Le malheur de la France.
Récits et témoignages
Présentation
Élie-Joseph Bois (1878-1941)
Du journalisme « intégré » à « la France Libre »
© Les Classiques des Sciences sociales
Collection « Civilisations et Politique »
Par Michel Bergès
Professeur de Science politique
Université de Bordeaux
Mars 2023
À un moment où le pays d’un peuple souvent trompé vacille sur son axe et, une fois semblant coutume, perd ses repères, cathartique apparaît en miroir l’œuvre d’Élie-Joseph Bois : Le Malheur de la France. Récits et témoignages (1941).
Pourquoi ?
Raison impérative de forme en premier lieu : presque un siècle après sont à préserver des récits déposés sur des supports ingrats (limites des tirages, encres sans « solidité », papiers fragiles à la pulpe de bois, couvertures brochées de pacotille, non-réédition …).
En dehors de la circulation d’une première version anglaise fin 1940, le présent livre est devenu quasi introuvable dans sa traduction augmentée publiée à Londres par l’auteur avant son décès le 28 avril 1941. Pour sa sauvegarde, il pouvait donc rejoindre des récits déjà proposés par les Classiques des Sciences sociales, tels ceux d’André Géraud (Les Fossoyeurs) et d’Henry Torrès (La France trahie. Pierre Laval) [1], tous trois en relations d’amitiés, de combats et de « correspondances » sur cette « guerre de Trente Ans » qui, de 1914 à 1944, en prolongea de bien plus anciennes jusqu’à celles dites « de religions » des XVIe-XVIIIe siècles au moins. D’autant que personne ne l’a vraiment cité, jusqu’ici.
Cela nous mène à des raisons de fond.
Quant à « l’écriture de l’histoire », importants en effet sont les témoignages qui ont soulevé le couvercle de la « boîte noire » à double fond de la politique, permettant une meilleure connaissance des processus de décision, des enjeux interactifs qui, par leurs effets, pèsent sur les destinées, pas seulement en intentions discursives de légitimation ou de propagande.
Façon d’entrer en garde encore contre toutes interférences ultérieures aux faits étudiés, dont les risques d’anachronismes picrocholins, d’origine académique, éditoriale ou militante (au sens large). De ceux qui mélangent à plaisir les vérités du présent et celles du passé pour « se donner raison », microcosme de récitants fiers de spéculer (à tous les sens du terme) avec les temps révolus, mais qui n’ont rien de bénédictins ou de laborantins en blouse blanche.
De plus, nous ne disposons que de très peu d’éléments biographiques sur l’auteur, nonobstant ses responsabilités professionnelles et la clarté de ses intentions affichées dès sa préface :
- « Qu’on me fasse la faveur de ne pas croire que j’ai voulu écrire l’histoire de la guerre, ni même d’une partie de la guerre, pas même de la seule capitulation. L’histoire impartiale de la guerre jusqu’au moment où la France a cessé d’y participer exigera, avec le recul du temps, la confrontation des dépêches diplomatiques, des pièces militaires et des témoignages ; elle ne pourra être faite que par des hommes détachés des passions partisanes et animés d’un véritable esprit d’équité. […]
- La vérité, je ne l’apporte pas. Je ne la possède pas. Quelqu’un la possédera-t-il avant longtemps ? J’apporte des vérités, c’est-à-dire la contribution d’un témoignage direct sur beaucoup de points essentiels et d’un témoignage indirect, mais alimenté à des sources pures et sûres, sur un certain nombre d’hommes et de faits. En tout temps, depuis plus d’un tiers de siècle, j’ai été mêlé à la vie politique de mon pays, j’ai été honoré de la confiance de quelques hommes d’État et de personnalités importantes de la vie politique et administrative française, sans que je fusse obligé de partager toutes leurs vues ; ils parlaient devant moi sans détour et quelques secrets quelquefois s’échappaient de leurs lèvres parce qu’ils savaient que je n’avais pas de peine à distinguer, à travers leurs confidences, ce dont je pouvais faire un usage utile au pays, et ce qu’il fallait garder scellé dans ma mémoire. […]
- J’ai eu, j’ai, je l’avoue, et mieux encore le revendique, la volonté de fournir tous les renseignements parvenus jusqu’à moi et pouvant fixer la responsabilité des auteurs de la capitulation de Bordeaux. Une défaite peut n’être qu’un accident, une débâcle peut n’être qu’un malheur ; la capitulation de Bordeaux, le reniement de la signature de la France, l’affaissement devant le vainqueur, l’abandon de l’Empire, ne sont ni des accidents ni des malheurs, ils sont du déshonneur, un déshonneur qui m’oppresse et qui ne cessera de m’opprimer l’esprit et le cœur, comme ceux de tant de Français, que lorsque la France aura effacé cette tache de son drapeau. »
Journaliste d’abord, mais aussi « historien de l’immédiat », Élie-Joseph Bois prend l’avantage sur ceux qui, inversement autoproclamés « historiens du temps présent », s’essoufflent en courant derrière les médias et les « militants de la mémoire », affectant avec ces derniers une « hantise du passé » plus ou moins théâtrale [2]…
Loin de tout panégyrique, dithyrambe ou apologétique, admettons que son témoignage repose sur des documents irréfutables (notes, journal personnel, articles) amenés en catastrophe le 17 juin 1940 depuis Bordeaux (cité-édredon et trou noir de la politique française déjà en 1871 et 1914 [3]), lorsque « E-J. B. » quitta sa Patrie défigurée par les événements, sans savoir qu’il ne devait jamais plus la revoir.
