EXPOSITION
DE
PEINTURES ANCIENNES
AU MUSÉE NAPOLÉON (D'AMIENS [1])
Par l’abbé J. Corblet, 1865
Membre éminent de la Société des Antiquaires de Picardie
- I. [1]
- II. Peintures religieuses (Ancien Testament) [3]
- III. Peintures religieuses (Ère chrétienne) [6]
- IV. Histoire profane [12]
- V. Portraits [14]
- VI. Paysages [20]
- VII. Genre [22]
- VIII. Architecture, intérieurs, vues [28]
- IX. Animaux, natures mortes [29]
Table alphabétique des notes, par Pierre Cabrol
[1]
EXPOSITION
DE PEINTURES ANCIENNES
AU MUSÉE NAPOLÉON (D'AMIENS)
I.
À l’exception d’une galerie et de deux petits salons, toutes les salles du Musée Napoléon étaient meublées d’antiquités, de sculptures, de tableaux et d’objets d’art. En attendant que les galeries de l’impératrice et ses deux salons contigus [2] soient enrichis, comme les autres, par la munificence du Gouvernement, si bien représentée par M. le comte de Nieuwerkerke [3] et si activement sollicitée par M. le Préfet, la Commission du Musée a pensé qu’elle pouvait utiliser ce bel emplacement pour une exposition temporaire de peintures anciennes, empruntées à des cabinets de Paris, de Rouen, d’Amiens et de diverses autres localités. Trente-quatre exposants ont répondu à son appel, et 170 tableaux ont été livrés à la curiosité du public. Il aurait sans doute été facile d’en augmenter le nombre ; mais on a plus visé à la qualité qu’à la quantité. Aussi il y a très-peu de toiles médiocres, beaucoup de bons tableaux et un certain nombre de chefs-d’œuvre qui seraient [2] admirés même dans les plus splendides galeries de l’Europe.
C’est au public et non pas à nous qu’il appartient d’apprécier les efforts de la Commission et de son infatigable président, pour populariser en Picardie le goût des beaux-arts ; mais nous croyons devoir accomplir un acte de justice en signalant le dévoué concours que nous a prêté M. Borély [4]. Cet habile artiste, à qui la chapelle du Musée doit ses belles peintures du Père éternel et de la Création du monde [5], qui a inventé un ingénieux mode de suspension pour les tableaux, innovation dont se préoccupent déjà les autres Musées, qui a si bien disposé dans nos galeries les peintures qui nous ont été confiées par le Gouvernement, M. Borély, dis-je, a bien voulu consacrer son zèle, ses aptitudes et son temps à cette brillante Exposition. Il a sollicité le prêt des tableaux des amateurs distingués qui ne se renferment pas dans la jouissance égoïste de leurs richesses ; il a fait un choix dicté par un goût épuré ; il a eu le difficile courage de ne pas accepter tout ce qu’on lui offrait ; enfin, il a disposé toutes ces richesses d’emprunt avec l’habileté dont il avait déjà donné tant de preuves.
Si on envisage cette Exposition au point de vue des écoles, on verra que toutes y sont représentées par des spécimens plus ou moins nombreux, à l’exception de l’École anglaise.
Nos 170 tableaux sont répartis de la manière suivante :
École allemande
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01
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École espagnole
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02
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École flamande
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28
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École hollandaise
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29
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Écoles italiennes
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34
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École française
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76
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Si on la considère relativement aux sujets, elle offre une [3] grande variété. Tous les genres y figurent dans les proportions suivantes :
Animaux
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02
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Fleurs
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03
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Marine
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03
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Histoire profane
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05
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Mythologie
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06
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Nature morte
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07
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Allégorie
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08
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Architecture, Vues, etc.
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08
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Tableaux de genre
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24
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Paysage
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28
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Peinture religieuse
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36
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Portraits
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40
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Nous allons examiner sommairement la plupart de ces tableaux. D’abord nous parlerons des peintures religieuses et ensuite des toiles qui sont consacrées à l’Histoire profane, aux Portraits, au Genre et au Paysage.
En ce qui concerne les attributions d’auteurs, nous respecterons presque toujours les indications du livret qui a dû admettre les déclarations des propriétaires. La plupart sont exactes, mais il en est quelques-unes qui pourraient être contestées. Un légitime sentiment de reconnaissance nous interdit à ce sujet une critique trop vétilleuse. Il nous suffira d’avoir fait cette remarque générale pour concilier les devoirs de la politesse avec ceux de la conscience littéraire.
II. EXPOSITION
DE PEINTURES ANCIENNES
L’Ancien Testament fournit six sujets à notre Exposition, en y comprenant les quatre tableaux relatifs à saint Jean-Baptiste, [4] placé sur le seuil des deux Lois et qu’on peut par conséquent classer en deçà ou au-delà du règne évangélique. Si nous voulions nous astreindre à un ordre rigoureusement chronologique, nous devrions tout d’abord parler du Départ d’Abraham pour l'Égypte (n° 157), par Zacarelli [6] ; mais nous nous contenterons de lui donner un simple salut de considération, pour aborder de suite un chef-d’œuvre, le Moïse de Philippe de Champagne [7], qui appartient à M. Cornet d’Hunval [8]. Le législateur des Hébreux montre les tables de la Loi où cinq préceptes du Dieu d’Israël sont inscrits de chaque côté, division qui, par parenthèse, n’est point conforme aux données historiques. Deux rayons de lumière jaillissent de sa tête et produisent assurément un meilleur effet que les deux cornes de taureau dont Michel Ange a armé le front de sa statue [9]. Mais si l’on continuait la comparaison des deux œuvres, elle serait tout à l’avantage du sculpteur florentin. Quel air de génie, quel regard inspiré, quelle puissance d’autorité, que de qualités grandioses, dont on chercherait en vain le reflet dans une toile irréprochable d’exécution, mais où manque le feu sacré et où se trahit l’influence du modèle qui a posé. Dans cette œuvre harmonieuse, Philippe de Champagne, tout en voulant traiter un sujet historique, est resté ce qu’il était essentiellement un admirable peintre de portraits.
Le génie plus souple et plus vigoureux de Léonard de Vinci [10], savait conserver un caractère propre à tous les genres de peintures. C’est dans les conceptions de son intelligence et non pas dans les modèles d’atelier qu’il a trouvé les figures de la Cène. Ce maître est représenté à notre Exposition par une Hérodiade (35). La cruelle femme d’Hérode tient un plat où un bourreau, flanqué de son satellite, dépose la tête livide et saignante du Précurseur. Une suivante, coiffée d’un turban, va prêter son aide à Hérodiade, dont le visage impassible ne trahit [5] aucune émotion. La servante est un type tout germanique ; on pourrait peut-être en conclure que cette partie est l’œuvre d’un des artistes allemands qui travaillaient à Florence sous la direction de Léonard, et qui étaient parfois admis à l’honneur de collaborer avec lui. Quant à la tête de saint Jean et à celle du satellite, toutes deux d’un si admirable modelé, c’est assurément digne de ce qu’a produit de plus beau le génie de Léonard [11].
En ce qui concerne l’origine de ce chef-d’œuvre, où la puissance du clair-obscur joue un rôle si saisissant, nous laisserons la parole au livret : « Il résulte de documents authentiques que Thomas Howard, comte d’Arundel [12], maréchal d’Angleterre, un des plus célèbres amateurs de son temps, acheta pour Charles Ier [13] ce chef-d’œuvre au duc de Mantoue et de Modène [14] pour la somme de 3.300 guinées (environ 80 .000 fr. de notre monnaie). Cette œuvre passée dans la collection du roi George IV [15], fut échangée par ce dernier à feu M. Lafontaine [16], ancien commissaire expert des Musées royaux de France, contre des tableaux flamands et hollandais d’une grande valeur ; car le goût du roi était de n’admettre dans son palais de Carlton-House, que des tableaux des écoles des Pays-Bas. La vente des tableaux de M. Lafontaine ayant eu lieu après son décès en avril 1835, cette œuvre capitale y fut acquise par M. Herbet de Raincheval [17] qui l’a léguée à sa fille, Mme Ch. Faton de Favernay [18], à qui elle appartient. »
Le même sujet, traité par Otto Venius [19] (107) qu’on a surnommé le Raphaël flamand, est loin de produire la même impression. Hérode et sa femme sont assis à une table somptueuse où, à côté de divers mets, on vient déposer la tête de saint Jean. Salomé et neuf autres personnages se tiennent debout devant les convives de cet odieux festin. On devine que plusieurs des assistants blâment intérieurement la cruelle lâcheté [6] d’Hérode, mais qu’ils n’osent exprimer leur horreur pour cette sacrilège dérision. L’attention est attirée par les splendides costumes des personnages et se laisse un peu détourner du sujet principal. Le voile de Salomé est un véritable tissu d’air qui doit rester impalpable. En somme, c’est une peinture très fine, mais où l’éclatante crudité des couleurs nuit à l’harmonie générale. On sait qu’Otto Venius fut le maître [20] de Rubens [21] : l’élève partagea son goût pour l’éclat du coloris, mais il trouva l’art de mieux fondre ses couleurs et de cacher sa palette, selon l’expression consacrée par les artistes.
Pour terminer ce qui concerne l’Ancien Testament, nous signalerons la Prédication de saint Jean-Baptiste [22], attribuée à Sébastien Bourdon [23] (60). Ce n’est qu’une esquisse, il est vrai, mais il faut se rappeler ce que disait à ce sujet Félibien [24] : « Les premières pensées de Sébastien Bourdon et ce qu’il finissait le moins, étaient souvent beaucoup meilleures que les choses qu’il voulait terminer davantage, parce que d’abord le feu de son imagination lui fournissait de quoi satisfaire les yeux ; mais lorsqu’il tachait de bien finir un sujet, il demeurait court et ne pouvait pas le mener au point où il eût dû être. Ainsi, par un travail peu judicieux, il obscurcissait plutôt ses premières idées qu’il ne les rendait claires et belles. » Ne nous plaignons donc point que le n° 60 soit resté à l’état d’esquisse : nous y trouvons, sans altérations et dans toute leur spontanéité, les qualités du maître : une grande liberté de pinceau, une touche large et une négligence qui ne manque pas d’un certain charme.
III. PEINTURES RELIGIEUSES
(ÈRE CHRÉTIENNE)
Quand on a admiré dans les principaux Musées de l’Europe [7] les Vierges de Fra Angelico [25], de Raphaël [26], du Corrège [27], d’André del Sarte [28] et de Murillo [29], on doit se sentir un goût difficile en face des œuvres de second ordre qui ont créé des types différents. Il y a cependant dans un tel sujet une source si intarissable d’inspirations, un courant si merveilleux de poésie, qu’il a presque toujours porté bonheur aux artistes et qu’il met en lumières des qualités diverses, qu’on se prend à goûter, malgré les incomparables souvenirs qui surgissent dans la mémoire. C’est le sentiment que nous éprouvons en face des neuf Vierges de notre Exposition.
Celle de Jean de Mabuse [30] (n° 80) est d’une naïveté si religieuse qu’on oublie presque la froideur et la sécheresse de l’exécution ; celle de Simon Vouet [31] (169) est d’une douceur qui va presque jusqu’à la mollesse ; celle qui appartient à M. de Villars (87) est grandement conçue, d’un style élevé, mais on est choqué par la longueur démesurée d’une jambe.
On sent comme un souffle du Corrège circuler dans les n° 70 et 32. Le premier, œuvre de Beschey [32], nous montre la Vierge tenant sur ses genoux l’Enfant-Dieu, tandis que saint Jean-Baptiste lui présente des fleurs et des fruits. Les enfants et les anges sont bien posés, ravissants de grâce et de fraîcheur, quoique un peu maniérés. L’œuvre attribuée à Fra Bartholomeo [33] (32) nous offre la même suavité, plus de simplicité, mais aussi plus de mollesse.
