relation entre Etat et Nation.

[ii]

Rien n’est de Maurice Joly si ce n’est le génie foudroyant de conduire ce dialogue imaginaire entre les tenants de deux grandes écoles de Sciences politiques (Machiavel et Montesquieu), l’art de faire en sorte que le premier éconduise le second, le talent singulier de révéler ou de dénoncer la méchanceté d’un discours politique galvaudé à qui mieux mieux pour épater la galerie. Et pour tout couronner, le courage d’avouer que l’étendard libéraliste couve avec bonheur l’intention despotique des hommes qui nous gouvernent. Dans ce cas, Montesquieu n’est ni moins innocent ni moins édenté que Machiavel encore que ce dernier, loin de s’enfermer dans les réduits de son temps futile en despotes éclairés ou obscurantistes, traverse les générations successives comme pour nous enseigner après Saint-Just qu’on « ne gouverne pas impunément ».

Montesquieu sentirait le moisi. Et on s’imagine difficilement un prince (roi, Empereur ou président) qui ne lirait Machiavel ou Mein Kampf et qui serait surpris de voir le Traité du Prince renvoyer les échos de sa conduite politique insolite. Alors le travail de Maurice Joly questionnant les paramètres de l’Empire de Napoléon III serait bien gratuit s’il s’était borné à reproduire Machiavel et à l’entrevoir sous l’angle d’un théoricien de l’action politique. À ce compte, le Traité du Prince jouerait à peu près le rôle d’une comédie balzacienne et son auteur celui d’un observateur suffisamment averti pour découvrir les plus secrètes pensées et les plus intimes convictions de nos hommes d’Etat. Après tous, Clausewitz n’a pas inventé la guerre comme Machiavel et Montesquieu la politique. Et Maurice Joly le metteur en scène n’a pas dicté à ses interlocuteurs des propos imaginaires qui lui vaudraient une condamnation pour diffamation.

[iii]

S'il y a une mise en forme, une mise en condition c’est en vue de nourrir une impression d’ensemble, celle qui nous fait voir Montesquieu comme l’enluminure qui enrobe le fond Machiavel, le gant de velours qui cache la main de fer. Au rythme de la lecture, les impressions fugitives deviennent certitude absolue que le politicien est un monstre froid. Que la politique, cette négation de la morale et du sentiment, à la nature de l’éther. Evanescent, il s’introduit dans les moindres interstices, dans les moindres fissures. Se propage. Imprègne l’air. Epouse les espaces. Contamine jusqu'aux intimités. Surprend les amants entassés dans leur quête de bonheur. La politique serait-elle alors une intruse ?...

La réponse retrouve une évidence incontournable : les machiavélistes ont préexisté à Machiavel et devront lui survivre. Aussi en posant le principe de la séparation des Pouvoirs et de leur contrôle réciproque, Montesquieu dans ce cas ne serait-il qu’un palliatif sans effet ? L’Esprit des lois que Mme Du Deffand taquinait spirituellement n’arriverait en aucune façon à corriger la nature perverse des hommes et l’essence corruptrice du pouvoir. Contre le juriste grave et austère, Machiavel aurait raison qui nous semble suggérer que « l’instinct mauvais est la chose du monde la mieux partagée ». Alors pourquoi interdire aux hommes d’Etat la lecture de Machiavel qui ne les rendra ni meilleurs ni pires ?

Les lecteurs fidèles de « Dialogue aux Enfers » devront se recruter donc dans le gros public, qui sera prévenu contre les fondateurs de milices nationales, les organisateurs de mise en coupe réglée, les contempteurs des libertés fondamentales, les champions du Pouvoir absolu. Lisez [iv] Dialogue aux Enfers, la première de la collection Grands Maîtres Universels, des Éditions Fardin et vous verrez surtout comment le pouvoir s'organise. À coup d’argent, il corrompt les parlementaires. La corporation des journalistes. S’achète les consciences. Réunit par ainsi les conditions de sa permanence. Et voici les peuples prêts à subir le joug d’une dictature infernale. Lisez Dialogue aux Enfers de Maurice Joly et faites-le lire à vos amis. La connaissance des démarches occultes du Pouvoir constitue le ciment de la solidarité des opprimés qui, elle-même, représente le garde-fou qui freine la propension des gouvernants à l’exercice du Pouvoir absolu.

Jacquelin Dolcé


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 2 juillet 2019 18:33
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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