Autant de bouteilles jetées dans l’océan du « temps perdu », proustien et shakespearien à la fois [4] ?
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L’ensemble traite en effet avec réalisme, nostalgie voire amertume aussi, les actes de décideurs fréquentés, amicalement parfois, tels Aristide Briand, Paul Painlevé, « les deux Édouard » Herriot (qui dédiera à Bois La Russie nouvelle en 1922) puis Daladier , Georges Bonnet (son côté pile, seulement, avant qu’un « Second Bonnet » versatile, n’embarbouille les choses en basculant du côté d’Hitler…), André Tardieu, Pierre-Étienne Flandin, Léon Blum (qui, admiratif, lira son ouvrage … en prison) : des chefs de gouvernement qui l’estimèrent.
De telles relations introduisirent en ses valeurs et au cœur du pouvoir impliqué à droite, au centre et à gauche, cet observateur, lui-même acteur à sa façon. Mais lors d’une cérémonie de reconnaissance publique le 4 mars 1935, probe et sincère, il avoua sa priorité pour la banalité du bien, qui le montre attachant :
- « Cet honneur ne peut que m’inciter à persévérer dans une religion qui, au-dessus des opinions, des partis, des remous de la politique, ne m’a jamais gêné dans mon devoir professionnel. On m’a parfois demandé comment je pouvais concilier celle-là et celui-ci. La question m’a déconcerté, car je n’y ai jamais éprouvé d’embarras. On prétend et Goethe l’a exprimé dans une formule amère “que les hommes nous font très souvent expier durement le plaisir que nous leur avons procuré”. Si la chose m’advint, je ne m’en souviens plus, et ne voudrais à aucun prix m’en ressouvenir.
- Nietzsche, dans une de ses lettres qui ont été publiées il y a quelques années, et où il témoigne de plus d’humanité que dans ses œuvres, a écrit un soir de nostalgie : “Quand il me manque la possibilité de faire plaisir à ceux que j’aime, je me sens plus pauvre et plus privé que jamais.” Je pourrais reprendre à mon compte cette maxime si je n’avais à lui reprocher même d’entrevoir que cette possibilité puisse manquer. On peut toujours, de quelque manière.
- En amitié, presque autant qu’en amour, c’est un tort que d’avoir peur de donner trop, de subordonner le don à l’absolue réciprocité. C’est d’ailleurs en n’escomptant pas celle-ci que l’on a le plus de chance d’en éprouver le bienfait. »
Agir ainsi envers toutes et tous, sans effacer l’attrait pour la culture qui permet d’errer dans les couloirs du temps. Ni non plus les encouragements, les éclairages, un soutien sans faille à une pléiade d’écrivains, voyageurs ou sédentaires, sachant voir vraies et justes les choses de la vie. Ce qui complète bien sa personnalité humaniste, son attirance pour les dépassements vers les forces de l’esprit et l’ensemble des arts il fut le beau-frère de Maurice de Vlaminck et aida de nombreux ami(e)s peintres. Ce, non sans charmes auprès de « dames-panthères » aux fines silhouettes et au fort tempérament pirouettant autour de lui certains soirs au dernier étage de son bureau de rédacteur en chef du Petit Parisien, Rue d’Enghien, en pleines « Années folles » puis « Art Déco »…
N’est-il pas devenu aussi le mentor de nombreux « reporters » de l’entre-deux-guerres dont Louise Weiss, Andrée Viollis, Ella Maillard…, qu’il « inventa » en quelque sorte. Favorisant leurs projets, pas simplement de « curiosité » et de rêveries séduisant les lecteurs, mais pour leur permettre, en se rendant sur place, d’informer crûment la Nation de la réalité de dictatures qui commençaient à gronder sur le monde, en Europe proche comme aux confins des sauvages et froides terres russes, des chaudes Afriques et des Orients lointains et miroitants. Et ne fut-il pas aussi, dans cette mission qu’il s’était fixée, le « père » d’Albert Londres de la même ville natale que lui ? Il facilita les débuts de sa carrière, reçut ses confidences, aima sa poésie, suivit divers de ses courageux reportages…, avant de lui rendre un émouvant hommage au nom de tous ses confrères, après la disparition brutale de celui-ci en 1932, dans le mystérieux incendie du Paquebot Georges Philippart des Messageries maritimes, au large d’Aden.