Nous lui préférons le n° 34, œuvre de Puligo [34], à cause de la tête de la Vierge, dont le noble caractère est digne des plus grands maîtres. D’autres parties offrent des faiblesses qui trahissent peut-être des retouches : ainsi les doigts de pieds de l’Enfant-Jésus sont maladroitement agencés.
La Vierge, dans la manière de Luini [35] (53), est d’une belle conception, mais choque par des défauts d’anatomie. L’Enfant-Jésus a l’air d’avoir un abcès à la jambe. Il ne faudrait pas [8] juger Bernardino Luini par cet échantillon, ni même par les tableaux du Louvre. C’est seulement à Milan qu’on peut apprécier sa ravissante suavité. J’ai récemment contemplé ses œuvres au Palais de Brera et j’ai compris que ce n’est pas un patriotisme aveugle qui lui a décerné le titre de Raphaël milanais.
La sainte Vierge à l’aiguille (98), par Guido Reni [36], est un tableau qui provient de la galerie du cardinal Fesch [37] et qui fait aujourd’hui partie du cabinet de M. Horsin [38]. Il a eu les honneurs de la gravure. Bien qu’un peu léché, il a conservé toute la force de son modelé. L’Exposition contient deux autres tableaux du Guide, Une tête de Christ (141) et l’Enfant-Jésus jouant avec le petit saint Jean (135) ; l’un est du goût énergique qui caractérisa sa première manière, l’autre est du genre gracieux qu’il adopta dans la seconde partie de sa carrière.
La réputation du Guide a été surfaite pendant deux siècles, et c’est par habitude, par respect exagéré pour la tradition, que l’opinion publique le maintient au rang des plus grands maîtres [39]. Nous partageons sur la valeur réelle du peintre Bolonais l’avis très motivé de M. Henri Delaborde [40] : « Si on compare Le Guide aux autres peintres de l’école bolonaise, ou même à tous les peintres italiens du dix-septième siècle, nul doute qu’il ne paraisse un des plus dignes d’estime, le seul même, après Le Dominiquin [41] et les Carrache [42], dont les ouvrages protestent encore contre l’abaissement du goût et le culte des réalités grossières. Mais si, au lieu de tenir compte avant tout des entraînements de l’époque, on considère ce talent en lui-même et relativement aux conditions générales de l’art, il est impossible de ne pas sentir ce qu’il a d’insuffisant, de défectueux à beaucoup d’égards. Le sentiment qui le dirige sans être, si l’on veut, vulgaire, n’a cependant ni cette décision, ni cette originalité, qui appartiennent aux [9] peintres de haute race. Le Guide ne fut, à tout prendre, qu’un très-habile et très fécond praticien. Ce titre suffit sans doute pour assurer une certaine célébrité à son nom et à ses ouvrages ; mais il limite en même temps l’admiration que ces œuvres méritent et le respect que l’on doit à ce nom. »
Un peintre bien inférieur au Guide, et qui subira comme lui la dépréciation du temps, c’est Michel-Ange de Caravage [43], dont nous possédons un Christ déposé de la Croix (1). Sa divine Mère le considère avec douleur ; deux personnages la soutiennent, tandis qu’un ange, à la figure rougeaude, imprime un baiser sur sa main. Quelques autres figures apparaissent dans le fond ténébreux de la toile. La seule physionomie qui ait quelque noblesse est celle de la Vierge ; tous les autres personnages sont copiés sur les affreux modèles que Caravage avait coutume de choisir parmi les vagabonds des rues et les sacripants de taverne. Il protestait contre toute espèce d’idéalité et répétait sans cesse que le seul guide à suivre, c’est la nature. Aussi peut-on dire de lui qu’il a été le Courbet [44] de l’école italienne. Notre toile est pleine de vigueur et d’originalité, mais les figures qui jaillissent de l’ombre, sans demi-teintes, crèvent les yeux du spectateur. Nous devons féliciter M. Borely d’avoir isolé ce tableau réaliste dans un petit salon ; placé dans la grande galerie, il aurait brutalisé les toiles environnantes par ses violents effets de lumière.
À côté des peintres dont le renom s’affaisse, il en est dont le mérite grandit chaque jour en renommée. Tel est Mantegna [45], dont j’ai essayé ailleurs de caractériser le génie. Ses perspectives, disais-je, ses raccourcis, ses draperies, la précision de ses contours, sa puissance d’invention, son austérité, l’élévation de son style, ce mélange de l’étude de la nature et de l’imitation de l’antique, et enfin un je ne sais quoi qui ne se définit pas, lui constituent une originalité à part qui ne permet [10] point de le confondre avec d’autres maîtres de l’art. II y en a beaucoup qui lui sont supérieurs, mais il en est peu qui aient une physionomie aussi tranchée et qui se détachent si nettement de l’ensemble d’une galerie. Mantegna, sans doute, appartient par sa naissance et par certaines qualités, à l’école lombarde ; mais il n’a point cet air de famille qui circule dans les traits des autres peintres de cette admirable école. Il ne relève que de son propre génie et ne représente que lui-même.
Son Crucifiement [46] (n° 86) ne peut pas donner une idée complète de sa manière, qui ne peut vraiment être apprécié qu’à Florence et à Padoue : mais c’est pourtant un remarquable spécimen de sa finesse d’exécution, de sa justesse d’expression. Tandis que le Sauveur est crucifié entre les deux larrons, la sainte Vierge s’évanouit dans les bras des saintes femmes qui l’entourent. Saint Jean considère son divin Maître avec une douloureuse compassion ; un cavalier le regarde avec plus de curiosité que d’émotion. Plus bas, des soldats jouent aux dés pour décider qui aura les vêtements du Sauveur que tiennent d’autres satellites.
Le Retour de l'Enfant prodigue [47] (81) est un tableau de la meilleure manière de Bassano [48], extrêmement remarquable par l’éclat du coloris, le relief et l’énergie du rendu. L’enfant prodigue vient s’agenouiller aux pieds de son père attendri, tandis qu’un de ses frères se dispose à laisser éclater sa jalousie. Un serviteur se prépare à tuer le veau gras, tandis que des musiciens célèbrent, au son des instruments, le retour de l’enfant dissipateur. Cinq chiens et un singe assistent à l’entrevue, parce qu’ils se disent sans doute que toute fête se termine par un festin. Bassano, qui était fier de son habileté à peindre les animaux, trouvait toujours prétexte d’en introduire dans tous ses tableaux. Le veau gras avait de droit son rang marqué dans cette composition : mais y admettre [11] un singe et cinq chiens, c’est peut-être pousser un peu loin l’amour des quadrupèdes !
Trois tableaux de l’Exposition représentent le Mariage mystique de sainte Catherine. On connaît le sujet de cette poétique légende. Catherine, née à Sienne (en) 1347, témoigna dès sa plus tendre jeunesse le désir de se consacrer tout entière au service de Dieu. Ses parents la persécutèrent pour la déterminer à se marier. C’est alors que la Vierge lui apparut pour lui dire que ses vœux seraient accomplis, qu’elle n’aurait jamais d’autre époux que Jésus-Christ ; et l’Enfant-Jésus qu’elle tenait dans ses bras confirma cette promesse en mettant au doigt de Catherine le mystique anneau des fiançailles. Disons de suite que Jules Romain [49] (n° 33) a commis une bévue historique en faisant tenir une roue à sa sainte Catherine ; il l’a confondue avec la martyre d’Alexandrie et lui a prêté un attribut dont elle n’a que faire. Au point de vue archéologique, nous pourrions aussi critiquer le singulier costume de la Vierge. Mais ces sortes de défauts, qui abondent chez les plus grands peintres, souvent peu soucieux de l’exactitude historique, sont ici compensés par la noblesse du style et la fierté du dessin.
L’œuvre de Palma Vecchio [50] (88), est d’un dessin moins pur, témoin la bouche de la Vierge qui s’en va trop à gauche ; mais elle l’emporte de beaucoup par la vivacité des couleurs qui sont fondues sans être léchées.
Sébastien Bourdon [51], quoique protestant, a consacré son pinceau à reproduire la même légende, mais en la modifiant un peu (122). Sainte Catherine agenouillée reçoit la bénédiction de l’Enfant-Jésus, qui est plutôt renversé qu’assis sur saint Joseph ; la sainte Vierge, dont la figure est si expressive, qu’on ne songe pas à constater qu’elle a une main plus forte que l’autre, sourit au petit saint Jean, appuyé sur [12] son mouton. Au fond, un effet de soleil couchant et des nuages, qui paraîtraient bien fantastiques à ceux qui n’ont pas vu les caprices du ciel dans le midi. Cette riche composition a eu les honneurs du burin, et M. Borély, dont nous mettons souvent à profit les judicieux renseignements, nous a appris que M. le comte de Forbin [52], ancien directeur des Musées, déclarait qu’il n’y avait pas au Louvre de Sébastien Bourdon plus achevé.
Dans l’impossibilité où nous sommes de nous arrêter autant qu’il conviendrait devant chaque tableau, nous terminerons cette rapide revue des peintures religieuses, en signalant deux remarquables esquisses de Vien [53] (115 et 116), où tout est jeté à grands traits comme dans un canevas de Bossuet ; une autre esquisse de Van Dick [54] (19) dont le tableau est au Musée de Valenciennes ; l’Incrédulité de saint Thomas (59), camaïeu qui a tout le cachet de l’école romaine ; une Annonciation de la Vierge (47) d’un excellent sentiment religieux ; une Marie-Magdelaine agenouillée dans une grotte (162), remarquable par le riche agencement des draperies ; et enfin une autre Magdelaine (3) un peu vulgaire, de D. Teniers le jeune [55], à qui des anges présentent les clous qui ont servi au crucifiement : au premier abord, on pourrait se demander si c’est un homme ou une femme. C’est là un doute qui, à certains égards, fait honneur à la chaste sévérité de cette composition, et qui ne pourrait guère se produire devant beaucoup d’autres Magdelaine, auxquelles les artistes ont donné la figure d’une repentie, tout en leur conservant le costume d’une pécheresse.
IV. HISTOIRE PROFANE
L’Histoire profane, proprement dite, n’est représentée à [13] notre Exposition que par l’Abolition de l’ordre des Jésuites en Espagne (83), tableau de Goya [56], qui sent un peu la pochade, et dont il faut louer l’entrain et le mouvement à défaut du dessin, et par quatre toiles de Quellin [57], élève de Rubens [58], qui appartiennent à M. Bazot. Nous y voyons Alexandre couronnant Roxane (43) qui l’a séduit par sa beauté ; Artémise buvant les cendres de son époux (44), et croyant ainsi lui donner dans son sein un tombeau digne de lui ; Sisygambis, mère de Darius aux pieds d’Alexandre (45), qui, par son attitude, rappelle la mère du possédé dans la Transfiguration de Raphaël ; et enfin deux Dames romaines (46) mourant d’émotion à l’arrivée de leurs fils, qu’elles croyaient morts en combattant pour la patrie.
Il y a plusieurs œuvres d’Erasme Quellin au Musée d’Anvers : M. de Chennevières [59] nous semble bien sévère à leur égard, en disant que « c’est de la prodigalité sans richesse, de la liberté sans aisance, de la violence sans force et de l’enthousiasme sans chaleur. »
Parmi les compositions mythologiques, nous nous bornerons à mentionner un tableau de Fr. Boucher [60], l’Amour couronnant deux tourterelles (120) : elles sont perchées sur un nuage qui a l’air d’être fait en carton découpé. On dirait que les carnations ont éprouvé le reflet d’un rideau rouge. C’est assurément d’une touche fine et spirituelle : mais on ne peut s’empêcher de sourire devant cette composition, qui nous transporte dans le monde imaginaire où florissaient les sentimentales fadeurs du poète Léonard [61] et les pastorales musquées de Florian [62].
L’Allégorie est représentée à notre Exposition par les Cinq sens (161 à 165), tableaux de l’école de Porbus [63], très finement exécutés, qui ont été récemment donnés par M. Fleuriot père à la Société des Antiquaires de Picardie, et par la Paix et [14] l’Innocence (89 et 90), de Jules Romain [64], qui appartiennent au cabinet de M.Fiz, de Paris. Ces deux figures symboliques, bien que de petite dimension, grandissent à l’œil par la justesse des proportions et l’habileté du modelé. Là, comme ailleurs, Jules Romain a employé ces demi-teintes noires, ce coloris dur et sauvage, qui l’ont fait accuser d’être dépourvu du sentiment de la couleur.
V. PORTRAITS
Nos portraits sont nombreux, et beaucoup d’entre eux sont vraiment remarquables. Parlons d’abord de ceux qui sont dû aux écoles étrangères.
Nous n’avons qu’un seul tableau allemand, mais c’est un Holbein [65] (82). La femme qu’il a peinte est loin d’avoir des traits séduisants ; son costume est vulgaire : mais quelle vigueur de pinceau ! quelle puissance de couleur ! comme cette figure, modelée dans la demi-teinte, est attachante de vérité ! c’est là un de ces portraits dont on affirme la ressemblance, comme si on avait connu l’original.
Le Philippe IV [66], roi d’Espagne [67] (109), de Velasquez [68], est modelé dans la lumière avec des demi-teintes extrêmement fines. Toute la fierté espagnole respire dans cette noble physionomie. On reconnaît bien là le prince de génie, dont l’orgueil était tempéré par la bonté, qui avait plus de grandeur d’âme que de résolution, et qui lutta si longtemps contre la politique du cardinal Mazarin, pour conserver l’intégrité de son royaume.
On attribue à Raphaël [69] le Cardinal (91) qui appartient au cabinet de M. Fiz. C’est une figure essentiellement italienne, fine et profonde ; ce cardinal, dont on ignore le nom, a dû [15] assurément aiguiser son esprit dans les habiles joutes de la diplomatie. Il pense plus qu’il ne parle ; il semble scruter les plus intimes secrets des consciences politiques. Je veux bien croire que, en qualité de cardinal, il a toujours dit la vérité, mais je ne voudrais pas affirmer qu’il l’ait toujours dite tout entière.
De nos cinq portraits de Rigaud [70], celui du Régent, Philippe d’Orléans [71] (111), est incontestablement le plus remarquable. Quelle exubérance de vie et de passion ! Quel étalage impudent de vices et de forfanteries ! Ce portrait n’est-il pas un vivant commentaire de ces paroles du duc de Saint-Simon [72] : « Le Régent s’accoutuma à la débauche jusqu’à ne pouvoir s’en passer ; et il ne s’y divertissait qu’à force de bruits, de tumulte et d’excès. C’est ce qui le jeta à en faire souvent de si étranges et de si scandaleuses, et, comme il voulait l’emporter sur tous les débauchés, à mêler dans ses parties les discours les plus impies, et à trouver un raffinement précieux à faire les débauches les plus inouïes [73]. »
Tandis que Philippe d’Orléans rêve à une nouvelle orgie, voici le jeune Louis XV [74] (105), peint de la même main, qui repose ou plutôt qui réfléchit dans son berceau de velours et de dentelles. Si vous regardez son maillot, vous lui donnerez six mois ; si vous regardez sa figure, vous lui donnerez dix ans, tant il a de finesse d’esprit et de maturité de raison. Si ses bras n’étaient pas emmaillotés, il serait capable de saisir une plume et de signer un décret. Pauvre Louis XV ! il fut victime de la flatterie, même avant de savoir bégayer, et les traits de sa plus tendre enfance furent adulés par un pinceau menteur.
Ce n'est certes pas à Horace Vernet [75] qu’on peut adresser ce même reproche de flatter son modèle. Il pousse jusqu’au scrupule l’amour de la vérité : voyez son Frère Philippe [76] (76). [16] L’éminent artiste n’a pas cherché à embellir sa placide physionomie ; il n’a point verni ses rustiques souliers, ni bouché la lézarde de sa cellule. Là, tout est vrai, simple et grand. On dirait que le livre que le bon frère tient sur ses genoux va glisser à terre. On serait tenté de décrocher le Christ et la Vierge qui se détachent en relief de la muraille. À côté de cette Vierge, il y a une dégradation causée par l’extraction d’un clou. Je tiens de bonne source à ce sujet une curieuse anecdote : quand ce tableau fut examiné par le jury de 1844, M. Fontaine, architecte du Roi, après avoir joint ses éloges à ceux de ses collègues, s’écria : « Quel malheur que cette toile ait été crevée par un clou ! » Il fallut qu’on lui fit passer la main sur le tableau pour le convaincre qu’il avait été dupe d’un trompe-l’œil. Plusieurs visiteurs de notre Exposition ont pu être victimes de la même illusion : qu’ils se consolent, en pensant qu’un illustre membre de l’institut a été trompé comme eux [77].
Nous mentionnerons le numéro 170, moins en raison du mérite de la peinture, qu’à cause du personnage qu’il représente. C’est Philippe Hecquet [78], le célèbre doyen de la Faculté de Médecine de Paris, le grand-oncle de notre excellent collègue et ami, M. le conseiller Hecquet de Roquemont [79]. Né à Abbeville, en 1661, Philippe Hecquet composa un nombre considérable d’excellents ouvrages sur des questions de médecine, et même de morale et de théologie. Les études théoriques ne lui faisaient point négliger la pratique de son art ; mais à la clientèle de la Cour il préférait celle des pauvres, parce qu’il trouvait là occasion d’exercer tout à la fois sa science et sa charité. Rollin [80] composa pour lui une longue épitaphe latine qui est l’éloge mérité de ses vertus comme de son savoir.
Après avoir examiné quelques autres bons portraits, et [17] entre autres le Turenne [81], de Philippe de Champagne [82] (103), le Buste de femme, du baron Gros [83] (108), la Tête de jeune fille (31), attribuée à Greuze [84], les deux pastels de Quentin de Latour [85] (50 et 51) et l’excellente Etude (114) de Borély père [86], allons considérer les tableaux de Largillière [87], où on peut apprécier les qualités de ce peintre fécond, qui s’exerça dans tous les genres, mais qui n’a laissé que la réputation d’un excellent peintre de portraits.
Largillière naquit à Paris en 1656 et fut élevé en Flandre, ou il puisa le goût de la couleur et du clair-obscur. Dès l’âge de dix-huit ans, il se rendit en Angleterre, où il conquit les faveurs de la cour. De retour à Paris, en 1698, il devint bientôt célèbre par ses portraits, qui se recommandaient par la fraîcheur du coloris, la vérité du ton et la légèreté de la touche. Les 1 500 portraits qui sont dus à la promptitude de son pinceau, sont une source de précieux renseignements sur les variations du costume pendant trois quarts de siècle. Largillière peignait, le paysage avec autant de rapidité que de naturel ; son contemporain d’Argenville [88] en rend témoignage dans l’anecdote suivante : « Un jour, dit-il, étant à table avec différentes personnes, le mur d’une orangerie, qui terminait l’enfilade de plusieurs portes, choqua un des convives, qui demanda avec vivacité à Largillière ce que son génie pourrait lui fournir pour corriger ce triste aspect : Je ferai, quand je voudrai, passer votre vue à travers ce mur, répondit Largillière. On le prit au mot ; on prépara sur le champ les échafauds [89], et il y peignit à l’huile un grand ciel avec différents oiseaux, et, dans le bas, un paysage avec une balustrade qui porte des fleurs et des fruits, dans lesquels on voit un perroquet et un chat si parfaitement imités, que le maître fit faire un toit à ce pignon, pour préserver des injures du temps un morceau aussi agréable. Tout autre aurait été trois mois à faire ce qu’il exécuta en huit jours. »
[18]
Largillière mourut paralytique à l’âge de 90 ans. Le Louvre, moins heureux que notre Exposition, ne possède qu’un seul de ses ouvrages, le portrait de Lebrun [90]. M. Charles Blanc [91] apprécie en ces termes les qualités de ce peintre éminent : « Moins apprêté que Rigaud [92], plus naturel, plus fin, Largillière, dans ses portraits, l’emporte le plus souvent sur son émule par la grâce du pinceau et par l’excellence de sa couleur argentée et harmonieuse, égayée par ces beaux gris qu’affectionnaient David Teniers [93] et notre Chardin [94]. Ses draperies qu’il faisait d’inspiration, sans mannequin, sans modèle, sont jetées avec un rare bonheur ; elles ont de l’ampleur, de la souplesse, une tournure agréable et l’aspect de la réalité même. Ses têtes et ses mains sont dignes des plus grands maîtres et l’on peut dire que Largillière est le Van der Helst [95] de la France, tandis que Rigaud [96] n’en est pas tout à fait le Van Dick [97]. »
On peut constater la justesse de ces observations en examinant les nos 9, 10, 112 et 113 et surtout le portrait de Voltaire à vingt-cinq ans [98], où l’esprit de l’artiste s’est élevé au niveau de l’esprit de l’écrivain. En contemplant cette peinture de la touche la plus fine, qui appartient à M. de Dompierre d’Hornoy [99], on se rappelle ce passage virulent de Joseph de Maistre [100] : « N’avez-vous jamais remarqué que l’anathème divin fut écrit sur son visage ? Après tant d’années, il est temps encore d’en faire l’expérience. Allez contempler sa figure au palais de l’Ermitage (à Saint-Pétersbourg) : jamais je ne la regarde sans me féliciter de ce qu’elle ne nous a point été transmise par quelque ciseau héritier des Grecs, qui aurait su peut-être y répandre un certain beau idéal. Ici tout est naturel. Il y a autant de vérité dans cette tête qu’il y en aurait dans un plâtre pris sur le cadavre. Voyez ce front abject que la pudeur ne colora jamais, ces cratères éteints où semblent bouillonner encore la luxure et la haine, cette [19] bouche, je dis mal peut-être, mais ce n’est pas ma faute, ce rictus épouvantable, courant d’une oreille à l’autre, et ces lèvres pincées par la cruelle malice, comme un ressort prêt à se détendre pour lancer le blasphème ou le sarcasme [101]. »
Cela est vrai, sans doute, du portrait de Saint-Pétersbourg, comme de la statue [102] qui fut l’œuvre d’Houdon [103], mais ne peut s’appliquer que dans une certaine mesure an tableau de Largillière : le feu de la jeunesse brille encore dans ces yeux ; le sarcasme ne couve sous ces lèvres qu’à l’état d’ironie. C’est que Voltaire n’a encore que vingt-cinq ans, et que le mal n’a pas encore irrévocablement triomphé dans son âme. Il a composé, il est vrai, d’assez méchants vers séditieux, les J’ai vu, qui l’ont fait mettre à la Bastille [104] ; mais il s’y est épuré en composant la tragédie d’Œdipe [105], en ébauchant la Henriade [106], et le voici maintenant délivré de la prison, et même pensionné par le Régent, qu’il remercie de vouloir bien se charger de son entretien, en le priant de ne plus se charger de son logement. Sa renommée commence, l’avenir lui sourit. Ah !, il pouvait encore, à ce moment, lutter contre les funestes instincts de sa nature. Regardez ce portrait : l’anathème divin n’est pas encore gravé sur ce front d’où peuvent surgir de nobles inspirations. Ah !, il est temps encore pour Voltaire de réagir contre la frivole incrédulité de son siècle, au lieu de la personnifier. Je me laisse entraîner à ce rêve, en contemplant ce qui reste de noble et de grand dans cette mobile physionomie, d’où l’esprit déborde. Mon imagination alors ressuscite Voltaire à l’âge de ce portrait, et je me prends à lui dire, comme Lamartine [107] à lord Byron [108] :
- Laisse aux fils de la nuit le doute et le blasphème ;
- Dédaigne un faux encens qu’on t’offre de si bas [109] :
- La gloire ne peut être où la vertu n’est pas.