Ses compétences ex cathedra Henry Thorez, précité, le considérait comme « le virtuose le plus éblouissant de la grande presse » [5]…, placèrent Bois sous le giron d’industriels politiciens notables du secteur (André Hébrard, du Temps, les Dupuy, du Petit Parisien), dont il ne partagea pas toujours les orientations, même s’il eut à « suivre » leur train de vie. Loyal et indépendant avant tout, il assuma ses fonctions dans un des plus grands quotidiens du monde, engagé à sa manière en politique non sans influence auprès de « l’opinion » et des ambassades étrangères, au-delà d’une image noircie, jalousé et calomnié qu’il fut par des ennemis politiques ultérieurs, sous Vichy et la botte nazie surtout convergences non hasardeuses. Ne défendit-il pas les stratégies « briandistes » de « construction de la paix », suivies de près à Genève même, en dénonçant très tôt (au moins depuis les élections en Allemagne de novembre 1930) les dangers du nazisme, révélés inlassablement par son armée à lui de « correspondants particuliers », dont certains furent même expulsés par Goebbels et sa clique ?
Dans le secret et le silence d’un « Pc » où il recevait jour et nuit personnalités, dépêches, coups de fil, télégrammes, Bois mena son combat bien informé sur les failles et les automatismes politiques révélant des réseaux défaitistes prêts à « traiter avec l’Allemagne » et à fondre sur le pouvoir. D’où, dans son livre, le dévoilement de « complots » en actes, dont celui d’un Laval évincé de la présidence du Conseil en janvier 1936, tout à son obsession de revanche. Il épingla ce dernier, malin comme un Macaca mulatta des Indes, à la tête, depuis salons et couloirs, de « son escadrille de chasse » (sic). Le traître de théâtre (sic) lui demanda aussi sec un rendez-vous heureusement conté. Pétain, héraut des stratagèmes de l’arriviste pour constituer « un gouvernement de la Paix », n’était-il pas atteint par une vanité sénile le rendant incapable de diriger le pays, lui objecta aussitôt Bois qui venait de rencontrer en tête à tête en août 1939 à Saint-Sébastien le Maréchal d’opérette ? Mais, rétorqua l’assoiffé du pouvoir :
- « Ça n’a pas d’importance. Qu’est-ce qu’on lui demandera ? D’être un dessus de cheminée, une statue sur un socle. Son nom ! son prestige ! pas davantage. » (cf. p. 112.)