- Viens reprendre ton rang dans ta splendeur première,
[20]
- Parmi ces purs enfants de gloire et de lumière,
- Que d’un souffle choisi Dieu voulut animer,
- Et qu’il fit pour chanter, pour croire et pour aimer [110] !
VI. PAYSAGES
Après avoir considéré quelques charmants paysages de Boudewyns [111], Van Goyen [112], Chainbaux [113], Paul Huet [114], Moucheron [115], Borély père [116], Van Kalraat [117], Saftleven [118], Gozzi [119], etc., arrêtons-nous plus attentivement devant quelques autres qui sollicitent une mention spéciale.
Voici d’abord un Hobbéma [120] (71) qui est à vendre, et auquel nous souhaitons l’heureux sort que le feu des enchères octroyait récemment à l’un de ses frères [121], lors de la vente de la collection Morny [122]. S’il atteint un prix également fabuleux, son propriétaire actuel pourra acheter et la chaumière, et le moulin, et la forêt, et l’étang, que représente ce tableau, et jouir de cette nature calme et riante autrement qu’en peinture.
Il n’y a guère plus de quarante ans que le nom d’Hobbéma est sorti de l’obscurité pour conquérir soudain une immense célébrité. Le mystère qui enveloppe sa vie semble ajouter un charme de plus à ses œuvres. On ne sait ni où il naquit ni quand il mourut. Toute sa biographie se réduit à l’énumération de ces suaves compositions où, sans efforts et sans apprêt, il nous transporte dans les plus sereines régions de l’idéal.
En face de ces riches guérets et de ces frais bocages, on se sent monter aux lèvres tous les vers champêtres de l’antiquité :
[21]
- O rus ! quando te aspiciam [123] !
- ………………..
- Flumina amen, Sylvas inglorius [124] !
- ……………….
- O fortunatos nimium, si sua bona norint
- Agricolas [125]………………
Et l’on répète avec la conviction de l’enthousiasme ces charmantes hypocrisies des poètes, qui auraient pu si bien couler leurs loisirs à l’ombre des villages, mais qui aimaient beaucoup mieux célébrer le calme et la paix des champs, du fond des cités bruyantes et fiévreuses.
Il y a moins de poésie, mais autant de naturel, dans Jean Breughel, qu’on a surnommé de Velours [126], non pas à cause de la finesse de son pinceau, mais par ce motif beaucoup plus prosaïque, qu’il avait coutume de ne porter que des habits de velours. La Chasse dans un bois (12) et l’Ermitage (13) nous ravissent par la délicatesse des détails et le charme des couleurs : mais si on considérait trop longtemps ces épais ombrages, on se sentirait atteint par leur fraîcheur, et on aurait besoin d’aller se réchauffer devant le ciel d’Italie qui dore les arbres, les montagnes et les ruines, si habilement groupés dans le tableau de Pierre Thuillier [127] (167). C’est assurément l’un des meilleurs paysages de notre compatriote. L’air y circule partout, excepté peut-être dans le feuillage trop massif des trois arbres du milieu. Les divers plans fuient d’une manière si harmonieuse, que la vue se perd dans le lointain et fait naître en nous l’idée de l’immensité.
Nous parlerions de l’Effet de soleil couchant (2) attribué à Claude Lorrain [128], et surtout des ruines aux tons chauds qui meublent cette composition, si nous n’avions pas, du même maître, un Lever de soleil (102) qui est la perle de notre Exposition. Personne ne s’étonnera qu’on en ait offert cent mille [22] francs à son propriétaire, M. Clavier (de Paris), et que celui-ci ait considéré cette offre comme fort insuffisante.
Le soleil vient de se lever sur la campagne de Rome, ses rayons baignent l’air de leur naissante lumière, glissent sur les cimes des arbres et éclairent les contours des figures du premier plan. Ce sont des bergers matineux qui conduisent leurs chèvres et leurs moutons par les sentiers encore humides de rosée. Une tourelle apparaît au milieu des feuillages agités par la brise. Aucun détail trop accusé ne nuit à l’ensemble de cette harmonieuse unité. Claude Lorrain, comme la plupart des anciens peintres français, a parfois commis la faute, dans ses paysages, de mettre l’homme au premier plan et la nature au second, ce qui divise l’intérêt. Mais dans cette admirable toile, les personnages ne sont que des accessoires qui font valoir l’ensemble et en augmentent l’harmonie. Claude Lorrain a communiqué à ce paysage toute l’émotion de son âme, toute la grandeur de son génie ; il a réussi à peindre ce qui semble devoir le plus échapper au pinceau, l’air et la lumière. Ah ! qu’il avait bien raison de ne pas se montrer jaloux de ceux de ses confrères qui obtenaient le titre pompeux de Peintre ordinaire du Roi ; n’était-il pas, lui, le peintre ordinaire du soleil !
VII. GENRE
Les scènes d’intérieur flamandes ont des admirateurs fanatiques et des contempteurs déclarés. N’ayons point de parti pris et jugeons chaque chose à sa valeur. Reléguons dans le domaine du grotesque et de la caricature quelques toiles de notre Exposition ; mais ne soyons pas trop sévères pour cet Intérieur d’estaminet (125) de D. Teniers le vieux [129], et surtout [23] admirons franchement cette œuvre bien supérieure du même maître, le Docteur de village (93). Ce brave praticien panse dans son cabinet la plaie d’un client dont le pied est malade. Il vient de lever l’appareil et le patient a sans doute jeté un cri ; car un jeune garçon est accouru à une fenêtre, et l’apprenti, qui prépare un nouvel emplâtre, a retourné la tête et fait voir sou visage espiègle et empressé. Une femme, qui est témoin du pansement, le considère d’un air parfaitement indifférent et se félicite sans doute intérieurement d’avoir bon pied, bon œil. L’ameublement du laboratoire sent tout à la fois la chirurgie et l’alchimie : trousses, bocaux, cruches, flacons, fioles, têtes de cerf, chat-huant et lézard, tout est habilement disposé. C’est, en somme, une toile peinte avec beaucoup d’esprit et de la meilleure manière de D. Teniers.
M. le sénateur comte de Beaumont a bien voulu nous confier un tableau de Quentin Matsys [130], représentant Deux avares ou plutôt deux banquiers (126). Cette composition a été gravée en 1770 par Richard Earlon [131] ; elle est reproduite dans l’Histoire des peintres de toutes les écoles, et M. Paul Mantz [132], l’auteur de la biographie, nous apprend que cette œuvre, qui fait partie de la galerie du château de Windsor, a figuré en 1855 à l’Exposition de Manchester. Faut-il en conclure que le tableau de M. le comte de Beaumont n’est qu’une copie ? Assurément non, et nous dirons tout à l’heure pourquoi ; mais nous voulons auparavant céder la parole à M. Mantz. « À côté de la peinture célèbre du Musée du Louvre (le Banquier et sa femme), il faut placer un tableau plus célèbre encore, les Avares, qui font partie de la collection de la reine d’Angleterre à Windsor-Castle. Matsys y a représenté à mi-corps et dans des dimensions un peu plus grandes que nature, deux personnages qui s’occupent à compter et à vérifier des monnaies. L’un écrit dans un gros livre sur une [24] table chargée d’or, d’argent, de joyaux et de pierreries. Son compagnon se penche vers lui et semble suivre de l’œil les calculs de son ami. Des accessoires traités avec beaucoup de soin complètent ce tableau : au fond est une boiserie où l’on voit une tablette sur laquelle sont posés quelques ustensiles de ménage. Un petit perroquet est le seul témoin que le peintre ait donné à cette scène d’intérieur. « L’exécution, a dit un bon juge, M. W. Burger [133], est d’une grande manière, non pas d’un grand style, mais d’un dessin arrêté et caractéristique, d’une touche large et simple, par plans décidés, et sans la minutie que ce genre semble comporter et justifier. » Sans examiner si le pinceau de Matsys se montre réellement aussi large dans les Avares que le dit le savant critique que nous venons de citer, nous admirons comme lui le profond caractère que le peintre d’Anvers a imprimé à ses figures, et nous croyons que, sous ce rapport, ce tableau est peut-être supérieur au Banquier que possède le Louvre. Ce qui doit frapper aussi dans les Avares, c’est le parti pris de couleur adopté par l’artiste. L’un des personnages est coiffé de rouge et vêtu de vert ; l’autre porte une coiffure verte et un vêtement rouge : Matsys a recherché un effet de contraste analogue dans les Comptables du Musée d’Anvers. Les tons sont d’ailleurs d’une intensité singulière ; ils sont très francs et peut-être le sont-ils trop. Il me semble que pour un œil véritablement amoureux de l’harmonie et des nuances rompues, la coloration de Matsys n’est pas exempte de dureté : c’est sans doute à propos du tableau des Avares ou de ceux qu’il a peints dans ce genre, que Descamps [134] a pu dire de Quentin : « Sa manière est tranchante. »
Les qualités et les défauts que vient de signaler M. Paul Mantz sont très-appréciables dans notre tableau, auquel sa description convient parfaitement, sauf trois détails qui [25] prouvent évidemment que notre peinture sur bois n’est pas une copie : il n’y a point de perroquet, il y a une pile d’argent en moins près du registre de compte, et on lit tout en haut à gauche, sur la tranche d’un livre, la signature de Quentin. Nous croyons que Quentin Matsys a reproduit plusieurs fois, plus ou moins exactement, le même sujet, à l’exemple de tant d’autres peintres. Ce qui nous confirme dans cette pensée, c’est que l’artiste d’Anvers affectionnait beaucoup cette représentation de compteurs d’or, qu’on a désignés tantôt sous le nom d’avares ou d’usuriers et tantôt sous celui de banquiers et de peseurs d'or, Nous la retrouvons, plus ou moins modifiée, au Louvre, à Windsor, aux Musées de Valenciennes, de Dresde, d’Anvers, de Munich, de Saint-Pétersbourg, etc. Le palais Hamilton, en Angleterre, contient une répétition des Avares de Windsor, que M. Waagen [135] a conjecturé être l’œuvre du fils de Matsys, qui s’appelait Jean, et qui peignit aussi des peseurs d’or et des banquiers. Dans le catalogue de la vente Baunier de la Masson [136], qui eut lieu en 1745, on trouve cette indication : Un joaillier dans son cabinet, qui écrit sur un registre et qui compte de l'argent, par Quentin Matsys. Ce tableau sur bois, dont les dimensions sont indiquées (42 pouces et demi de haut sur 30 pouces et demi de large), ne serait-il pas celui qui appartient aujourd’hui à M. le sénateur de Beaumont ? L’ayant mesuré, nous lui avons trouvé exactement les mêmes dimensions.
Les tableaux de genre hollandais nous transportent dans des régions plus élevées. Il y a une certaine grandeur de style dans ce Départ pour la chasse au faucon (22), où une noble châtelaine va monter sur le blanc coursier qui lui est destiné ; dans cette Halte de cavalerie (23) qui est également due à Pierre Wouvermans [137] ; dans ce Joueur de flûte [138] (106) de Jacques Van Loo [139], dont la figure un peu efféminée n’en trahit pas [26] moins de rêveuses inspirations d’artistes ; et dans cet Ermite (100) de Breckalemcamp [140], qui rappelle si bien la manière de Rembrandt. Ce bon ermite en lunettes paraît tout absorbé par la traduction ou le commentaire qu’il compose des livres de l’Ecriture sainte ; la lanterne éteinte attachée à un tronc d’arbre nous montre qu’il prolonge ses veilles dans l’étude et la prière. Les richesses de sa grotte consistent en un coffret, une sacoche, deux livres, un christ, une tête de mort et un chapelet. Il y a aujourd’hui des membres de l’Institut qui commentent aussi l’Ecriture sainte ; nous doutons fort qu’ils voulussent se contenter d’un mobilier si exigu.
L’école française nous fournit deux bons tableaux de genre : Un brigand blessé (168), par Léopold Robert [141], et un Général d'armée (140), qui, lui aussi, a été blessé, mais dans des combats plus glorieux. Bien que l’auteur de ce dernier tableau, M. Ten Cate [142], soit hollandais, nous le rangeons dans l’École française moderne, parce qu’il en a toute la physionomie. Un général du temps de Louis XV, tenant son bras en écharpe, raconte, dans un salon de château, les épisodes de bataille où il s’est illustré. Les personnages qui l’entourent sont bien posés et forment autour de l’orateur un groupe plein de grâce et de fraîcheur. La seule critique que nous pourrions faire, c’est que l’œil ne sent pas assez si le plafond du salon est courbe ou plat.
Nous soupçonnons que ce loquace général a déjà plus d’une fois raconté ses batailles, en amplifiant les dangers qu’il y a courus. On lui prête une attention plus polie que soutenue ; une des dames qui l’écoutent va cacher un sourire de doute sous son éventail ; un des auditeurs nous paraît endormi et le personnage, tout de noir habillé, qui savoure une prise de tabac, veut peut-être lutter contre la somnolence que provoque un récit arrivé à sa vingtième édition.
[27]
Léopold Robert nous transporte dans un tout autre monde. Son Brigand blessé (168) est réfugié dans une grotte près de Terracine ; un de ses compagnons panse son épaule ensanglantée, tandis qu’au second plan des sentinelles sont mises en éveil par l’arrivée des troupes. Mais le danger est conjuré par la connivence de deux paysans, dont le geste indique qu’ils donnent à la milice de faux renseignements.
M. le marquis de Pierre [143] disait récemment que les Auvergnats sont toujours pour les gendarmes : c’est le contraire en Italie ; les villageois sont toujours pour les brigands. Peut-être est-ce plus poétique, mais c’est beaucoup moins rassurant.
Nous avons réservé pour la fin de ce paragraphe un tableau de Van Kestel [144] (101), dont le sujet est assez énigmatique. Essayons toutefois d’en deviner le sens. Une dame est assise auprès d’une table sur laquelle se trouvent des vases précieux, des joyaux et des parures ; à terre sont dispersés dans le plus grand désordre cahiers et instruments de musique, sphère, drapeaux, éperons, patins, armes de guerre, masque de comédie, vase de fleurs, cartes et jeux. Un singe considère cet étrange pêle-mêle par le côté de la lunette qui rapetisse les objets, tandis qu’un autre singe regarde attentivement l’intérieur d’un coquillage rose. Plus loin, deux enfants gonflent des bulles de savon. Il nous semble qu’on pourrait intituler cette bizarre composition : Vanitas vanitatum [145]. Le plaisir, les jeux, la science, les arts, la gloire, tout n’est que vanité ; tout cela doit être vu par le petit bout de la lorgnette ; tout cela est éphémère comme une bulle de savon ; tout cela ressemble au coquillage qui séduit par le chatoyant éclat de ses couleurs irisées et qui ne contient qu’un affreux mollusque. N’oublions pas que cette dame, qui joue ici le rôle de la Sagesse, se fait cette réflexion philosophique, même en face de séduisants objets de toilette : c’est là une circonstance [28] qui irait assurément au cœur de M. le procureur général Dupin [146].
VIII. ARCHITECTURE,
INTÉRIEURS, VUES
Pierre Patel [147], qu’on croit natif de Picardie, sans qu’on puisse assigner le lieu de sa naissance, fut un copiste plutôt qu’un élève de Claude Lorrain [148], un traducteur de Virgile [149] plutôt qu’un franc interprète de la nature. Il a beaucoup lu les Géorgiques [150] et il a fait la traduction de cette traduction. Il n’eut de supériorité incontestable que dans la peinture des ruines et des monuments dont il animait ses passages : « Jamais, dit Deperthes [151], dans son Histoire de l’art du paysage [152], aucun peintre ne l’a dépassé dans l’art de dessiner des édifices antiques avec cette précision qui fait ressortir la légèreté des frises, des profils, des moindres moulures. Aucun n’a su mieux que lui exprimer la finesse des tons de la pierre, ainsi que la variété de leurs nuances et de leurs demi-teintes ; faire contraster aussi heureusement le jet élancé et perpendiculaire de leurs colonnades avec le mouvement d’ondulation horizontale des arbres qui les avoisinent, enfin maintenir une harmonie parfaite entre le coloris briqueté des massifs de construction et la verdure des rameaux qui se balancent au-dessus des entablements ou qui se projettent à travers le centre des arcades. »
On peut apprécier la plupart de ces qualités dans ses Ruines d'un Temple (28) et dans la Vue d’un ancien Couvent (29) qui s’est abrité sous des débris antiques, selon l’usage dont on trouve tant d’exemples à Rome. Les personnages ne sont pas de la main de Patel, et choquent l’œil par leur grandeur démesurée.
C’est aussi une figure de trop grande dimension, qui doit [29] supporter le poids de la critique dans la toile de Bouton [153] (97) qui représente, avec de bons effets de lumière, l’intérieur d’une des salles du Musée des Petits-Augustins [154].
Il y a, au contraire, de justes proportions entre les personnages et l’architecture, dans les Boucheries de Francfort (42) par Lefort [155]. Ces passants, ces femmes qui marchandent, ce pauvre aveugle qui confie son chapeau à la petite fille qui va quêter pour lui, tout cela s’harmonise bien avec les pittoresques maisons de cette rue étroite dont le soleil vient visiter les hauteurs, en regrettant sans doute de ne pouvoir pénétrer plus bas.
Une vue plus curieuse encore, parce qu’elle nous représente un passé qui n’est plus, c’est la Place du Louvre sous Louis XVI, par Jadelor, tableau habilement restauré par M. Borély [156], dont le pinceau sait rendre la santé aux malades et presque la vie aux morts. Sur cette place dont la physionomie est si changée aujourd’hui, on voit revivre toute la fin du dix-huitième siècle, dans son côté vulgaire, grâce à un admirable effet de perspective. Promeneurs, passants, rémouleurs, porteurs d’eau, marchands de cerises, vendeurs de coco, charlatan, etc., tout a son cachet de vérité. Prenez une loupe, vous lirez les enseignes des magasins, vous distinguerez les convives dans l’intérieur des restaurants ; vous apercevrez les curieux derrière leurs fenêtres ; qui sait ? vous verrez peut-être même les guérisons du charlatan !
IX. ANIMAUX
NATURES MORTES
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Nous avons plus d’un paysage égayé par des animaux, mais un seul peut être rangé dans la catégorie spéciale des peintres [30] d’animaux vivants. C’est un Castiglione [157] (96) dont la touche est ferme, mais trop uniforme. Il y a là un pêle-mêle de chiens, de chats, de moutons, de chèvres, de lapins, de coqs, de poules, de dindons, de canards, de pies et de perroquets. Je suppose que c’est la sortie des animaux domestiques, de l’arche de Noé ; mais je ne comprends pas trop comment elle s’opère, ni ce que signifient les flaques d’eau qu’on distingue à droite. C’est là une critique que je me garderais bien de faire si Castiglione était encore vivant : car il crevait à coups de couteau celles de ses toiles qu’on osait critiquer : « L’on raconte, dit Mariette [158], dans son Abecedario [159], que MM. Lomellini [160] lui ayant fait peindre un grand tableau pour l’église de l’Annonciade à Gênes, et ses ennemis, qui étaient en grand nombre, ayant persuadé à ces gentilshommes que ce tableau, qui était cependant excellent, ne méritait pas l’honneur d’être placé dans cette église, MM. Lomellini, qui ne s’y connaissaient pas autrement, vinrent le prier de vouloir bien y consentir, s’offrant de le payer tout ce qu’il voudrait. Mais Castiglione n’ayant aucun égard aux politesses qu’ils lui témoignaient, devint si furieux à cette proposition, qu’ayant pris un couteau, il hacha le tableau en pièces, jurant que jamais les Génois n’auraient de ses ouvrages. »
Parmi nos Natures mortes, il faut mentionner les Pièces de gibier (95) de Weenix [161], qui sont d’un fini un peu maniéré, et surtout trois tableaux de Desportes [162], où il a admirablement groupé, ici (128) : lièvre, perdrix, asperges, artichauts, champignons, abricots et fleurs ; là (129) : canard, perdrix, céleri, chou, figues, pêches, prunes, raisin, et de plus un chien qui considère le gibier avec une dangereuse convoitise. Les couleurs vertes de ces tableaux ne sont pas franches. Cela tient à ce que Desportes préparait ses verts en bleu dans la pâte, et qu’il leur donnait leur teinte par des glacis de laque jaune. [31] Ces glacis, peu solides, s’usent à la longue et donnent un ton faux à certaines couleurs.
C’est là un reproche qu’on ne saurait faire à Chardin [163], qui usait d’autres procédés. Nous possédons deux de ces tableaux. Les visiteurs seront attirés par ce nom qui est aujourd’hui exalté jusqu’à l’engouement. Mais nous craignons que beaucoup n’éprouvent comme nous un certain désappointement.
Dans les Brioches (84), je ne reconnais pas cette vérité saisissante que l’on constate dans ses autres œuvres ; ces bocaux n’ont point de transparence ; ce verre couché me semble manquer de perspective ; ces brioches sont peu appétissantes. Il y a une touche bien plus fine dans ces Poissons et Légumes (104). Je voudrais admirer ce chou, ces maquereaux, ce panier d’ognons, cette anguille, mais j’en suis détourné par cette raie éventrée et sanguinolente, attachée au croc. Boileau [164] a beau me dire :
- D’un pinceau délicat l’agréable artifice,
- Du plus affreux objet fait un objet aimable [165],
je fuis ce trop parfait réalisme et je vais relever mes pensées, en respirant les Fleurs de Kalf [166] (118) et de Monoyer [167] (7), ou plutôt je retourne devant ce Lever de soleil, de Claude le Lorrain [168], qu’on ne se lasse point de contempler. J’assiste au mystérieux réveil de la lumière, je me perds dans ces vastes horizons, je me baigne dans cet air parfumé du matin, et mon admiration se partage entre les deux plus sublimes chefs-d’œuvre du Créateur : la poésie de la nature et le génie de l’homme.
l’abbé j. corblet [169].
ARRAS : Typographie Rousseau-Leroy.