Suit un portrait psychologique d’airain, très balzacien, de ce Ganelon ainsi marqué au fer rouge, dont la totalité mérite d’être compulsée en son chapitre XI car il constitue pour l’historiographie un « levier d’Archimède » bien au-delà de cet extrait, clé précieuse laissant deviner ce qui se passera à « Paris » puis à « Vichy » plus tard mais que Bois n’aura pas le loisir d’observer :
- « Dès sa première présidence du Conseil il [Laval] avait manifesté des goûts pour l’Entente avec l’Allemagne. Au lendemain du moratoire Hoover il avait téléphoné à M. Brüning, alors chancelier du Reich, et l’avait invité à venir à Paris ; puis il entreprit un voyage à Berlin avec M. Aristide Briand, qui était ministre des Affaires Étrangères et qui considérait que ce déplacement ne pouvait alors mener à rien. C’était déjà M. de Brinon qui était l’entremetteur. Celui-ci continua à l’être quand le nazisme arriva au pouvoir en Allemagne, que M. Laval fût ou non en charge ministérielle. Il n’était pas alors question de l’Italie. M. Pierre Laval avait fait faire par des personnages officieux un sondage près de M. Mussolini, qui avait fait la sourde oreille. Quand M. Laval redevint ministre des Affaires Étrangères en 1934, il prit en main les fils déjà jetés entre Paris et Rome par M. Barthou, mais ce fut avec l’arrière-pensée, qu’il confiait à des intimes, qu’après le détour italien il pourrait plus facilement amener les Français à une entente avec l’hitlérisme, qu’il considérait déjà comme le rempart contre le bolchevisme. Ses relations avec l’ambassadeur d’Allemagne étaient étroites et M. de Brinon en assurait d’autres. Mais il était obligé de jouer serré, car sa majorité était alors fermement antihitlérienne. Et il y avait André Tardieu… qui aurait bondi. Fait à peu près ignoré : il n’était pas, en décembre 1934, pressé d’aller à Rome, le Quai d’Orsay et lui-même avaient besoin de quelques semaines pour mettre au point avec la chancellerie italienne des questions délicates. C’est M. P. É. Flandin, alors son président du Conseil, qui le bouscula pour qu’il fît diligence. La confidence en fut faite par l’un et par l’autre, ce qui coupe court à tout démenti. Il prit aussi, devant le public, figure uniquement pro-italienne. Mais toujours, même après sa chute, il garda contact avec M. de Ribbentrop par l’entremise de M. de Brinon.
- Qu’il caressât l’idée d’un « gentlemen’s agreement » avec l’Allemagne nazie et qu’il jetât des passerelles entre elle et lui, il ne s’en défendait pas. Rêve d’homme qui, vraisemblablement, n’a jamais étudié l’histoire de l’Allemagne, et prétention d’habile homme à croire que la prestidigitation peut servir à tout. Il est des cas où elle ne sert à rien de rien, et il s’en apercevra assez tôt.
- Quand, au mois d’octobre 1939, nous avons eu, lui et moi, l’entretien dont j’ai rapporté les parties essentielles, puis dans les mois qui suivent, M. Pierre Laval est un homme qui a presque pour unique principe directeur, la volonté de revenir au pouvoir. On le sait, on connaît sa puissance d’intrigue. On le situe donc au fond, à l’intérieur ou en marge, de toutes les conspirations qui se trament. S’il n’est pas dans toutes, il a l’œil sur toutes, prêt à interdire qu’elles réussissent à ses dépens ou sans lui. Il n’assume pas, cependant, la responsabilité de celles qui ont un caractère trop nettement défaitiste, il nie qu’il ait partie liée avec leurs inspirateurs ou leurs boute-en-train. Il tient à se désolidariser de leur physionomie. Il accentue, par opposition, sa volonté de mener la guerre, puisque guerre il y a, avec le maximum de fermeté et de ressources, mais il a beau faire, son action prend figure dans le monde politique français, et plus encore à l’étranger, quand elle est connue, d’une campagne de paix rapide. En vérité il joue sur les deux tableaux, celui du victorieux et celui du pacificateur. Mais personne ne veut être dupe et chacun se persuade qu’il mise beaucoup plus sur une paix, quelle qu’elle soit, pourvu qu’elle soit prochaine, que sur la victoire.
- L’avenir ne se chargera pas de vérifier l’hypothèse. Quand il entrera dans la lice, ce sera pour entériner la défaite et pour la consommer. » (p. 120-122 de l’ouvrage.)
S’ensuivirent de bas calculs d’une « société de secours mutuels entre parlementaires ministrables », des affrontements pour les postes gouvernementaux et même militaires, des valses parlementaires « à une voix de majorité et 300 abstentions » … Ce qui revenait à dissoudre l’État, à plomber la démocratie déjà limitée par la législation de guerre, la propagande adverse, l’abaissement du moral du pays. Après avoir fait face, consterné in fine par « la honte de Bordeaux » entamée à Paris puis à Tours, Bois s’embarqua le 17 juin 1940 sur un destroyer britannique jusqu’au Verdon, puis partit en cargo vers un port anglais.