[1] Note des Classiques : si l’idée de la création d’un musée à Amiens se trouve déjà dans une lettre du Vicomte de Breteuil au Roi de 1786, l’origine de l’actuel Musée de Picardie (ainsi nommé depuis 1875) est à rechercher dans le Musée Napoléon, bâti à l’initiative de la Société des Antiquaires de Picardie avec le soutien de l’Empereur Napoléon III. Inauguré le 30 mars 1864 par le comte Emilien de Nieuwerkerke (1811/1891), représentant de l’Empereur, soit moins de dix ans après le Nouveau Louvre (1857), il a pour première ambition d’être un « Louvre de province », présentant aussi bien des collections d’archéologie, que des objets d’arts, des sculptures, des peintures… Membre éminent de la Société des Antiquaires de Picardie, l’abbé Corblet rédige en trois ans quatre brochures pour le nouveau Musée : en 1864, Le musée Napoléon à Amiens ; en 1865, l’Exposition de peintures anciennes au Musée Napoléon (d’Amiens) ; et, en 1866, l’Exposition rétrospective de 1866 au Musée Napoléon d’Amiens, et un Guide de l’étranger au Musée Napoléon d’Amiens. L’ouvrage ici présenté est la seconde de ces brochures.
[2] Note des Classiques : inspiré des travaux d’agrandissement du musée du Louvre commandés par Napoléon III, le musée d’Amiens comprend, à l’étage, un salon coiffé d’un dôme, la rotonde de l’Empereur, très richement orné, sur lequel s’ouvre la galerie de l’Impératrice, décorée notamment de peintures de Puvis de Chavannes.
[3] Note des Classiques : à l’inauguration du 30 mars 1864. Alfred Emilien O’Hara van Nieuwerkerke (1811/1892), militaire puis sculpteur, collectionneur d’objets d’art anciens, intendant des Beaux-arts de la Maison de l’empereur en 1853, puis surintendant des musées impériaux en 1870.
[4] Note des Classiques : Charles Borély (1817/1884), peintre ayant exposé au Salon de 1842 à 1869, premier conservateur, de 1873 à sa mort, de l’actuel Musée de Picardie.
[5] Note des Classiques : chapelle néo-gothique. Initialement destinée à accueillir les objets liturgiques des collections du musée, elle n’a jamais été consacrée. Elle est aujourd’hui devenue la cafeteria du musée.
[6] Note des Classiques : Francesco Zuccarelli (1702/1788), peintre et graveur italien, essentiellement connu pour ses paysages avec figures.
[7] Note des Classiques : Philippe de Champaigne (1602/1674), peintre et graveur classique français d’origine brabançonne. L’auteur parle ici du tableau de 1663, Moïse et les Tables de la loi, finalement entré au musée en 1922 (don d’Alexis Marie François de Boutray).
[8] Note des Classiques : Adrien François Cornet d’Hunval (1816/1871), Président du tribunal de commerce d’Amiens.
[9] Note des Classiques : Michelango di Lodovico Buonarroti Simoni, dit Michel-Ange (1475/1564), sculpteur, peintre, architecte poète et urbaniste florentin de la Renaissance. Sa statue de Moïse (vers 1513/1515), initialement destinée à orner le tombeau de Jules II dans la basilique Saint-Pierre de Rome, se trouve aujourd’hui à la basilique Saint-Pierre-aux-Liens, dans la même ville. Les deux protubérances qui dépassent des cheveux du prophète, si elles peuvent faire penser à des cornes, sont généralement interprétées aujourd’hui par les historiens de l’art comme figurant des rayons de lumière.
[10] Note des Classiques : Leonardo di ser Piero da Vinci, dit Léonardo da Vinci, ou, en français, Léonard de Vinci (1452/1519), peintre, sculpteur, architecte, inventeur, etc.
[11] Note des Classiques : cette œuvre n’est pas de la main de Léonard de Vinci. Le Musées des Offices à Florence conserve une peinture sur bois très proche de la description faite par l’auteur, qui est de la main de Luini Bernardino (vers 1480 / 1532). Datée des environs de 1527, elle est entrée par échange dans les collections du musée. Au moins six variantes autographes de ce sujet sont connues à ce jour. L’œuvre dont il est ici question pourrait être l’une d’entre elles.
[12] Note des Classiques : Thomas Howard, comte d’Arundel (1585/1646), courtisan anglais à la cour de Jacques Ier, puis à celle de Charles Ier, célèbre collectionneur d’art. Sa collection comprenait à sa mort d’importantes sculptures antiques grecques et romaines et plus de sept cent peintures, ainsi que des dessins de Léonard de Vinci.
[13] Note des Classiques : Charles Ier (1600/1649), roi d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande, de 1625 à son exécution en 1649.
[14] Note des Classiques : Vincent Ier de Mantoue, prince italien de la maison de Gonzague (1562/1612), collectionneur et mécène.
[15] Note des Classiques : George IV (1762/1830), roi du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande et de Hanovre, de 1820 à sa mort.
[16] Note des Classiques : Pierre Joseph Lafontaine (1758/1835), peintre belge, doyen des experts des musées royaux.
[17] Note des Classiques : Jean Baptiste Herbet, dit Herbet de Raincheval (1793/1856), maire de Raincheval (80) et propriétaire du château du même nom.
[18] Note des Classiques : Marie Herbet, épouse de Charles Faton de Favernay (1822/1900).
[19] Note des Classiques : Otto van Veen, dit Otto Venius ou Otto Vaenius (1556/1629), peintre maniériste flamand.
[20] Note des Classiques : le nom de Rubens figure, entre 1594 et 1600, parmi les élèves de l’atelier d’Otto Venius, mais cela ne suffit pas à justifier le fait de présenter ce dernier comme le maître du célèbre peintre. Il serait plus juste de dire seulement qu’il a participé à sa formation. Il est notamment possible que cela soit lui qui l’ait présenté à Vincent Ier de Mantoue.
[21] Note des Classiques : Petrus Paulus Rubens, en français Pierre Paul Rubens (1577/1640), célèbre peintre brabançon de l’école baroque flamande.
[22] Note des Classiques : le musée de Lyon conserve, depuis 1845, une toile inachevée, Saint Jean prêchant dans le désert, autrefois donnée à Sébastien Bourdon, considérée comme une œuvre de Pierre Rabon depuis l’exposition Sébastien Bourdon de Montpellier (novembre 2000 / février 2001).
[23] Note des Classiques : Sébastien Bourdon (1616/1671), peintre français.
[24] Note des Classiques : André Félibien (1619/1695), architecte et historiographe français, auteur, entre autres, des Entretiens sur les vies et les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes, publiés en cinq volumes de 1666 à 1688.
[25] Note des Classiques : Guido di Pietro, en religion Fra Giovanni, puis Fra Angelico, ou Beato Angelico (entre 1387 et 1395 / 1455), peintre florentin du Quattrocento.
[26] Note des Classiques : Raffaello Sanzio, francisé en Raphaël (1483/1520), peintre et architecte italien de la Renaissance.
[27] Note des Classiques : Antonio Allegri da Corregio, dit Il Corregio, en français Le Corrège (vers 1489 / 1534), peintre de la Renaissance de l’école de Parme.
[28] Note des Classiques : Andrea d’Agnolo di Francesco di Luca di Paolo del Migliore Vannucchi, ou Andrea del Sarto, appelé André del Sarte en France au dix-neuvième siècle (1486/1530), peintre italien de la Renaissance.
[29] Note des Classiques : Bartolomé Esteban Murillo, dit Murillo (1617/1682), peintre baroque espagnol.
[30] Note des Classiques : Jan Gossaert, dit Mabuse (vers 1478 /1532), peintre, dessinateur et graveur maniériste de l’École d’Anvers.
[31] Note des Classiques : Simon Vouet (1590/1649), peintre français.
[32] Note des Classiques : Balthazar Beschey (1708/1776), peintre d’histoire et portraitiste flamand.
[33] Note des Classiques : Baccio della Porta, en religion Fra Bartolomeo (1472/1517), peintre florentin de la Renaissance.
[34] Note des Classiques : Domenico di Bartolommeo Ubaldini, dit Domenico Puligo (1492/1527), peintre florentin de la Renaissance.
[35] Note des Classiques : cf. note 11.
[36] Note des Classiques : Guido Reni, dit le guide (1575/1642), peintre et graveur italien, chef de file de l’École de Bologne.
[37] Note des Classiques : Joseph Fesch (1763/1839), oncle de Napoléon Bonaparte, Archevêque de Lyon (Primat des Gaules), Cardinal et Grand aumônier de l’Empire. Collectionneur boulimique, il laissa à sa mort plus de 17 000 objets d’art et 16 000 tableaux, dont de nombreuses œuvres d’un très grand intérêt.
[38] Note des Classiques : probablement Simon Horsin-Déon (1812/1882), peintre restaurateur, marchand d’art, expert et collectionneur.
[39] Note des Classiques : l’abbé Corblet se fait ici l’écho des préventions de son temps. Portée aux nues par ses contemporains et pendant tout l’Ancien régime, Guido Reni a été décrié à partir du dix-neuvième siècle, notamment après que le célèbre écrivain et critique d’art anglais, John Ruskin ait qualifié son art de « sentimental » et de « vulgaire », ce qui a été repris à l’envie. Le vingtième siècle l’a progressivement réhabilité avec notamment deux grandes expositions à Bologne en 1954 et en 1988-1989.
[40] Note des Classiques : Henri Delaborde (1811/1899), peintre d’histoire, critique d’art, Conservateur au département des estampes de la Bibliothèque impériale, puis administrateur général de l’institution et, enfin, secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts de 1874 à 1898.
[41] Note des Classiques : Domenico Zampieri, dit Le Dominiquin (1581/1641), peintre baroque italien.
[42] Note des Classiques : les Carracci, francisés en Carrache, sont trois peintres italiens du seizième siècle : Annibale (1560/1609) ; son frère, Agostino (1557/1602) ; et leur cousin, Lodovico, ou Ludovico (1555/1619).
[43] Note des Classiques : Michelangelo Merisi da Caravaggio, francisé en Caravage ou Le Caravage (1571/1610), peintre baroque italien. En prédisant l’oubli de son œuvre, l’abbé Corblet s’est lourdement trompé. Le vingtième siècle a réhabilité Le Caravage et popularisé son œuvre. À la décharge de l’auteur, il faut relever, en sus des préventions du temps, que la vie privée sulfureuse de l’artiste ne pouvait qu’être sévèrement jugée par un membre du clergé catholique de l’époque.
[44] Note des Classiques : Gustave Courbet (1819/1877), peintre français, chef de file du courant réaliste. La comparaison entre Courbet et Le Caravage est curieuse.
[45] Note des Classiques : Andrea Mantegna (vers 1431 / 1506), peintre et graveur italien de la Renaissance.
[46] Note des Classiques : probablement La Crucifixion réalisée pour le maître-autel de la basilique San Zeno de Vérone, aujourd’hui au Louvre, ou une variante de cette œuvre.
[47] Note des Classiques : le Musée des Beaux-Arts de Libourne conserve une œuvre de ce nom qui ne semble pas être celle citée ici car elle en diffère sur plusieurs points (peinture analogue au dessin conservé au Louvre). Une autre version, donnée à l’atelier du maître, se trouve au Musée Unterlinden de Colmar. Une troisième, qui se trouvait au Musée de Brest a été détruite par un bombardement pendant la seconde guerre mondiale, etc. Une toile conforme à la description a été vendue aux enchères comme étant de l’école de Bassano.
[48] Note des Classiques : Jacopo Bassano, ou Jacopo dal Ponte (1510/1592), peintre maniériste de l’école vénitienne.
[49] Note des Classiques : Giulio di Pietro di Filippo de Gianuzzi, dit Giulio Pippi, puis Guilo Romano, francisé en Jules Romain (vers 1492-1499 / 1546), peintre et architecte italien de la Renaissance.
[50] Note des Classiques : Palma il Vecchio, francisé en Palma le Vieux, ou Palma l’Ancien (vers 1480 /1528), peintre vénitien.
[51] Note des Classiques : cf. notes 22 et 23.
[52] Note des Classiques : Louis Nicolas Philippe Auguste, baron puis comte de Forbin (1777/1841), peintre, écrivain, archéologue et administrateur français. Il fur le deuxième directeur du musée du Louvre, le premier étant Vivant Denon.
[53] Note des Classiques : Joseph-Marie Vien (1716/1809), peintre, dessinateur et graveur français, précurseur du néoclassicisme.
[54] Note des Classiques : Antoon van Dyck, francisé en Antoine van Dyck (1599/1641), peintre et graveur baroque flamand.
[55] Note des Classiques : David Teniers II, dit David Teniers le Jeune (1610.1690), peintre flamand.
[56] Note des Classiques : Francisco José de Goya y Lucientes, dit Francisco de Goya, ou Goya (1746/1828), peintre et graveur espagnol.
[57] Note des Classiques : Erasmus Quellinus II, ou Erasme Quellin le Jeune (1607/1678), peintre, graveur et dessinateur flamand.
[58] Note des Classiques : cf. notes 20 et 21.
[59] Note des Classiques : Philippe de Chennevières (1820/1899), historien de l’art, collectionneur, critique d’art, conservateurs des Musées du Louvre et du Luxembourg, Directeur des Beaux-Arts.
[60] Note des Classiques : François Boucher (1703/1770), peintre, dessinateur et graveur français.
[61] Note des Classiques : Nicolas-Germain Léonard (1744/1793), poète français. Son œuvre la plus connue, publiée en 1775, est ses Idylles et Poèmes champêtres.
[62] Note des Classiques : Jean-Pierre Claris de Florian (1755/1794), dramaturge, romancier, poète et fabuliste français.
[63] Note des Classiques : Frans Pourbus (ou Porbus) le Jeune (vers 1569/1570 / 1622), peintre brabançon.
[64] Note des Classiques : cf. note 49.
[65] Note des Classiques : Hans Holbein le Jeune (vers 1497 / 1543), peintre et graveur de la Renaissance.
[66] Note des Classiques : Philippe IV, dit le Grand (1605/1665), roi d’Espagne et des Indes de 1621 à sa mort.
[67] Note des Classiques : le Musée du Prado conserve un portrait officiel en pied du roi à l’âge de 18 ans, Le Portrait de Philippe IV en noir, toile de 1623 refaite vers 1628, dont il existe plusieurs copies d’atelier (des deux versions).
[68] Note des Classiques : Diego Rodriguez de Silva Y Velasquez, dit Diego Vélasquez (1599/1660), peintre baroque espagnol.
[69] Note des Classiques : cf. note 26.
[70] Note des Classiques : Jacint Francesc Honorat Matias Rugau-Ros i Serra, francisé en Hyacinthe Rigaud (1659/1743), portraitiste français d’origine catalane.
[71] Note des Classiques : Philippe d’Orléans (1674/1723), neveu de Louis XIV, dit le Régent du fait qu’il assura la régence pendant la minorité du futur Louis XV.
[72] Note des Classiques : Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon, dit Saint-Simon (1675/1755), courtisan, Pair de France et mémorialiste. Il avait huit mois de moins que le Régent et lui demeura toujours fidèle, malgré leurs différences de vie et de caractère.
[73] Note des Classiques : La citation exacte est : « Ainsi il s'accoutuma à la débauche, plus encore au bruit de la débauche jusqu'à n'avoir pu s'en passer, et qu'il ne s'y divertissait qu'à force de bruit, de tumulte et d'excès. C'est ce qui le jeta à en faire souvent de si étranges et de si scandaleuses, et comme il voulait l'emporter sur tous les débauchés, à mêler dans ses parties les discours les plus impies et à trouver un raffinement précieux à faire les débauches les plus outrées, aux jours les plus saints, comme il lui arriva pendant sa régence plusieurs fois le vendredi saint de choix et les jours les plus respectables. » ; Mémoires de Saint-Simon, tome 12, chapitre 5.
[74] Note des Classiques : Louis XV, dit « le Bien-Aimé » (1710/1774), roi de France et de Navarre.
[75] Note des Classiques : Horace Vernet (1789/1863), peintre français.
[76] Note des Classiques : Mathieu Bransiet, en religion frère Philippe (1792/1874), dixième supérieur général de la congrégation des Frères des écoles chrétiennes
[77] Note des Classiques : Portrait de frère Philippe. Peint en 1844, exposé au Salon de 1845, ce grand tableau (228 x 195 cm), demeura jusqu’en 1847 à la Maison mère du Saint-enfant Jésus à Paris, d’où il passa à la Maison mère Saint Joseph dans la même ville. On le retrouve en 1905 en Belgique à Lembecq-les-Hal, puis, à partir de 1935, à la Maison générale de Rome, ou il se trouve encore aujourd’hui.
[78] Note des Classiques : Philippe Hecquet (1661/1737), célèbre médecin.
[79] Note des Classiques : Adolphe Albert Clément Charles Hecquet de Roquemont (1813/1893), juge au tribunal civil, membre de la Société des Antiquaires de Normandie.
[80] Note des Classiques : Charles Rollin (1661/1741), historien et professeur, auteur de plusieurs Histoires et d’un Traité des Etudes en 4 volumes (1726-1728), dont le titre complet est : De la manière d’enseigner et d’étudier les Belles-Lettres par rapport à l’esprit et au cœur.
[81] Note des Classiques : ce Portrait de Turenne, autrefois attribué à Philippe de Champaigne, est aujourd’hui considéré comme une œuvre de l’école flamande du dix-septième siècle non attribuée. Il est conservé au Musée des Beaux-Arts de Chartres.
[82] Note des Classiques : cf. note 7.
[83] Note des Classiques : Antoine-Jean Gros, dit le baron Gros (1771/1835), peintre français.
[84] Note des Classiques : Jean-Baptiste Greuze (1725/1805), peintre et dessinateur français.
[85] Note des Classiques : Maurice-Quentin de La Tour, dit Quentin de La Tour (1704/1788), portraitiste français.
[86] Note des Classiques : Jean-Baptiste Alexandre Martin Borély, dit Borély père (1816/1895), peintre français.
[87] Note des Classiques : Nicolas de Largillierre (1656/1746), portraitiste français.
[88] Note des Classiques : Antoine Joseph Dezallier d’Argenville, dit d’Argenville (1680/1765), naturaliste, historien de l’art et collectionneur français, contributeur important de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Sa collection, vendue à sa mort en 1766, contenait des œuvres d’art et des curiosités géologiques.
[89] Note des Classiques : de nos jours, les échafaudages.
[90] Note des Classiques : Portrait de Charles Le Brun, huile sur toile, 232 x 187 cm, entre 1683 et 1686, Musée du Louvre. Il s’agit du morceau de réception de l’artiste à l’Académie royale de peinture, c’est-à-dire de l’œuvre qui lui a permis d’entrer à l’Académie au jugement des membres de celle-ci.
[91] Note des Classiques : Charles Blanc (1813/1882), historien, critique d’art et graveur français.
[92] Note des Classiques : cf. note 70.
[93] Note des Classiques : cf. note 55.
[94] Note des Classiques : Jean Siméon Chardin (1699/1779), peintre français.
[95] Note des Classiques : Bartolomeus van der Helst (1613/1670), peintre néerlandais.
[96] Note des Classiques : cf. note 70 et 92.
[97] Note des Classiques : cf. note 54.
[98] Note des Classiques : l’auteur parle probablement ici du Portrait de Voltaire en 1718, soit à l’âge de 24 ans. Il en existe deux versions conservées au Musée Carnavalet et au Musée du château de Versailles. La première serait l’original et la seconde, qui est de meilleure qualité, une copie autographe réalisée par l’artiste à la demande de Voltaire, vers 1740.
[99] Note des Classiques : Charles de Dompierre d’Hornoy (1816/1901), amiral et homme politique français ; ou son frère, Alexandre de Dompierre d’Hornoy (1812/1873), homme politique français. Leur père, Charles François Victor de Dompierre d’Hornoy (1776/1845), propriétaire terrien et homme politique français, était le petit-neveu de Voltaire.
[100] Note des Classiques : Joseph de Maistre (1753/1821), magistrat, homme politique, philosophe et écrivain. Franc-maçon et catholique orthodoxe, formé à l’école des Jésuites, il s’illustra en tant que théoricien de la pensée contre-révolutionnaire et contempteur des Lumières. Il n’est pas surprenant que cet homme, qui qualifiait Voltaire de « fleuve de fange qui roulait des diamants », ait cru découvrir dans les traits mêmes de celui-ci la marque de son impiété, voire un rictus quasi démoniaque, ni que l’abbé Corblet ait été troublé par ce jugement au vitriol.
[101] Note des Classiques : François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694/1778), écrivain, philosophe, dramaturge, poète et encyclopédiste français.
[102] Note des Classiques : l’auteur parle sans doute ici du Voltaire assis de Houdon (terre cuite, 120 x 62 x 95 cm, entre 1780 et 1790), conservé au Musée Fabre de Montpellier.
[103] Note des Classiques : Jean-Antoine Houdon (1741/1828), sculpteur français.
[104] Note des Classiques : violente satire qui fut répandue dans Paris peu après la mort de Louis XIV. Elle fut à tort attribuée à Voltaire, ce qui lui valut d’être emprisonné pendant onze mois à la Bastille. Le véritable auteur était un écrivain peu connu, Antoine-Louis Lebrun (1680/1743).
[105] Note des Classiques : première pièce de théâtre de Voltaire, achevée en 1713, mais qui ne fut jouée que cinq années plus tard, après l’emprisonnement de l’auteur. La première représentation de cette pièce écrite en alexandrins eut lieu le 18 novembre 1718 à la Comédie française. Elle eut 45 représentations et est demeurée au répertoire de la Comédie française jusqu’en 1852.
[106] Note des Classiques : épopée en dix chants, écrite entre 1713 et 1718, en l’honneur du roi Henri IV, d’où le titre. Le deuxième chant de cette ode à la tolérance aurait été écrit à La Bastille en 1717 pendant la captivité de l’auteur.
[107] Note des Classiques : Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine, dit Lamartine (1790/1869), poète, romancier, dramaturge et historien français.
[108] Note des Classiques : George Gordon Byron, dit Lord Byron (1788/1824), poète britannique.
[109] Note des Classiques : Le texte exact de ce vers est :
Dédaigne un faux encens qu’on offre de si bas,
[110] Note des Classiques : sept derniers vers du long poème L’homme, tiré des Méditations poétiques de Lamartine.
[111] Note des Classiques : Adriaen Frans Boudewyns, dit le Vieux, francisé en Adrien François Baudouin (1644/1719), peintre et graveur flamand, essentiellement connu pour ses paysages.
[112] Note des Classiques : Jan Josephsz van Goyen (1596/1656), peintre et dessinateur de paysages néerlandais.
[113] Note des Classiques : Louis Nicolas Chainbaux, peintre romantique français, élève d’Achille Michallon, essentiellement connu pour ses paysages romantiques avec ruines médiévales.
[114] Note des Classiques : Paul Huet (1803/1869), peintre et graveur français, connu pour ses paysages romantiques.
[115] Note des Classiques : Frederik de Moucheron (1633/1686), peintre de paysages néerlandais.
[116] Note des Classiques : cf. note 86.
[117] Note des Classiques : Abraham van Calraet, ou Kalraat (1642/1722), peintre et sculpteur sur bois néerlandais.