Engagé alors pour défendre jusqu’au bout sa conception de la liberté et de l’honneur auprès des « Français de Londres », aussitôt repéré (et même caricaturé) avec une poignée de reporters de la même trempe (dont Geneviève Tabouis, André Giraud-Pertinax, Henry Torrès, Émile Buré, Henri de Kérillis, …, partis elle et eux à New York), il rejoignit la charrette à guillotine des « déchus de nationalité ». Sentence symptomatique de Vichy par un décret du 6 septembre 1940, signé par le vice-président du Conseil à éclipse arrivé enfin « au pouvoir » et responsable vengeur des services de l’Information. « Déshonneur » supplémentaire : une ordonnance du 9 décembre 1940 séquestra les biens du journaliste comme ceux de ses camarades et d’autres « fuyards de 40 » dont la famille Rothschild et Pierre Cot, ancien ministre de l’Air. Puis, après son décès, un décret du 31 mai 1941 radia Élie-Joseph Bois (« de plein droit ») de l’ordre de la Légion d’honneur, dont il avait gravi les grades de chevalier (le 6 mars 1920), d’officier (le 14 août 1924) et de grand officier (le 8 janvier 1935) …
Il est vrai que le rédacteur en chef du Petit Parisien pendant vingt-six ans venait de révéler sans fard dans son œuvre inquiète, comment les responsables abracadabrantesques de la période d’entre le 21 août 1939 et le 17 juin 1940, divisés et tétanisés, avaient poussé la France vers la « débâcle ». N’eût-il pas fallu réagir avant la remarque valant aussi pour l’Angleterre des années 20 à 30, surtout au cœur de l’Europe danubienne, mais encore pour d’autres gouvernements de celle-ci qui laissèrent se reconstruire l’impérialisme allemand luthérien contre l’empire austro-hongrois catholique, via le nazisme ? Erreur de politique internationale, révélée sans cesse pourtant à l’opinion presse impartiale oblige , aggravée par les « politicailleries » d’un régime français démagogique qui n’était plus parlementariste mais clientélisme, et surtout, qui n’avait plus de « chefs » « à la Clemenceau ou à la Foch » (cf. le chapitre VI). D’où ce diagnostic gravé sur du marbre, comme tiré de The Tragicall Historie of Hamlet, Prince of Denmarke :
- « Peut-être alors les politiciens auraient-ils été obligés de faire place à des hommes, à condition qu’ils eussent été des hommes… » [Op. cit., p. 265.]
Puissions-nous mieux saisir le processus en chaîne meurtrisseur du pays qui taraude encore la mémoire collective, interpelant notre présent comme le futur. À condition de ne pas tomber dans la doctrine paresseuse de « la fatalité » censée justifier le nouveau « deux-décembrisme » qu’allait subir la Patrie. Ni non plus de porter attention (cf. les p. 41, puis 88 et sq. du livre) au glas sonné dans Gringoire, Le Matin de Paris et le Je suis partout de l’Occupation, où des agents hitlériens dénoncèrent l’ouvrage ci-après devant une opinion sourde à leur refrain pénitentiel de stipendiés. Mais dont certains avouèrent, de l’intérieur de leur nuit, que de tels mémoires apparaissaient « extraordinaires » (dixit Robert Brasillach…).
Il est vrai qu’Élie-Joseph Bois, théâtrurge shakespearien, avait commencé à révéler une conjuration menée par l’enfant dévoyé de la République Laval , complot déjà supputé dans des temps antérieurs. Pour… « le Malheur de la France », effectivement, mais en sens contraire à la dignité et aux vents de l’Histoire *.
Honi soit qui mal y pense ?
Oui et non, selon son camp et sa fortuna…
Mais d’abord :
À tout seigneur, tout honneur !
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[1] Cf. sur le Site Les Classiques des Sciences sociales dirigé par le Pr. Jean Marie Tremblay :
- André Géraud Pertinax : URL.
- Et Me Henry Torrès, La France trahie. Pierre Laval : URL.
[2] De quelle « hantise » s’agit-il donc dans leur discours ? Et de quel « passé » ? Questions à poser après les aveux tardifs de l’un d’entre eux, qui dresse un bilan épistémologique trop agglutiné aux « militants de la mémoire » : cf. Henry Rousso, La Hantise du passé, entretiens avec Philippe Petit, Paris, Textuel, col. « Conversations pour demain », 1998.
[4] Élie-Joseph Bois, qui cite souvent Shakespeare dans son livre, reste le seul journaliste à avoir interviewé Marcel Proust dans Le Temps du 13 novembre 1913. URL.
[5] Cf. Henry Torrès, Ce que je n’ai jamais dit. Chronique du temps retrouvé. De Clemenceau à De Gaulle, Préface de Gaston Monnerville, Del Duca, Paris, 1958, p. 47.
* Cf. les pages 104 et sq… Pour plus de précisions, on pourra lire en complément, Michel Bergès, Élie-Joseph Bois. Du journalisme « intégré » à « la France Libre » (à paraître).
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