[118] Note des Classiques : Cornelis Saftleven (vers 1607 / 1681), peintre et dessinateur de paysages néerlandais ; ou Herman Saftleven
[119] Note des Classiques : Marco Gozzi (vers 1759 / 1839), peintre italien de paysages.
[120] Note des Classiques : Meindert Hobbema (1638/1709), célèbre peintre de paysages néerlandais, élève et ami de Jacob van Ruisdael.
[121] Note des Classiques : Il s’agit de la toile représentant Les moulins à eau de Deventer (huile, entre 1664 et 1668, 77 x 111 cm), actuellement conservée au Musée du Petit Palais à Paris. Acheté à Paris en 1762 pour 1 800 livres par Emmanuel van den Meersche comme une œuvre de Jacob van Ruisdael, le tableau fut revendu aux enchères en 1791 pour 320 livres après sa réattribution à Hobbema. L’acquéreur, Joseph van Saceghem, le conserva jusqu’en 1851, date à laquelle il fut acquis pour 85 000 francs par Théodore Patureau. Il fut revendu six ans plus tard à Gustave Schulze pour 96 500 francs, puis, à une date non connue, au duc de Morny pour 105 000. Il constituait le n°52 de la vente Morny du 1 juin 1865, dont parle ici l’auteur. Il y fut acquis pour 81 000 francs par les frères Dutuit, collectionneurs rouennais. En 1902, Auguste Dutuit le légua à la ville de Paris.
[122] Note des Classiques : Charles Auguste Louis Joseph Demorny, dit le comte de Morny, créé duc de Morny en 1852 par décret impérial (1811/1865). Fil naturel de la reine Hortense et de son amant, Charles de Flahaut, demi-frère du futur Napoléon III, il est la cheville ouvrière du coup d’Etat du 2 décembre 1851, mais aussi l’un des plus grands affairistes du temps et un célèbre collectionneur spéculant sur les œuvres d’art comme sur l’immobilier. Les « ventes Morny » constituent l’une des références du marché de l’art français de la seconde moitié du dix-neuvième siècle en matière de prix, mais aussi de qualité des œuvres soumises au feu des enchères.
[123] Note des Classiques : plus exactement : « O rus ! quando ego te aspiciam, », soit « Oh Campagne ! quand te reverrai-je, », citation d’Horace, livre II, sat. VI, v. 60.
[124] Note des Classiques : plus exactement : « Flumina amen, sylvas que inglorius », soit « J’aime les rivières et les forêts sans gloire », citation tirée des Georgiques de Virgile (2. 458-542).
[125] Note des Classiques : plus exactement : « O fortunatos nimium, sua si bona norint, agricolas», soit « Trop heureux les hommes de la campagne, s’ils connaissent leurs biens », citation tirée du même passage que la précédente des Georgiques de Virgile (2. 458).
[126] Note des Classiques : Jan Brueghel l’Ancien (ou l’Ainé ou le Vieux), dit Brueghel de Velours (1568/1625) peintre baroque flamand.
[127] Note des Classiques : Pierre Thuillier (1799/1858), paysagiste français de l’École de Barbizon.
[128] Note des Classiques : Claude Gellée, ou Gelée, dit le Lorrain (vers 1600 / 1682), peintre, dessinateur et graveur lorrain.
[129] Note des Classiques : David Teniers, dit l’Ancien ou le Vieux (1582/1649), peintre flamand, père de David Teniers le Jeune.
[130] Note des Classiques : Quentin Metsys, ou Matsys, ou Massys (1466/1530), peintre flamand.
[131] Note des Classiques : en réalité, Richard Earlom (1743/1822), graveur britannique, spécialiste de la manière noire.
[132] Note des Classiques : Paul Mantz (1821/1895), historien de l’art français.
[133] Note des Classiques : Théophile Thoré, dit William Bürger, puis Théophile Thoré-Bürger (1807/1869), militant républicain, journaliste et critique d’art français. Ardent soutien du romantisme, puis du réalisme, il est également à l’origine de la redécouverte de Vermeer.
[134] Note des Classiques : Jean-Baptiste Descamps (1714/1791), peintre et historien de l’art français, auteur d’une dictionnaire biographique de peinture, La Vie des Peintres Flamands, Allemands et Hollandais, avec des portraits gravés en taille-douce, une indication de leurs principaux ouvrages et des réflexions sur leurs différentes manières (4 volumes, 1753-1763), qui a fait longtemps autorité.
[135] Note des Classiques : probablement Max Arthur Waagen (1836/1898), sculpteur allemand.
[136] Note des Classiques : en réalité, Joseph Bonnier de la Mosson (1702/1744), colonel, puis trésorier général des Etats de Languedoc, bibliophile, propriétaire d’un célèbre cabinet de curiosités et de nombreuses œuvres d’art, vendues à sa mort.
[137] Note des Classiques : Pierre Wouwerman (1623/1682), paysagiste néerlandais.
[138] Note des Classiques : probablement le Portrait d’homme avec flûte, dit autrefois Portrait d’Alexandre Jean-Joseph Le Riche de La Pouplinière. Un temps donné à Andrea Soldi, puis à Carle van Loo, ce beau portrait est aujourd’hui simplement présenté comme une œuvre de l’École française des alentours de 1740 (compte tenu du costume et de la flûte traversière). L’identification du modèle avec le fermier général connu pour les concerts qu’il organisa dans ses différents domiciles à partir de 1739 est discutée en raison de l’absence d’éléments de comparaison visuels. Elle a pour elle le fait que le tableau ait été conservé dans la famille de la Pouplinière jusqu’au début du dix-neuvième siècle et la fait que la femme que l’on voit dans le portrait en médaillon accroché au mur dans l’œuvre présente des ressemblances avec un portrait de la première épouse du mécène conservé au Musée Antoine Lécuyer à Saint-Quentin. Huile sur toile, 129 x 97,5 cm, Musée de la musique, Paris.
[139] Note des Classiques : Carlo Andrea Vanloo, dit Carle van Loo, francisé en Charles André van Loo (1705/1765), peintre français.
[140] Note des Classiques : en réalité Quiringh Gerritz van Brekelenkam (après 1622 / après 1669), peintre néerlandais de genre et de portraits.
[141] Note des Classiques : Louis Léopold Robert (1794/1835), peintre et graveur de l’École française (bien que né à Neuchâtel). Il peignit en Italie des brigands, ainsi que leurs familles, qu’il eut la chance de pouvoir observer en prison.
[142] Note des Classiques : Siebe Johannes Ten Cate (1858/1908), peintre néerlandais, rattaché à l’École de Paris comme s’étant installé dans cette ville dès l’âge de vingt-deux ans et y ayant réalisé l’essentiel de sa carrière.
[143] Note des Classiques : probablement Joseph de Pierre (1808/1885), qui restaura le château d’Aulteribe, dans la commune de Sermentizon dans le Puy-de-Dôme, dans le goût romantique. Donné à l’Etat à sa mort par le dernier marquis de Pierre de la lignée, le château est ouvert au public depuis 1965. Il est classé au titre des monuments historiques, ainsi que l’intégralité de la collection de meubles et objets d’art qu’il abrite.
[144] Note des Classiques : possiblement Jan van Kessel (1626/1679), peintre flamand ; ou, plus probablement, son fils, Jan van Kessel, dit le Jeune (1654/1708), portraitiste flamand.
[145] Note des Classiques : littéralement Vanité des vanités, début d’une citation latine tirée de L’Ecclésiaste, Vanitas vanitatum et omnia vanitas, qu’il serait sans doute plus juste de traduire, non littéralement, par Vanité entre toutes les vanités, ou la plus grande des vanités.
[146] Note des Classiques : André Marie Jean Jacques Dupin, dit Dupin aîné (1783/1865), Procureur général près la Cour de cassation et homme politique français. Il fut brocardé par plusieurs écrivains pour ses multiples revirements politiques.
[147] Note des Classiques : Pierre Patel (1604/1676), paysagiste français.
[148] Note des Classiques : cf. note 128.
[149] Note des Classiques : cf. notes 124 et 125.
[150] Note des Classiques : cf. notes 124 et 125.
[151] Note des Classiques : Jean-Baptiste Deperthes (1761/1833), peintre français, auteur de théâtre et théoricien du paysage.
[152] Note des Classiques : Théorie du paysage ou Considérations générales sur les beautés de la nature que l’art peut imiter et sur les moyens qu’il doit employer pour réussir cette imitation, Jean-Baptiste Deperthes, Le Normant, Paris, 1818.
[153] Note des Classiques : Charles Marie Bouton (1781/1853), peintre français.
[154] Note des Classiques : probablement, La salle des sculptures du XIVe au musée des Monuments français, Charles Marie Bouton, huile sur toile, 60 x 73 cm, vers 1817, Musée Carnavalet, Paris, don André Lenoir de 1921.
[155] Note des Classiques : il existe plusieurs artistes du dix-neuvième de ce nom, aujourd’hui peu connus, dont Henri Emile Lefort, graveur et aquafortiste français (1852/1937).
[156] Note des Classiques : cf. note 4.
[157] Note des Classiques : Giovanni Benedetto Castiglione, dit le Bénédette en France (1609/1664), peintre et graveur baroque de l’école génoise.
[158] Note des Classiques : Pierre-Jean Mariette (1694/1774), graveur, libraire, historien de l’art, collectionneur et marchand d’estampes.
[159] Note des Classiques : Abecedario de P.-J. Mariette, et autres notes inédites de cet amateur sur les arts et les artistes, ouvrage publié par MM. Ph. De Chennevières et A. de Montaiglon, 6 volumes, 1851-1860.
[160] Note des Classiques : grande famille de l’aristocratie génoise qui a donnée sept doges à la ville et qui compte plusieurs cardinaux parmi ses membres.
[161] Note des Classiques : Jan Weenix (1640 ou 1641 / 1719), peintre et dessinateur néerlandais, tout particulièrement admiré pour ses natures mortes.
[162] Note des Classiques : Alexandre-François Desportes (1661/1743), peintre animalier français.
[163] Note des Classiques : cf. note 94.
[164] Note des Classiques : Nicolas Boileau sieur Despréaux, ou Nicolas Boileau Despréaux, dit Boileau (1636/1711), homme de lettres français.
[165] Note des Classiques : citation tirée du chant III de L’Art poétique :
- « Il n’est point de serpent ni de monstre odieux,
- Qui par l’art imité ne puisse plaire aux yeux,
- D’un pinceau délicat l’artifice agréable
- Du plus affreux objet fait un objet aimable »
[166] Note des Classiques : Willem Kalf (1619/1693), peintre néerlandais de natures mortes.
[167] Note des Classiques : Jean-Baptiste Monnoyer, dit Baptiste (1636/1699), peintre français de natures mortes.
[168] Note des Classiques : cf. notes 128 et 148.
[169] Note des Classiques : Jules Corblet (1819/1886), abbé et écrivain régionaliste prolixe (118 références au catalogue de la Bibliothèque Nationale de France), auteur d’un Glossaire étymologique et comparatif du patois Picard ancien et moderne, précédé de recherches philologiques et littéraires sur ce dialecte (1851), d’un Manuel élémentaire d’archéologie nationale (1851), d’un Vocabulaire des symboles et des attributs employés dans l’iconographie chrétienne (1877), d’une Vie des Saints du Diocèse d’Amiens (1883), d’une Histoire dogmatique, liturgique et archéologique du sacrement de baptême (1881-1882), d’une Histoire dogmatique, liturgique et archéologique du sacrement de l’eucharistie (1885-1886), et de nombreux articles sur la Picardie, l’archéologie et la religion.
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